L’érosion littorale à la Martinique et à la Guadeloupe

Avec le réchauffement climatique, la fonte de  la banquise et des glaciers, la hausse du niveau des océans menace de plus en plus de zones littorales dans le monde. Au cours de ma conférence « Glaciers en Péril », je donne l’exemple de l’Alaska où la mer libre de glace ne protège plus la côte contre les assauts des vagues pendant les tempêtes. Plusieurs structures se sont déjà écroulées dans la mer ; des familles ont dû être relogées et on prévoit, pour des raisons de sécurité évidentes, de délocaliser certains villages vers l’intérieur de l’Etat, avec des conséquences dramatiques sur le mode de vie et l’économie de subsistance des habitants qui dépendent largement des ressources de la mer.

L’Alaska est loin d’être un cas exceptionnel. Aux Antilles, des enrochements ont été installés sur la côte caraïbe de la Martinique, au nord du Prêcheur pour freiner les élans de la mer. Par le passé, plusieurs maisons d’habitation ont disparu dans les flots dans cette zone de l’île.

Enrochements au nord du Prêcheur (Photo : C. Grandpey)

Une autre méthode consiste à végétaliser la côte avec la plantation d’espèces endémiques de la Martinique comme le raisinier bord de mer, l’aloé vera ou encore la patate bord de mer. Ces plantes, du fait de leur importante densité végétale et de leur système racinaire, composent une armature qui retient le sable.

La plage des Salines à Sainte-Anne est un autre exemple emblématique du recul du trait de côte à la Martinique. Chaque année la mer gagne en moyenne 1 mètre sur le littoral.

Effets de l’érosion littorale à la Martinique (Source : DEAL de la Martinique)

De Sainte-Anne au Prêcheur en passant par le Carbet, c’est toute la côte qui est touchée par ce phénomène. Au dire des scientifiques, c’est le désensablement intensif des mers et rivières et le réchauffement climatique qui sont responsables de l’érosion littorale. Le processus semble irréversible, redessine les côtes martiniquaises et obligera les citoyens et les autorités à revoir l’aménagement des communes en bord de mer.

Effets de l’érosion littorale à la Martinique (Source : DEAL de la Martinique)

Les habitants de la Guadeloupe sont inquiets eux aussi devant la montée des eaux. A Petit-Bourg, 80 maisons menacent de s’effondrer avec l’érosion côtière. Au total, 43 familles d’un quartier situé au-dessus d’une falaise doivent évacuer d’urgence. En fait, l’urgence dure depuis plusieurs années, mais les pluies diluviennes du mois de novembre 2020 en Guadeloupe où près de 200 ml sont tombés en quelques heures, ont encore amplifié le problème après l’effondrement d’un pan de falaise. Devant la gravité de la situation, certains habitants ont accepté d’être relogés.

Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) explique que « l’activité anthropique a fortement accéléré le recul naturel du trait de côte en Guadeloupe. ». Entre 1950 et 2013, les plages du Sud Grande Terre, ont reculé d’un à sept mètres par an, et certaines falaises reculent régulièrement.

Selon une étude de l’Observatoire régional Énergie-climat de 2019, « la côte qui s’érode sans présence humaine, c’est naturel, mais si cet espace est utilisé par les humains, cela change la donne et peut s’avérer dangereux. » C’est le cas à Sainte-Anne, Pointe-Noire ou Capesterre-Belle-Eau, où plusieurs habitations sont en première ligne.

Avis de démolition à la Guadeloupe (Source : Agence des 50 Pas Géométriques)

En Guadeloupe, selon les modélisations du BRGM, le niveau de la mer pourrait monter jusqu’à 1,4 m d’ici à 2100, avec des risques de submersions marines et des conséquences sur l’habitat privé et l’activité économique.

