Le dégel inquiétant de la toundra // The worrying thaw of the tundra

Après avoir emprisonné du dioxyde de carbone (CO2) dans son sol gelé pendant des millénaires, la toundra arctique est en train de connaître une transformation spectaculaire, accélérée par de fréquents incendies de végétation qui la transforment en une source d’émissions de CO2. Elle émet désormais plus de carbone qu’elle n’en stocke, ce qui aggravera les effets du réchauffement climatique. C’est la conclusion du rapport 2024 sur l’Arctique de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). Le rapport révèle que la température annuelle de l’air à la surface de l’Arctique en 2024 a été la deuxième plus chaude jamais enregistrée depuis 1900.
Le rapport se base sur la moyenne des observations effectuées et consignées entre 2001 et 2020. Ses auteurs expliquent que le réchauffement climatique exerce un double effet sur l’Arctique. S’il stimule la productivité et la croissance des plantes, ce qui élimine le dioxyde de carbone de l’atmosphère, il entraîne également une augmentation de la température de l’air à la surface qui provoque le dégel du pergélisol. Le dégel du permafrost libère du carbone auparavant piégé dans le sol gelé sous forme de dioxyde de carbone et de méthane – deux puissants gaz à effet de serre – par décomposition microbienne.

Photo: C. Grandpey

En 2024, l’Alaska a enregistré la deuxième plus chaude température du pergélisol jamais enregistrée. Le réchauffement climatique d’origine anthropique intensifie également les feux de de végétation dans les hautes latitudes ; ils ont augmenté en superficie brûlée, en intensité et en émissions de carbone associées. Ces incendies brûlent non seulement la végétation et la matière organique du sol, tout en libérant du carbone dans l’atmosphère, mais ils font disparaître également les couches isolantes du sol, ce qui accélère le dégel du pergélisol à long terme et les émissions de carbone qui y sont associées. Le rapport précise que depuis 2003, les émissions des feux de forêt dans l’Arctique ont atteint en moyenne 207 millions de tonnes de carbone par an. 2023 a été l’année où on a observé les feux de forêt les plus importantes jamais enregistrées.C’est en raison de ceux du Canada qui ont brûlé plus de deux fois plus de végétation que pendant toute autre année. Les incendies ont émis au Canada près de 400 millions de tonnes de carbone, soit plus de deux fois et demie les émissions en provenance de tous les autres secteurs.

Les feux ‘zombies’ viennent s’ajouter aux incendies de végétation traditionnels (Crédit photo: The Siberian Times)

Les températures plus chaudes ont également un impact sur la faune sauvage. Le rapport révèle que le nombre de caribous a diminué de 65 % dans la toundra au cours des deux à trois dernières décennies. La chaleur estivale perturbe leurs déplacements et leurs conditions de vie, tout comme les changements dans les conditions de neige et de glace en hiver.

Rennes dans la toundra (Photo: C. Grandpey)

À côté de cela, les populations de phoques en Alaska restent en bonne santé. Le rapport n’a constaté aucun impact négatif à long terme sur la condition physique, l’âge de maturité, le nombre de grossesses ou la survie des petits parmi les quatre espèces de phoques vivant sur la banquise dans les mers de Béring, des Tchouktches et de Beaufort.
Source : NOAA, AFP.

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After locking carbon dioxide CO2) in its frozen soil for millennia, the Arctic tundra is undergoing a dramatic transformation, driven by frequent wildfires that are turning it into a net source of CO2 emissions. It is now emitting more carbon than it stores, which will worsen global warming impacts,This is the conclusion of the National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA)’s 2024 Arctic Report Card, which reveals that annual surface air temperatures in the Arctic in 2024 were the second-warmest on record since 1900.

The report is based on an average of observations recorded from 2001-2020. Its authors say that climate warming exerts dual effects on the Arctic. While it stimulates plant productivity and growth, which removes carbon dioxide from the atmosphere, it also leads to increased surface air temperatures that cause permafrost to thaw. Thawing permafrost releases carbon previously trapped in frozen soil as carbon dioxide and methane — two potent greenhouse gases — through microbial decomposition.

