Inclusions fluides et chambres magmatiques du Kilauea (Hawaï) // Fluid inclusions and magma chambers at Kilauea Volcano (Hawaii)

Dans un épisode de la série Volcano Watch, publié le 13 mars 2025, des scientifiques de l’Observatoire Volcanologique d’Hawaï (HVO) ont essayé de déterminer la profondeur de la chambre magmatique à l’origine des éruptions du Kilauea. Ils expliquent que lorsque le magma remonte de 100 km de profondeur sous la surface, la pression chute et des bulles se forment, Emprisonnées dans des cristaux en train de se développer, ces minuscules bulles ont été baptisées inclusions fluides par les scientifiques.

Sur des volcans comme le Kilauea, les bulles sont principalement constituées de CO2. La densité du CO2 dans une inclusion fluide dépend de la pression à laquelle le magma était soumis lorsque le CO2 était piégé dans un cristal. Plus la profondeur (et donc la pression) du magma est importante sous la surface, plus la densité du CO2 est élevée, ce qui permet d’obtenir une indication précise de la profondeur à laquelle le magma était stocké.

En mesurant la densité de CO2 dans de nombreuses inclusions fluides, les scientifiques peuvent déterminer la profondeur à laquelle le gaz a été piégé dans les cristaux, et donc la profondeur à laquelle le magma était stocké avant l’éruption. En septembre 2023, le Kilauea est entré en éruption dans la caldeira sommitale. Une équipe scientifique de l’Université de Californie à Berkeley (UCB) et du HVO a alors procédé à une série rapide de manipulations. L’objectif était de déterminer si les inclusions fluides peuvent être analysées en temps quasi réel afin de fournir des informations sur les profondeurs de stockage du magma lors d’une éruption.

Image de l’éruption de 2023 (Crédit photo: USGS)

Les scientifiques du HVO ont collecté des échantillons de téphra et les ont envoyés à l’UCB. Dès réception des échantillons, les scientifiques de l’UCB ont commencé leurs travaux de laboratoire vers 9 heures (heure locale). Ils ont broyé les échantillons, sélectionné et poli des cristaux d’olivine pour trouver les inclusions fluides, et mesuré leur densité de CO2 à l’aide d’un spectromètre Raman. L’opération consiste à envoyer une lumière monochromatique sur l’échantillon et à analyser la lumière diffusée.
À la fin de la journée, vers 19 heures, les données concernant 16 cristaux avaient été collectées et analysées. Les données, partagées avec le HVO, ont montré que le magma qui avait provoqué l’éruption avaient été stocké dans le réservoir magmatique le moins profond du Kilauea, à une profondeur de 1 à 2 km. Cette profondeur est typique des petites éruptions sommitales, tandis que les éruptions plus importantes, comme celle qui a eu lieu dans la Lower East Rift Zone en 2018, révèlent souvent des magmas provenant de 3 à 5 km de profondeur.

La méthode utilisée par les scientifiques de l’UCB et du HVO fonctionne bien à Hawaï, car le magma des volcans hawaïens contient très peu d’eau, ce qui a favorisé le succès des travaux sur les inclusions fluides. De nombreux autres volcans dans le monde possèdent des magmas bien plus riches en eau, auxquels les travaux d’inclusion fluide ne conviendraient pas. Afin de déterminer si cette technique pouvait être appliquée à d’autres volcans que le Kīlauea, les scientifiques de l’UCB ont compilé une vaste base de données d’analyses d’inclusions fluides provenant d’autres systèmes volcaniques aux éruptions fréquentes dans le monde, notamment en Islande, dans les îles Galápagos, le rift est-africain, à la Réunion, dans les îles Canaries, les Açores et au Cap-Vert. Il convient de noter que tous ces volcans sont situés au-dessus d’un point chaud, comme à Hawaï. Par conséquent, les volcans de ces régions sont suffisamment dépourvus d’eau pour que la méthode des inclusions fluides soit efficace.

En fin de compte, l’étude a démontré que la technique mise en œuvre par l’UCB et le HVO peut être appliquée avec succès pour fournir en temps quasi réel, lors d’éruptions volcaniques, des informations sur la profondeur de la source magmatique sur de nombreux volcans à travers le monde.

