Un robot sous l’Est Antarctique // A robot beneath East Antarctica

Grâce à un robot d’exploration sous-marine, les océanographes de l’Organisation de recherche scientifique et industrielle du Commonwealth (CSIRO) ont obtenu les toutes premières données recueillies sous les vastes plateformes glaciaires de l’Antarctique oriental.
Dans le cadre du projet Argo, le robot autonome a passé plus de deux ans et demi à dériver sur environ 300 km dans les courants océaniques qui bordent le Continent Blanc. Durant cette période, il a effectué près de 200 missions qui ont permis d’accumuler des données sur la température, la pression et la salinité de l’eau, ainsi que sur les niveaux d’oxygène, de pH et de nitrates. Le robot s’est également aventuré sous les plateformes glaciaires Denman et Shackleton, où il a passé huit mois à collecter des données dans cette région de la planète jusqu’alors inexplorée.
L’équipe scientifique qui a piloté la mission Argo affirme que « ces observations sans précédent apportent un nouvel éclairage sur la vulnérabilité des plateformes glaciaires ».
Les conclusions de l’équipe scientifique ont été publiées dans la revue Science Advances ; elles apportent des éléments nouveau à notre compréhension de l’état de santé des plateformes glaciaires. La plateforme Shackleton (Shackleton Ice Shelf), la plus septentrionale de l’Antarctique oriental, reste à l’abri des eaux plus chaudes susceptibles de la faire fondre par en dessous, comme cela se passe dans l’Antarctique occidental. En revanche, le glacier Denman est dans une situation bien plus précaire. Sa disparition à elle seule contribuerait à une élévation du niveau des mers de près de 1,50 mètre. Malheureusement, le glacier Denman est désormais exposé à des eaux plus chaudes, ce qui pourrait accélérer sa fonte et engendrer un recul glaciaire significatif.
La fonte des plateformes glaciaires de l’Est Antarctique dépend largement du comportement de l’océan au sein d’une couche limite d’environ 10 mètres d’épaisseur située directement sous la plateforme glaciaire. Le robot Argo est conçu pour mesurer différents éléments à l’intérieur de cette couche limite. Jusqu’à présent, aucun robot n’avait passé autant de temps à proximité d’une plateforme glaciaire. Dans des conditions extrêmement difficiles, il a fourni une mine d’informations précieuses.
Les chercheurs espèrent que le robot du projet Argo ne sera pas le dernier à explorer les plateformes glaciaires de l’Est Antarctique et d’autres régions du continent. Ce type de robot fournit des données essentielles qui contribuent à améliorer les modèles informatiques climatiques et à réduire les incertitudes liées à l’élévation du niveau de la mer. Un chercheur a déclaré : « Le déploiement de davantage de robots le long de la banquise antarctique ferait avancer notre compréhension de la vulnérabilité des plateformes glaciaires aux changements océaniques.»
Source : Popular Science via Yahoo News.

Carte montrant le parcours du robot en Antarctique oriental (Source : CSIRO)

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Thanks to Argo, an underwater survey robot, oceanographers at the Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO) are getting the first-ever readings collected from underneath East Antarctic’s vast ice shelves.

Part of the ongoing Argo survey project, the autonomous device has spent over two-and-a-half years drifting through roughly 300 km of frigid ocean currents. In that time, the device has amassed almost 200 reports containing data on water temperature, pressure, and salinity, as well as oxygen, pH, and nitrate levels. The robot also journeyed underneath the Denman and Shackleton Ice Shelves, where it spent eight months collecting readings from a never-accessed region of the planet.

The scientific team that piloted thethe Argo mission say that « these unprecedented observations provide new insights into the vulnerability of the ice shelves. »

The team’s findings, detailed in a study published in the journal Science Advances, both reinforce and update our current understanding of icy shelf health. The Shackleton Ice Shelf is the furthest north in the East Antarctic and remains unexposed to warmer waters that might melt it from below. However, the Denman Glacier is in a more precarious state. Denman’s disappearance alone would contribute to a nearly 1.50 meter rise in global sea levels. Unfortunately, Denman is now exposed to some warmer waters, which could accelerate melt rates and facilitate a more unstable ice retreat.