In 2024, Alaska recorded its second-warmest permafrost temperatures on record. Human-caused global warming is also intensifying high-latitude wildfires, which have increased in burned area, intensity, and associated carbon emissions. Wildfires not only combust vegetation and soil organic matter, releasing carbon into the atmosphere, but they also strip away insulating soil layers, accelerating long-term permafrost thaw and its associated carbon emissions. The report specifies that since 2003, circumpolar wildfire emissions have averaged 207 million tons of carbon annually. 2023, was the largest fire year on record due to Canadian wildfires, which burned more than twice any other year on record in Canada. The fires emitted nearly 400 million tons of carbon, more than two-and-a-half times the emissions from all other sectors in Canada combined.

Warmer temperatures are impacting wildlife too, with the report finding tundra caribou numbers have decreased by 65 percent over the past two to three decades. The summer heat is disrupting their movements and survival, alongside changes to winter snow and ice conditions.

Surprisingly, however, Alaska’s ice seal populations remain healthy. The report found no long-term negative impacts on body condition, age of maturity, pregnancy rates, or pup survival for the four species of ice seals inhabiting the Bering, Chukchi, and Beaufort seas.

Source : NOAA, AFP.

Groenland : les scientifiques font parler les fossiles // What fossils reveal about Greenland

Les scientifiques mettent en garde contre une élévation catastrophique du niveau de la mer si la glace de l’Arctique continue de fondre comme elle le fait aujourd’hui. Tous les scientifiques s’accordent à dire que l’Arctique est la ligne de front du réchauffement climatique et que la fonte pourrait avoir des effets catastrophiques sur le reste du monde.
Une équipe d’une quarantaine de chercheurs internationaux, financée par la National Science Foundation, a récemment analysé des fossiles prélevés au centre de la calotte glaciaire du Groenland. Les résultats de leur étude ont été publiés début août 2024 dans les Actes de l’Académie Nationale des Sciences. Les fossiles contiennent de la matière organique, signe d’une période sans glace pendant le Pléistocène, il y a environ 400 000 ans. Les échantillons de sol présentent des fragments de saule et de bois, ainsi que des restes d’insectes, des mégaspores de mousses, des champignons et des graines de pavot. Cela signifie que la glace avait complètement disparu à cette époque lointaine. Il est facile d’en déduire que si l’Arctique est capable de devenir libre de glace sans intervention humaine, il peut certainement le faire également avec le réchauffement actuel d’origine anthropique.
Les échantillons fossiles analysés dans l’étude proviennent de forages effectués en 1993 ; ils ont été extraits à environ 3 000 mètres sous la calotte glaciaire du nord-ouest du Groenland, à environ 160 kilomètres de la bordure de cette dernière.
Les plantes fossilisées montrent que la température à Summit (station de recherche à 3216 m d’altitude, au coeur de la calotte glaciaire du Groenland) était probablement comprise entre 2,7 et 6,6 degrés Celsius lorsque la glace a disparu. La glace a ensuite été remplacée par un écosystème de toundra il y a environ 400 000 ans. Le niveau de dioxyde de carbone à cette époque est estimé à environ 280 parties par million, contre environ 420 ppm aujourd’hui, des concentrations qui expliquent le réchauffement actuel de notre planète.
Les données fournies par le satellite Grace de la NASA montrent une réduction drastique de la masse de la calotte glaciaire du Groenland au cours des deux dernières décennies. Non seulement la calotte glaciaire est plus instable qu’on ne le pensait, mais elle fond aussi plus vite que prévu par les scientifiques. La combinaison de ces deux facteurs pourrait accélérer encore davantage sa disparition.
Un article publié en 2019 dans la revue Nature a révélé que la fonte de la calotte glaciaire du Groenland pourrait exposer 400 millions de personnes à un risque d’inondation. La fonte potentielle du Groenland aura des répercussions dans le monde entier. Des villes côtières comme Mumbai, Le Cap, New York, Boston et Miami sont menacées et pourraient être englouties.
Une étude réalisée en 2020 a indiqué que les trois plus grands glaciers du Groenland – Jakobshavn Isbræ, Kangerlussuaq et Helheim – perdront plus de glace que prévu si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent. Ces glaciers représentent environ 12 % de l’ensemble de la calotte glaciaire et contiennent suffisamment de glace pour élever le niveau de la mer d’environ 1,30 mètre.
Source : ABC News via Yahoo News.

