Les Champs Phlégréens vus par la presse locale

Quand se produisent des événements comme les essaims sismiques dans les Champs Phlégréens les 13 et 14 mai 2025, il est toujours intéressant de lire la presse locale qui fournit des témoignages complémentaires. Ainsi, au lendemain de l’événement , par souci d’objectivité, le journal Cronaca Flegrea – Rione Terra News a interviewé un responsable scientifique et un responsable administratif.

Selon Mauro Di Vito, directeur de l’Osservatorio Vesuviano, «le phénomène se poursuit. Le sol continue de se soulever, l’émission de gaz est intense. Nous avons fait le point sur la situation et avons mis en évidence les émissions de gaz à raison de 5 mille tonnes par jour. C’est un paramètre très élevé que nous mesurons pour comprendre l’énergie libérée pendant cette crise. Le sol continue de se soulever d’environ 1,5 cm par mois. Cependant, l’accélération s’est ralentie. Nous devons continuer à faire de la prévention, comme nous l’avons fait ces derniers mois. Cela signifie des comportements corrects, le signalement de tout problème de dommages aux bâtiments. Nous avons mis en évidence quelques glissements de terrain sur certaines pentes, il faut continuer les vérifications ».

Fumerolle de Pisciarelli (Photo : C. Grandpey)

De son côté, Diego Venanzoni, conseiller régional de Campanie a déclaré : « Sans vouloir créer et diffuser l’alarmisme mais seulement en recourant à la prudence, je constate que malgré les séismes à répétition, avec le dernier ce matin d’une certaine intensité, l’administration municipale de Naples n’a pas organisé les contrôles nécessaires sur les bâtiments scolaires ou du moins rien n’a encore été communiqué. Pour cette raison et dans le cadre de mes responsabilités de conseiller régional, je ferai tout mon possible pour que cela soit fait pour la tranquillité d’esprit des familles et des élèves des quartiers de Naples, en particulier de Fuorigrotta, Bagnoli et Pianura. »

En Campanie, la presse locale donne des informations sur la situation et accompagne ses articles de témoignages, mais l’affolement est beaucoup moins marqué que sur les réseaux sociaux français où les pires scénarios sont évoqués par des personnes qui, pour la plupart, n’ont jamais mis les pieds dans cette région. La vigilance est bien sûr de mise car nous ne savons pas prévoir les éruptions volcaniques. Le problème avec les Champs Phlégréens, c’est que la région est très densément peuplée et il faudra probablement faire très vite pour procéder à des évacuations. Des plans existent, mais le fossé estre la théorie est la pratique est énorme dans cette zone urbaine où les rues sont étroites et souvent encombrées. Des responsables de la Protection Civile italienne m’ont fait part de leurs craintes, pour ne pas dire leurs angoisses, dans la perspective d’une évacuation de Pouzzoles et des localités environnantes.

Carte montrant les zones à risques (Source : Protection Civile)

Quand Haroun Tazieff faisait rire Pouzzoles et l’Italie…

L’évocation de la ville de Pouzzoles dans ma note précédente me rappelle l’histoire racontée par Haroun Tazieff dans son livre « Volcans » paru aux Éditions Bordas en 1996, et qu’il m’a relatée de vive voix quelques années plus tard.

L’anecdote a eu lieu en 1970, année où Le Professeur Giuseppe Imbo, à la tête de l’Osservatorio Vesuviano, avait fait appel à des scientifiques étrangers car il craignait une éruption imminente du Vésuve. Par précaution, il avait fait évacuer les habitants du Rione Terra, un quartier de Pouzzoles, bien connu pour les effets du bradyséisme. Il pensait que le magma qui provoquait le soulèvement du sol finirait par percer la surface. La prévision s’appuyait également sur la présence de « sources marines bouillonnantes » dans le golfe de Pouzzoles. Cerise sur le gâteau, on enregistrait une hausse de la sismicité, avec des événements à faible profondeur.

