Des signaux acoustiques pour détecter le début d’une éruption // Acoustic signals to detect the start of an eruption

La dernière éruption du Mauna Loa sur la Grande Ȋle d’Hawaï a commencé le 27 novembre 2022. Elle a été précédée d’une activité sismique intense environ une demi-heure avant que la lave soit visible sur les caméras de surveillance.

Image des premières heures de l’éruption sur la caméra thermique du HVO

Ces caméras sont essentielles pour contrôler l’activité éruptive mais les vues de l’activité peuvent être entravées par les nuages, le brouillard ou les gaz volcaniques. Il se peut aussi que les caméras ne couvrent pas suffisamment le site de l’éruption. C’est pourquoi l’Observatoire des Volcans d’Hawaii (HVO) et d’autres observatoires dans le monde utilisent d’autres méthodes pour tenter d’identifier l’activité éruptive même si le volcan n’est pas parfaitement visible.
Une de ces méthodes consiste à mesurer les bruits émis par une éruption. Ils s’éloignent progressivement de la source, comme le font les rides sur l’eau quand on y a jeté une pierre.
Les scientifiques installent régulièrement des réseaux de capteurs acoustiques sur les flancs des volcans. Ces capteurs sont capables de mesurer le bruit audible, mais aussi le bruit inaudible dont les fréquences (infrasons) ne sont pas perçues l’oreille humaine. Un traitement informatique de ces données est ensuite mis en oeuvre pour rechercher des signaux provenant d’une direction distincte.
Le HVO surveille les volcans hawaiiens à l’aide de données traitées en temps quasi réel en provenance de réseaux acoustiques qui mesurent les changements de pression autour du Kilauea et du Mauna Loa. Des réseaux de capteurs sont déployés sur le terrain pour permettre aux ordinateurs de rechercher des corrélations dans l’énergie acoustique provenant de centres d’éruption probables.
Le traitement des données permet de comparer toutes les formes d’ondes du réseau et examine la cohérence des ondes dans diverses conditions. Dans les tracés obtenus, les cohérences de forme d’onde sont marquées par des points rouges et orange et les incohérences par des points bleu clair et foncé. Les sons incohérents ressemblent à ceux que l’on peut entendre dans une forêt par une journée de grand vent, tandis qu’un son plus cohérent serait celui émis par une voiture qui klaxonne.
Les signaux acoustiques cohérents ont souvent des caractéristiques qui leur permettent d’être distingués lors du traitement des données. Deux bons indicateurs de cohérence sont la vitesse et la direction des ondes. Par exemple, près de la surface de la Terre, les sons se propagent généralement à des vitesses d’environ 300 à 400 mètres par seconde. Le réseau d’infrasons du HVO se trouve à l’intérieur du Parc national des volcans d’Hawaii et couvre un angle d’environ 300 degrés, tout en étant pointé vers le sommet du Mauna Loa. La détection automatique peut utiliser ces signaux (cohérence, vitesse et direction des ondes) pour permettre aux scientifiques de comprendre rapidement quand une éruption se produit au sommet du Mauna Loa.

La figure D ci-dessus montre qu’une légère activité éruptive a commencé vers 23 h 25. En réalité, l’activité a probablement commencé environ 2 minutes plus tôt, vers 23 h 23, étant donné qu’il faut environ 2 minutes au son pour voyager du sommet du Mauna Loa jusqu’au réseau de capteurs acoustiques.
La figure A montre qu’à 23 h 36, les coulées de lave émises par l’éruption avançaient rapidement à travers la caldeira sommitale du Mauna Loa. L’activité s’est intensifiée fortement vers 23h40.
Cela montre l’intérêt d’utiliser plusieurs lignes d’informations pour évaluer l’activité éruptive.
En plus des méthodes acoustiques, le HVO utilise une panoplie d’instruments, notamment en matière d »imagerie sismique, de déformation, d’analyse des gaz, ainsi qu’un réseau de caméras.
Source : USGS, HVO.

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Mauna Loa’s latest eruption on Hawaii Big Island started on Novembre27th, 2022. It was preceded by intense earthquake activity about half an hour before lava could be seen lava seen on the webcams.

