Le Groenland : un pôle économique et géostratégique majeur (1ère partie)

Dès son arrivée à la Maison Blanche à l’issue de la dernière élection présidentielle, Donald Trump a fait part de son désir expansionniste : annexer le Canada, le Canal de Panama et le Groenland. Trump n’est pas le seul à être intéressé par la terre nordique qui est aujourd’hui au centre de l’attention mondiale, autant pour des raisons économiques que géostratégiques.

Cette carte montre à quel point la situation du Groenland dans l’Arctique est susceptible d’attiser les convoitises

Lors de son premier passage à la Maison Blanche, Trump avait proposé au Danemark, dont le territoire en dépend, d’acheter le Groenland, mais il s’était vu imposer un refus catégorique par la Première Ministre danoise. Il est bon de rappeler que le Groenland est resté une colonie danoise jusqu’en 1953, avant de recevoir son autonomie en 1979, renforcée en 2009.

Ce n’est pas la première fois, que les États-Unis ont envie de s’approprier le Danemark. En 1867, le président Andrew Johnson espérait racheter le Groenland au Danemark. En vain. Au lieu de cela, les États-Unis ont acheté l’Alaska à la Russie. En 1946, le président Truman a proposé aux Danois d’acheter le Groenland 100 millions de dollars en or, sans plus de succès.

Durant la Seconde Guerre mondiale, les Américains ont installé plusieurs bases militaires au Groenland où ils ont exploité une mine contenant de la cryolite, un minerai utilisé dans la fabrication de l’aluminium. Durant cette période, ils ont également développé des projets nucléaires comme le grand projet Ice Worm qui consistait à creuser des tunnels sous la calotte groenlandaise. Le but était de militariser et de nucléariser le territoire. L’objectif initial était de stocker 600 missiles sous la calotte glacière. Mais le projet a été abandonné en 1967. Il s’articulait autour du Camp Century qui, aujourd’hui avec le réchauffement climatique, est en passe de devenir un désastre écologique. Voir ma note du 9 août 2016 à ce sujet :

https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2016/08/09/groenland-les-secrets-de-la-banquise-greenland-the-secrets-of-the-ice/

Tunnels à l’entrée NE de Camp Century au moment de sa construction en 1959. (Source : U.S. Army)

Sur les 17 bases américaines installées au Groenland, il n’en reste aujourd’hui plus qu’une : la base spatiale de Thulé, rebaptisée Pituffik par les Américains en 2023, que le vice-président J.D. Vance est allé visiter en mars 2025. Elle constitue une base de détection d’alerte précoce de lancement de missiles intercontinentaux en provenance de Russie. Pituffik est idéalement située près du pôle pour surveiller l’espace aérien et maritime, sur le versant arctique russe.

Si le Grand Nord représente un espace stratégique majeur pour les Américains, il en va de même pour les Russes. C’est la raison pour laquelle Moscou a construit une nouvelle génération de bateaux brise-glaces à propulsion nucléaire – les Américains sont très en retard dans ce domaine – et a installé six bases aériennes équipées de missiles, dont une se trouve sur un archipel très proche du Groenland.

Suite au désir expansionniste de Trump dans l’Arctique, Vladimir Poutine a prononcé un discours le 27 mars 2025 dans lequel il s’est dit “préoccupé par le fait que les pays de l’OTAN considèrent de plus en plus le Grand Nord comme un tremplin pour d’éventuels conflits.”

Pour Poutine, la voie maritime qui passe au nord de la Sibérie est très importante stratégiquement, car elle n’est pas contrôlable facilement par l’OTAN. Comme je l’explique dans ma conférence « Glaciers en péril », le réchauffement climatique rebat les cartes autour des routes du Nord désormais aussi attractives que les routes du Sud pour les superpuissances. La fonte de la glace va offrir de nouvelles opportunités économiques autour d’une route maritime aujourd’hui sous souveraineté russe.

Le passage du NE (en rouge) offre de nombreux avantages par rapport à la voie de navigation traditionnelle (en bleu)

Source : Radio France et autres médias d’information internationaux.