Nouveau sismomètre sur La Soufrière de la Guadeloupe // A new seismometer at La Soufrière (Guadeloupe)

Une surveillance étroite de l’activité volcanique exige une expertise dans des domaines tels que la géophysique, la géologie et la géochimie. En particulier, la surveillance sismique en temps quasi réel est essentielle pour localiser et distinguer les premiers signaux parmi différentes sources d’ondes sismiques, en particulier celles liées au mouvement et à la surpression des fluides à l’intérieur de l’édifice volcanique.

Parmi les principaux indicateurs d’activité volcanique figurent les émissions de gaz et de vapeur, avec des bouches souvent situées près du sommet d’un volcan. Leur activité pourrait être surveillée par des sismomètres installés à proximité, mais les instruments utilisés aujourd’hui ne peuvent pas fonctionner très longtemps à  cause des températures élevées et des nuages ​​de gaz acides. De plus, il est parfois difficile d’accéder aux instruments classiques pour les repositionner ou pour assurer leur maintenance d’urgence, en particulier dans les phases pré-éruptives.

La Soufrière de la Guadeloupe est un exemple des défis auxquels sont confrontés les volcanologues. La dernière activité significative a consisté en une éruption phréatique en 1976 ; elle a provoqué une évacuation très controversée de la population.
Depuis le début de l’année 2018, le stratovolcan, qui culmine à 1467 mètres, montre des signes réels d’activité. Afin de mettre en place un système de surveillance robuste et de haute résolution, une équipe de scientifiques français dirigée par Romain Feron du Groupe ESEO et le laboratoire LAUM de l’Université du Mans a installé avec succès un sismomètre optique, le premier instrument haute résolution sur un volcan actif. Le sismomètre, utilisé pour surveiller les émissions de gaz et de vapeur, a survécu à l’environnement hostile de la zone sommitale du volcan, contrairement aux autres instruments utilisés précédemment qui ont été rapidement détruits.
Romain Feron et ses collègues ont gravi La Soufrière en septembre 2019 et installé le sismomètre optique à environ 10 mètres d’une fumerolle très active au sommet du volcan. Le capteur est un géophone opto-mécanique (interaction de la lumière avec des objets mécaniques à l’échelle des énergies faibles) qui est interrogé via un câble à fibre optique de 1,5 km par une télécommande, et un système opto-électronique beaucoup plus sûr sur le flanc du volcan.
La station sismique mesure les mouvements du sol et transmet les données en temps réel à l’Observatoire Volcanologique et Sismologique de la Guadeloupe (OVSG). Elle fonctionne mécaniquement et ne nécessite pas d’alimentation électrique qui devrait affronter l’environnement nocif du sommet. L’instrument est enveloppé de Téflon pour le protéger des gaz agressifs.
Le Groupe ESEO et l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) ont commencé la fabrication de ce nouveau sismomètre en 2008. Il a fallu 10 ans le mettre au point, mais son bon fonctionnement prouve qu’il pourrait être une bonne solution sismique dans d’autres environnements dangereux, comme les champs pétrolifères et gaziers, ou les centrales nucléaires où règnent des températures extrêmement élevées. Un tel sismomètre optique, ainsi qu’une variété d’autres capteurs géophysiques construits sur le même principe, pourraient être installés dans une grande variété de sites avec des fibres mesurant jusqu’à 50 km de long.
Le sismomètre optique, désormais opérationnel sur La Soufrière depuis neuf mois, collecte des données qui seront combinées avec d’autres observations de l’OVSG.

Reference : « First Optical Seismometer at the Top of La Soufrière Volcano, Guadeloupe » – Feron, R. et al. – Seismological Research Letters.

Source: The Watchers.

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Accurate monitoring of volcanic activity demands expertise in fields including geophysics, geology, and geochemistry. In particular, seismic monitoring in near real time is essential to locating and discriminating early signs among different sources of seismic waves, especially those related to movement and overpressure in underground fluids.

