Navigation dans l’Arctique : un casse-tête pour les assureurs // Shipping in the Arctic : a headache for insurers

Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, le réchauffement  climatique ouvre de nouvelles routes maritimes dans l’Arctique. En conséquence, les compagnies de navigation sont impatientes d’emprunter ces nouvelles voies, ce qui leur permettra d’économiser de l’argent sur la route entre l’Europe et l’Asie. Mais alors que l’activité dans les eaux arctiques s’accélère, les compagnies d’assurance se demandent qui paiera en cas de problème. Il n’est pas certain que le coût d’un accident majeur puisse être entièrement couvert par une assurance. Les dégâts causés par une marée noire, la collision avec un iceberg ou l’immobilisation d’un navire dans la glace, peuvent atteindre des centaines de millions de dollars. Sans plusieurs années de données de référence sur le nombre de victimes, d’accidents, de collisions ou de déversements d’hydrocarbures, il est impossible de résoudre toutes les questions de responsabilité
Pour les assureurs, il n’existe guère qu’un précédent dans l’Arctique: le Titanic, qui a heurté un iceberg et a coulé dans les eaux de l’Atlantique Nord en avril 1912. La perte a été aussi colossale que les dégâts provoqués par des catastrophes plus récentes comme l’ouragan Katrina. Le Titanic a disparu dans des eaux relativement bien connues alors que seulement 6% environ de l’Océan Arctique est actuellement cartographié,
Pour les compagnies maritimes, les voies de navigation dans l’Arctique offrent des avantages majeurs. Un trajet entre l’Europe et l’Asie via le pôle Nord prend environ 30 jours, soit une dizaine de jours de moins que la route qui emprunte le canal de Suez. Cela peut permettre à un cargo transportant du minerai de fer ou du grain d’économiser 200 000 dollars ou plus en carburant, nourriture, salaires des équipages et droits de navigation. Ces économies potentielles attirent les gros armateurs vers des eaux où seuls les chalutiers s’aventuraient jusqu’à présent pour aller pêcher.
La route maritime du Nord le long de la côte arctique de la Russie est de plus en plus fréquentée. Au cours des quatre années jusqu’en 2019, le nombre de navires ayant utilisé au moins une partie de cette route a augmenté de 58% pour atteindre 2694, selon une étude de l’Université Norvégienne du Nord.
Il est évident que les gros cargos présentent un risque plus élevé. En raison du poids de leur cargaison, ils sont beaucoup plus difficiles à manœuvrer ou à remorquer qu’un chalutier. Jusqu’à présent, les problèmes les plus courants ne concernaient pas les collisions avec des icebergs, mais le gel et ses effets sur les équipements. En cas de problème, il n’y a personne à proximité pour aider l’équipage. Mis à part le froid et la glace, un épais brouillard peut aussi empêcher d’observer correctement la mer. Et puis, le manque de cartes signifie que le relief des fonds marins reste une inconnue. Comme les trajectoires empruntées par les navires changent en fonction des conditions de glace, la navigation est encore plus dangereuse. Selon un rapport de l’assureur Allianz Group, sur 512 incidents signalés en 2019, les dommages ou pannes de machines ont représenté près de la moitié des problèmes.

Dans leur évaluation des risques arctiques, les assureurs essayent de faire de leur mieux, avec des prévisions qui ne les mettraient pas en difficulté. Les compagnies qui couvrent le transport dans l’Arctique disent qu’elles effectuent leurs propres évaluations, puis ajoutent jusqu’à 40% à la prime de base de 50 000 $ à 125 000 $. Les assureurs expliquent que le montant final de l’assurance dépend du navire, de l’itinéraire et de la proximité d’un brise-glace.
En 2017, l’Organisation Maritime Internationale (IMO) des Nations Unies a introduit de nouvelles normes pour la navigation dans l’Arctique, en prenant notamment en compte la conception et l’équipement des navires, les protocoles de sauvetage et la formation des capitaines. Ces normes ont réduit le nombre d’accidents qui est passé de 50 à 71 par an à 43 en 2018 et 41 en 2019. Cependant, le respect d’une partie de ces normes ne présente pas un caractère obligatoire. Il n’y a pas d’autorité centrale pour collationner les rapports d’accidents ; il n’y a donc aucun moyen de connaître le nombre exact d’accidents dans l’Arctique.
Source: Yahoo News.