Le Groenland n’a pas envie de faire partie des États Unis // Greenland does not want to be part of the United States

Demokraatik, le parti d’opposition centre-droit, pro-entreprises, a remporté les élections parlementaires qui se sont tenues au Groenland le 11 mars 2025, à l’issue d’un scrutin sur lequel planaient la menace d’annexion de Donald Trump et les appels de plus en plus pressants des habitants à l’indépendance vis-à-vis du Danemark.
Selon les premiers résultats officiels, le parti centre-droit Demokraatik, qui prône une approche plus progressive de l’indépendance, arrive en tête avec 29,9 % des voix, devançant le parti de gauche actuellement au pouvoir, IAInuit Ataqatigiit. Jens-Frederik Nielsen, le chef du parti vainqueur, a déclaré : « Nous ne voulons pas l’indépendance demain, nous voulons des bases solides.» Il va entamer des négociations avec d’autres partis pour tenter de former une coalition gouvernementale.
L’idée de Trump d’annexer le territoire a attiré l’attention internationale sur l’élection et soulevé des questions quant à la sécurité future de l’île, alors que les États-Unis, la Russie et la Chine se disputent l’influence dans l’Arctique.
Le Premier ministre sortant a déclaré dans un communiqué que son parti socialiste démocrate Inuit Ataqatagiit considérait l’indépendance comme un projet à long terme nécessitant des années de négociations avec le Danemark et une amélioration de la situation économique.
Tous les principaux partis au Groenland, territoire autonome danois riche en pétrole et en gaz, s’accordent sur le désir d’indépendance du Danemark. Lors de presque toutes les élections de ces dernières années, les responsables politiques groenlandais ont promis de prendre des mesures pour obtenir l’autonomie de leur territoire, mais aucun n’a proposé de calendrier concret.
L’élection au Groenland a surtout été suivie de près dans le monde entier suite à la volonté de Donald Trump d’annexer ce territoire riche en pétrole, en gaz et en minéraux rares. La fonte de la calotte glaciaire facilite grandement l’accès à ces ressources. Les États-Unis disposent déjà d’une base militaire à l’extrême nord-ouest du Groenland.
Le Danemark a gouverné le Groenland comme s’il s’agissait d’une colonie jusqu’en 1953, date à laquelle l’île a acquis des pouvoirs d’autonomie de plus en plus importants. Mais le Danemark contrôle toujours la sécurité, la défense, la politique étrangère et monétaire. Le Groenland bénéficie également de son adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN.
Bien que les responsables politiques groenlandais aient indiqué à plusieurs reprises qu’ils n’étaient pas intéressés par l’annexion de leur territoire par les États Unis, ils sont ouverts à des accords avec ce pays pour l’extraction de terres rares, le développement du tourisme, le renforcement des relations diplomatiques et d’autres investissements. Un sondage réalisé en janvier 2025, commandé par des journaux danois et groenlandais, a révélé que 85 % des Groenlandais ne souhaitaient pas faire partie des États-Unis. Près de la moitié des personnes interrogées ont estimé que l’intérêt de Trump constituait une menace.
Source : Médias d’information internationaux.

La calotte glaciaire du Groenland cache d’importantes ressources minières (Source: Gouvernement du Danemark)

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Greenland’s pro-business opposition party won the Arctic island’s parliamentary election on held on March 11th, 2025, following a race dominated both by Donald Trump’s annexation threat and growing calls from residents for independence from Denmark.

According to preliminary official results. the center-right Demokraatik party, which advocates for a slower approach to independence, is leading with 29.9% of the vote, overtaking the ruling left-wing party IAInuit Ataqatigiit. Jens-Frederik Nielsen, the leader of the winning party, said : “We don’t want independence tomorrow, we want a good foundation.” He will now hold talks with other parties to try to form a government coalition.

Trump’s idea to annex the territory has thrown an international spotlight on the election and raised questions about the island’s future security as the United States, Russia and China vie for influence in the Arctic.

The incumbent Prime Minister said in a statement that his democratic socialist Inuit Ataqatagiit party views independence as a long-term project requiring years of negotiation with Denmark and further economic improvement.

All the dominant parties in Greenland, a Danish autonomous territory rich in oil and gas, agree on the desire for independence from Denmark. In almost every election in recent years, Greenland’s politicians have promised to take steps to achieve autonomy, but none of them have offered a concrete timeline.