Vue aérienne de la calotte glaciaire du Groenland (Photo: C. Grandpey)

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Scientists are warning of a catastrophic sea level rise if the ice in the Arctic keeps melting like it does today. All scientists agree to say that the Arctic is the front line for global warming and the melting could have catastrophic effects on the rest of the world.

A team of about 40 international researchers funded by the U.S. National Science Foundation recently analyzed fossils taken from the center of the Greenland ice sheet. The results of their study were published in early August 2024 in the Proceedings of the National Academy of Sciences The fossils were found to have organic matter, indicating an ice-free period during the Pleistocene Epoch, about 400,000 years ago. The soil samples contained fragments of willow and wood, as well as insect parts, spike moss megaspores, fungi and poppy seeds. This means the ice had completely disappeared by that time. It is easy to conclude that if the Arctic can become ice-free without human interference, it certainly can do so again in the presence of anthropogenic warming.

The fossil samples analysed in the study were derived from a drilling expedition in 1993 ; they were extracted from about 3,000 meters beneath the ice shelf in Northwest Greenland, about 160 kilometers from the ice margin.

The fossilized plants suggest temperatures at Summit, Greenland, were likely between about 2.7 and 6.6 degrees Celsius when the ice disappeared. The ice was then replaced by a tundra ecosystem about 400,000 years ago. Carbon dioxide levels at that time are estimated to have been about 280 parts per million, compared to about 420 ppm today. The vast increase in carbon dioxide levels offers an explanation for current heat trends.

Data from NASA’s Grace satellite shows a drastic reduction in the mass of the Greenland ice sheet over the last two decades. Not only is the ice sheet more unstable than previously thought ; it is also melting faster than scientists predicted, a combination of factors that could quickly accelerate the disappearance of the ice sheet.

A 2019 paper published in Nature found that the melting of the Greenland ice sheet could expose 400 million people to flooding risk. The potential melting in Greenland will have impacts all over the world. Coastal cities like Mumbai, Cape Town, New York, Boston and Miami are at risk and could disappear.

A 2020 study warned that Greenland’s three largest glaciers – Jakobshavn Isbræ, Kangerlussuaq and Helheimcould – could lose more ice than previously predicted if emissions continue. These glaciers make up about 12% of the entire ice sheet and hold enough ice to raise sea levels by about 1.30 meters.

Source : ABC News via Yahoo News.

Arctique : incendies et dégel du permafrost // Arctic : wildfires and permafrost thawing

J’ai écrit plusieurs articles sur le dégel du pergélisol dans l’Arctique et ses impacts sur l’environnement, en particulier en Sibérie où des pingos et des cratères sont apparus sur la Péninsule de Yamal

