Hawaii, le roi des points chauds // Hawaii, the king of hot spots

Sur Terre, la plupart des volcans se forment au-dessus des limites de plaques tectoniques, là où les collisions et les accrétions peuvent créer des zones de fragilité dans la croûte et le manteau supérieur, ce qui permet à la roche en fusion de remonter vers la surface. L’archipel hawaiien se trouve à 3 200 km de la frontière tectonique la plus proche, et son existence a intrigué les géologues pendant des siècles.
En 1963, John Tuzo Wilson, un géophysicien, a émis l’hypothèse que les îles hawaiiennes reposent au-dessus d’un panache magmatique qui se forme lorsque la roche dans le manteau profond « bouillonne et s’accumule sous la croûte. » Ce «point chaud» pousse continuellement vers la surface et perce parfois la plaque tectonique, faisant fondre la roche environnante. La plaque se déplace au cours de millions d’années tandis que le panache magmatique reste relativement immobile. Le phénomène crée de nouveaux volcans à la surface de la plaque tandis que d’autres deviennent inactifs. Au final, on obtient des archipels tels que la chaîne sous-marine Hawaii-Empereur.
La théorie du point chaud a fait l’objet d’un large consensus au cours des décennies suivantes. Certaines observations ont confirmé cette théorie relativement récemment, dans les années 2000, quand les scientifiques ont commencé à placer des sismomètres au fond de l’océan. Les instruments ont fourni une radiographie du panache magmatique sous l’île d’Hawaii. Ils ont montré avec précision la direction et la vitesse du flux magmatique; les résultats confirment clairement la présence d’un point chaud.
Ce point chaud a probablement généré une activité volcanique pendant des dizaines de millions d’années, bien qu’il soit arrivé à sa position actuelle sous le Mauna Loa il y a seulement environ 600 000 ans. Tant qu’il y restera, il produira une activité volcanique. Plus près de la surface, il est encore très difficile de prévoir quand, où et quelle sera l’intensité des éruptions, malgré la profusion de sismomètres et de capteurs satellitaires.
Le panache magmatique qui alimente le Mauna Loa est principalement composé de basalte en fusion qui est moins visqueux que le magma que l’on rencontre sous des stratovolcans tels que le mont St. Helens et le Vésuve. Cela rend les éruptions du Mauna Loa moins explosives et contribue au long profil qui a donné son nom à la montagne et au type bien connu de volcan bouclier. Le Mauna Loa mesure environ 16 km de la base au sommet et couvre 5 180 kilomètres carrés.
Les satellites, bien qu’en constante amélioration, ne sont pas assez sensibles dans des conditions normales pour voir en profondeur à l’intérieur du Mauna Loa. Ils ne peuvent que déceler le réservoir magmatique peu profond à environ 3 kilomètres sous le sommet.
Les choses changent, cependant, lorsque le volcan commence à montrer des signes de réveil. Le magma pousse vers la surface plus rapidement; il fracture la roche et fait gonfler la surface du volcan. De telles déformations peuvent être captées par des sismomètres et les inclinomètres. À partir de ces données, ainsi que de celles sur les gaz et les cristaux émis lors de l’éruption, et de minuscules inflexions de la force gravitationnelle, une image de la situation commence à se faire jour.
Le Mauna Loa était entré en éruption pour la dernière fois en 1984, et dans les années qui ont suivi, il est resté inactif, même si son voisin, le Kilauea, est resté en éruption de manière quasi continue. Les premiers signes annonciateurs d’une éruption ont commencé à augmenter en fréquence et en intensité vers 2013, et les sismomètres ont détecté des essaims sismiques de faible magnitude. Un géophysicien de l’Université de Columbia a expliqué que certains séismes ont été causés par le poids du volcan sur le plancher océanique, mais la plupart résultent de la montée du magma qui fracture les roches et emprunte des chemins de moindre résistance.
La dernière éruption a commencé en décembre 2022 au sommet du Mauna Loa. Le magma a jailli de plusieurs fractures et a rempli la caldeira. Les éruptions précédentes avaient commencé au sommet et se sont déplacées vers une zone de rift, mais les scientifiques ne savaient pas quelle zone de rift choisirait le magma cette fois. Le rift nord-est signifiait la sécurité tandis que le rift sud-ouest pouvait mettre des milliers de personnes en danger.
A partir du début de l’éruption, la coulée de lave a ralenti sa progression, bien que manaçant de traverser la Saddle Road. Les fontaines de lave ont continué de jaillir de la zone de rift nord-est, mais les scientifiques étaient incapables de prévoir la suite des événements. Les volcanologues et les sismologues ont tenté d’analyser la situation en plaçant de nouveaux instruments autour des zones actives et en collectant des images satellites de la surface du volcan.
On ne sait pas quand la prochaine éruption se produira. Certains jeunes volcanologues de la Grande Île n’avaient jamais assisté à une éruption du Mauna Loa. Mais, comme l’a noté un géologue, « à l’échelle des temps géologiques, 38 ans, c’est très court. C’est juste quelque chose qui s’est produit pendant des milliers, voire des millions d’années, et ça ne va pas s’arrêter. »
Source : Big Island Now.