This melting is largely dependent on the ocean’s state within a nearly 10-meter-thick boundary layer that exists directly underneath the ice shelf itself. The Argo robot is designed to measure various elements inside this boundary layer. Until now, no robot had spent such an extensive amount of time near one. Under incredibly hard conditions, the tiny instrument has delivered a wealth of invaluable information.

Researchers hope Argo won’t be the last to visit these and other ice shelves. These types of robots offer vital data that helps improve climate computer models and reduce uncertainties about sea level rise. Said one researcher : “Deploying more robots along the Antarctic continental shelf would transform our understanding of the vulnerability of ice shelves to changes in the ocean.”

Source : Popular Science via Yahoo News.

L’Antarctique révèle de l’air d’il y a 6 millions d’années // Antarctica reveals air 6 million years old

Des carottes de glace extraites des profondeurs de l’Antarctique viennent de livrer les plus anciens échantillons de glace et d’air glaciaires jamais découverts et datés à ce jour..
Sous des centaines de mètres de glace accumulée au fil des millénaires à Allan Hills, une équipe de scientifiques du Woods Hole Oceanographic Institute a recueilli des échantillons enfouis depuis environ 6 millions d’années.

 Source : Wikipedia

La Terre étant une planète géologiquement active et en constante évolution, reconstituer les climats du passé peut s’avérer complexe. L’Antarctique fait exception : l’accumulation constante de glace et de neige y emprisonne et fige la matière, créant ainsi une capsule temporelle témoignant de l’histoire climatique de la Terre. En étudiant la glace ancienne contenue dans des carottes verticales extraites de glace de plusieurs centaines de mètres d’épaisseur, les scientifiques peuvent, du moins en Antarctique, reconstituer les conditions environnementales passées de notre planète.

Carotte de glace sur la base scientifique Little Dome C, le 7 janvier 2025 en Antarctique. Longue de 2,8 kilomètres de long, elle remonte jusqu’à au moins 1,2 million d’années, (Source : PNRA/IPEV)

À Allan Hills, la concentration de glace bleue est particulièrement précieuse. Il s’agit d’une glace comprimée au fil du temps, ce qui a entraîné l’expulsion de bulles d’air plus importantes et l’agrandissement des cristaux de glace. La glace ainsi obtenue absorbe les longueurs d’onde plus rouges, lui conférant une teinte bleutée caractéristique. Comme la neige ne s’y accumule plus en raison de l’érosion et de la sublimation, la glace ancienne d’Allan Hills est plus proche de la surface que dans d’autres régions de l’Antarctique. Allan Hills est donc l’un des meilleurs endroits au monde pour trouver de la glace ancienne peu profonde, mais aussi l’un des plus difficiles d’accès pour les scientifiques.
Bien que cette glace ne présente pas de bulles d’air visibles, elle contient encore des poches d’air microscopiques, tellement compactées qu’elles occupent de minuscules espaces dans sa structure cristalline. Ces poches d’air comprimé sont très précieuses car elles offrent un aperçu du climat primitif de la Terre.

Glace bleue d’Allan Hills (Crédit photo : Woods Hole Oceanographic Institute)