Le réchauffement climatique reste la principale cause du dégel du pergélisol dans la partie arctique de l’Alaska, mais une nouvelle étude prenant en compte 70 ans de données révèle que les incendies dans la toundra accélèrent ce dégel et participent à l’apparition de « thermokarst », autrement dit des affaissements brutaux de terrain provoqués par le dégel du permafrost. L’étude, intitulée « Accélération des thermokarsts dans la toundra arctique à cause du changement climatique et des incendies de végétation », est la première à prendre en compte sur plusieurs décennies le rôle du feu dans le dégel global du pergélisol.
On sait que le pergélisol arctique représente une énorme accumulation de matières végétales et animales congelées; c’est une immense réserve de carbone qui, si elle dégelait et se dégradait, pourrait plus que doubler la quantité de carbone dans l’atmosphère. Ce processus est imprévisible, est mal connu. L’objectif de cette nouvelle étude est de faire progresser notre compréhension de l’écosystème du pergélisol.
L’équipe de chercheurs a analysé 70 années d’imagerie aérienne et satellitaire pour calculer la vitesse de formation des thermokarsts dans différentes régions du nord de l’Alaska. Les scientifiques ont également utilisé des modèles d’apprentissage automatique pour déterminer les contributions relatives du changement climatique, des incendies et de la morphologie du paysage au déclin du pergélisol.

Ils ont découvert que la formation des thermokarsts s’est accélérée de 60 % depuis les années 1950. Bien que le changement climatique soit le principal moteur de cette accélération, le feu a joué un rôle non négligeable dans ce processus. Le feu n’a brûlé que 3 % du paysage arctique au cours de cette période, mais il est responsable de plus de 10 % de la formation des thermokarsts.
Les chercheurs ont découvert que des incendies à répétition dans les mêmes zones continuent d’endommager la toundra mais n’accélèrent pas davantage la formation des thermokarsts. L’étude révèle qu’un seul incendie peut accélérer la formation de thermokarsts pendant plusieurs décennies.
Les modèles prévoient que la multiplication des thermokarsts ne fera qu’augmenter avec le réchauffement climatique. En plus du dégel du pergélisol, le réchauffement de l’atmosphère assèche la toundra et augmente son inflammabilité. Il est donc probable que la foudre déclenchera davantage d’incendies, ce qui provoquera encore plus de dégradation du pergélisol.
Le dégel et l’affaissement du pergélisol ont d’autres effets sur le paysage. Par exemple, les lacs situés dans des dépressions où le pergélisol est encore gelé peuvent se vider lorsqu’il se dégrade. La disparition du pergélisol engendrera forcément un chamboulement de l’environnement arctique.
Source : médias d’information américains.

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I have written several posts on the thawing of permafrost in the Arctic and its impacts on the environment, especially in Siberia where pingos and craters appeared on the Yamal Peninsula.

While climate change is the primary driver of permafrost degradation in Arctic Alaska, a new analysis of 70 years of data reveals that tundra fires are accelerating that decline, contributing to a phenomenon known as « thermokarst, » the abrupt collapse of ice-rich permafrost as a result of thawing. The study, entitled « Thermokarst acceleration in Arctic tundra driven by climate change and fire disturbance », is the first to calculate the role of fire on permafrost integrity over many decades.

It is known that the Arctic permafrost is a vast storehouse of frozen plant and animal matter, a carbon stockpile that, if thawed and degraded, could more than double the amount of carbon in the atmosphere. This process, which is unpredictable, is poorly understood. The aim of the new study is to advance our understanding of the permafrost ecosystem.

The research team analyzed seven decades of air and satellite imagery to calculate the rate of thermokarst formation in different regions of Arctic Alaska. The scientists also used machine-learning-based modeling to determine the relative contributions of climate change, fire disturbance and landscape features to observed permafrost declines.

They found that thermokarst formation has accelerated by 60% since the 1950s. Although climate change is the main driver of thermokarst acceleration, fire played a disproportionately large role in that process. Fire burned only 3% of the Arctic landscape in that time period but was responsible for more than 10% of thermokarst formation.

The researchers found that repeated fires in the same areas continued to damage the tundra but did not further accelerate thermokarst formation. The study reveals that a single fire can accelerate thermokarst formation for several decades.

Models predict that thermokarst will only increase with climate change. In addition to thawing permafrost, climate warming dries out the tundra, increasing its flammability. This makes it more likely that lightning strikes will spark fires, causing even more permafrost degradation.