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As climate change opens new sea routes, shipping companies are eagerly looking for new Arctic shipping lanes that can save money on the run between Europe and Asia. But as activity in the Arctic’s waters is accelerating, insurance companies are wondering who will pay if something goes wrong. It is unclear that the cost of a major accident would be completely covered by insurance. Damages from a ship spilling oil, hitting an iceberg or becoming marooned can run into the hundreds of millions of dollars. Without years worth of data on the number of casualties, accidents, collisions or oil spills, it impossible to resolve all questions about liability

For insurers, there is a dramatic precedent: The Titanic, which hit an iceberg and went down in the freezing waters of the North Atlantic in April 1912. The loss was as devastating as more recent catastrophes like Hurricane Katrina. That cruise liner went down in relatively familiar waters whereas only about 6% of the Arctic Ocean is currently charted,

For shipping companies, Arctic shipping routes offer major advantages. A journey between Europe and Asia via the North Pole takes roughly 30 days, at least 10 fewer than the Suez Canal route. That can save a cargo ship carrying iron ore or grain $200,000 or more on fuel, food, crew wages and tolls. Such potential savings are attracting big shipowners to waters where so far mostly fishing trawlers have ventured.

The Northern Sea Route along Russia’s Arctic coast is increasingly popular. In the four years up to 2019, the number of voyages that used at least part of that route increased by 58% to 2,694, according to a study by Norway’s Nord University.

It is obvious, that larger cargo ships present higher risk. Because of their weight, they are much harder to manoeuvre or tow than a trawler.

So far, the most common problems have not involved hitting icebergs, but equipment that freezes and seizes up. If anything goes wrong, there is nobody nearby to help the crew. Aside from the cold and the ice floats, heavy fog can obscure observations. And the lack of maps means that beneath the water’s surface, the sea floor largely remains a mystery. Because routes shift frequently with changes in ice conditions, navigation is even more treacherous. Out of 512 incidents reported through 2019, machinery damage or failure accounted for almost half, according to a 2020 shipping and safety report by insurer Allianz Group. Other incidents included a crack in the hull, onboard explosions and sinkings.

In assessing Arctic risks, insurers effectively improvise. companies that cover Arctic voyages say they conduct their own assessments, then add up to 40% to the basic premium of $50,000 to $125,000 for the ship alone to guarantee a single Arctic journey. The insurers explain that the final price depends on the ship, the route and how near an icebreaker is,

In 2017, the U.N.’s International Maritime Organization introduced new standards for Arctic navigation including ship design and equipment, search and rescue protocols, and special training for captains. These have reduced the accident rate from between 50 and 71 a year to 43 in 2018 and 41 in 2019. However, compliance with some of that « Polar Code » is voluntary. There is no central authority collating national and company accident reports, so there is no way to know the full extent of Arctic accidents.

Source: Yahoo News.

 

Transiter par l’Arctique est plus rapide, donc plus économique, que d’emprunter le canal de Suez (Source: NOAA)

Le Conseil de l’Arctique : Un désastre écologique en vue ! // The Arctic Council : An impending environmental disaster !

Au cours de ma conférence Glaciers en péril, les effets du réchauffement climatique, j’explique que la fonte de la calotte glaciaire du Groenland va avoir des conséquences de grande envergure. Le Groenland va devenir une « terre promise ». En disparaissant, la glace permet un accès facile aux ressources minérales qu’elle dissimulait jusqu’à présent.

Sans glace de mer, les passages du nord-est et du nord-ouest vont s’ouvrir à la circulation maritime. Inutile de dire que les intérêts environnementaux ne pèseront pas lourd devant les intérêts économiques et financiers.

Mes craintes semblent justifiées si l’on se réfère au discours délivré par Mike Pompeo, secrétaire d’État américain et ancien directeur de la CIA, à l’occasion du 11ème Conseil de l’Arctique qui vient de se tenir à Rovaniemi en Finlande. Les représentants des huit États de l’Arctique se sont réunis pour approuver les travaux effectués sous la présidence finlandaise qui a duré deux ans. Le but du Conseil de l’Arctique est d’ »améliorer le développement durable et la protection de l’environnement dans l’Arctique. »

Rovaniemi est bien connue des enfants car elle est, pour les petits Européens, la demeure du Père Noël. Toutefois, Mike Pompeo n’est pas venu faire de cadeaux à la planète.