Source : USGS / HVO.

 

Microphotographies d’inclusions fluides (images a et b) piégées dans des cristaux d’olivine présents dans des échantillons de roche prélevés le 10 septembre 2023, lors de l’éruption sommitale du Kīlauea (a-b, à gauche). Les données fournies par ces inclusions fluides, recueillies sur trois jours, révèlent que le magma a résidé dans la chambre magmatique peu profonde de l’Halemaʻumaʻu (HMM) avant l’éruption. La chambre magmatique profonde de la Caldeira Sud (SC) est également représentée (c, à droite). [Source : USGS]

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In an episode of the series Volcano Watch, published on March 13th, 2025, scientists at the Hawaiian Volcano Observatory (HVO) tried to determine the depth of the storage chamber that is the source of the eruptions. They explain that as magma rises from 100 km deep beneath the surface, the pressure drops, and bubbles form. When trapped within growing crystals, these tiny bubbles are called fluid inclusions.

At volcanoes like Kīlauea, the bubbles are primarily CO2. The density of CO2 in a fluid inclusion is sensitive to the pressure the magma was under when the CO2 was trapped in a crystal. The greater the depth (and pressure) the magma was below the surface, the higher the CO2 density, providing a precise record of magma storage depths.

By measuring CO2 densities in lots of fluid inclusions, scientists can determine the depth at which the gas became trapped in crystals, and hence the depth of magma storage before eruption.

In September 2023, Kīlauea erupted within the summit caldera, and a team of scientists from the University of California Berkeley (UCB) and from HVO carried out a rapid response exercise.

They wanted to determine whether fluid inclusions could be analyzed in near-real-time to provide information on magma storage depths during an eruption.

HVO scientists collected tephra samples and mailed them to UCB. Upon sample receipt, the UCB scientists began their laboratory work around 9 a.m. (local time). They crushed the samples, picked out and polished olivine crystals to find the fluid inclusions, and measured their CO2 densities using a Raman spectrometer.

By the end of the day, around 7 p.m., data from 16 crystals had been collected and analyzed. The data, which was shared with HVO, showed that the erupted magmas had been stored in Kīlauea’s shallowest magmatic reservoir at 1–2 km depth prior to the eruption. This depth is relatively typical of small summit eruptions whereas larger eruptions, like the 2018 Lower East Rift Zone eruption, often reveal magmas coming from 3–5 km depth.

The method used by UCB and HVO scientists works well in Hawaii because the magma in Hawaiian volcanoes contains very little dissolved water, a key to the success of the fluid inclusion work. Many other volcanoes around the world have magmas with far more water, at which the fluid inclusion work would not work. To determine whether this technique could be applied to other volcanoes besides Kīlauea, UCB scientists compiled a large database of analyses of melt inclusions from other frequently erupting volcanic systems in the world, including Iceland, Galápagos Islands, East African Rift, Réunion, Canary Islands, Azores, and Cabo Verde. Is should be noted that all these volcanoes are located above a hotspot, like in Hawaii. As a consequence, volcanoes in these places are sufficiently “dry” for the fluid inclusion method to be successful.

Ultimately, the study demonstrated that this technique can successfully be applied to provide information on the source depth of the magma erupting at the surface in near-real-time during eruptive events at many different volcanoes globally.

Source : USGS / HVO.

Pourquoi le séisme à Java a été aussi dévastateur // Why the Java earthquake was so devastating