Thawing and collapsing permafrost also leads to other landscape changes. For example, lakes sitting in frozen permafrost depressions may drain when that permafrost degrades. The loss of permafrost will inevitably upset the Arctic environment.

Source: US news media.

La toundra recouvre la majeure partie du nord de l’Alaska

Thermokarst dans le nord de l’Alaska

(Photos : C. Grandpey)

Le Groenland à l’époque de la toundra, avec des statistiques inquiétantes // Greenland when there was the tundra, with disturbing statistics

Dans une note publiée le 9 août 2016, j’indiquais qu’une étude de l’Université York à Toronto (Canada), faisait état d’une base militaire américaine  – Camp Century – située sous la glace du Groenland et qui avait été abandonnée dans les années 1960. L’étude expliquait que le réchauffement climatique pourrait remobiliser des déchets dangereux qui étaient censés être enterrés à jamais sous la calotte glaciaire. La base militaire ultra secrète construite à l’intérieur de la calotte glaciaire du Groenland en 1959, a servi de site pour tester la faisabilité de bases de lancement de missiles nucléaires dans l’Arctique pendant la Guerre Froide.

Quand la base a été désaffectée en 1967, son infrastructure et les déchets qui s’y trouvaient ont été abandonnés avec l’idée qu’ils seraient enfouis à jamais dans la neige et la glace. C’était sans tenir compte du changement climatique. Si la fonte de la glace du Groenland continue, l’infrastructure de la base ainsi que les déchets biologiques, chimiques, et radioactifs, pourraient se répandre dans la nature et perturber les écosystèmes tout autour du site.

En se référant aux matériaux de construction utilisés dans l’Arctique à l’époque, les auteurs de l’étude pensaient que le site contenait, entre autres, des biphényles polychlorés (BPC) – interdits en France depuis 1987 car ce sont des polluants toxiques pour la santé humaine. Les chercheurs estimaient également que le site dissimulait 240 000 litres d’eaux usées, avec un volume inconnu de réfrigérant faiblement radioactif qui alimentait le générateur nucléaire utilisé pour produire de l’électricité.

En 1963, une équipe scientifique a commencé à forer la calotte glaciaire du Groenland. Les chercheurs ont extrait une carotte de glace de 10 centimètres de diamètre et 1,5 km de long. A l’extrémité de la carotte, il y avait 3,50 mètres de terre gelée. À l’époque, un glaciologue a conservé la carotte et les échantillons de sol à l’Université de Buffalo pendant des années, puis il les a expédiés au Danemark dans les années 1990, et ils ont été oubliés.

Il y a quelques années, des chercheurs danois ont découvert dans un congélateur les échantillons dans une boîte de biscuits, avec des étiquettes à moitié effacées où on pouvait lire: «Camp Century Sub-Ice». Les échantillons révèlent aujourd’hui leurs secrets.

En utilisant des techniques qui n’existaient pas dans les années 1960 lorsque la carotte a été prélevée, une équipe internationale de scientifiques a pu montrer que l’immense calotte glaciaire du Groenland avait fondu dans sa totalité au cours du dernier million d’années. La datation au radiocarbone montre que le phénomène s’est probablement produit il y a plus de 50 000 ans. En fait, il a probablement eu lieu il y a environ 400 000 ans, à une époque où le climat était chaud et le niveau de la mer élevé.

Lorsque les scientifiques ont exploré l’échantillon de sol au microscope, ils ont découvert les restes d’un écosystème de toundra avec des brindilles, des feuilles et de la mousse. Ils avaient sous les yeux le nord du Groenland tel qu’il existait au moment où, pour la dernière fois, la région n’était pas recouverte par la glace.