Le problème, c’est que la sismicité n’avait pas été mesurée dans les règles de l’art par les scientifiques italiens qui n’avaient mis en place qu’un sismomètre, alors qu’au moins trois appareils sont nécessaires pour effectuer des mesures fiables. Malgré des tentatives d’interdiction d’accès à la zone sensible, Tazieff et son équipe installèrent trois sismos et furent surpris de constater qu’un seul appareil réagissait, avec des tracés qui n’avaient pas le profil des secousses telluriques, et avec des événements d’une étonnante régularité.

Au cours d’une nuit d’un mauvais sommeil ; Tazieff a entendu passer les trains à Pouzzoles et il s’est demandé si le sismomètre ne réagissait pas à ce moment-là. Il en eu rapidement la confirmation le lendemain en comparant les tracés des sismos aux horaires des trains ! En fait, aucune sismicité inquiétante n’affectait la région.

Suite à cette découverte, Tazieff convoqua une conférence de presse et dès le lendemain le scandale s’étalait à la Une des journaux. « Macché vulcano : sono solo i treni…. » « Perchè allora, si è permesso l’esodo affannoso di 35 mila persone? » Pourquoi évacuer les quartiers de Pouzzoles? Selon Tazieff, « pour les racheter à vil prix, les raser et les remplacer par des villas somptueuses et des hôtels de grand luxe, en réalisant au passage des plus-values vertigineuses »!

Heureusement, la surveillance des Champs Phlégréens est plus sérieuse aujourd’hui !

Quand la presse se déchaîne… // When the press gets mad…

drapeau-francaisComme je l’ai indiqué en temps utile, le Sakurajima a connu une séquence éruptive spectaculaire le 5 février, avec un panache de cendre zébré d’éclairs et des retombées de matériaux pyroclastiques sur le sommet du cratère Showa qui a été le siège de l’événement.
La presse s’est emparée de l’éruption avec des titres plus impressionnants les uns que les autres. En fait, elle n’a duré que quelques dizaines de secondes comme l’a montré la vidéo largement diffusée sur Internet. Le niveau d’alerte du volcan a été élevé de 2 à 3, mais l’événement a été qualifié de «modérément fort» par les volcanologues japonais.
On a beaucoup lu sur le fait que le volcan se trouve à quelques dizaines de kilomètres de la centrale nucléaire de Sendai (voir carte ci-dessous). En fait, une éruption comme celle du 5 février ne présente pas de risque réel pour la centrale. Il faut tout de même savoir que le Sakurajima est capable de beaucoup mieux faire, comme ce fut le cas en janvier 1914. L’éruption a alors tué plusieurs dizaines de personnes et provoqué des évacuations. Le volcan a cessé d’être une île car les matériaux émis on comblé le bras de mer qui le séparait du reste de Kyushu.
D’agissant des centrales nucléaires, je suis beaucoup plus inquiet en constatant que le Japon est un pays régulièrement soumis à de puissants séismes et qui comptait 54 réacteurs nucléaires au moment de la catastrophe de Fukushima !

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drapeau anglaisAs I indicated in due time, Sakurajima went through a dramatic eruptive sequence on February 5th, with an ash plume streaked with lightning and incandescent pyroclastic material that fell on the top of the Showa crater that was the seat of the event.
The press told about the eruption with impressive headlines. In fact, it lasted only a few tens of seconds as shown on the video released on the Internet. The volcanic alert level was raised from 2 to 3 but the event was said to be « moderately strong » by Japanese volcanologists.
A lot has been said about the fact that the volcano is a few dozen kilometres from the nuclear plant in Sendai (see map below). In fact, an eruption like that of February 5th presents no real risk to the plant. Sakurajima is capable of much better, as was the case in January 1914. By that time, the eruption killed dozens of people and caused evacuations. The volcano ceased to be an island because the materials it ejected filled the sea that separated it from the rest of Kyushu.
As far as nuclear power plants are concerned, I am much more concerned when seeing that Japan is a country regularly shaken by strong earthquakes, with 54 nuclear reactors on the eve of the Fukushima disaster!

