Antarctique : fonte glaciaire plus rapide que prévu // Antarctica : glacial melting faster than predicted

J’ai écrit plusieurs notes sur ce blog (le 29 mai 2024, par exemple) expliquant que la glace de l’Antarctique fond parce que les eaux plus chaudes de l’océan Austral minent les plates-formes glaciaires par en dessous.

Source: British Antarctic Survey

Une nouvelle étude du British Antarctic Survey (BAS), publiée dans la revue Nature Geoscience, nous explique que cette fonte est plus rapide qu’on ne le pensait jusqu’à présent. Cela signifie que les modèles informatiques actuels utilisés pour prévoir la fonte des plates-formes glaciaires en Antarctique ont probablement sous-estimé le phénomène. Une fonte plus rapide des plates-formes glaciaires pourrait provoquer des inondations plus tôt que prévu dans les zones côtières et entraîner la disparition de certaines îles de très basse altitude.
L’étude est au moins la deuxième en cinq semaines à expliquer que l’eau plus chaude de l’océan Austral pourrait faire fondre les glaciers et des plates-formes glaciaires antarctiques plus rapidement que prévu. Les scientifiques s’efforcent aujourd’hui d’améliorer les modèles utilisés pour planifier l’élévation du niveau de la mer.
L’eau plus chaude de l’océan Austral peut pénétrer sur de longues distances au-delà de la « zone d’ancrage » des glaciers sur le substrat rocheux. C’est à cet endroit que cette eau plus chaude s’infiltre aujourd’hui de plus en plus profondément sous les plates-formes glaciaires. L’étude indique que cela pourrait avoir des « conséquences dramatiques » en contribuant à l’élévation du niveau de la mer.
Les auteurs affirment avoir identifié le risque d’un nouveau point de basculement (‘tipping point‘ en anglais) dans la fonte des plates-formes glaciaires de l’Antarctique, ce qui signifie que leurs projections concernant l’élévation du niveau de la mer sont très probablement sous-estimées.
Les plates-formes glaciaires sont très sensibles à la fonte de la zone d’ancrage des glaciers et un très petit changement de la température de l’océan peut provoquer une très forte augmentation de la fonte de cette zone, ce qui entraînerait une accélération de l’écoulement des glaciers en amont.

Source: British Antarctic Survey

Les derniers travaux du BAS font suite à une étude indépendante publiée en mai (voir ma note du 29 mai) et qui a révélé une « fonte accélérée » du glacier Thwaites. Cette étude, publiée dans les Actes de la National Academy of Sciences, a donné des preuves visibles que l’eau de mer chaude vient miner le glacier.
Les plates-formes glaciaires de l’Antarctique et du Groenland glissent progressivement vers l’océan et forment une zone en bord de la mer où la fonte peut se produire. Les scientifiques ne cessent de rappeler que la fonte le long de cette zone est un facteur majeur de l’élévation du niveau de la mer dans le monde. L’eau qui s’introduit sous une plate-forme glaciaire ouvre de nouvelles cavités et ces cavités laissent passer davantage d’eau, ce qui fait fondre des portions de glace encore plus grandes. Des augmentations minimes de la température de l’eau peuvent accélérer ce processus, mais les modèles informatiques utilisés par le GIEC et d’autres organismes n’en tiennent pas compte.
L’auteur principal de l’étude du BAS explique qu’il y a beaucoup plus d’eau de mer qui s’infiltre sous les glaciers côtiers qu’on ne le pensait auparavant, ce qui les rend « plus sensibles au réchauffement des océans et plus susceptibles de disparaître dans le mer ». Il ajoute qu’il faudrait aussi accorder plus d’importance aux marées qui aggravent le phénomène.
Ces études, ainsi que d’autres, qui soulignent une plus grande sensibilité des glaciers de l’Antarctique aux eaux océaniques plus chaudes signifient que l’élévation du niveau de la mer au cours du prochain siècle sera beaucoup plus importante – peut-être deux fois plus importante – que prévu.
Source : USA Today via Yahoo Actualités.