Remote cameras are critical to confirm eruptive activity but, in many cases worldwide, views of the activity can be obscured. Clouds, fog or volcanic gas can block views, or cameras might not cover the eruption site. Hence, the Hawaiian Volcano Observatory (HVO) and other observatories around the globe use other methods to attempt to identify eruption activity even if the volcano cannot be clearly seen.

One way to monitor volcanic activity is to measure the sounds of an eruption. They can rapidly travel away from the eruption vent in the same way a rock thrown into calm water can make ripples that move away from the source.

Scientists routinely install arrays of acoustic sensors on the flanks of volcanoes that can measure the audible and the inaudible noise which have frequencies (infrasounds) that human ears can’t sense. Computer processing is then used to look for signals that come from a distinct direction.

HVO monitors local volcanoes using rapidly processed near real-time data from acoustic arrays that measure pressure changes around Kīlauea and Mauna Loa. The grouped sensor arrays are deployed in the field to allow computers to look for correlations in acoustic energy from likely eruption centers.

The processing compares all waveforms of the array and looks at the coherency of the waves under a range of conditions. In the plots, strong waveform coherency are marked by red and orange dots and incoherent waves are marked by light and dark blue. Incoherent sounds are like those one can hear in the middle of a forest on a windy day and more coherent sound would be from a car honking on the road.

Coherent acoustic signals often have characteristics that allow them to be distinguished by the processing of array data, and two good indicators of coherency come from the wave speed and wave direction across the array. For example, near the surface of the Earth sounds usually travel at speeds of about 300 to 400 meters per second. The Hawaiian Volcano Observatory’s infrasound array is located in Hawai‘i Volcanoes National Park and has a compass direction of about 300 degrees, pointing back to Mauna Loa summit. Automated detection can use these characteristics (coherency, wave speed and direction) to improve the scientists’ ability to rapidly understand when an eruption is occurring at the Mauna Loa summit.

Panel D of the figure above shows that the compass back direction becomes very stable at about 11:25 p.m., which indicates that mild eruptive activity had started. Its timing was probably about 2 minutes earlier, at about 11:23 p.m., given that it takes about 2 minutes for sound to travel from the summit of Mauna Loa to the array of acoustic sensors.

Indeed, panel A of the figure above shows that by 11:36 p.m., lava flows being generated by the new eruption were rapidly expanding across the Mauna Loa summit caldera. The progression and expansion of the lava is followed by a strong intensification of that activity around 11:40 p.m.

This shows the value of using multiple lines of information to evaluate eruptive activity.

In addition to acoustic methods, the Hawaiian Volcano Observatory uses a full range of monitoring methods including seismic, deformation, gas and webcam imagery.

Source : USGS, HVO.