Sendai 2

L’Islande est-elle une menace pour le monde ? // Is Iceland a threat to the world?

drapeau francaisActuellement, l’activité volcanique mondiale est relativement réduite. Comme souvent pendant ces périodes calmes, la presse – anglo-saxonne surtout – se met à délirer et à écrire des articles catastrophe susceptibles de faire vendre les journaux. Tel le monstre du Loch Ness, Yellowstone, le Krakatau ou le Tambora font régulièrement surface et les journalistes rivalisent d’imagination pour attirer l’attention de leurs lecteurs.

Le Daily Star et le Sunday Herald viennent de s’en donner à cœur joie avec les volcans islandais. Le premier nommé nous indique que les gaz toxiques en provenance d’un volcan islandais pourraient tuer des millions de gens, tandis que son concurrent affirme que «l’éruption d’un super volcan en Islande représenterait pour le Royaume-Uni la même menace qu’un acte de terrorisme nucléaire ».

Les journalistes font référence à l’éruption du Laki en 1783 avec son cortège de récoltes dévastées et les 23 000 décès britanniques censées être imputables à cet événement. Le Daily Star rappelle les effets sur le climat avec des étés brûlants et des hivers extrêmement froids. Afin de bien sensibiliser les lecteurs, les journalistes en remettent une deuxième couche et rappellent que l’Islande a en réserve une trentaine de systèmes volcaniques du même acabit. Il aurait été demandé au Bureau du Premier Ministre de considérer la menace avec le même sérieux que le terrorisme nucléaire. L’Office Météorologique du Royaume Unis doit fournir en juin un rapport expliquant les conséquences d’une éruption comme celle du Laki en 1783 avec, en particulier, une modélisation de la trajectoire qu’emprunteraient les gaz volcaniques.

Il y a bien sûr une part de vérité dans ces articles. On sait que des volcans comme le Laki ou le Katla peuvent produire des panaches de cendres capables de perturber la vie à grande échelle. Le problème, c’est que l’on ne sait absolument quand ces volcans se réveilleront, à supposer qu’ils se réveillent. On a pu constater ces derniers mois que les volcanologues islandais se sont plantés en annonçant une éruption imminente de l’Hekla.

S’il est louable de prendre en compte l’éventualité d’une éruption majeure en Islande, il est inutile d’ameuter les foules et de faire du catastrophisme à tout-va, passe-temps favori de la presse de nos jours.

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drapeau anglaisGlobal volcanic activity is currently quite low. As often during these quiet periods, the press – especially Anglo-Saxon – becomes delirious with articles relating disasters likely to sell newspapers. Like the Loch Ness monster, Yellowstone, Krakatau or Tambora regularly make the headlines and journalists compete with their imagination to attract the attention of their readers.
The Daily Star and the Sunday Herald are playing this game with Icelandic volcanoes. The former indicates that the toxic gases from an Icelandic volcano could kill millions of people, while the latter states that « the eruption of a super volcano in Iceland might represent for the United Kingdom the same threat as an act of nuclear terrorism. »
Both journalists refer to the eruption of Laki in 1783 with its devastated crops and 23,000 British deaths believed to be caused by that event. The Daily Star recalls the effects on the climate with hot summers and extremely cold winters. To really convince their readers, the journalists remind them that Iceland has in store about thirty volcanic systems of the same ilk. It is said the Cabinet Office has been advised to consider the threat with the same seriousness as nuclear terrorism. The UK Met Office aims to deliver a report in June on the consequences of a future Laki-style eruption. In particular, the Office has been asked to model where the gases from such an eruption might travel.
There is of course some truth in these articles. We know that Laki and Katla can produce ash plumes able to disrupt life on a large scale. The problem is that no one knows when these volcanoes will wake up, assuming they do. One should remember that in recent months Icelandic volcanologists were wrong when they announced an imminent eruption of Hekla.
While it is commendable to take into account the possibility of a major eruption in Iceland, there is no need to alarm the crowds and resort to large-scale catastrophism, a favorite of the press nowadays.

Laki-blog

Fracture éruptive du Laki, source de l’éruption de 1783  (Photo:  C. Grandpey)