Avec le changement climatique, les eaux océaniques au large de l’Alaska se réchauffent, ce qui induit de profonds changements dans les écosystèmes marins. Les scientifiques réunis à Anchorage à la fin du mois de janvier à l’occasion du Symposium des Sciences de la Mer ont fait le point sur les nouvelles recherches effectuées autour de ces changements et de ceux qui pourraient intervenir dans les écosystèmes marins au cours des prochaines années.
Une première conclusion est que le réchauffement de l’Arctique est une mauvaise nouvelle pour la morue arctique. Le poisson est considéré comme une espèce clé de l’écosystème arctique et de son réseau alimentaire, tant pour les animaux que pour les humains. Les dernières études présentées au Symposium montrent à quel point la hausse de la température de l’eau nuit aux œufs et aux larves de la morue arctique et favorise l’arrivée de poissons moins gras en provenance de latitudes inférieures comme la morue du Pacifique et la goberge qui ont tendance à migrer vers le nord. Les scientifiques de la NOAA se sont penchés sur les œufs et les larves, étapes de vie généralement plus sensibles au réchauffement climatique. Ils ont exposé plusieurs lots d’oeufs de chaque espèce à des températures différentes, y compris celles attendues dans des scénarios climatiques futurs. Il semble que la morue arctique ait une faculté d’adaptation unique à l’eau froide, mais qu’elle soit beaucoup plus sensible aux variations de température que les autres espèces. D’autres recherches ont démontré que la morue juvénile de l’Arctique se développe sous la banquise, ce qui suscite des inquiétudes quant à la vulnérabilité de l’habitat à une époque où la glace de mer diminue en été et à l’automne.
Plus au sud, la Mer de Béring est devenue une zone intéressante pour étudier les conséquences du réchauffement de l’eau. La température de surface en Mer de Béring a atteint 14°C l’été dernier et est restée de 3 degrés supérieure à la normale.
Ces conditions plus chaudes qui entraînent une fonte et un recul plus rapides de la glace de mer ont des conséquences inquiétantes pour les oiseaux. Quarante années d’études des populations d’oiseaux dans le sud-est de la Mer de Béring ont mis en évidence que la diversité de la faune avicole est impactée pendant les années où la glace fond de bonne heure. En général, les espèces dont le nombre est faible en année normale sont encore plus rares les années où la fonte de la glace est précoce. Un exemple est l’albatros à queue courte (aussi appelé albatros de Steller), un oiseau gravement menacé qui a failli disparaître et qui voyage jusqu’en Alaska à partir de sites de reproduction au Japon.
Le réchauffement climatique favorise le développement des espèces envahissantes, et la croissance du trafic maritime, favorisée par la fonte de la glace de mer, peut contribuer à l’introduction d’espèces non indigènes. Compte tenu de cette menace, un projet regroupant plusieurs organismes recense et classe actuellement les espèces envahissantes et leurs risques pour l’écosystème de la Mer de Béring. Jusqu’à présent, les chercheurs ont évalué 26 espèces invasives possibles, dont certaines existent déjà dans la Mer de Béring. Le principal danger pour l’écosystème de la Mer de Béring est le crabe vert européen – carcinus maenas – également appelé crabe enragé. En tout, les chercheurs ont recensé quelque 160 espèces potentiellement envahissantes susceptibles de migrer en Mer de Béring.
Les eaux plus chaudes de l’Arctique favorisent la prolifération d’algues dont certaines émettent des toxines qui se sont avérées dangereuses, voire mortelles, pour les mammifères et les oiseaux. Une étude publiée il y a un an a montré que des toxines algales ont été découvertes pour la première fois dans des mammifères marins des eaux arctiques de l’Alaska. Elles sont probablement responsables de la mort de dizaines de baleines dans le Golfe d’Alaska en 2015 et 2016, et elles ont affecté d’autres mammifères marins, y compris les lions de mer, victimes d’attaques cérébrales en Californie.
Source: Alaska Dispatch News.
————————————
With global climate change, ocean waters off Alaska are getting warmer, meaning big changes for marine ecosystems. Scientists gathered in Anchorage by the end of January for the Alaska Marine Science Symposium reviewed new research probing those changes and what may be ongoing shifts in the marine ecosystem.
A first conclusion was that Arctic warming was bad news for Arctic cod. The fish is considered a keystone species and crucial to the Arctic ecosystem and its food web. New research presented at the Symposium shows how higher water temperatures harm Arctic cod eggs and larvae and favour lower-latitude, lower-fat fish like Pacific cod and walleye pollock that have been moving north. NOAA scientists focused on eggs and larvae, life stages that are generally more sensitive to global warming. They exposed multiple batches of eggs from each species to different temperatures, including those expected under future climate scenarios. It appears that Arctic cod have unique cold-water adaptations but are much more temperature sensitive to warming than the other species. Other recent research has shown how juvenile Arctic cod thrive under the sea ice, leading to concerns about the habitat’s vulnerability at a time when summer and fall sea ice is diminishing.
Farther south, the Bering Sea has emerged as a hot spot for warming-water studies. Sea-surface temperatures in the Bering reached 14 degrees Celsius last summer and were generally 3 degrees Celsius warmer than normal.
Warmer conditions that bring earlier sea-ice retreat have some worrying implications for birds. Forty years of bird population surveys in the southeastern Bering Sea found that in years when ice melts out early, bird diversity suffers. In general, species with low numbers in normal years are even scarcer in years when ice melted early. One example is the short-tailed albatross, a critically endangered bird that has begun recovering from the brink of extinction and that travels to Alaska waters from breeding sites in Japan.
Warming conditions are potentially more hospitable to invasives, and vessel traffic can be a way of introducing non-native species. With that threat in mind, a multiagency project is underway to assess and rank invasive species and their risks to the Bering Sea ecosystem. So far, researchers have evaluated 26 possible invasive species, including some that are already in the Bering Sea. The one that ranks as the most dangerous to the Bering Sea system is the European green crab – Carcinus maenas. In all, there are about 160 potential invasives that could move into the Bering Sea.
Warmer northern waters are stimulating more algal blooms, some of them emitting toxins that have proved harmful or even deadly to mammals and birds. A study released a year ago showed how algal toxins have been documented for the first time in marine mammals in Alaska’s Arctic waters. Algal toxins are leading suspects in the deaths of dozens of large whales found floating in the Gulf of Alaska in 2015 and 2016, and they have harmed other marine mammals, including California sea lions seen on beaches in the grip of seizures.
Source: Alaska Dispatch News.
La fonte de la glace de mer perturbe les écosystèmes arctiques.
(Photo: C. Grandpey)