Sans calotte glaciaire, la lumière du soleil pouvait suffisamment réchauffer le sol pour que la végétation de la toundra recouvre le paysage. Les océans étaient probablement 3 mètres plus hauts qu’aujourd’hui. Cela signifie que les sites où ont été construites des villes comme Boston, Londres et Shanghai se trouveraient aujourd’hui sous les vagues de l’océan. Tout cela s’est produit avant que les humains ne commencent à réchauffer le climat de la Terre. L’atmosphère de l’époque contenait beaucoup moins de dioxyde de carbone qu’aujourd’hui. La carotte de glace et le sol à son extrémité sont comme une Pierre de Rosette pour comprendre le comportement de la calotte glaciaire du Groenland pendant les périodes chaudes du passé et à quelle vitesse elle est susceptible de fondre à nouveau avec le réchauffement climatique actuel.

En juillet 2019, deux échantillons de sol congelé, issus de la carotte de 1963, sont arrivés dans un laboratoire de l’Université du Vermont. Tout d’abord, les chercheurs ont photographié la stratification de la carotte. Ensuite, ils ont découpé de fines lamelles pour les examiner au microscope. Ils ont fait fondre le reste de la glace et ont récupéré cette eau de fonte à la surface de laquelle ils ont repéré quelque chose qui flottait. Lorsqu’ils ont examiné cette chose au microscope, ils ont pu voir qu’il s’agissait d’un mélange de feuilles, de brindilles et de mousse, et pas seulement de terre. Ils avaient devant les yeux un échantillon d’un ancien écosystème parfaitement conservé dans la glace du Groenland.

Au cours du dernier million d’années, le climat de la Terre a été rythmé par des périodes interglaciaires chaudes relativement courtes, généralement d’environ 10 000 ans. Il y avait alors moins de glace aux pôles et le niveau de la mer était plus élevé.

Les dernières recherches montrent qu’au moins une de ces périodes interglaciaires a été suffisamment chaude pendant une période suffisamment longue pour faire fondre de grandes parties de la calotte glaciaire du Groenland, ce qui a permis à un écosystème de toundra d’émerger dans le nord-ouest du Groenland.

Les scientifiques ont utilisé deux techniques pour déterminer l’âge du sol et des plantes. Tout d’abord, ils ont utilisé un accélérateur de particules pour dénombrer les atomes qui se forment dans les roches et les sédiments lorsqu’ils sont exposés au rayonnement naturel qui bombarde la Terre. Ensuite, ils ont utilisé une méthode ultra sensible pour mesurer la lumière émise par les grains de sable afin de déterminer la dernière fois où ils ont été exposés au soleil. Des travaux antérieurs sur une autre carotte de glace extraite du centre du Groenland dans les années 1990 ont montré que la glace y était également absente au cours du dernier million d’années, peut-être il y a environ 400 000 ans.

Les glaciologues préviennent depuis longtemps que la disparition de la calotte glaciaire du Groenland serait catastrophique pour l’humanité. La fonte de cette glace ferait s’élever le niveau de la mer de plus de 6 mètres. Cela redessinerait les côtes du monde entier. Environ 40% de la population mondiale vit à moins de 100 km d’une côte et 600 millions de personnes vivent à moins de 9 mètres au-dessus du niveau de la mer. Si le réchauffement se poursuit, la fonte des glaces du Groenland et de l’Antarctique déversera de plus en plus d’eau dans les océans. Certaines zones habitées seront obligées de déménager et des infrastructures coûteuses devront être abandonnées. (* voir ci-dessous)

L’histoire de Camp Century révèle deux moments particulièrement importants de l’histoire moderne. Une base militaire construite dans l’Arctique pour faire face à la menace d’une guerre nucléaire a conduit par inadvertance à la découverte, à travers une carotte de glace, d’une autre menace : l’élévation du niveau de la mer provoquée par le changement climatique d’origine anthropique.

Source : Yahoo News, The Conversation.

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Selon un rapport de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) publié le 17 mars 2021, environ 10,3 millions de personnes ont été déplacées par des événements induits par le changement climatique tels que des inondations et des sécheresses au cours des six derniers mois. La majorité de ces personnes vivaient en Asie. Environ 2,3 millions d’autres ont été déplacées par des conflits au cours de la même période. Cela signifie que la grande majorité des déplacements de populations sont maintenant provoqués par le changement climatique.