Lors d’un discours très remarqué, il a estimé que la fonte des glaces dans l’Arctique représente « une opportunité économique exceptionnelle. » Il a ajouté : « S’agissant des possibilités et des richesses, l’Arctique occupe une place de choix. Il abrite 13 % des réserves pétrolières inexploitées de la planète, 30 % de ses réserves gazières, de l’uranium, des terres rares, de l’or, des diamants en abondance, et des millions de kilomètres carrés de ressources inexplorées, y compris dans le domaine de la pêche.»

Selon lui, le passage par l’Arctique « pourrait réduire d’environ vingt jours le temps de trajet entre l’Asie et l’Occident. » Il souhaite que les routes de l’Arctique deviennent « les canaux de Suez et de Panama du 21ème siècle. »

Dans son intervention, le secrétaire d’État s’en est ouvertement pris à la Chine et à la Russie, selon lui trop entreprenants dans l’Arctique. Il a prévenu les deux pays de la présence des États-Unis dans une région devenue « un espace de pouvoir mondial et de concurrence » à cause du réchauffement climatique, qui ouvre la voie au développement d’une route commerciale reliant l’Asie à l’Europe plus rapidement.

Par ailleurs, les 8 états membres du conseil de l’Arctique n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la déclaration finale du sommet. Les États-Unis ayant refusé de mentionner le terme de “changement climatique” dans le texte.

Comme disait ma grand-mère, tous les porcs ne sont pas restés dans la porcherie !

Source : Courrier International.

C’est au tour de l’Islande de prendre pour deux ans la présidence du Conseil de l’Arctique, mais il n’est pas sûr que cela apporte grand-chose de nouveau. Il est à noter que depuis quelques années de nombreux investisseurs chinois viennent s’installer en Islande. Je crains qu’ils ne soient pas venus pour  admirer la beauté des paysages, mais plutôt pour établir une base qui leur permettra d’aller plus facilement exploiter les ressources du Groenland une fois que la glace aura disparu. Ne soyons pas naïfs… !

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During my conference Glaciers at risk, the effects of global warming, I explain that the melting of the Greenland icecap will have far-reaching consequences. Greenland will become a « promised land ». The ice loss will allow easy access to the mineral resources it hid until now.
Without sea ice, the northeastern and northwestern passages will open up to shipping. Needless to say, environmental interests will not weigh heavily on economic and financial interests.
My fears seem justified if one refers to the speech delivered by Mike Pompeo, US Secretary of State and former director of the CIA, on the occasion of the 11th Arctic Council that has just been held in Rovaniemi, Finland. Representatives of the eight Arctic states met to approve work completed under the two-year Finnish presidency. The goal of the Arctic Council is to « improve sustainable development and environmental protection in the Arctic. »
Rovaniemi is well known to children as it is, for little Europeans, the home of Santa Claus. However, Mike Pompeo did not come to give gifts to the planet.
In a much-talked-about speech, he said that the melting ice in the Arctic represents “an exceptional economic opportunity”. He added: “In terms of opportunities and wealth, the Arctic is a prime location. It is home to 13% of the world’s untapped oil reserves, 30% of its gas reserves, uranium, rare minerals, gold, diamonds in abundance, and millions of square kilometres of unexplored resources, including in the field of fisheries.”
According to him, shipping through the Arctic “could reduce the travel time between Asia and the West by about twenty days.” He wants the Arctic roads to become “the Suez and Panama canals of the 21st century.”
In his speech, the Secretary of State blatantly attacked China and Russia, which he said were too enterprising in the Arctic. He warned both countries of the US presence in a region that has become “an area of ​​global power and competition” because of global warming, which paves the way for the development of a trade route linking Asia to Europe in a faster way.
In addition, the eight member states of the Arctic Council have failed to agree on the final declaration of the summit. The United States refused to mention the term « climate change » in the text.
As my grandmother said, not all pigs stayed in the pigsty!
Source: International Courier.
It is now up to Iceland to chair the Arctic Council for two years, but I am not sure that it will bring much new. It should be noted that in recent years many Chinese investors have moved to Iceland. I’m afraid they did not come to admire the beauty of the landscape, but rather to establish a base that will allow them to more easily harness Greenland’s resources once the ice is gone. Let’s not be naive …!