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I have written severak posts on this blog (29 May 2024, for instnce) explaining that Antarctica was melting because the warmer waters of the Southern Ocean were undermining the ice shelves from below. A new study by the British Antarctic Survey, published in the journal Nature Geoscience, warns that this melting is faster than previously thought. This means current computer models used to predict ice-sheet melt activity in Antarctica may have underestimated the phenomenon. Faster ice sheet melting could bring greater flooding sooner than expected to coastal communities and cause some low-level islands to disappear.

The study is at least the second in five weeks to report that warmer ocean water may be helping to melt ice in glaciers and ice sheets faster than previously modeled. Scientists are working to improve these crucial models that are being used to help plan for sea level rise.

Relatively warmer ocean water can intrude long distances past the « grounding zone » where ground-based ice meets the sea and floating ice shelves, seeping between the land underneath and the ice sheet. The study warns this could have « dramatic consequences » in contributing to rising sea levels.

The authors say they have identified the possibility of a new tipping-point in Antarctic ice sheet melting, which means their projections of sea level rise might be significant underestimates.

Ice sheets are very sensitive to melting in their grounding zone and a very small change in ocean temperature can cause a very big increase in grounding zone melting, which would lead to a very big change in flow of the ice above it.

The latest research follows an unrelated study published in May that found « vigorous melting » at Antarctica’s Thwaites Glacier. ( see my post of ) That study, published in the Proceedings of the National Academy of Sciences, reported visible evidence that warm seawater is pumping underneath the glacier.

The land-based ice sheets in Antarctica and Greenland gradually slide toward the ocean, forming a boundary at the edge of the sea where melting can occur. Scientists report melting along these zones is a major factor in rising sea levels around the globe. Water intruding under an ice sheet opens new cavities and those cavities allow more water, which in turn melts even larger sections of ice. Small increases in water temperature can speed up that process, but the computer models used by the IPCC and others don’t account for that.

The lead author of the previous study explains that there is much more seawater flowing into the coastal glaciers than previously thought and it makes them « more sensitive to ocean warming, and more likely to fall apart as the ocean gets warmer. » He adds that more importance should be given to the tides which make the problem more significant.

These and other studies pointing at a greater sensitivity of Antarctic glaciers to warm water means that sea level rise this coming century will be much larger than anticipated, and possibly up to twice larger.

Source : USA Today via Yahoo News.

Réchauffement climatique et événements extrêmes // Global warming and extreme events

Une grande partie de la France a été touchée par de violents orages le 5 juin 2022, avec des chutes de grêle qui ont causé de très gros dégâts dans certains départements. C’est chaque fois la même rengaine: du jamais vu! Les climatologue lancent pourtant message d’alerte sur message d’alerte. Avec le réchauffement climatique, de tels événements seront de plus en plus fréquents et de plus en plus violents.

Il est très étonnant de lire sur le site de la radio France Info que [les orages] ne sont pas plus nombreux selon les spécialistes. Selon un prévisionniste de Météo-France, « on n’a pas de motif concret de penser que les orages sont plus nombreux qu’avant, notamment en lien avec le changement climatique. D’autant plus que le recul qu’on a sur ce type de phénomène n’est que d’une vingtaine d’années. […]. Donc c’est difficile de faire un lien entre changement climatique et occurrence d’orages. »,

En admettant qu’ils ne sont pas plus fréquents, force est de constater qu’ils sont de plus en plus souvent très violents avec des chutes de grêle destructrices. Avant les dégâts du week-end dernier, la grêle avait détruit toits et pare-brises à Châteauroux dans la nuit de dimanche 22 à lundi 23 mai 2022.

Les derniers rapports du GIEC ont mis en évidence les conséquences du changement climatique sur les précipitations extrêmes. Pour chaque degré supplémentaire de réchauffement global, ces précipitations s’intensifient de 7%. Après les ravages causés aux cultures et aux structures le week-end dernier, le ministre de l’Agriculture a déclaré qu’il faudrait s’adapter à ces phénomènes extrêmes. Facile à dire, car les solutions préventives sont coûteuses et pas toujours très efficaces. Il est tout de même très étonnant que le ministre n’ait pas ajouté qu’il faudrait enfin s’attaquer aux causes du réchauffement climatique, à savoir les émissions de gaz à effet de serre et leurs sources.