Surveillance acoustique des volcans // Acoustic monitoring of volcanoes

Aux États-Unis et ailleurs dans le monde, l’activité volcanique peut prendre différentes formes, depuis les éruptions fissurales basaltiques relativement tranquilles à Hawaï jusqu’aux éruptions explosives très violentes du Mont St. Helens. Les scientifiques en poste dans les observatoires volcanologiques essayent en permanence de comprendre de tels événements et leurs implications en matière de dangers et donc de sécurité.
Les observatoires volcanologiques utilisent souvent des instruments de surveillance continue à distance comme les sismomètres et les microphones acoustiques pour détecter les événements sismiques et les explosions. Ces capteurs sont très utiles car ils peuvent assurer une surveillance permanente et les scientifiques peuvent appliquer des capacités de détection à distance pour surveiller l’activité.
Des chercheurs de plusieurs observatoires volcanologiques gérés par l’USGS se sont joints à d’autres scientifiques de différents pays pour observer et analyser deux types d’activité éruptive sur le Stromboli (Sicile/Italie).
Les scientifiques souhaitaient découvrir les différences entre les éruptions explosives discrètes et les événements plus violents, ou épisodes éruptifs ‘soutenus’. Les deux types d’éruptions ont des conséquences différentes en matière de danger et de sécurité des populations à Stromboli. L’étude du comportement du volcan permet une meilleure compréhension de ces événements, et l’application à des types similaires d’activité volcanique ailleurs dans le monde.
Les éruptions explosives se caractérisent par leur soudaineté et ont tendance à répandre de l’énergie de manière uniforme dans toutes les directions. Ces éruptions peuvent également projeter des matériaux dans toutes les directions. Sur le Stromboli, les épisodes éruptifs ‘soutenus’ ont des durées plus longues et produisent un panache de cendres et de matériaux qui jaillit loin de la bouche éruptive. Le processus est semblable à la dynamique des moteurs à réaction et de tels phénomènes volcaniques peuvent propulser les cendres à des hauteurs dépassant l’altitude du trafic aérien.
S’agissant de la surveillance volcanique, il est utile de comprendre les types de signatures produits par ces événements et comment ils sont enregistrés par les réseaux de surveillance conventionnels. En fait, ces réseaux ne sont pas vraiment performants car les capteurs sismiques et acoustiques sont presque toujours placés à la surface du sol et ne sont pas parfaits pour capter l’énergie des éruptions dans l’atmosphère.
L’équipe italienne de chercheurs a tenté d’améliorer la compréhension de la dynamique des éruptions en plaçant un capteur acoustique en hauteur, sur un drone au-dessus du Stromboli, pour capturer à la fois les explosions et les épisodes éruptifs ‘soutenus’. Les travaux ont révélé les principales caractéristiques qui permettent de distinguer facilement les deux types d’événements grâce à un capteur stationné brièvement au-dessus du volcan.
Cette expérience particulière réalisée en Italie présente un intérêt pour des éruptions ponctuelles mais ne peut être utilisée pour la surveillance des éruptions sur le long terme. Cependant, elle montre la capacité de capturer ces données, et elle identifie les contraintes qui entourent la conception de meilleurs réseaux au sol pour surveiller une grande variété de types d’éruption. Ce travail propose des méthodes pour améliorer la surveillance et la détection des éruptions volcaniques sur les volcans aux Etats Unis et ailleurs dans le monde.
L’Observatoire des volcans d’Hawaii (HVO) utilise actuellement les drones pour mesurer les gaz volcaniques et mener des relevés d’imagerie aérienne afin de générer des modèles tridimensionnels.
Source : USGS/HVO.

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In the U.S. And elsewhere in the world, volcanic eruptive activity may take many forms, from basaltic fissures eruptions in Hawai‘i to explosive eruptions like those of Mount St. Helens. Volcano observatory scientists permanently try to understand such events and their implications for hazards.

Volcano observatories often use continuous remote monitoring instruments like seismometers and acoustic microphones to detect earthquakes and explosions. These types of sensors are ideal because they can monitor constantly, and scientists can apply remote detection capabilities to monitor activity.

USGS volcano observatory researchers joined international volcano scientists to examine two types of eruptive activity at Stromboli (Sicily / Italy).

The scientists were interested in discovering differences between discrete explosive eruptions compared to sustained eruptions (also called jet eruptions). The two eruption types have different implications for hazardous conditions at Stromboli. The motivation of the study is a better understanding of these events, at Stromboli, that can be applied to similar types of volcanic activity occurring around the globe.

Explosive eruptions are characterized by their impulsive onset and tend to radiate energy equally in all directions. These types of eruptions may throw rocks in all directions. At Stromboli, sustained jets have longer durations and produce a directed plume of ash and rocks away from the vent. The events are analogous to jet engine dynamics and such volcanic jetting can push ash to heights beyond international airline traffic altitudes.

From a volcano monitoring perspective, it is useful to understand the types of signatures that these events produce and how they are recorded on standard monitoring networks. However, networks are hindered because seismic and acoustic sensors are almost always placed on the ground surface and are not ideal for the capture of eruption energetics into the atmosphere.

The research team working in Italy attempted to improve the understanding of eruption dynamics by placing an acoustic sensor on a drone above Stromboli to capture both explosions and jet eruptions. The work revealed key features of the two event types that allow them to be easily distinguished by a sensor briefly suspended above the volcano.

