Au mois de septembre 2021, huit membres de la Compagnie des guides de Chamonix se sont rendus à l’Assemblée nationale où ils ont présenté à la commission Montagne un livret sur les conséquences du réchauffement climatique sur la vie en montagne. Le fascicule est intitulé Les guides de montagne et le changement climatique, une histoire d’adaptation. Le texte a pour but de documenter les conséquences du réchauffement sur les milieux naturels montagnards et sur les activités humaines. Il a été conçu par le Syndicat national des guides de montagne et des chercheurs du Centre de recherche sur les écosystèmes d’altitude (Crea), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l’université de Grenoble. Les guides expliquent qu’ils ont un rôle de sentinelles et ils veulent rappeler que les glaciers ne sont pas que sportifs et décoratifs mais également des châteaux d’eau qui changent très vite sous l’effet du réchauffement climatique.
À travers une approche historique de la vallée de Chamonix, le livret illustre l’accélération du changement climatique et ses conséquences sur les milieux et les métiers de la montagne. Dans le massif du Mont-Blanc, la Mer de Glace a perdu 200 mètres d’épaisseur depuis le siècle dernier, avec une très nette dégradation ces dix dernières années. Dans les Alpes du Nord, l’augmentation des températures est deux fois plus rapide que dans les plaines. Selon Météo France, en 2050, les stations situées à plus de 1 500 mètres d’altitude connaîtront des journées à plus de 25 °C.
Le réchauffement climatique observé dans les montagnes est en effet plus important que dans les zones de basse altitude. Cela est dû à l’albédo, qui varie selon la couleur des surfaces réfléchissantes. En montagne, les zones blanches couvertes de neige renvoient davantage le rayonnement solaire que les roches qui sont plus sombres. À cause de l’augmentation des températures, le manteau neigeux diminue progressivement, laissant de moins en moins de zones claires réfléchissantes. Le sol à nu absorbe alors davantage la chaleur, réchauffant ainsi le climat ambiant.
Selon Météo France, la quasi-totalité des domaines skiables des Alpes ne seront vraisemblablement plus opérationnels en 2100, même en prenant en compte l’enneigement artificiel. En 2022, on vient d’assister à la fermetures successive au ski d’été des glaciers de Tignes, Val d’Isère et des Deux-Alpes. Dès le début de l’été, les conditions ne sont plus réunies pour aller en montagne pour des courses de neige. En effet, le dégel du permafrost de roche rend la pratique de la montagne plus dangereuse causant des éboulis ou des décrochements de plaques rocheuses. Ainsi, la voie normale de la Tour Ronde (3793 m d’altitude) sur l’arête frontière entre la France et l’Italie devient très tôt dans l’été une zone de rochers instables.
Le livret mentionne également la nécessité pour les guides de changer de paradigme, c’est-à-dire de ne plus viser à tout prix l’ascension de certains sommets. Concrètement, 64% des accompagnateurs mettent déjà en place des actions pour diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre via le covoiturage, la réduction des déplacements et la sensibilisation des clients.
Les guides indiquent par ailleurs que les transformations des écosystèmes montagnards sont « trop rapides pour le vivant. » Afin de s’adapter au réchauffement climatique, les espèces migrent plus haut en altitude pour trouver des conditions climatiques favorables. Elles peuvent également s’acclimater en évoluant génétiquement, mais cette adaptation, lente, n’est pas assez rapide face au réchauffement. C’est par exemple le cas du lagopède alpin (Lagopus muta helveticus), qui monte d’année en année et qui ne pourra le faire indéfiniment. De plus, les paysages changent également et verdissent (voir ma note du 18 juin 2022) ce qui n’est pas sans conséquences sur les activités de montagnes, avec modification des itinéraires et les points de vue historiques.
Source: Reporterre.
La Mer de Glace en 1956 et en 2022. Le glacier est le symbole de la catastrophe climatique en montagne (Photo: C. Grandpey)