Among the major indicators of volcanic restlessness are fumaroles, or gas and steam vents, often located near a volcanic summit. Their activity could be monitored by seismometers in their vicinity, but today’s standard instruments cannot last very long when exposed to the high temperatures and the clouds of sulfurous, acidic gases near a fumarole. Conventional gear may also not be accessible for emergency deployment, or repair, even in pre-eruptive phases.

La Soufrière de Guadeloupe Volcano in the Caribbean typifies such challenges. Its last significant event was a phreatic eruption in 1976 that prompted the much debated evacuation of the archipelago’s nearby capital.

Since early 2018, the 1467-metre-high stratovolcano has shown signs of increased activity. To provide a hardy, high-resolution monitoring system, a team of French scientists led by Romain Feron from the ESEO Group and the LAUM laboratory at the Le Mans University successfully installed an optical seismometer, the first high-resolution instrument placed on an active volcano. The seismometer, used to monitor gas and steam eruptions, survived the summit’s hostile environment, unlike other previous instruments that were quickly destroyed.

Feron and his colleagues climbed the Soufrière volcano in September 2019 and installed the optical seismometer just about 10 metres away from a vigorous summit fumarole. The sensor is a purely opto-mechanical geophone that is interrogated through a 1.5 km fiber-optic cable by a remote, and much safer optic-electronic system down the volcano’s flank.

The station measures the ground displacement and sends the records in real-time to the French Volcanological and Seismological Observatory of Guadeloupe (OVSG). It purely operates mechanically and does not require a power supply that would be prone to the dangers of the summit’s environment. The instrument is encased in Teflon to protect it from sulfuric gases.

The ESEO Group and the Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) started development of this novel seismometer in 2008. It took 10 years to develop the instrument, and its success indicates that it could be a good seismic solution in other dangerous environments, such as oil and gas production fields and nuclear power plants  with extremely high temperatures. Such an optical seismometer, as well as a variety of other geophysical sensors built on the same principle, can be installed in a wide variety of sites with fibers up to 50 km long.

The optical seismometer, now in operation on La Grande Soufrière for nine months, is gathering data that will be combined with other observations from the Guadeloupe observatory to better monitor the volcano.

Reference : « First Optical Seismometer at the Top of La Soufrière Volcano, Guadeloupe » – Feron, R. et al. – Seismological Research Letters.

Source: The Watchers.

Source : Wikipedia

Nuages de particules et sargasses envahissent la Caraïbe

Il était annoncé par différentes agences météorologiques de la planète et il est arrivé. Connu sous l’appellation Saharan Air Layer (SAL), un épais nuage de particules fines en provenance du Sahara s’est étiré sur plus de 8 000 kilomètres au-dessus de l’Atlantique avant d’envelopper de son voile toute la Caraïbe. Il a atteint Porto Rico le 22 juin, avec une visibilité de seulement 5 km, et le continent nord-américain le 26 juin. On estime à environ 1500 mètres l’épaisseur du nuage.

Ce n’est pas la première fois que le phénomène est observé. La population locale explique qu’il se produit depuis trois décennies, mais cette année, c’est probablement le nuage le plus dense de tous les temps. Inutile de dire qu’à la Martinique la Montagne Pelée est invisible et on distingue à peine le rocher de Diamant au sud de l’île.

Le problème, c’est que ces nuages, composés de sable à l’origine, se nourrissent aussi de poussières en suspension venant d’Europe après avoir traversé la Méditerranée. En conséquence, les particules contiennent également des produits polluants qui provoquent des troubles respiratoires et toutes sortes de gênes, même chez les personnes ne souffrant pas forcément de tels problèmes. Le niveau de qualité de l’air à la Martinique n’a jamais été aussi bas.

Ce nuage de particules fines est à mettre en relation avec un autre phénomène naturel : la prolifération des bancs de sargasses qui a fait l’objet de plusieurs notes sur ce blog. Ces radeaux constitués d’algues brunes s’échouent sur les littoraux des îles situées entre Barbade et Guadeloupe. En se décomposant sur le rivage, les sargasses émettent de l’hydrogène sulfuré (H2S) qui pose des problèmes sanitaires à la population locale.