This particular experiment in Italy is impractical from the perspective of long-term eruption monitoring. However, it demonstrates the ability to capture these data and identifies constraints on how to design better ground networks to monitor the wide variety of eruption types. This work introduces methods for improved monitoring and detection of volcanic eruptions at United States and international volcanoes.

The Hawaiian Volcano Observatory currently uses UAS techniques to measure volcanic gas and conduct aerial imagery surveys to generate three-dimensional models.

Source : USGS / HVO.

Eruption ‘soutenue’ du Stromboli, avec puissant  jet de matériaux (Photo: C. Grandpey)

Etude d’une éruption ‘soutenue’ sur le Stromboli. L’image de gauche montre l’événement. L’image du centre montre l’orientation du capteur par rapport à la direction de l’éruption et une image rapprochée du drone en vol stationnaire. L’image de droite montre l’expérience sur le terrain, avec le capteur attaché sous le drone. (Crédit photo : David Fee)

Le dégel du permafrost de roche dans les Alpes (2ème partie) // The thawing of rock permafrost in the Alps (part 2)

Pour étudier le comportement du permafrost de roche, des capteurs de température ont d’abord été placés à l’Aiguille du Midi en 2005. A l’époque, les scientifiques passaient leurs journées à effectuer trois forages de 10 m de profondeur dans la paroi granitique. Aujourd’hui, les données de ces nombreux capteurs montrent de quelle manière le permafrost profond est affecté par la hausse des températures. Les mesures révèlent que les changements les plus destructeurs dans le permafrost se produisent généralement à six mètres ou plus sous la surface de la roche, là où les vagues de chaleur estivales font monter la température entre -2°C et 0°C.
Le dégel du permafrost peut entraîner le détachement d’un grand volume de roche de plusieurs façons. Le plus souvent, c’est l’eau accumulée dans une fissure existante qui crée une pression hydrostatique suffisamment forte pour élargir ou briser la fissure. Dans d’autres endroits, le permafrost peut être le seul élément qui maintient deux couches de roche collées l’une contre l’autre.
Les scientifiques tentent maintenant de mieux comprendre les processus physiques qui gèrent les effondrements de parois rocheuses. Par exemple, ils essayent de savoir quelle quantité d’eau pénètre dans la roche et d’où elle vient. Pour voir quelle quantité d’eau provient de la fonte de la neige, les scientifiques teignent les différentes accumulations de neige avec des couleurs fluorescentes. Ensuite, ils utilisent différentes méthodes pour connaître le temps mis par l’eau pour traverser la roche. Si elle est très ancienne, cela peut indiquer que c’est un vieux permafrost qui est en train de dégeler.
Dans les Alpes suisses, des chercheurs collectent des données sur le permafrost à partir d’un autre laboratoire de terrain : le Cervin et ses 4 478 m d’altitude. Alertés par les chutes de pierres survenues après la canicule de 2003, les scientifiques suisses ont commencé à mettre en place un réseau de capteurs sans fil en 2006. La tâche était plus difficile que sur l’Aiguille du Midi car il n’y a pas de téléphérique pour atteindre le sommet du Cervin. Au cours des 10 années suivantes, ils ont malgré tout réussi à mettre en place un réseau de 17 types de capteurs différents qui ont permis de collecter plus de 154 millions de points de données. Installé autour des emplacements de chutes de pierres les plus fréquents, le réseau comprend des capteurs de température, des caméras, des « fissuromètres » qui mesurent l’élargissement des fissures, des inclinomètres, des capteurs GPS et des capteurs sismiques qui permettent de mesurer la formation et la fonte de la glace dans les fractures profondes à l’intérieur de la roche.
Ces mesures sur le terrain et le travail en laboratoire permettent d’élaborer des modèles informatiques pour essayer de prévoir le comportement du permafrost de roche avec la hausse des températures. Les chercheurs espèrent que cela leur permettra d’identifier les endroits les plus dangereux dans d’autres chaînes de montagnes, à des altitudes similaires.
Toutefois, ce travail prendra probablement une vingtaine d’années et il faudra beaucoup plus de données avant que de tels modèles puissent être assez fiables pour prévoir d’importantes chutes de pierres. Ces données contribueront à rendre l’escalade plus sûre sur le Cervin. Le 22 juillet 2019, deux alpinistes – un guide de haute montagne et son client – sont décédés après être tombés d’une paroi. Au moment du drame, les deux hommes se déplaçaient, encordés, à une altitude d’environ 4300 mètres.
Certaines découvertes contribuent déjà à assurer la sécurité des alpinistes. Par exemple, on sait que les chutes de pierres les plus fréquentes dans les faces nord des Alpes se produisent à une altitude plus basse et avec une fréquence plus élevée que sur les faces sud. Grâce au réseau de capteurs, les scientifiques ont identifié le moment le moins dangereux de la journée pour traverser le couloir du Goûter en été – de 9h à 10h – même si les randonneurs doivent vérifier les conditions avant d’entreprendre l’ascension du Mont Blanc.