Le Passage du Nord-Est (en bleu) et la route maritime actuelle par le Canal de Suez (en rouge. [Source : Wikipedia]

Le GPS, de la navigation à la volcanologie // GPS, from navigation to volcanoes

Dans un article récent, des scientifiques du Yellowstone Volcano Observatory ont écrit une chronique expliquant comment un système peut être utilisé à des fins différentes de celles pour lesquelles il a été conçu à l’origine.
C’est le cas du Global Positioning System (GPS), qui est aujourd’hui l’une des techniques les plus efficaces pour suivre les déformations du sol à Yellowstone et sur les volcans en général.
Le système a été lancé en 1978 lorsque le Département américain de la Défense a mis sur orbite une constellation de satellites NAVSTAR pour fournir des informations de navigation à son personnel qui circulait dans des véhicules terrestres, des avions et des navires. Avec le GPS, ces personnes pouvaient savoir où elles se trouvaient et atteindre leur destination. Le service est rapidement devenu accessible aux civils, et la plupart des gens l’utilisent maintenant pour circuler avec leurs véhicules ou se repérer pendant une randonnée.
Aujourd’hui, à côté du NAVSTAR américain, le GLONASS russe et le Galilée de l’Union européenne sont d’autres systèmes de navigation par satellite (GNSS). La précision de ces systèmes varie en fonction des conditions de visibilité du ciel et d’autres facteurs, mais la marge d’erreur est généralement de 5 à 10 mètres pour la position horizontale et de 10 à 30 mètres pour l’altitude.
Cette marge d’erreur ne suffirait pas en volcanologie pour étudier la déformation d’un volcan sous la pression du magma. Les scientifiques effectuant de telles mesures doivent disposer d’une précision très fine, car la déformation d’un édifice volcanique est généralement une affaire de millimètres.
Le récepteur GPS d’une voiture ou d’un téléphone portable utilise les signaux radio des satellites de navigation comme horloge et règle virtuelles. Il mesure le temps nécessaire aux signaux pour parcourir la distance entre plusieurs satellites et le récepteur. Les signaux circulent à la vitesse de la lumière et les orbites des satellites sont connues. Ces informations, associées au temps de parcours des signaux, permettent au récepteur de calculer sa distance par rapport à chaque satellite à un instant donné. En utilisant les principes de la trigonométrie sphérique, le récepteur est capable de « fixer » sa position avec suffisamment de précision pour que les personnes puissent trouver leur chemin.
Pour atteindre une meilleure précision, les géodésistes ont conçu un récepteur qui traite les signaux des satellites de navigation de manière beaucoup plus précise. Au lieu d’utiliser le temps de parcours du signal pour calculer la distance entre les satellites et le récepteur, un récepteur géodésique compte le nombre de longueurs d’onde complètes et fractionnelles entre lui-même et plusieurs satellites à la fois. Les longueurs d’onde sont connues avec précision et les récepteurs géodésiques peuvent compter exactement le nombre de longueurs d’onde complètes. Au final, le récepteur est capable de déterminer instantanément la distance entre plusieurs satellites au millimètre près. Donc, avec un peu de trigonométrie sphérique, les scientifiques ont à leur disposition un moyen de surveiller la déformation du sol en utilisant un système conçu à l’origine pour la navigation avec des véhicules terrestres!
A Yellowstone, un réseau de stations GPS étudie en permanence l’évolution de la déformation du sol. Avec les informations fournies par un réseau de sismomètres et d’autres instruments de surveillance, les données GPS permettent aux scientifiques de mieux comprendre la structure complexe et les processus actifs des phénomènes qui se déroulent sous leurs pieds.
Source: Yellowstone Volcano Observatory.

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In a recent article, Yellowstone Volcano Observatory scientists have written a chronicle explaining how a system can be used for purposes different from those for which it was originally designed.

This was the case for the Global Positioning System (GPS) which is today one of the most effective techniques used to track ground deformation at Yellowstone and on world volcanoes.

The Global Positioning System had its start in 1978 when the U.S. Department of Defense began launching a constellation of NAVSTAR satellites to provide navigation information to its personnel in land vehicles, planes, and ships. With GPS, they could know where they were and how to get where they were going. The service soon became accessible to civilian users, and now most people use it to navigate in their car or to find their way around their favourite trail system.