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Most volcanoes form above the boundaries of Earth’s tectonic plates, where collisions and separations can create anomalous areas in the crust and the upper mantle through which rock can push through to the surface. But the Hawaiian Islands are 3,200 km from the nearest tectonic boundary, and their existence puzzled geologists for centuries.

In 1963, a geophysicist named John Tuzo Wilson proposed that the islands, which are covered with layers of volcanic stone, sit above a magma plume, which forms when rock from the deep mantle « bubbles up and pools below the crust. » This “hot spot” continually pushes toward the surface, sometimes bursting through the tectonic plate, melting and deforming the surrounding rock as it goes. The plate shifts over millions of years while the magma plume stays relatively still, creating new volcanoes atop the plate and leaving inactive ones in their wake. The results are archipelagoes such as the Hawaiian-Emperor seamount chain.

The hot spot theory gained broad consensus in the subsequent decades. Some confirming observations came relatively recently, in the 2000s, after scientists began placing seismometers on the ocean floor. Tthe seismometers provided an X-ray of the magma plume rising beneath Hawaii. The instruments were able to accurately read the direction and speed of the magma’s flow; the results pointed resoundingly toward the presence of a hot spot.

This hot spot has probably been fomenting volcanic activity for tens of millions of years, although it arrived in its current position under Mauna Loa only about 600,000 years ago. And as long as it remains there, it will reliably produce volcanic activity.

Closer to the surface, predicting when, where and how intense these eruptions will be becomes more difficult, despite the profusion of seismometers and satellite sensors.

The magma plume fueling Mauna Loa is made primarily of molten basalt, which is less viscous than the magma beneath steeper stratovolcanoes such as Mount St. Helens and Mount Vesuvius. This makes the average Mauna Loa eruption less explosive and contributes to the mountain’s long profile: about 16 km from base to summit and covering 5,180 square kilometers.

Satellites, while ever improving, are not sensitive enough under normal conditions to see deeper into Mauna Loa than the shallow magma reservoir about 3 kilometers below the summit.

Things change, though, when the volcano starts showing unrest. Magma pushes upward more quickly, cracking rock below ground and causing the surface of the volcano to swell. Such deformations can be picked up by seismometers. From this, together with data about the gases and crystals emitted during the eruption and tiny inflections in gravitational force, a picture begins to emerge from the chaos.

Mauna Loa last erupted in 1984, and in the years afterward, it stayed mostly silent, even as the smaller neighboring volcano, Kilauea, erupted continuously. Rumblings in the ground beneath the volcano started increasing in frequency and intensity around 2013, and seismometers detected clusters of low-magnitude earthquakes deep underground. A geophysicist at Columbia University, said some earthquakes were caused by the volcano’s weight pushing down on the seafloor, but most result from rising magma, which presses up incessantly, fracturing rocks and forming paths of less resistance.

The last eruption began in December 2022 at the summit of the mountain, when magma spurted through fissures in the rock and filled the bowllike caldera. Previous eruptions had started in the summit and moved to a rift zone, but scientists did not know which of the two it would choose this time. The northeast flank would mean safety; the southwest could put thousands of people in danger.

Then, the lava flow slowed in its progression down the sides of the mountain, although it threatened to cross Saddle Road. Magma continued to erupt from the northeast rift zone, spurting upward in red fountains, and scientists were unsure what might come next.

In the meantime, volcanologists and seismologists tried to decipher the incoming data by placing more monitoring instruments around active zones and collecting more satellite images of the mountain’s surface.