Selon les scientifiques, le problème du permafrost dans les Alpes est beaucoup plus large et ne se limite pas aux simples parois rocheuses. Dans les Alpes françaises, il existe 947 infrastructure telles que des refuges de montagne ou des téléphériques dans les stations de ski qui sont sous la menace du dégel du permafrost. En conséquence, assurer la sécurité des Alpes et des nombreuses personnes qui les visitent sera un défi de plus en plus grand dans les prochaines années.
Source : La BBC.

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In order to study the behaviour of rock permafrost, temperature sensors were first placed at Aiguille du Midi in 2005. Back then, the scientists spent days drilling three 10m-deep boreholes in the granite wall. Now, data from numerous types of sensors is providing a clearer view of how this deep permafrost is affected by rising temperatures. The readings reveal that the most destructive changes to the permafrost are usually happening six or more meters beneath the rock surface as summer heatwaves cause the temperature there to rise to between -2°C and 0°C.

There are a few ways in which the thawing of ice can cause the detachment of a large volume of rock. Most commonly, water accumulated in an existing fracture can build hydrostatic pressure strong enough to widen or break the crack. In other places, the permafrost may be the only thing keeping two rock layers glued together.

Scientists are now trying to learn more about the physical processes involved in rockface collapses. For instance, they want to know how much water is going into rock and where it is coming from. To see what amount of the water is coming from the snow melt, scientists are dyeing the different snow packs with fluorescent colours. Next, cientists apply different methods to find out how much time the water they are collecting has spent in the rock. If it is very old, then it might indicate that ancient permafrost is now melting.

In the Swiss Alps, reserachers collect data from another remarkable permafrost field laboratory : the 4,478m-high Matterhorn. Motivated by rockfalls that occurred after the 2003 heatwave, Swiss scientists started setting up a wireless sensor network in 2006. The task was more difficult than on the French Aiguille du Midi because there is no cable car that leads to the top of Matterhorn. Over the following 10 years, however, they managed to build a network comprised of 17 different sensor types, which have allowed to gather more than 154 million data points. Built around the worst of the rockfall locations, the network includes temperature sensors, cameras, « crackmeters » that measure the widening of the fractures, inclinometers, GPS sensors and seismic sensors that help them measure the formation and melting of ice in fractures deep within the rock.

All these field measurements and laboratory experiments are contributing to computer models to help predict the behaviour of the mountain permafrost in rising temperatures. Researchers hope it will allow them to identify the most dangerous locations in any mountain range at similar altitudes.

But it could take another 20 years, and a lot more data, until such models could be good enough to forecast large rockfalls. This data would help make rock climbing safer on the Matterhorn. On July 22nd, 2019, two climbers – a mountain guide and his client – died after falling from a rock. At the time of the tragedy, the two men were moving, roped, at an altitude of about 4300 meters.

Meanwhile, some of the findings are already directly helping to keep mountaineers safe. For example, it’s known that the most frequent rockfalls in the north faces in the Alps occur at a lower elevation and with higher frequency than on the south faces. Thanks to the sensor network, scientists have identified the least dangerous time of the day for crossing the Goûter couloir in summer – from 9am to 10am – although climbers are still encouraged to check conditions before setting off.