Bien que les chiffres ne couvrent qu’une période de six mois, entre septembre 2020 et février 2021, ils mettent en évidence une tendance à la hausse, à l’échelle de la planète, des déplacements liés au climat.

Selon le rapport de la FICR, environ 60% des réfugiés climatiques au cours des six derniers mois se trouvaient en Asie. Cela peut s’expliquer par l’absence de mesures pour faire face aux catastrophes dans la région.

Les statistiques de l’Observatoire des situations de déplacement interne (OSDI) montrent qu’en moyenne 22,7 millions de personnes sont déplacées chaque année. Le chiffre prend en compte les déplacements causés par des phénomènes géophysiques tels que les séismes et les éruptions volcaniques, mais la grande majorité des personnes sont déplacées par des événements météorologiques.

Dans le monde, 17,2 millions de personnes ont été déplacées en 2018 et 24,9 millions en 2019. Les chiffres ne sont pas encore disponibles pour l’année 2020, mais le rapport semestriel de l’OSDI montre qu’il y a eu 9,8 millions de déplacements causés par des catastrophes naturelles au cours du premier semestre de l’année dernière.

Un rapport de l’Institute for Economics and Peace publié en 2020 a révélé que plus d’un milliard de personnes seraient concernées par une migration forcée d’ici 2050 en raison de conflits et de facteurs liés à l’environnement.

Source: Yahoo News.

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In a post published on August 9th, 2016, I referred to a study by York University in Canada, that revealed that a military camp – Camp Century – located beneath the ice in Greenland was abandoned in the 1960s and that climate change could remobilize the abandoned hazardous waste believed to be buried forever beneath the Greenland Ice Sheet.

The top secret U.S. military base built in the Greenland Ice Sheet in 1959, served as a top-secret site for testing the feasibility of nuclear missile launch sites in the Arctic during the Cold War. When the camp was decommissioned in 1967, its infrastructure and waste were abandoned under the assumption they would be entombed forever by perpetual snow and ice.

Unfortunately, climate change has warmed the Arctic more than any other region on Earth. If the melting of Greenland’s ice continues, the camp’s infrastructure, including any remaining biological, chemical, and radioactive wastes, could re-enter the environment and potentially disrupt nearby ecosystems. Based on building materials used in the Arctic at the time, the authors speculate the site contains polychlorinated biphenyls (PCBs), pollutants toxic to human health. They also estimate the site has 240,000 liters of waste water, including sewage, along with an unknown volume of low-level radioactive coolant from the nuclear generator used to produce power.

In 1963, a team of scientists began drilling down through the Greenland ice sheet. They extracted an ice core 10 centimetres across and 1.5 km long. At the very end, they pulled up something else: 3.50 metres of frozen soil. At the time, a glaciologist kept the core and soil samples frozen at the University at Buffalo for years, then he shipped them to a Danish archive in the 1990s, where the soil was soon forgotten. A few years ago, Danish researchers found the soil samples in a box of glass cookie jars with faded labels: “Camp Century Sub-Ice.”  It is now revealing its secrets.

Using lab techniques unimaginable in the 1960s when the core was drilled, an international team of scientists was able to show that Greenland’s massive ice sheet had melted to the ground there within the past million years. Radiocarbon dating shows that it probably happened more than 50,000 years ago. It most likely happened during times when the climate was warm and sea level was high, possibly 400,000 years ago.

When the scientists explored the soil under a microscope, they discovered the remnants of a tundra ecosystem including twigs, leaves and moss. They had before their eyes northern Greenland as it existed the last time the region was ice-free.

With no ice sheet, sunlight could warm the soil enough for tundra vegetation to cover the landscape. The oceans around the globe were probably more than 3 metres higher. This means that the land on which Boston, London and Shanghai sit today was under the ocean waves.