Trois carottes de glace ont été forées à Allan Hills à des profondeurs de 150, 159 et 206 mètres. Dans ces carottes de glace, les chercheurs espéraient trouver de la glace suffisamment ancienne qui leur permettrait de pénétrer dans le Pliocène qui s’est achevé il y a environ 2,6 millions d’années. Initialement, ils espéraient trouver de la glace vieille de 3 millions d’années, voire un peu plus, mais leur carotte a dépassé leurs attentes.
Lorsque les scientifiques ont effectué une datation isotopique à l’argon sur leurs échantillons, ils ont constaté que la carotte la plus profonde des trois contenait de la glace vieille d’environ 6 millions d’années, datant de la fin du Miocène, il y a environ 5,3 millions d’années ! D’autres échantillons analysés étaient plus jeunes, ce qui offrait aux chercheurs une plage d’observation couvrant la fin du Miocène et la majeure partie du Pliocène.
Ensuite, les chercheurs ont réalisé une analyse isotopique de l’oxygène afin d’évaluer les conditions de température à chaque période révélée par la carotte de glace. Ils ont constaté qu’il y a 6 millions d’années, l’Antarctique était environ 12 degrés Celsius plus chaud qu’aujourd’hui, et que le refroidissement jusqu’à sa température actuelle a été un processus lent et progressif.

À l’avenir, les chercheurs espèrent reconstituer la composition de l’atmosphère terrestre à différentes époques afin de déterminer quels gaz à effet de serre étaient présents, à quelles concentrations et comment la situation climatique a pu évoluer au fil du temps. Compte tenu de la glace exceptionnellement ancienne qu’ils ont découverte à Allan Hills, les scientifiques du Woods Hole Oceanographic Institute ont également conçu une nouvelle étude exhaustive à plus long terme de cette région afin d’étendre encore davantage les données chronologiques. Ils espèrent la mener entre 2026 et 2031.
Ces travaux ont été publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) qui ont servi de référence pour rédiger cette note.

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Ice cores excavated from deep under the surface of Antarctica have just yielded humanity’s oldest directly dated samples of glacial ice and air ever found.

From beneath hundreds of meters of glacial ice that gradually accumulated over eons at Allan Hills in Antarctica, a team of scientists from the Woods Hole Oceanographic Institute has retrieved samples that have been buried for some 6 million years.

Because planet Earth is geologically active and changing, finding records of past climate can be challenging. However, Antarctica is one exception; there, the constant accumulation of ice and snow traps and freezes material, creating a time capsule record of Earth’s climate history. By studying ancient ice in vertical cores extracted from ice hundreds of meters thick, scientists can reconstruct our planet’s past environmental conditions, at least at Antarctica.

At Allan Hills, the concentration of blue ice is particularly valuable. This is ice that has been compressed over time, squeezing out larger air bubbles and enlarging the ice crystals, so that the resulting ice absorbs redder wavelengths, lending it a distinctly blueish hue. Because Allan Hills no longer accumulates snow due to weathering and sublimation processes, the older ice is closer to the surface than in other parts of Antarctica. Allan Hills is one of the best places in the world to find shallow old ice, and one of the toughest places for scientists to work.

Although this ice has no visible air bubbles, it still contains microscopic pockets of air, so densely packed that they occupy tiny spaces in the ice’s crystal structure. These compressed pockets of air are highly prized for the window they offer into Earth’s early climate.

Three ice cores were drilled at Allan Hills cores from depths of 150, 159, and 206 meters. In these cores, the researchers hoped to find ice old enough to help tap into the climate of the Pliocene which ended about 2.6 million years ago. Initially, the researchers had hoped to find ice up to 3 million years old, or maybe a little older, but this discovery has far exceeded their expectations.

When the scientists performed argon isotope dating of their samples, they found that the deepest of the three had ice up to about 6 million years old, towards the end of the Miocene epoch, about 5.3 million years ago. Other tested samples were younger, providing the researchers with a series of snapshots spanning the end of the Miocene and most of the Pliocene.

Next, the researchers performed oxygen isotope analysis to gauge temperature conditions at each of their ‘snapshots’. They found that 6 million years ago, Antarctica was about 12 degrees Celsius warmer than it is now, and that the cooling to its current temperature was a smooth, gradual process rather than a sudden one.

Going forward, the researchers hope to reconstruct the contents of Earth’s atmosphere at these different times to determine what greenhouse gases were present, in which concentrations, and how that profile may have changed over time.