The election in Greenland was closely watched around the world following Donald Trump’s desire to annex the territory which is .rich in oil and gas and rare minerals. The melting of the ice sheet is making access to these ressources much easier. The United States already has a military base in far northwest Greenland.

Denmark ruled Greenland as a colony until 1953, when the island achieved greater powers of self-governance. But Denmark still controls security, defense, foreign and monetary policy. Greenland also benefits from Denmark’s European Union and NATO memberships.

While Greenlandic politicians have repeatedly signaled that they are uninterested in annexation, they are open to deals with the United States for rare earth mining, expanding tourism, stronger diplomatic connections and other investments. A poll in January, commissioned by Danish and Greenlandic newspapers, found that 85% of Greenlanders did not want to become part of the US, with nearly half saying Trump’s interest was a threat.

Source : International news media.

L’Arctique sur France 5…

France 5 a diffusé le 10 mars au soir un double documentaire qui montre parfaitement l’impact du RÉCHAUFFEMENT climatique (on ne parle pas de changement ou de dérèglement dans l’Arctique!) sur l’Alaska et l’Arctique en général.

Diego Buñuel (qui parle remarquablement anglais) s’est rendu en Alaska pour assister à la migration des saumons qui font le bonheur des grizzlis et leur permettent de stocker suffisamment de graisse pour affronter l’hiver. Comme lors de la mythique Ruée vers l’Or, ce phénomène attire aussi des milliers de pêcheurs qui rêvent de faire fortune en quelques semaines. Le réchauffement climatique impacte fortement les saumons et beaucoup de gens dans la région se posent des questions sur l’avenir de cette pêche.

https://www.france.tv/france-5/thalassa-aventures-extremes/6963088-il-etait-une-fois-l-alaska.html

Photo: C. Grandpey

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Dans un deuxième documentaire, Diego Buñuel se rend au Canada pour découvrir l’océan Arctique, l’un des plus importants pour l’humanité du point de vue climatique. Au nord du cercle polaire, les températures se sont réchauffées ces dernières années beaucoup plus rapidement que partout ailleurs dans le monde. Les conséquences de cette hausse des températures de l’Arctique sont planétaires : élévation du niveau des mers, cyclones dévastateurs, mégafeux de forêts. En compagnie de l’exploratrice Nathalie Lasselin et de la communauté Inuit d’Arctic Bay, Diego Buñuel plonge sous la banquise à la découverte d’un monde fascinant, extrême et encore largement méconnu. Les intervenants lacent un sacré message d’alerte. Reste à savoir s’il sera entendu.

https://www.france.tv/france-5/thalassa-aventures-extremes/6684710-arctique-l-ocean-blanc.html?fbclid=IwY2xjawI8ucRleHRuA2FlbQIxMQABHfWaR1N0h54p0e4KEC7eWp8grb6Df3bARObX1hNU_eBubbnPDblSVGN7Bg_aem_POlSz7yz2dAXzZLxMMNKDg#about-section

Photo: C. Grandpey

Ces deux documentaires ont fait remonter en moi des souvenirs de l’Arctique où je me suis rendu plusieurs fois et que j’ai largement évoqué sur ce blog. À mon petit niveau, je lance, moi aussi, des messages d’alerte, comme lors de ma dernière conférence à Royan. Je pense avoir convaincu quelque milliers de personnes en France, mais je suis conscient que c’est une goutte d’eau dans un océan de j’menfoutisme…

Photo: C. Grandpey

Groenland : Trump remet ça ! // Greenland: Trump is at it again!