All of this happened before humans began warming the Earth’s climate. The atmosphere at that time contained far less carbon dioxide than it does today. The ice core and the soil below are like a Rosetta Stone for understanding how durable the Greenland ice sheet has been during past warm periods, and how quickly it might melt again as the climate heats up.

In July 2019, two samples of frozen solid soil arrived at a lab at the University of Vermont. The scientists began collecting a few tens of grams of frozen mud and sand for different analyses. First, they photographed the layering in the soil before it was lost forever. Then they chiseled off small bits to examine under the microscope. They melted the rest and saved the ancient water. While they were washing the soil, they spotted something floating in the rinse water. When they examined it with a microscope, they could see it was a mixture of leaves, twigs and mosses, not just soil. This was an ancient ecosystem perfectly preserved in Greenland’s natural deep freeze.

Over the last million years, Earth’s climate was punctuated by relatively short warm periods, typically lasting about 10,000 years, called interglacials, when there was less ice at the poles and sea level was higher.

The last research shows that at least one of these interglacial periods was warm enough for a long enough period of time to melt large portions of the Greenland ice sheet, allowing a tundra ecosystem to emerge in northwestern Greenland.

The scientists used two techniques to determine the age of the soil and the plants. First, they used clean room chemistry and a particle accelerator to count atoms that form in rocks and sediment when exposed to natural radiation that bombards Earth. Then, they used an ultra-sensitive method for measuring light emitted from grains of sand to determine the last time they were exposed to sunlight.

Previous work on another ice core extracted from central Greenland in the 1990s showed that the ice had also been absent there within the last million years, perhaps about 400,000 years ago.

Glaciologists have long warned that losing the Greenland ice sheet would be catastrophic to humanity today. The melted ice would raise sea level by more than 6 metres. That would redraw coastlines worldwide. About 40% of the global population lives within 100 km of a coast, and 600 million people live within 9 metres of sea level. If warming continues, ice melt from Greenland and Antarctica will pour more water into the oceans. Communities will be forced to relocate and costly infrastructure will be abandoned. (* see below)

The story of Camp Century spans two critical moments in modern history. An Arctic military base built in response to the existential threat of nuclear war inadvertently led to the discovery of another threat from ice cores: the threat of sea level rise from human-caused climate change.

Source : Yahoo News, The Conversation.

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According to a report from the International Federation of Red Cross and Red Crescent Societies (IFRC) published on March 17th, 2021, about 10.3 million people were displaced by climate change-induced events such as flooding and droughts in the last six months, the majority of them in Asia. About 2.3 million others were displaced by conflict in the same period. This means that the vast majority of internal displacements are now triggered by climate change.

Though the figures cover only a six-month period from September 2020 to February 2021, they highlight an accelerating global trend of climate-related displacement.

According to the IFRC report, some 60% of climate-IDPs (internally displaced persons) in the last six months were in Asia. This can be explained by the absence of adaptation and mitigation in the region.

Statistics from the Internal Displacement Monitoring Center (IDMC) show that on average 22.7 million people are displaced every year. The figure includes displacements caused by geophysical phenomenon such as earthquakes and volcanic eruptions, but the vast majority are displaced by weather-related events.

Globally, 17.2 million people were displaced in 2018 and 24.9 million in 2019. Full-year figures are not yet available for 2020, but IDMC’s mid-year report showed there were 9.8 million displacements because of natural disasters in the first half of last year.

A report by the Institute for Economics and Peace published in 2020 found that more than 1 billion people are expected to face forced migration by 2050 due to conflict and ecological factors.

Source: Yahoo News.

Cette photo de l’armée américaine montre les tunnels de l’entrée NE de Camp Century au moment de sa construction en 1959.

Ces deux cartes montrent 1) la vitesse de fonte de la glace au Groenland et 2) le substrat rocheux sous la calotte glaciaire