Nouvelles découvertes sur les volcans des Comores // New discoveries on Comoros volcanoes

Un jour de 2018, un visiteur de mon blog m’a contacté pour me demander ce qui se passait à Mayotte. Sa fille, médecin à l’hôpital, était inquiète car l’île était régulièrement secouée par des séismes qui provoquaient des crises d’angoisse chez les patients venus la consulter. En fait, l’île de Mayotte connaissait une crise sismique inédite qui a fait se poser beaucoup de questions au monde scientifique. Personne ne connaissait vraiment la cause des secousses. Ce n’est que plusieurs mois plus tard que le navire de recherche Marion Dufresne arriva enfin sur zone. Les scientifiques à bord se rendirent compte que la source de la sismicité se trouvait au fond de l’océan, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Mayotte. Un énorme volcan sous-marin venait d’apparaître sur le plancher océanique, avec d’abondantes émissions de lave. La vidange de la chambre magmatique provoquant un affaissement de la caldeira, l’île de Mayotte basculait vers l’Est, accentuant l’angoisse au sein de la population.

En 2018, au moment de ces événements, on pensait que l’archipel des Comores, dont fait partie Mayotte, était d’origine volcanique, potentiellement liée à un point chaud. Or, cette hypothèse a été démentie par les récentes études sur la région. Elles ont permis d’acquérir de nouvelles données permettant de mieux caractériser la nature de la croûte océanique dans cette zone. Les mesures recueillies ont permis d’établir que le volcanisme des Comores n’est certainement pas lié à une activité de point chaud. Elles mettent en lumière la complexité de la croûte terrestre dans la zone, et notamment la présence d’une très ancienne croûte océanique, d’environ 170 millions d’années.

Les dernières données révèlent la présence d’un immense corridor volcanique s’étendant tout le long de l’archipel des Comores, jusqu’à Madagascar. Plus de 2 200 volcans sous-marins ont été identifiés sur une zone de 200 kilomètres de large et 600 kilomètres de long. Ces volcans semblent s’aligner au niveau de la jonction entre les plaques tectoniques Somalie et Lwandle. En plus du nouveau volcan, siège de la dernière éruption, les scientifiques pensent qu’il y a eu plusieurs épisodes volcaniques récents le long de ce corridor. En conséquence, l’archipel des Comores serait un haut lieu d’activité volcanique, ce qui n’avait pas été imaginé jusqu’à présent.

Comme à l’accoutumée, ces observations sont post-éruptives. Personne n’avait anticipé le réveil du volcan sous-marin à l’est de Mayotte. Les dernières découvertes permettront-elles de prévoir la prochaine éruption de ce volcan ? A voir !

Source : Futura Sciences.

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One day in 2018, a visitor to my blog contacted me to ask me what was happening in Mayotte. His daughter, a doctor at the hospital, was worried because the island was regularly shaken by earthquakes which caused anxiety among the patients who came to consult her. In fact, the island of Mayotte was experiencing an unprecedented seismic crisis which raised many questions in the scientific world. No one really knew what caused the tremors. It was only several months later that the research vessel Marion Dufresne finally arrived in the area. The scientists on board realized that the source of the seismicity was at the bottom of the ocean, about fifty kilometers east of Mayotte. A huge underwater volcano had just appeared on the ocean floor, with profuse lava emissions. The draining of the magma chamber was also causing a subsidence of the caldera, so that the island of Mayotte was tilting eastward, accentuating the anxiety within the population.
In 2018, at the time of these events, it was thought that the Comoros archipelago, of which Mayotte is a part, was of volcanic origin, potentially linked to a hot spot. However, this hypothesis has been contradicted by recent studies of the region. They have made it possible to acquire new data to better characterize the nature of the oceanic crust in this area. The measurements established that the volcanism of the Comoros was certainly not linked to hot spot activity. They highlighted the complexity of the earth’s crust in the area, and in particular the presence of a very old oceanic crust, around 170 million years old.
The latest data reveal the presence of a huge volcanic corridor extending all along the Comoros archipelago, as far as Madagascar. More than 2,200 submarine volcanoes have been identified over an area 200 kilometers wide and 600 kilometers long. These volcanoes appear to line up at the junction between the Somalia and Lwandle tectonic plates. In addition to the new volcano, the site of the last eruption, scientists believe there have been several recent volcanic episodes along this corridor. As a result, the Comoros archipelago is probably a focus of volcanic activity, which had not been imagined until now.
As usual, these observations are post-eruptive. No one had anticipated the awakening of the underwater volcano east of Mayotte. Will the latest discoveries help predict the next eruption of this volcano? Not so sure !
Source: Futura Sciences.