Le bilan du séisme qui a frappé l’ouest de Java (Indonésie) le 21 novembre 2022 est très lourd, avec plus de 260 morts et des centaines de blessés. Des bâtiments se sont effondrés et les habitants terrifiés se sont enfuis de leurs domiciles pour échapper à la mort. Des corps continuent d’être retirés des décombres dans la ville de Cianjur, la plus durement touchée, et un certain nombre de personnes sont toujours portées disparues.
En général, un séisme de magnitude M5,6 ne cause que des dégâts mineurs aux bâtiments et autres structures. A Java, les scientifiques disent que la proximité des lignes de faille, la faible profondeur du séisme (10 km) et la fragilité des infrastructures incapables de résister aux séismes ont contribué à la catastrophe.
Les scientifiques de l’USGS expliquent que les séismes de cette intensité ne causent généralement pas de dégâts majeurs aux infrastructures solidement construites. Selon l’agence, « il n’y a pas une magnitude au-dessus de laquelle les dégâts sont importants. Cela dépend d’autres variables, telles que la distance par rapport à l’épicentre du séisme, le type de sol sur lequel les bâtiments ont été construits, ainsi que d’autres facteurs. »
Des dizaines de bâtiments ont été endommagés à Java, notamment des écoles islamiques, un hôpital et d’autres bâtiments publics. Des routes et des ponts ont également été endommagés, et certaines parties de la région ont connu des pannes d’électricité.
Selon les scientifiques, la proximité des lignes de faille, la profondeur du séisme et les bâtiments qui n’ont pas été construits selon des méthodes parasismiques sont les causes de la destruction. « Même si le séisme était d’intensité moyenne, il était proche de la surface et situé à l’intérieur des terres, près d’un endroit où vivent des gens. L’énergie était encore suffisamment importante pour provoquer des secousses susceptibles d’entraîner des dégâts. »
La zone la plus touchée est proche de plusieurs failles connues. Un géologue a expliqué que la région a probablement plus de failles que n’importe quelle autre partie de Java. En outre, bien que certaines failles bien connues se trouvent dans la région, il existe de nombreuses autres failles actives qui ne sont pas bien étudiées.
Comme je l’ai écrit précédemment, en raison de sa situation sur la Ceinture de Feu du Pacifique, l’Indonésie est fréquemment frappée par des séismes, des éruptions volcaniques et des tsunamis. La zone s’étend sur quelque 40 000 kilomètres et c’est là que se produisent la majorité des séismes dans le monde. Beaucoup sont mineurs et ne causent que peu ou pas de dégâts. Mais il y a aussi eu des événements meurtriers, comme ceux de Sumatra occidental et de Sulawesi occidental (voir ma note précédente).
Source : médias d’information américains.

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The death toll of the earthquake that struck western Java (Indonesia) on Nevember 21st, 2022 is very heavy, with more than 260 dead and hundreds injured as buildings crumbled and terrified residents ran for their lives. Bodies continue to be pulled from the debris in the hardest-hit city of Cianjur, and anumber of people are still missing.

While the magnitude – M5.6 – would typically be expected to cause light damage to buildings and other structures. However, experts say the proximity to fault lines, the shallowness of the quake (10 km deep) and inadequate infrastructure that cannot withstand earthquakes all contributed to the damage.

USGS scientists explain that earthquakes of this size usually don’t cause widespread damage to well-built infrastructure. However, according to the agency, « there is not one magnitude above which damage will occur. It depends on other variables, such as the distance from the earthquake, what type of soil you are on, building construction, and other factors. »

Dozens of buildings were damaged in Java, including Islamic boarding schools, a hospital and other public facilities. Also damaged were roads and bridges, and parts of the region experienced power blackouts.

According to experts, proximity to fault lines, the depth of the earthquake and buildings not being constructed using earthquake-proof methods were factors in the devastation. « Even though the earthquake was medium-sized, it was close to the surface and located inland, close to where people live. The energy was still large enough to cause significant shaking that led to damage. »

The worst-affected area is close to several known faults. One geologist explained that the area probably has the most inland faults compared to the other parts of Java. Besides, while some well-known faults are in the area, there are many other active faults that are not well studied.

As I put it before, because of its situation on the Pacific Ring of Fire, Indonesia is frequently struck by earthquakes, volcanic eruptions and tsunamis. The area spans some 40,000 kilometers and is where a majority of the world’s earthquakes occur. Many of Indonesia’s earthquakes are minor and cause little to no damage. But there have also been deadly earthquakes, like the ones in West Sumatra and West Sulawesi (see my previous post).

Source: American news media.