Given the spectacularly old ice they have discovered at Allan Hills, the scientists at theWoods Hole Oceanographic Institute also have designed a comprehensive longer-term new study of this region to try to extend the records even further in time, which they hope to conduct between 2026 and 2031.

The research has been published in the Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) that were used as a reference to write this post.

Nouvelle alerte glaciaire en Antarctique // New glacial alert in Antarctica

Sur la Péninsule Antarctique, le glacier Hektoria a reculé de près de 50 % en seulement deux mois C’est le recul le plus rapide jamais enregistré dans l’histoire moderne, selon une nouvelle étude publiée en novembre 2025 dans la revue Nature Geoscience. Une telle fonte pourrait avoir des conséquences majeures sur l’élévation du niveau de la mer.

Crédit photo : Naomi Ochwat

Les glaciers ancrés sur le plancher océanique, comme le Hektoria, ne reculent généralement que de quelques centaines de mètres par an. Or, entre novembre et décembre 2022, ce dernier a reculé de 8 kilomètres.

Recul du glacier Hektoria (Source : Adrian Luckman)

Il est crucial de comprendre les causes de ce phénomène. Les auteurs de l’étude avertissent que si des glaciers plus imposants que l’Hektoria reculent à un rythme similaire, cela pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur l’élévation du niveau de la mer. On sait que l’Antarctique contient suffisamment de glace pour faire monter le niveau de la mer d’une soixantaine de mètres.
Les chercheurs ont identifié plusieurs facteurs ayant conduit au recul rapide de l’Hektoria. En 2011, la banquise a rempli la baie où il se trouve, ce qui a stabilisé les glaciers environnants. Ils ont pu avancer dans la baie et de former de solides plates-formes glaciaires. En 2022, ces plates-formes se sont désintégrées dans la baie, ce qui a déstabilisé les glaciers, et provoqué leur recul.
L’Hektoria s’est désintégré beaucoup plus rapidement que ses voisins en raison de la nature du substrat sur lequel il repose. L’Hektoria repose sur une plaine où la glace glisse sur les sédiments du plancher océanique. De telles plaines peuvent entraîner un recul rapide des glaciers car, à mesure qu’il s’amincissent, la glace commence à remonter vers la surface et l’eau s’infiltre dans les crevasses, exerçant une pression qui provoque le vêlage du glacier, avec le détachement de larges plaques. Lorsqu’un iceberg se détache, il expose le glacier situé derrière lui à de nouvelles pressions, et un nouveau vêlage se produit.

Ce type de fonte sur un relief littoral plat s’est déjà produit. Des modèles montrent qu’entre 15 000 et 19 000 ans avant notre ère, lors d’une période de réchauffement qui a mis fin à la dernière glaciation, les glaciers reposant sur les plaines littorales ont reculé de plusieurs centaines de mètres par jour. Cependant, jusqu’à présent, personne n’avait observé ce processus en direct, et encore moins à ce rythme.
Les auteurs de l’étude expliquent que le recul de l’Hektoria a été fortement influencé par le réchauffement climatique. La fonte de la banquise autour de l’Hektoria, probablement due au réchauffement des océans, a permis aux vagues de la fragmenter, exposant ainsi le glacier aux forces océaniques. Avec l’accélération du réchauffement climatique, nous devrions observer une réduction accrue de la banquise dans cette région. D’autres glaciers pourraient alors perdre les plateformes de glace qui les retiennent.
L’Hektoria est un glacier relativement petit à l’échelle de l’Antarctique, et sa disparition partielle n’aura qu’un impact limité sur le niveau de la mer. Cependant, des glaciers antarctiques bien plus imposants, comme le Thwaites ou le Pine Island, pourraient subir le même processus car l’évolution des calottes glaciaires terrestres est intimement liée au réchauffement climatique.

La prochaine étape consiste à mieux identifier les zones de l’Antarctique vulnérables à ce phénomène. Ces recherches font craindre que la fonte des glaces en Antarctique, qui contribue à l’élévation du niveau de la mer, « s’accélère plus rapidement que prévu. Cela confirme que l’humanité a encore beaucoup à apprendre sur ce vaste continent isolé.»
Source : CNN, BBC.