Scientists warn that the problem about permafrost is much wider. In the French Alps, there are 947 elements of infrastructure located in the permafrost regions, from mountain huts to ski resort cable cars. Some of them were already affected by thawing. As a consequence, ensuring safety of the Alps and the many people who visit them will only be a growing challenge.

Source : The BBC.

En Suisse, le Cervin est une zone à risques pour les alpinistes (Photo: C. Grandpey)

Le dégel du permafrost de roche dans les Alpes (1ère partie) // The thawing of rock permafrost in the Alps (part 1)

On peut lire sur le site Web de la BBC un article très intéressant et bien documenté sur le dégel du permafrost et ses conséquences dans les Alpes.
En général associé aux régions polaires, le permafrost – ou pergélisol – fait référence au sol et aux matériaux rocheux qui restent gelés en permanence pendant au moins deux ans. Normalement, il se trouve sous une couche active qui alterne fonte et gel selon la saison. Le permafrost recouvre la majeure partie du sol de l’Arctique, mais on le trouve aussi à haute altitude sur nos montagnes. Il constitue la « colle »qui assure la cohésion et la stabilité des parois rocheuses des Alpes.
Dans les Alpes, le permafrost dégèle de plus en plus chaque année. On a tendance à le trouver au-dessus de 2 500 m. A cette altitude, la glace s’enfonce profondément dans les fissures de la roche solide et permet de la maintenir en place. Sans elle, les flancs des montagnes pourraient devenir instables.
Le dégel du permafrost de roche se produit à deux échelles de temps différentes. D’une part, des dégels de courte durée surviennent chaque été, mais les vagues de chaleur de plus en plus fréquentes font des ravages dans les Alpes françaises depuis 2015. Avec les étés plus chauds, la couche active, celle qui fond toujours en été, devient de plus en plus profonde chaque année. Cela signifie qu’une partie de la couche dégèle pour la première fois, ce qui peut provoquer une déstabilisation de la roche dans son ensemble.
L’autre échelle de temps est visible grâce aux données sur le long terme collectées à partir du réseau de capteurs intégrés dans la paroi rocheuse. On constate que tous les 10 ans la température moyenne au plus profond de la roche augmente de 1°C, en raison de l’approfondissement progressif du dégel estival. Ce réchauffement régulier et lent peut provoquer des chutes de pierres.
Les vieux alpinistes de Chamonix se souviennent de l’histoire de deux Allemands qui, en 1997, escaladaient la face ouest de l’Aiguille du Dru. En fin de journée, ils ont installé leur bivouac pour passer la nuit sur la corniche dans la partie haute de la paroi granitique. Jusqu’alors, leur ascension s’était déroulée comme prévu. Puis, pendant des heures, ils ont entendu des bruits inquiétants qui provenaient des profondeurs de la montagne. Ils ont appelé les secours en montagne. Peu de temps après leur évacuation par hélicoptère, un énorme éboulement d’environ 27 000 mètres cubes de roche a emporté la face ouest de Dru. Une autre importante chute de pierres en 2011 a été révélé que le coupable probable était la glace encore visible dans les fractures à l’intérieur de la roche. Cela n’a fait que confirmer que la principale cause des chutes de pierres était la dégradation de l’ancien permafrost qui remplit les fissures profondes à l’intérieur des parois.
La canicule de 2003 en Europe a provoqué de nombreuses chutes de pierres. Les scientifiques ont alors décidé de mettre en place un réseau de surveillance dans le massif du Mont Blanc, avec des observateurs humains et des caméras, ce qui a permis de collecter des données sur plus de 1 500 chutes de pierres majeures. Au cours des dernières années, le nombre d’événements importants a rapidement augmenté dans de nombreuses régions des Alpes. On craint que, dans les décennies à venir, des chutes de pierres encore plus importantes modifient radicalement les paysages dans la région.
En raison du dégel du permafrost de roche et des chutes de pierres qui en résultent, le danger se fait plus grand pour les randonneurs et les alpinistes. J’ai expliqué sur ce blog comment, en 2017, un effondrement sur le Pizzo Cengalo, à la frontière entre l’Italie et la Suisse, a déclenché une avalanche de roches et de terre qui a parcouru la vallée et tué huit personnes. D’autres événements continuent de causer des dégâts à la montagne. L’itinéraire qui a été le plus sérieusement affecté est la voie la plus facile vers le sommet du Mont Blanc, avec le fameux « couloir de la mort », un passage particulièrement dangereux. Ce tronçon a été le théâtre de plus d’une centaine d’accidents mortels depuis le début des années 1990. Au cours des derniers étés, les chutes de pierres ont été presque constantes. En juillet 2022, elles ont contraint les guides de haute montagne de Chamonix à cesser de conduire des clients sur cet itinéraire. Des études scientifiques ont montré que la température du sol dans la partie supérieure du couloir augmente de 2°C par décennie.