Source: La BBC

Des séismes aux profondeurs négatives // Earthquakes with negative depths

L’USGS nous indique dans un nouvel article que les profondeurs des séismes sous l’archipel hawaiien sont désormais évaluées par rapport au géoïde, ou niveau de la mer. Le géoïde est défini comme « une surface équipotentielle du champ de pesanteur coïncidant au mieux avec le niveau moyen des océans et qui se prolonge sous les continents. »

En conséquence, l’affichage des séismes et de leur profondeur sur la carte présentée sur le site web de l’USGS utilise la couleur rouge foncé pour indiquer les séismes qui sont enregistrés au-dessus du niveau de la mer, mais sous la surface du sol. Les profondeurs positives indiquent que l’on se trouve en dessous du niveau de la mer et les profondeurs négatives que l’on se trouve au-dessus.
Avant le nouveau système, le HVO signalait la profondeur d’un séisme par rapport à la surface du sol au-dessus de l’hypocentre. En fait, cette surface ne représente pas l’élévation réelle du sol, mais l’élévation moyenne des cinq stations sismiques les plus proches. Comme la surface de la Terre n’est pas plane, les approximations de profondeur ne représentaient pas toujours la profondeur réelle d’un séisme. Cela signifiait aussi qu’il n’y avait pas de cadre de référence uniforme pour comparer les profondeurs des différents séismes. L’élévation par rapport au zéro était différente pour chaque événement.
Pour illustrer la différence entre l’ancien et le nouveau système, il suffit d’imaginer un séisme sous le Mauna Loa dont le sommet culmine à plus de 4000 mètres au-dessus du niveau de la mer. La profondeur d’un séisme aurait été précédemment évaluée à 3 km, mais avec le nouveau système, la profondeur du géoïde est maintenant de 3 km moins 4 km, soit une profondeur négative de 1 km. Un avantage des profondeurs par rapport au géoïde est que les erreurs systématiques causées par la topographie des montagnes sont corrigées.
En adoptant le niveau de la mer comme donnée de référence commune, les séismes signalés à l’échelle nationale sont maintenant plus cohérents et comparables. Au cours des dernières années, les réseaux sismiques régionaux à travers les Etats Unis sont passés de la profondeur par rapport à la surface à la profondeur par rapport au géoïde. L’adoption par le HVO de la référence au niveau de la mer la rend conforme à cette norme.
Il est important de noter que l’emplacement absolu des séismes calculés dans l’espace tridimensionnel n’a pas changé. La seule différence est le point auquel on attribue le niveau zéro.

Source: USGS / HVO.

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USGS informs us in a new article that the depths of earthquakes beneath Hawaii are now reported with respect to the geoid, or sea level. When displaying earthquakes by depth, the HVO website map now includes a dark red colour to indicate earthquakes that occur above sea level but below the ground surface. Positive depths indicate downward from sea level, and negative depths indicate upward from sea level.

Prior to the new system, HVO reported depths with respect to the ground surface above the earthquake hypocenter. This model surface was not the actual ground elevation but, instead, was the average elevation of the five closest seismic stations. Since the earth’s surface is not flat, model depth approximations did not always represent the true depth of an earthquake below ground. More importantly, it meant that there was no uniform frame of reference for comparing depths of different earthquakes. The zero elevation was different for every earthquake.

To illustrate the difference between model and geoid depths, it suffices to imagine an earthquake beneath Mauna Loa, with its summit about 4 km above sea level. The model depth of this earthquake would have been previously reported as 3 km, but with the new system, the geoid depth is now 3 km minus 4 km, or negative 1 km. One advantage of geoid depths is that systematic bias caused by mountain topography is corrected.

By adopting the common reference datum of sea level, earthquakes reported nationwide are now more consistent and comparable. Regional seismic networks around the country have been migrating from model depth to geoid depth over the past few years. HVO’s adoption of the sea level reference brings it in line with this standard.

It’s important to note that the absolute location of earthquakes being computed in three-dimensional space has not changed. The only difference is the point at which we assign zero depth.

Source : USGS / HVO.

Cette figure montre que deux séismes peuvent avoir des profondeurs négatives ou positives en fonction de leur situation par rapport au niveau de la mer (Source: USGS)