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On the Antarctic Peninsula, the Hektoria Glacier has shrunk by nearly 50% in just two months, the fastest retreat recorded in modern history, according to a new study published in Novemver 2025 in the journal Nature Geoscience.. Such melting could have big implications for global sea level rise.

Grounded glaciers like Hektoria, which rest on the seabed and don’t float, generally retreat no more than a few hundred meters a year. But between November and December 2022, Hektoria retreated by 8 kilometers.

Understanding more about why this happened is vital. The authors of the study warn that if larger glaciers retreat at similar rates, it could have “catastrophic implications for sea level rise.” Antarctica holds enough ice to raise global sea level by around 60 meters.

The researchers have identified several steps that led to Hektoria’s rapid retreat. In 2011, the bay filled with fast ice, stabilizing the glaciers around it, allowing them to advance into the bay and form thick, floating ice tongues. In 2022, this fast ice broke out of the bay, destabilizing the glaciers, causing them to lose their ice tongues and retreat.

The reason Hektoria fell apart much faster than its neighboring glaciers is due to what lies beneath it. Hektoria rests on an ice plain, where sliding ice glides over flat sediment on the seabed. Ice plains can prompt fast retreat because as the glacier thins, the ice starts to rise up and water pushes underneath into its crevasses, exerting pressure and causing large slabs to break off. As one iceberg calves, it exposes the glacier behind it to the same pressures and calving happens again.

This kind of ice plain melting has happened before. Models show that between about 15,000 and 19,000 years ago, during a period of warming that ended the last Ice Age, glaciers with ice plains retreated hundreds of meters a day. However, until now, nobody had seen the process play out live before, and not at this rate.

The study authors explain that Hektoria’s retreat was heavily influenced by global warming. The loss of sea ice in the ocean next to Hektoria, believed to have been driven by ocean warmth, allowed wave swells to reach the fast ice and break it up, leaving the glacier exposed to ocean forces. As climate change accelerates, we are likely to see more reductions of sea ice in this region. This could result in other glaciers losing the ice shelves that currently buttresses them.

Hektoria is a relatively small glacier by Antarctic standards, and its partial demise won’t cost the planet much in terms of sea level rise. However, much larger Antarctic glaciers like Thwaites or Pine Island could conceivably go through the same process, as this whole evolution of the ice sheets on Earth evolves with global warming. The next stage is to better establish which areas in Antarctica are vulnerable to the same process. The research raises fears that ice loss from Antarctica, which contributes to sea-level rise, “could occur more rapidly than projected. It’s another sign humanity still has a lot to learn about this vast, isolated continent.”

Source : CNN, The BBC.

Deux éruptions jumelles au 15ème siècle ont déclenché des décennies de froid autour de la Terre // Twin 15th-century eruptions triggered decades of cold around Earth

Une nouvelle analyse de carottes de glace prélevées en Antarctique révèle qu’il y a près de 600 ans, vers 1458-1459, deux volcans sont entrés en éruption presque simultanément, enveloppant la planète d’un voile de cendres et de soufre. Ce phénomène a déclenché l’une des décennies les plus froides du dernier millénaire et modifié le climat dans les deux hémisphères.
De nouvelles preuves qui se dissimulaient dans la glace de l’Antarctique montrent aujourd’hui que l’événement, longtemps attribué à un seul volcan du Pacifique, était en réalité le résultat d’une double éruption. L’une provenait du Kuwae, un volcan sous-marin situé entre les îles Epi et Tongoa au Vanuatu, l’autre d’un volcan non identifié quelque part dans l’hémisphère sud.

