La situation a été particulièrement tendue ces derniers jours sur la Grande Ile d’Hawaii, à l’intersection entre la Saddle Road – entre le Mauna Loa et le Mauna Kea – et la route qui conduit au sommet du Mauna Kea. De nombreux manifestants se sont rassemblés pour montrer leur désaccord avec la construction du Thirty Meter Telescope (TMT) qui est prévue, selon eux, sur une terre sacrée. Les médias ont publié les photos de centaines de personnes rassemblées sur une coulée de lave noire qui se poursuit de l’autre côté de la route.
L’éruption qui a provoqué cette coulée de lave noire a débuté le 21 novembre 1935 au niveau du cratère sommital du Mauna Loa. La lave a rapidement progressé dans la partie supérieure de la zone de rift nord-est du volcan. Elle s’est ensuite dirigée vers l’ouest, bien à l’écart de Hilo, la plus grande ville de l’île.
Le 27 novembre, une autre bouche s’est ouverte plus bas sur le flanc nord du Mauna Loa. Une nouvelle coulée de lave est apparue et s’est rapidement dirigée vers le nord. Au bout de 10 jours, la coulée a cessé de progresser et la lave – tout en restant active – s’est accumulée derrière le Pu’uhuluhulu, à la base du Mauna Kea. Elle est connue sous le nom de ‘coulée d’Humu’ula’.
Cette coulée de lave a inquiété les habitants de Hilo car, après s’être accumulée derrière le Pu’uhuluhulu, elle a soudainement recommencé à avancer en direction de la ville à raison d’environ 2 à 3 kilomètres par jour pendant près d’une semaine fin décembre 1935.
Thomas Jaggar, qui était à l’époque directeur de l’Observatoire des Volcans d’Hawaï (HVO), a mis en garde les habitants de l’île sur les risques de destruction par les coulées de lave. Lorsqu’il est apparu que la coulée d’Humu’ula se dirigeait vers Hilo, il a décidé de détourner la lave en bombardant la coulée et a demandé à des avions de l’armée basés à Oahu d’effectuer cette mission.
L’opération de bombardement a été lancée à partir de l’aéroport de Hilo le 27 décembre 1935. Après que les avions militaires aient largué des bombes près de la bouche éruptive, la coulée a semblé ralentir. Quelques jours plus tard, Jaggar a déclaré que l’opération était un succès et la plupart des habitants de Hilo, soulagés par ses paroles, ont pu reprendre leurs activités habituelles.
Toutefois, tout le monde n’était pas d’accord avec l’initiative de Thomas Jaggar. Le 28 décembre 1935, on pouvait lire en première page du Hilo Tribune Herald «Pele en colère! Les vieux Hawaiiens ont peur des bombardements. » L’article cite les témoignages de plusieurs Hawaiiens. « Il ne faut pas déranger Pele », a déclaré l’un d’eux. «Ce bombardement est une folie. Il fera plus de mal que de bien. Si Pele a décidé de venir à Hilo, ce n’est pas à l’homme de la dissuader par des méthodes artificielles. On ne l’arrêtera pas de cette façon.» Un habitant de Puna a exprimé la même préoccupation:« Pourquoi ne laissent-ils pas Pele tranquille? Ils ne devraient pas entraver la coulée. Si Pele a décidé de se rendre à Hilo, il n’y a rien qu’ils puissent faire pour l’arrêter. »
Au bout du compte, Thomas Jaggar a été le seul à affirmer que le bombardement avait été un succès. Edward G. Wingate, surintendant du parc national d’Hawaï, s’est montré très sceptique quant à l’utilisation d’avions et il avait organisé le transport des explosifs jusqu’à la bouche éruptive par voie terrestre. Les géologues de l’époque n’étaient pas convaincus et, plus récemment, des études sur la coulée de 1935 ont montré que son ralentissement était une simple coïncidence avec le bombardement et n’avait pas été vraiment provoqué par ce dernier. Cette histoire me rappelle ce qui s’est passé sur l’Etna lors de l’éruption de 1991-1993, lorsque des blocs de béton ont été largués dans des tunnels pour arrêter la lave. Tout le monde n’était pas d’accord avec cette initiative. La fin de l’éruption semble davantage liée à la diminution du débit de lave qu’au largage des blocs de béton dans les tunnels.