Les scientifiques s’accordent pour dire que les nuages de particules et les bancs de sargasses sont provoqués par les activités humaines. Les particules fines contenues dans la brume de sable contiennent des nutriments issus de l’agriculture intensive. Ces nutriments tombent dans la mer et deviennent une denrée précieuse pour les sargasses. Elles se reproduisent alors à grande vitesse et envahissent l’archipel caraïbe.

Source : Presse locale.

Vue satellitaire du nuage de particules

Sargasses à la Martinique (Photo : C. Grandpey)

Quelques nouvelles de la Soufrière (Guadeloupe) // Some news of Soufriere Volcano (Guadeloupe)

Voici quelques nouvelles de la Soufrière de la Guadeloupe. Le dernier bulletin mensuel de l’Observatoire Volcanologique et Sismologique date de décembre 2019, ce qui est rassurant. Cela signifie qu’aucun événement important n’a été observé depuis la fin de l’année dernière. Depuis le début 2018, l’OVSG assiste à un processus cyclique d’injection de gaz magmatiques profonds à la base du système hydrothermal à une profondeur entre 2 et 3 km sous le sommet. Ceci engendre un processus récurrent de surchauffe et de surpression du système hydrothermal qui se traduit, entre autres, par des phénomènes tels que des perturbations de la circulation des fluides hydrothermaux, des fluctuations de l’activité fumerolienne, ou encore une augmentation de la sismicité volcanique.

Sur la base des observations du mois de décembre 2019, le niveau d’alerte volcanique est maintenu à VIGILANCE = JAUNE

L’OVSG explique que la probabilité d’une activité éruptive à court terme reste faible. Cependant, compte tenu du regain d’activité sismique et fumerolienne enregistré depuis février 2018, un changement de régime du volcan a été constaté et on ne saurait exclure une intensification des phénomènes dans le futur. En conséquence, l’OVSG-IPGP est en état de vigilance renforcée.

En considération de l’évolution de la zone d’anomalie thermique au sommet et de la recrudescence de l’activité fumerolienne, accompagnée de l’apparition de nouveaux centres d’émission et de projection de boue, la Préfecture de Guadeloupe a institué en janvier 2019 un accès réglementé au sommet du volcan de la Soufrière, basé sur l’identification d’un périmètre de sécurité et sur l’interdiction à toute personne non autorisée de le franchir.

Source : OVSG.

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Here is some news of the Soufriere (Guadeloupe). The latest monthly bulletin released by the Volcanological and Seismological Observatory dates back to December 2019, which is reassuring. This means that no significant event has been observed since the end of last year. Since the beginning of 2018, OVSG has been observing a cyclic process of injection of deep magmatic gases at the base of the hydrothermal system at depths between 2 and 3 km beneath the summit. This generates a recurrent process of overheating and overpressure of the hydrothermal system which results, among other things, in phenomena such as disturbances in the circulation of hydrothermal fluids, fluctuations in fumarolic activity, or even an increase in volcanic seismicity .
Based on observations from December 2019, the volcanic alert level is kept at VIGILANCE (Watch) = YELLOW
OVSG explains that the probability of a short-term eruptive activity remains low. However, given the renewed seismic and fumarolic activity recorded since February 2018, a change in the regime of the volcano has been noted and an intensification of the phenomena in the future cannot be excluded. Consequently, the OVSG-IPGP observatiry is in a state of heightened vigilance.
In consideration of the evolution of the thermal anomaly zone at the summit and the resurgence of fumarolic activity, accompanied by the appearance of new mud emission and projection centers, the Prefecture of Guadeloupe established in January 2019 a regulated access to the summit of the Soufriere volcano, based on the identification of a security perimeter and the prohibition of any unauthorized person from crossing it.
Source: OVSG.

Crédit photo: Wikipedia