Carte montrant les volcans sous-marins le long de la limite entre les plaques Somalie et Lwandle, Geoscience Proceedings.

Piton de la Fournaise (Ile de la Réunion) et Karthala (Comores)

On pouvait lire sur le site web Réunion la 1ère le 23 août 2022 que « les volcanologues en charge de la surveillance du Karthala, aux Comores, comme les scientifiques de l’Observatoire du Piton de la Fournaise, ont noté depuis plusieurs semaines un regain d’activité. Les deux volcans sont placés en alerte jaune. La mesure a été prise dans la nuit de dimanche à lundi à Moroni. »

S’agissant du Piton de la Fournaise, le volcan est en phase Vigilance depuis le 21 janvier 2022. Aucune évolution inquiétante n’a eu lieu depuis cette date. Dans son bulletin mensuel pour le mois de juillet, l’OVPF indique que la sismicité a été marquée par de nombreux éboulements, ce qui est habituel sur le Piton. Après la fin de la dernière éruption le 17 janvier 2022, une légère reprise de l’inflation sommitale a été enregistrée. Après une accélération à la mi-avril, elle a stoppé à la mi-mai avant de reprendre début juin à un taux relativement faible. L’Observatoire explique que cette inflation – qui indique la lente recharge du réservoir magmatique – « peut durer plusieurs jours à plusieurs semaines avant que le toit du réservoir ne se fragilise et ne se rompe, donnant ainsi lieu à une injection de magma vers la surface et à une éruption, mais peut également s’arrêter sans donner lieu à brève échéance à une éruption. » Donc, ça ne bouge pas sous le Piton de la Fournaise autant que le laisse entendre l’article du 23 août.

Photo: C. Grandpey

On peut lire ensuite qu’ « aux Comores, les dirigeants ont également déclenché l’alerte jaune le 22 août 2022 suite à une augmentation sensible du nombre de séismes. Toutefois, cette préalerte ne signifie pas qu’une éruption est imminente. » On peut lire dans la presse locale que les autorités rassurent la population sur « le contrôle et la surveillance des mouvements en cours » par les techniciens reliés à un réseau installé au CNDRS. La Sécurité civile appelle à la sérénité et surtout à la prudence dans les zones proches du cratère. Le plan d’alerte jaune consiste à informer le public sur le comportement du volcan. « Il n’y pas lieu de paniquer. »

Crédit photo: Wikipedia

Plus d’informations sur l’éruption sous-marine à Mayotte // More information on the submarine eruption at Mayotte

Après une année d’attente, les scientifiques français ont fini par découvrir la cause de la sismicité qui angoissait les Mahorais : un nouveau volcan était en train de naître au fond de l’océan. Le CNRS vient de communiquer des informations sur les dernières recherches, notamment l’analyse des séismes qui a permis de retracer la formation du volcan.

Selon l’étude publiée le 6 janvier 2020 dans la revue Nature Geoscience, les scientifiques parviennent peu à peu à reconstruire les différentes étapes de la formation du volcan et la vidange d’un réservoir magmatique  très profond, localisé à une trentaine de kilomètres sous le niveau de la mer. C’est la plus grande éruption sous-marine enregistrée à ce jour avec un volume émis estimé à 3,4 km3.

Outre les séismes largement ressentis par la population de l’île, des centaines de signaux sismiques d’un type plus rare ont aussi été détectés bien avant la crise, dès janvier 2018, et la plupart à partir de juin 2018. Il s’agit d’ondes monochromatiques (autrement dit des ondes dont les oscillations sont toutes à une seule fréquence, ici 15.5 s), d’une durée de 20 à 30 minutes. Ce sont des signaux très longue période (VLP) généralement associés à la résonance de structures volcaniques. L’énergie générée par les principaux événements VLP est considérable car elle équivaut à l’énergie libérée par un séisme de magnitude M 5. Les ondes de surface ont été détectées partout sur Terre. C’est une observation inédite en sismologie. Ces éléments sont compatibles avec le déplacement de Mayotte vers l’est et son enfoncement dans le plancher océanique.