Le gouvernement danois vient d’annoncer une augmentation considérable des dépenses de défense pour le Groenland, quelques heures après que le président élu Donald Trump a réitéré son désir d’acheter le territoire arctique. Trump a déclaré que la possession et le contrôle de l’immense île étaient une « nécessité absolue » pour les États-Unis. Trump a également plaisanté (pas si sûr !) en disant qu’il aimerait que le Canada soit le 51ème État des États Unis.
Le Groenland, un territoire danois autonome, abrite de grandes installation spatiales américaines et est stratégiquement important pour les États-Unis car l’île est située sur la route la plus courte entre l’Amérique du Nord et l’Europe. De plus, le Groenland possède d’importantes réserves minérales. Copenhague prévoit de dépenser l’équivalent d’environ 1,5 milliard de dollars dans le nouveau projet de défense qui comprend deux patrouilleurs de classe Thetis, deux drones à longue portée, deux équipes de chiens de traîneau et davantage de personnel militaire danois.
Jusqu’à présent, le Danemark a mis beaucoup de temps à étendre sa capacité militaire au Groenland, Si le pays n’est pas en mesure de protéger rapidement ses eaux territoriales contre les empiètements de la Chine et de la Russie, les Américains vont probablement faire pression pour avoir la mainmise sur le territoire.
La proposition initiale de Trump, en 2019, d’acquérir le Groenland a suscité une vive protestation de la part des dirigeants de ce pays. À l’époque, le Premier ministre danois avait qualifié l’idée d' »absurde », ce qui a conduit Trump à annuler un voyage d’État dans le pays.
Trump n’est pas le premier président américain à suggérer d’acheter le Groenland. L’idée a été évoquée pour la première fois dans les années 1860 sous la présidence d’Andrew Johnson.
L’Arctique est une sphère majeure de sécurité nationale car les États-Unis cherchent à contrer l’influence croissante de la Russie et de la Chine dans une région qui s’ouvre davantage à la navigation à mesure que le réchauffement climatique fait fondre les glaces et crée de nouvelles voies de navigation.
Les États-Unis travaillent également en étroite collaboration avec des alliés de l’Arctique comme le Canada et la Finlande pour construire davantage de navires de patrouille capables de naviguer dans la région. Les garde-côtes ont annoncé que les travaux avaient été approuvés pour le premier nouveau brise-glace polaire lourd depuis plus de cinq décennies. Le Danemark est également membre de l’alliance de l’OTAN et un partenaire des États-Unis dans la région arctique.
Outre le Groenland, Trump a également déclaré que les États-Unis devraient avoir le contrôle du canal de Panama, qui appartient et est exploité par le Panama depuis 1999. Les États-Unis ont contribué à la construction du canal et ont exploité cette voie navigable, essentielle pour le transport maritime mondial, pendant la majeure partie du 20ème siècle.
Source : La BBC.

Intérêt grandissant des États Unis pour le Groenland pour des raisons stratégiques, de navigation et minières

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The Danish government has announced a huge boost in defence spending for Greenland, hours after President-elect Donald Trump repeated his desire to purchase the Arctic territory. Trump said ownership and control of the huge island was an « absolute necessity » for the US. Trump has also joked (not so sure!) about making Canada the 51st state.

Greenland, an autonomous Danish territory, is home to a large US space facility and is strategically important for the US, lying on the shortest route from North America to Europe. It has major mineral reserves. Copenhagen plans to spend the equivalent of around $1.5 billion in the new defense package.The package includes two Thetis-class patrol boats, two long-range drones, two sled dog teams and more Danish military personnel in Greenland.

Until now Denmark has been very slow to expand its military capacity in Greenland but if the country is not able to protect waters around the territory against encroachments by China and Russia then US demands for greater control are likely to grow.

Trump’s original suggestion in 2019 that the US acquire Greenland, which is the world’s largest island, led to a similarly sharp rebuke from leaders there. At the time the Danish Prime Minister described the idea as « absurd », leading Trump to cancel a state trip to the country.

He is not the first US president to suggest buying Greenland. The idea was first mooted during the 1860s under the presidency of Andrew Johnson.

The Arctic is a major sphere of national security as the U.S. is looking to counter growing Russian and Chinese influence in a region that is opening up more as climate change melts ice and creates new pathways.

The U.S. is also working closely with Arctic allies like Canada and Finland to build more patrol ships that can navigate the region, and the Coast Guard has announced work had been approved for the first new heavy polar icebreaker in more than five decades.Denmark is also a member of the Western security alliance NATO and a U.S. partner in the Arctic region.

Besides Greenland, Trump also said the U.S. should have control of the Panama Canal, which has been owned and operated by Panama since 1999. The U.S. helped build the canal and operated the waterway, which is vital for world shipping, for most of the 20th century.

Source : The BBC.