Source: USGS / HVO.
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On Hawaii Big Island, the situation has been tense in the past days at the intersection between the Saddle Road between Mauna Loa and Mauna Kea and the road that leads to the summit of Mauna Kea. Lots of protesters have gathered to show their disagreement about the building of the Thirty Meter Telescope (TMT) on what they call sacred land. Many hundreds of people can be seen standing on a black lava flow that continues on the other side of the highway.
The eruption that produced the lava flow started at the summit crater of Mauna Loa on November 21st, 1935, and quickly progressed into the volcano’s upper Northeast Rift Zone. From there, lava advanced to the west, away from Hilo, the largest city on the island.
On November 27th, another vent opened lower on the north flank of Mauna Loa, from which an additional lava flow quickly advanced to the north. Within 10 days, the flow had stalled at the base of Mauna Kea but remained active. This lava was known as the Humu’ula flow.
The lava flow worried residents of Hilo for a time because, after ponding behind Pu’uhuluhulu, it suddenly broke out toward the city at alarming rates of about 2 to 3 kilometres per day for nearly a week in late December.
Thomas Jaggar, who was director of the Hawaiian Volcano Observatory (HVO) at the time, warned island residents about the potential destruction by future lava flows. When it appeared that the 1935 Humu’ula flow was headed toward Hilo, he decided to divert the lava by bombing the flow and requested Army airplanes from Oahu to do the job.
The bombing operation was launched from Hilo airport on December 27th, 1935. After the military planes dropped bombs near the eruptive vent, the flow appeared to slow. A few days later, Jaggar declared success, and most Hilo residents, relieved by his words, went back to their normal tasks.
But not everyone was happy. On December 28th, an article on the front page of the Hilo Tribune Herald was titled, “Pele Angry! Old Natives express fear of bombing.” The article went on to quote several Hawaiians. “Pele should not be disturbed,” one Hawaiian said in the article. “This bombing is a folly. It will do more harm than good. If Pele makes up her mind to come to Hilo it is not for man to dissuade her by artificial methods. She cannot be stopped that way.” A Puna resident voiced the same concern: “Why don’t they leave Pele alone? They shouldn’t interfere with the flow. If Pele decides to flow to Hilo, there’s nothing that they can do to stop her.”
In the end, Thomas Jaggar was the only one to affirm that the bombing was a success. Jaggar’s boss, Edward G. Wingate, superintendent of Hawaii National Park had been skeptical of the use of airplanes and arranged transport of the explosives to the vent by land. Contemporary geologists were unconvinced, and, in more recent times, studies of the 1935 flow show that its slowing was probably coincident with, rather than caused by, the bombing. This reminds me of what happened at Mt Etna durng the 1991-1993 eruption when blocks of concrete were dropped in lava tubes to stop the lava. The end of the eruption seems med related to the decrease of the lava output than to the dropping of the concrete blocks in the tunnels.
Source: USGS / HVO.

Vue panoramique de la coulée de Humu`ula (lave noire) de part et d’autre de la Saddle Road entre le Mauna Loa et le Mauna Kea. Au centre de la photo, tout à fait au fond, on aperçoit le sommet du Hualālai (Crédit photo : Jim Kauahikaua / HVO)

Vue aérienne de l’explosion d’une bombe sur la coulée de 1935 du Mauna Loa; (Photo prise le 27 décembre 1935 par l’armée américaine).


Largage de blocs de béton pendant l’ « Opération Thrombose » sur l’Etna en 1993. (Photos : C. Grandpey)