L’analyse des séismes a ainsi permis de retracer l’histoire de la naissance du volcan, parfaitement illustrée par la coupe ci-dessous, obtenue à l’issue des différentes missions MayObs.

La migration rapide et ascendante de la sismicité en mai-juin 2018 a révélé une propagation du magma depuis environ 30 km de profondeur jusqu’au plancher océanique où la campagne océanique MAYOBS 1 a permis de découvrir la création d’un nouvel édifice volcanique. Une fois le conduit formé, avec un passage permettant au magma d’atteindre la surface, l’éruption a commencé en juin 2018. On a alors observé une diminution de l’activité sismique et un affaissement du réservoir magmatique en profondeur, détecté à l’aide des stations GPS.

À partir de septembre 2018, une autre phase a commencé, avec un regain de sismicité en profondeur et plus proche de Mayotte. Celle-ci était due à la vidange et à l’effondrement du réservoir magmatique entre l’île et le volcan. Le nombre d’événements VLP a également augmenté. D’après l’équipe scientifique, ils constitueraient la manifestation du réservoir magmatique entrant en résonance lors de l’évacuation du magma. Tout au long de la crise, les propriétés de la résonance changent ; c’est probablement le signe d’une modification lente de la géométrie du réservoir qui s’amincit dans un premier temps, avant de se raccourcir sous l’effet de son effondrement, phénomène observé à partir de septembre 2018.

Selon lde CNRS, « l’étude démontre l’intérêt de l’analyse de signaux faibles enregistrés à partir de stations sismiques lointaines pour étudier des épisodes volcano-tectoniques de régions peu instrumentées. »

Source : CNRS, Journal de Mayotte.

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After a year of waiting, French scientists have finally discovered the cause of the seismicity which worried the population in Mayotte: a new volcano was born at the bottom of the ocean. CNRS has just released information on the latest research, in particular the analysis of earthquakes which made it possible to trace the formation of the volcano.
According to the study published on January 6th, 2020 in the journal Nature Geoscience, scientists are gradually  reconstructing the different stages of the formation of the volcano and the drainageof a very deep magmatic reservoir, located about thirty kilometers below the sea ​​level. It is the largest underwater eruption recorded to date with an estimated volume of 3.4 km3.

In addition to the earthquakes widely felt by the population of the island, hundreds of seismic signals of a rarer type were also detected well before the crisis, from January 2018, and mostly from June 2018. These are monochromatic waves (in other words waves whose oscillations are all at a single frequency, here 15.5 s), with a duration of 20 to 30 minutes. These are very long period signals (VLP) generally associated with the resonance of volcanic structures. The energy generated by the main VLP events is considerable because it is equivalent to the energy released by an earthquake with a magnitude M 5. Surface waves have been detected everywhere on Earth. This is an unprecedented observation in seismology.
These elements are compatible with Mayotte’s displacement to the east and its sinking into the ocean floor.
The analysis of the earthquakes thus made it possible to retrace the history of the birth of the volcano, perfectly illustrated by the cross-section below, obtained after the various MayObs missions.
The rapid and upward migration of seismicity in May-June 2018 revealed a spread of magma from about 30 km deep to the ocean floor where the MAYOBS 1 ocean campaign discovered the creation of a new volcanic structure. Once the conduit formed and a passage allowed magma to reach the surface, the eruption began in June 2018. Then, there was a decrease in seismic activity and a subsidence of the magmatic reservoir in depth, detected by GPS stations.

From September 2018, another phase began, with a new start of seismicity in depth and closer to Mayotte. This was due to the drainage and collapse of the magma reservoir between the island and the volcano. The number of VLP events also increased. According to the scientific team, they might be the indication of the magmatic reservoir entering into resonance during the evacuation of magma. Throughout the crisis, the properties of resonance change; it is probably a sign of a slow change in the geometry of the reservoir, which is thinner at first, before becoming shorter due to its collapse, a phenomenon observed from September 2018.