Source : La BBC.

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One can read on the BBC website a very interesting and well documented article about permafrost thawing and its consequences in the Alps.

Most commonly associated with the polar regions, permafrost trfers to soil and rocky material that stays frozen continuously for at least two years. Normally it lies beneath an active layer that melts and freezes depending on the season. Permafrost covers most of the soil in the Arctic. Less well known is that it can also be found on steep mountain walls. It is the frozen « glue » that helps hold the rock faces of the Alps together.

In the European Alps, more and more of it is thawing each year and it is threatening the very mountains it is found in. Permafrost in the Alps tends to be found above 2,500m where it runs deep into cracks in the solid rock, helping to glue them together. Without it, the mountainsides can become unstable.

The thawing of rock permafrost is happening on two different timescales. On the one hand, short-term thaws occur each summer, but heatwaves, which have been more frequent in this part of the French Alps since 2015, are taking their toll. With the warmer summers, the active layer, the one that is always thawing in the summer, is becoming deeper every year. This means that part of the layer now thaws for the first time ever, which can provoke destabilisation in the rock.

The other timescale can be seen through the long-term data collected from the sensor network embedded in the rockface. It shows that every 10 years the average temperature deep inside the rock has increased by 1°C, due to the gradual deepening of the summer thaw. This steady and slow warming can also provoke rockfalls.

Older climbers from Chamonix still remember an anecdote about two Germans who in 1997 were  climbing on the west face of Aiguille du Dru. At the end of the day, they settled to spend the night on the ledge in the upper part of the granite wall. Up to this point their ascent had gone according to plan. Then, for hours they listened to frightening sounds coming from the depths of the mountain. They got woried and called the mountain rescue service in the morning. Shortly after the helicopter lifted climbers from the wall, a massive rockfall of about 27,000 cubic metres in volume, swept down the Dru west face. Another massive rockfall in 2011 revealed that the probable culprit was the remains of ice that could be seen beneath the fracture. It only confirmed that the main cause of unusually large rockfalls was the degradation of ancient permafrost that fills the cracks deep inside the walls.

The European heat wave in 2003 triggered numerous rockfalls. Scientists then decided to set up a monitoring network in the Mont Blanc massif using human observers and cameras, which has enabled them to collect data from more than 1,500 larger rockfalls. In the last few years, the number of more significant events has been rapidly increasing in many parts of the Alps. There are fears that, in the coming decades, even larger rockfalls will drastically change the landscape of the mountains in the region.

As a consequence of the thawing rock permafrost and the ensuing rockfalls, the danger for hikers and mountaineers is growing too. I explained on this blog how, in 2017, large rockfalls from Pizo Cengalo, on the border of Italy and Switzerland, triggered an avalanche of rock and dirt that travelled down the valley, killing eight people. More events continue to cause damage to the mountain. The route that was most seriously affected was the easiest path to the top of Mont Blanc, with the famous, but extremely dangerous « death couloir ». This section of the so-called Goûter route up the mountain has been the scene of more than a hundred fatal incidents since the start of the 1990s. During the last few summers, flying rocks have been an almost constant occurrence. In July 2022, they forced mountain guides from Chamonix to stop taking clients on this route. Scientific research has shown that the ground temperature in the upper part of the couloir is increasing at a rate of 2°C per decade.

Source : The BBC

 

Aiguille du Midi. La roche restera-t-elle assez solide pour suporter les pylônes du formidable téléphérique qui permet d’accéder au sommet? (Photo: C. Grandpey)