 

Source : Oregon State University

L’étude, publiée dans Communications Earth & Environment en 2025, est le fruit d’une collaboration entre des scientifiques coréens et russes qui ont analysé du verre volcanique microscopique emprisonné au cœur de la glace antarctique. Ces fragments contiennent des indices chimiques qui révèlent à la fois la chronologie et l’origine des éruptions anciennes.
Les années 1450 comptaient déjà parmi les décennies les plus froides de notre ère. Les archives historiques décrivent de très mauvaises récoltes, l’avancée des glaciers et des gelées soudaines de l’Europe à l’Asie.

Pendant des décennies, ces anomalies ont été imputées à l’éruption du Kuwae dont l’éruption remonterait à 1452. Cependant, les carottes de glace de l’Antarctique et du Groenland révèlent deux pics de soufre bien distincts : l’un en 1452 et l’autre en 1458. Le signal le plus fort de 1458 laisse supposer que le refroidissement principal a commencé plusieurs années plus tard qu’on ne le pensait. Les scientifiques ont alors émis l’hypothèse qu’un autre volcan en était responsable.
La dernière étude confirme ces soupçons. Ses auteurs ont découvert que les éclats de verre présents dans la glace antarctique de 1458-1459 présentaient deux compositions chimiques distinctes : l’une dacitique, correspondant à Kuwae, et l’autre rhyolitique, donc d’origine différente. Cela signifie que deux grandes éruptions ont eu lieu sur la planète à quelques mois d’intervalle. Elles ont épaissi le voile d’aérosols qui recouvrait la Terre et amplifié le refroidissement qui a suivi.
Ensemble, ces deux panaches ont réduit les températures mondiales d’environ 0,4 °C pendant plusieurs années. Les cernes des arbres d’Asie, d’Europe et d’Amérique du Nord confirment une période de croissance raccourcie et des étés exceptionnellement froids qui a duré jusqu’à la fin des années 1460.
Les preuves de cette double éruption proviennent d’une carotte de 30,18 m prélevée près de la station Vostok, en Antarctique oriental, en 2021.

 Vue de la station Vostok (Crédit photo : Arctic and Antarctic Research Institute)

La glace à cette profondeur s’est formée il y a environ six siècles tout en capturant les empreintes chimiques de l’événement de 1458-1459. Les scientifiques ont extrait 14 éclats de verre volcanique de cette glace. Chaque particule étant trop petite pour être analysée avec les techniques de laboratoire conventionnelles, les chercheurs ont eu recours à la microscopie électronique avec spectrométrie de rayons X à dispersion d’énergie. Ils ont mesuré la composition chimique de chaque éclat de verre volcanique. La moitié des éclats présentait une composition dacitique typique de Kuwae, tandis que les autres étaient rhyolitiques, ce qui ne correspondait pas, non plus, aux échantillons du Reclus, un volcan chilien autrefois soupçonné d’être la deuxième source éruptive. Cela signifiait que les éclats rhyolitiques provenaient d’un volcan non répertorié, situé dans l’extrême sud. Les candidats probables se trouvent dans le sud de l’Amérique du Sud, dans les îles subantarctiques, voire dans la péninsule Antarctique proprement dite.
L’analyse des cendres et du dioxyde de soufre (SO2) émis dans l’atmosphère a révélé un schéma compatible avec deux éruptions distinctes. Au final, les preuves plaident en faveur d’un scénario d’éruptions quasi simultanées, où la charge atmosphérique combinée a intensifié le refroidissement au-delà de ce que chacune des éruptions aurait pu produire individuellement.

Concernant l’effet sur le climat, ces éruptions jumelles ont prolongé le refroidissement en bloquant simultanément la lumière du soleil dans les deux hémisphères. Cela explique pourquoi le refroidissement des années 1450 a été plus fort et plus durable. L’intégration du comportement du double panache dans les modèles climatiques pourrait améliorer les prévisions des variations de température et des délais de récupération de l’atmosphère après une éruption. L’étude montre également qu’il est important de combiner les données des deux régions polaires.
Source : The Watchers.