According to CNRS, “the study demonstrates the importance of analyzing weak signals recorded from distant seismic stations to study volcano-tectonic episodes from poorly instrumented regions.”

Source: CNRS, Journal de Mayotte.

 

Sismicité à Mayotte (Archipel des Comores) : Ça continue ! // Seismicity continues at Mayotte (Comoro Islands)

La sismicité continue à Mayotte où les habitants vivent dans l’inquiétude. J’ai détaillé la situation à plusieurs reprises dans ce blog (voir mes notes du 4 juillet, du 4 et du 21 décembre 2018). Il semble malheureusement qu’aucun progrès n’ait été fait dans l’étude du phénomène qui persiste depuis plusieurs mois. Je sais bien que pour beaucoup Paris est le centre du monde, mais il ne faudrait pas oublier que Mayotte est un département d’outre-mer (DOM) qui mérite autant de considération que l’Ile-de-France.

Dans la nuit du 29 au 30 décembre 2018, vers 2h30 du matin, un séisme de magnitude M 4,7 a de nouveau été ressenti par la population. Il a été localisé à 10 km de profondeur, à 18 km au sud-est de Mamoudzou, le chef-lieu de Mayotte. Plusieurs témoins font état d’« un tremblement soutenu. » D’autres personnes parlent de « verres qui ont tremblé fortement dans le salon. » Des habitants s’étonnent de la magnitude qui leur semble faible au regard de ce qu’ils ont ressenti :

Depuis plusieurs mois, Mayotte est régulièrement secouée par des séismes qui se présentent souvent sous forme d’essaims. Le plus fort a été enregistré le 15 mai 2018 avec une magnitude de M 5,8. Comme je l’ai indiqué dans ma dernière note à propos de Mayotte, le BRGM a lancé des études pour tenter de déterminer les causes de ces séismes à répétition. Le 11 novembre dernier, les sismographes du monde entier ont enregistré un signal atypique à très basse fréquence, détecté par les réseaux du monde entier. Le signal se répétait sous forme d’onde toutes les 17 secondes environ et durait une vingtaine de minutes.

Depuis la mi-juillet, les stations GPS installées sur l’île de Mayotte ont enregistré son comportement et enregistré un glissement de plus de 61 mm à l’est et de 30 mm au sud. Ces mesures semblent montrer qu’une poche magmatique d’environ 1,4 km3 se fraye un chemin sous la surface près de Mayotte, mais ce n’est qu’une simple hypothèse.

Source : France Info et presse locale.

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Seismicity continues at Mayotte where residents are worried. I have detailed the situation several times in this blog (see my notes of 4 July, 4 and 21 December 2018). Unfortunately, it seems that no progress has been made in the study of the phenomenon that has persisted for several months. I know that for many Paris is the centre of the world, but it should not be forgotten that Mayotte is an overseas department (DOM) that deserves as much consideration as Ile-de-France.
On the night of December 29th – 30th, 2018, at about 2.30 am, an M 4.7 earthquake was again felt by the population. It was located at a depth of 10 km, 18 km southeast of Mamoudzou, the capital of Mayotte. Several witnesses reported “a sustained tremor”. Other people talked about “glasses that shook in the living room”. People are surprised by the low magnitude compared to what they felt:
For several months, Mayotte has been regularly struck by earthquakes often in the form of swarms. The strongest was recorded on May 15th, 2018 with a magnitude of M 5.8. As I indicated in my last note about Mayotte, the BRGM has launched studies to try to determine the causes of these repeated earthquakes. On November 11th, seismographs around the world recorded an atypical signal at very low frequency, detected by networks around the world. The signal was repeated in the form of a wave every 17 seconds and lasted about twenty minutes.
Since mid-July, the GPS stations installed on the island of Mayotte have recorded its behaviour and recorded a slip of more than 61 mm in the east and 30 mm in the south. These measurements seem to show that a magma pocket of about 1.4 cubic kilometres is making its way under the surface near Mayotte, but this is only a hypothesis.
Source: France Info and local press

Epicentre du dernier séisme (Source : France Info)