Today, in addition to the United States’ NAVSTAR GPS, Russia’s GLONASS and the European Union’s Galileo are operational Global Navigation Satellite Systems (GNSS). The accuracy of such systems varies with sky view and other factors, but generally the margin of error is 5–10 metres for horizontal position and 10–30 metres for elevation.

This margin of error would not have been sufficient in volcanology to study the deformation of a volcano under the pressure of magma beneath the edifice. Scientists doing such measurements need to have a very sharp accuracy as the deformation is usually a matter of millimetres.

The GPS receiver in a car or on a cellphone uses radio signals from navigation satellites as a virtual clock and ruler. It measures the time required for signals to travel from several satellites at a time to the receiver. The signals travel at the speed of light and the satellites’ orbits are known. That information, plus the signals’ travel time, allows the receiver to calculate its distance from each satellite at a given instant. Using principles of spherical trigonometry, the receiver is able to « fix » its position well enough for people to find their way around.

To reach a better accuracy, geodesists designed a geodetic-grade receiver that processes signals from navigation satellites in a much more precise way. Instead of using signal travel times to calculate satellite-to-receiver distances, a geodetic receiver counts the number of full and fractional wavelengths between itself and several satellites at a time. The wavelengths are known precisely, and geodetic receivers can count the number of full wavelengths exactly. In the end, the receiver is able to determine its distance from several satellites instantaneously to within a millimetre or so. So, with a little spherical trigonometry you have a means to monitor ground deformation using a system that was originally designed to track jeeps !

At Yellowstone, a network of GPS stations tracks the changing pattern and pace of ground deformation continuously. Combined with information from a network of seismometers and other monitoring instruments, the GPS results help scientists unravel the complex structure and active processes that otherwise remain hidden underfoot.

Source: Yellowstone Volcano Observatory.

Station GPS au bord du Lac de Yellowstone (Crédit photo: USGS)

La fonte de la glace arctique : Des défis économiques énormes // The melting of Arctic ice : Enormous economic challenges

Au mois de juin dernier, au cours de la formation de son gouvernement, le Président  Macron a nommé Ségolène Royal Ambassadrice chargée de la négociation internationale pour les Pôles. Cette information s’est répandue comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux avec le lot de moqueries qui accompagnent habituellement l’ancienne ministre de l’environnement.

Pourtant, la situation est loin d’être drôle et cette fonction est beaucoup plus importante qu’on pourrait le croire. Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, la fonte de la calotte glaciaire et de la glace de mer dans l’Arctique est devenue le nouveau centre d’attention, non pas à cause de la catastrophe environnementale qu’elle représente, mais bien pour les enjeux économiques colossaux qu’elle va permettre. Tous les pays se préparent actuellement à l’exploitation des ressources qui seront bientôt libérées par la fonte des glaces et aux nouvelles voies maritimes qu’il sera possible d’emprunter. Beaucoup de pays lorgnent sur les ressources minières du Groenland, tandis que d’autres s’apprêtent à naviguer dans les passages du nord-est et du nord-ouest libérés de leurs glaces.

Mis à part quelques négationnistes du réchauffement climatique, les climatologues sont unanimes : la fonte des glaces est de plus en plus inquiétante. Pour nombre d’observateurs, les jeux sont faits ! Notre incapacité à remettre en question notre modèle économique a déjà scellé le sort de la planète pour les décennies à venir. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La glace de mer dans l’Arctique couvrait 10 millions de km2 en 1950. Aujourd’hui, cette surface s’est réduite à 4 millions de km2 et un Océan Arctique libre de glace en été à l’horizon 2040 est une perspective très probable.

Un article du journal Le Monde paru en mai 2017 informait les lecteurs que dans cette nouvelle course au profit, la France semblait occuper une bonne place. L’archipel Saint-Pierre et Miquelon représenterait le meilleur atout de la France pour profiter des retombées de cette future économie, à l’horizon 2025. Cet archipel serait un atout pour l’économie arctique de la France, et pour s’assurer une place géopolitique stratégique. Situé à seulement 1600 kilomètres de New York au sud, tout comme des mines d’uranium groenlandaises au nord,  Saint-Pierre et Miquelon se situe à la croisée des routes maritimes arctiques et atlantique Nord, et dans une zone riche en hydrocarbures. Géographiquement, l’archipel est idéalement placé au départ du Passage du Nord-Ouest, et à l’arrivée sud de l’Arctic Bridge.