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A large part of France was affected by violent storms on June 5th, 2022, with hail which caused very serious damage in certain departments. It’s the same story each time: never seen before! Climatologists, however, issue warning message after warning message. With global warming, such events will become more frequent and more violent.
It is very surprising to read on the France Info radio site that [thunderstorms] are not more numerous according to specialists. According to a forecaster from Météo-France, « we have no concrete reason to think that storms are more numerous than before, particularly in connection with climate change. Especially since the hindsight we have on this type of phenomenon is only twenty years old. […] So it is difficult to make a link between climate change and the occurrence of storms. »,
Admitting that they are not more frequent, it is clear that they are more and more often very violent with destructive hailstorms. Before the damage last weekend, hail had destroyed roofs and windshields in Châteauroux on the night of Sunday May 22nd to Monday May 23rd, 2022.
The latest IPCC reports have highlighted the consequences of climate change on extreme precipitation. For each additional degree of global warming, this precipitation intensifies by 7%. After the devastation caused to crops and structures last weekend, the Minister of Agriculture said that it would be necessary to adapt to these extreme phenomena. Easy to say, because preventive solutions are expensive and not always very effective. It is very surprising that the minister did not add that we should finally tackle the causes of global warming, namely greenhouse gas emissions and their sources.

Panneaux photovoltaïques totalement détruits par la grêle sur un bâtiment agricole en Creuse (Source: France 3 Nouvelle Aquitaine)

Tourbières et changement climatique // Peatlands and climate change

Dans une note publiée le 21 août 2016, j’ai expliqué le rôle important joué par les tourbières des latitudes nordiques dans le cadre du réchauffement climatique (https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2016/08/21/les-tourbieres-et-le-rechauffement-climatique-peat-bogs-and-global-warming/)

Plusieurs articles récemment parus dans la presse s’attardent sur le rôle essentiel joué par les tourbières du bassin du Congo dans la partie centrale de l’Afrique.

Les forêts du Bassin du Congo représentent le second plus grand massif de forêts tropicales au monde, après l’Amazonie. Elles s’étendent sur une superficie de près de 228 millions d’hectares, couvrant le Congo, le Cameroun, la Centrafrique, la Guinée Equatoriale, la RDC et le Gabon. Considéré comme le deuxième poumon du monde, le Bassin du Congo occupe 26% de la surface des forêts tropicales de la planète; il abrite une biodiversité exceptionnelle et des peuples uniques. Ces forêts sont essentielles à la survie de l’humanité. Elles génèrent l’oxygène et tiennent également un rôle important dans la stabilité climatique. En effet, elles permettent la formation de tourbières. Sans forêt, pas de tourbières.

Un énorme puits de carbone, contenant 30 milliards de tonnes de dioxyde de carbone piégé dans une tourbière, dans la partie centrale du Bassin du Congo, a été découvert récemment. L’information a été publiée en février 2017, dans la revue Nature. Ce stock de carbone piégé équivaut à trois ans d’émissions mondiales liées aux énergies fossiles, ou à vingt années des émissions des Etats-Unis liées aux énergies fossiles ou autant que l’ensemble du carbone stocké au-dessus du sol dans les 228 millions d’hectares des forêts du Bassin du Congo.

Selon les analyses isotopiques menées par des chercheurs de l’université de Leeds, la tourbe a commencé à s’y accumuler il y a 10 600 ans. Elle forme désormais une couche épaisse de 2,4 mètres en moyenne (jusqu’à 5,9 mètres par endroits), sur une superficie de 145 500 km2.

Le problème, c’est que les forêts du Bassin du Congo sont soumises à des pressions croissantes qui pourraient, à terme, entraîner une très forte dégradation et accroître la pauvreté de la population, très nombreuse, qui dépend encore étroitement des ressources spontanées qu’offre la forêt. La transformation des tourbières à des fins agricoles, pétrolières ou minières aurait des conséquences environnementales très lourdes. Au Congo, la forêt est d’abord une ressource exploitée : le bois est coupé puis vendu. Un mètre cube peut se vendre plus de 100 euros, soit près d’un mois de salaire moyen dans le pays. Le plus grand danger pour les tourbières vient de l’exploitation industrielle, car l’État congolais vend sa forêt, et une partie empiète déjà sur les tourbières. Théoriquement, l’attribution de nouvelles concessions forestières est suspendue depuis 2002. Mais trois permis viennent d’être accordés à des entreprises chinoises dont deux se trouvent, elles aussi, sur les tourbières. L’enjeu est d’arriver à intéresser les habitants de la région, les transformer en gardiens de la tourbière, car c’est bien une partie de notre avenir qui se joue en ce moment sur les rives du bassin du Congo.