Références scientifiques :

1 Antarctic ice reveals two volcanoes erupting simultaneously may have caused 15th-century cooling – Phys.org – October 22, 2025

2 Origin of the 1458/59 CE volcanic eruption revealed through analysis of glass shards in the firn core from Antarctic Vostok station – Seokhyun Ro et al. – Nature – October 20, 2025 – https://doi.org/10.1038/s43247-025-02797-x – OPEN ACCESS.

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A new analysis of Antarctic ice cores reveals that nearly 600 years ago, around 1458–1459 CE, two massive volcanoes erupted almost simultaneously, shrouding the planet in a veil of ash and sulfur that triggered one of the coldest decades of the last millennium and altered weather across both hemispheres.

New evidence preserved in Antarctic ice now shows that the event long attributed to a single volcano in the Pacific was in fact a dual eruption, one from Kuwae in Vanuatu and another from an unidentified volcano somewhere in the Southern Hemisphere.

The study, published in Communications Earth & Environment in 2025, was the result of a collaboration between Korean and Russian scientists who analyzed microscopic volcanic glass trapped deep inside Antarctic ice. These fragments hold chemical clues that reveal both the timing and origin of ancient eruptions.

The 1450s were already one of the coldest decades in the Common Era. Historical records describe failed harvests, advancing glaciers, and sudden frosts stretching from Europe to Asia. For decades, these anomalies were blamed on the eruption of Kuwae, a massive submarine volcano in the Pacific, believed to have erupted in 1452

However, Antarctic and Greenland ice cores reveal two distinct sulfur spikes: one in 1452 and another in 1458. The stronger signal in 1458 suggestd the main cooling began several years later than previously thought. Scientists began to believe that another volcano, was responsible.

The new study confirms that suspicion. It found that glass shards in the 1458–1459 layer of Antarctic ice have two distinct chemical compositions: one dacitic, matching Kuwae, and another rhyolitic, belonging to a different source.This means two large eruptions struck the planet within months of each other, thickening the global aerosol haze and amplifying the cooling that followed.

Together, the twin plumes reduced global temperatures by roughly 0.4°C for several years. Tree rings from Asia, Europe, and North America confirm a period of shortened growing seasons and unusually cold summers that lasted well into the late 1460s.

The evidence comes from a 30.18 m firn core drilled near Vostok Station in East Antarctica in 2021. The ice at that depth formed roughly six centuries ago, capturing the chemical fingerprints of the 1458/59 event. Scientists in their labs later extracted 14 volcanic glass shards from that layer. As each particle was too small to analyze using conventional laboratory techniques, the researchers resorted to electron microscopy with energy-dispersive X-ray spectrometry. They measured the chemical composition of each shard. Half of the shards showed a dacitic composition typical of Kuwae, while the rest were rhyolitic, inconsistent with samples from Reclus, a Chilean volcano once suspected of being the second source. This meant the rhyolitic shards came from an undocumented volcano somewhere in the far south. The likely candidates lie in southern South America, the sub-Antarctic islands, or even the Antarctic Peninsula itself.

The analysis of the ash and sulfur dioxide (SO2) sent into the atmosphere revealed a pattern consistent with two separate eruptions. In the end, the evidence strongly supports a near-simultaneous eruption scenario, where the combined atmospheric load intensified cooling beyond what either eruption could have achieved alone.

As far as the effect on the climate is concerned, such dual eruptions prolong cooling by keeping sunlight blocked from both hemispheres simultaneously. This helps explain why the 1450s cooling was stronger and longer-lasting than expected from Kuwae alone. Including dual-plume behavior in climate models could improve predictions of post-eruption temperature changes and recovery times. The research also shows the importance of combining data from both polar regions.

Source : The Watchers.

Scientific references:

1 Antarctic ice reveals two volcanoes erupting simultaneously may have caused 15th-century cooling – Phys.org – October 22, 2025

2 Origin of the 1458/59 CE volcanic eruption revealed through analysis of glass shards in the firn core from Antarctic Vostok station – Seokhyun Ro et al. – Nature – October 20, 2025 – https://doi.org/10.1038/s43247-025-02797-x – OPEN ACCESS.