L’ouverture de nouvelles voies maritimes et l’accès à de nouveaux gisements pétroliers et miniers annonce de nouveaux rapports de force entre les États et une modification des influences politiques dans la région et, par voie de conséquence, dans le monde. La France aura-t-elle des atouts suffisants à Saint-Pierre et Miquelon pour lutter avec les Etats-Unis et la Russie qui ont déjà planté de sérieux jalons dans l’Arctique ? Rien n’est moins sûr !

Il ne faut pas trop se faire d’illusions. Malgré une bonne volonté apparente pour développer les énergies renouvelables, les Etats signataires de l’accord climatique de Paris ne feront guère d’efforts pour rester sous la barre des 2°C de réchauffement, alors qu’ils sont déjà en marche vers ce nouvel eldorado économique tant convoité. La transition écologique et énergétique n’est pourtant pas si inintéressante en termes de considérations économiques et les solutions existent bel et bien pour limiter les dégâts environnementaux. Comme l’a fait remarquer le climatologue Jean Jouzel, « pour être à la hauteur des enjeux climatiques, il faudrait investir dans l’efficacité énergétique 600 milliards de dollars par an à l’échelle mondiale. Selon l’OCDE, les Etats dépensent 550 milliards de dollars par an en subventions à la consommation et à la production d’énergies fossiles. » Tout est donc affaire de volonté politique car ces ordres de grandeur nous disent bien que le changement est possible.

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Last June, during the formation of his government, President Macron appointed Ségolène Royal as Ambassador in charge of international negotiations for the Poles. This piece of news spread like wildfire on social networks with the usual mockery that accompanies the former Minister of the Environment.
Yet the situation is far from being funny and this appointment is much more important than one might think. As I have explained on several occasions, the melting of the ice sheet and sea ice in the Arctic has become the new centre of attention, not because of the environmental catastrophe it involves, but because of the colossal economic stakes it will allow. All countries are now preparing to exploit the resources that will soon be freed by the melting of the ice and the new shipping lanes that will be open. Many countries are eyeing the mineral resources of Greenland, while others are preparing to navigate along  the northeast and north-west passages that will be free of ice.
Apart from a few negationists of global warming, climate scientists are unanimous: the melting of the ice is more and more worrying. For many observers, the game is lost! Our inability to challenge our economic model has already sealed the fate of the planet for decades to come. The numbers speak for themselves. Sea ice in the Arctic covered 10 million square kilometres in 1950. Today, this area has been reduced to 4 million square kilometres and an Arctic Ocean free of ice in the summer 2040 is a very likely prospect .
An article in the newspaper Le Monde published in May 2017 informed readers that in this new race for profit, France seemed to occupy a good place. The archipelago of Saint Pierre and Miquelon would represent France’s best asset to take advantage of the benefits of this future economy by 2025. This archipelago would be an asset for the Arctic economy of France and a strategic geopolitical location. Located just 1600 kilometres from New York to the south, and from Greenland uranium mines to the north, Saint Pierre and Miquelon is located at the crossroads of the Arctic and North Atlantic shipping routes, and in an area rich in hydrocarbons. Geographically, the archipelago is ideally located at the start of the Northwest Passage, and at the southern entrance to the Arctic Bridge.
The opening up of new shipping routes and the access to new oil and mineral deposits announces a new balance of power between the states and a change in political influences in the region and consequently in the world. Will France have sufficient assets in Saint-Pierre and Miquelon to rival with the United States and Russia which have already planted serious milestones in the Arctic? Nothing is less sure !
One must not be too illusory. Despite an apparent willingness to develop renewable energies, the signatories to the Paris climate agreement will hardly make any effort to stay below 2°C of global warming, as they are already moving towards the new economic Eldorado. The environmental and energy transition is not so uninteresting in terms of economic considerations and the solutions do exist to limit the environmental damage. As French climate scientist Jean Jouzel has remarked, « to be up to the climatic challenges, we would have to invest in energy efficiency $ 600 billion a year on a global scale. According to the OECD, states spend $ 550 billion per year on consumer and fossil fuel subsidies. Everything is therefore a matter of political will. These orders of greatness tell us that change is possible.

Photo: C. Grandpey

La fonte de la glace de mer ouvrira très bientôt des couloirs de navigation da,s les passages du nord-est et du nord-ouest… (Source: Wikipedia)