Le changement climatique est devenu l’un des défis environnementaux les plus importants auxquels est confronté notre temps. Dans un contexte où des efforts croissants sont déployés et des initiatives encouragées pour la réduction des émissions des gaz à effet de serre, la publication de la revue Nature a suscité un débat considérable et des intérêts entre les secteurs et à travers les frontières. C’est dans ce contexte qu’une équipe d’experts de l’ONU Environnement s’est rendue à Brazzaville et à Kinshasa, pour discuter de ces dernières découvertes et de leurs implications avec des autorités gouvernementales ainsi que d’autres parties prenantes. Les discussions ont permis aux partenaires d’identifier des actions gagnant-gagnant liées à la conservation et à la gestion durable des tourbières du Bassin du Congo.

Sources : Agence d’Information d’Afrique Centrale (ADIAC) & France Info.

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In a post published on August 21st, 2016, I explained the important role played by the peatlands in northern latitudes in the context of global warming (https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2016/08/21/les-tourbieres-et- the-warming-climate-peat-bogs-and-global-warming /)

Several recent articles in the press focus on the key role played by peat bogs in the Congo Basin in central Africa.

The Congo Basin forests are the second largest tropical forest in the world after the Amazon. They cover an area of ​​nearly 228 million hectares, covering Congo, Cameroon, the Central African Republic, Equatorial Guinea, DRC and Gabon. Considered the second largest lung in the world, the Congo Basin occupies 26% of the surface of the world’s tropical forests and is home to exceptional biodiversity and unique peoples. These forests are essential to the survival of humanity. They generate oxygen and also play an important role in climate stability. Indeed, they allow the formation of peat bogs. Without forests, no peat bogs.
A huge carbon sink, containing 30 billion tonnes of carbon dioxide trapped in a peat bog in the central part of the Congo Basin, was recently discovered. The information was published in February 2017, in the journal Nature. This trapped carbon stock equates to three years of global fossil fuel emissions, or twenty years of US fossil fuel emissions, or as much as all of the carbon stored above the ground in the 228 million hectares of Congo Basin forests.
According to isotope analyzes carried out by researchers at the University of Leeds, peat began to accumulate there 10 600 years ago. It now forms a thick layer of 2.4 meters on average (up to 5.9 meters in places) over an area of ​​145,500 square kilometres.
But the forests of the Congo Basin are under increasing pressure that could eventually lead to a very serious degradation and increase the poverty of the population, which is still very much dependent on the spontaneous resources offered by the forest. The transformation of peatlands for agricultural, oil or mining purposes would have very serious environmental consequences. In Congo, the forest is primarily an exploited resource: the wood is cut and then sold. One cubic metre can sell more than 100 euros, or nearly a month’s average salary in the country. The greatest danger to peat bogs comes from industrial logging, as the Congolese state sells its forest, and some of it is already encroaching on peat bogs. Theoretically, the allocation of new forest concessions has been suspended since 2002. But three permits have just been granted to Chinese companies, two of which are also located on peat bogs. The challenge is to get the inhabitants of the region interested, to turn them into the guardians of the peat bog, because this is a part of our future that is being played right now on the banks of the Congo Basin.
Climate change has become one of the most important environmental challenges. In a context of increasing efforts and encouraged initiatives to reduce greenhouse gas emissions, Nature‘s publication has sparked considerable debate and interest across sectors and across borders. It is in this context that a team of UN Environment experts visited Brazzaville and Kinshasa to discuss these latest findings and their implications with government authorities and other stakeholders. The discussions enabled the partners to identify win-win actions related to the conservation and sustainable management of peat bogs in the Congo Basin.
Sources: Central African Information Agency (ADIAC) & France Info.

Tourbière dans l’Arctique (Photo: C. Grandpey)