There’s no knowing when the next eruption will occur. For some volcanologists on the Big Island, this is the first Mauna Loa eruption of their lifetimes. But, as one geologist noted, “on geological time scales, 38 years is pretty short. It’s just something that’s happened for thousands to millions of years, and it’s not going to stop doing that. You can’t hold back the magma forever.”

Source: Big Island Now.

Source: Wikipedia

Surtsey (Islande) a FAILLI devenir française !

Le numéro de décembre 2022 de la revue HISTORIA est consacré aux « terres oubliées de l’empire français ». Mention est faites de l’île Julia au large de la Sicile. Baptisée tour à tour Julia par les Français, Ferdinandea par les Italiens, Graham par les Anglais, son sommet a rejoint les profondeurs car il n’a pas résisté aux assauts des vagues. Vous découvrirez ces turbulences dans le livre Histoires de Volcans, Chroniques d’éruptions (Editions Omniscience) dont je suis le co-auteur avec Dominique Decobecq.

Surtsey a mieux résisté et on peut l’apercevoir aujourd’hui au sud de l’Islande. En lisant l’article qui est consacré à cette île dans HISTORIA, on apprend qu’elle a failli devenir française, mais seulement failli !

Le 10 novembre 1963, les marins à bord d’un chalutier islandais aperçoivent une épaisse colonne de fumée qui, selon eux, provient d’un navire en perdition. Il s’agit en fait du début d’une éruption sous-marine qui dura quatre jours.

La naissance d’une nouvelle île enthousiasme le grand reporter Gérard Géry qui vend le sujet à Paris Match. Très vite il constitue une petite équipe avec le photographe Philippe Laffon et l’alpiniste Pierre Mazeaud. Les trois hommes arrivent le 6 décembre à portée de la nouvelle île qu’ils atteignent en zodiac. Ils y débarquent et plantent deux drapeaux : le drapeau français et celui de Paris Match. Cette initiative déplaît, semble-t-il, à Surt, le dieu scandinave qui a donné son nom à l’île. Une violente explosion oblige les trois Français à décamper à toute vitesse une quinzaine de minutes après leur débarquement

Pour les Islandais, cette initiative française n’est pas sérieuse. Surtsey se trouvant à quelques encablures des Iles Vestmann, dans les eaux territoriales islandaises, elle appartient forcément à ce pays. Le gouvernement français n’a pas essayé de faire valoir le droit du premier occupant et Surtsey n’est donc pas devenu le territoire français le plus septentrional !

Rappelons que l’accès à Surtsey est aujourd’hui interdit au public. Il est réservé aux scientifiques étudiant la propagation de la vie sur une terre nouvelle. Cette étude de l’île pourra se faire tant que l’île émergera de l’océan. Faute de nouvelle activité éruptive, elle est vouée, elle aussi, à disparaître sous les assauts des vagues…

Naissance de Surtsey en 1963

Surtsey aujourd’hui (Source: Wikipedia)

Agung (Bali / Indonésie) : Pilotage à vue // Visual monitoring

Dans les années 2000, j’assistais à une conférence donnée à l’Université de Lyon par le regretté François Le Guern, géochimiste et ancien membre de l’équipe Tazieff. Il a débuté ses propos en ces termes : « Je ne sais pas, nous ne savons pas, prévoir une éruption volcanique ». Cette phrase me revient sans cesse à l’esprit en observant les incertitudes qui entourent actuellement l’éruption de l’Agung. Plus qu’à des prévisions, les scientifiques indonésiens et étrangers se livrent à un jeu de pronostics. La grande question est de savoir si l’éruption prévue – à condition qu’elle ait lieu – ressemblera à celle de 1963 qui reste le seul point de repère digne de ce nom. En effet, on ne sait que très peu de choses, pour ne pas dire rien, sur l’histoire éruptive de l’Agung. Si l’on consulte la base de données de la Smithsonian Institution, on se rend vite compte que l’on manque cruellement d’informations sur les éruptions de 1808 et 1843, les seuls événements répertoriés avant celui de 1963. Les informations concernant cette dernière éruption s’appuient largement sur les témoignages de personnes ayant assisté à la colère du volcan.

Sur le plan scientifique, aucun paramètre n’indique à coup sûr la suite des événements. Les sismographes s’agitent de temps en temps et montrent clairement qu’un magma juvénile est apparu dans les entrailles du volcan. On a assisté à une inflation de l’édifice au mois de septembre avant le réveil du volcan, mais la tendance s’est stabilisée depuis. Les observations du cratère  révèlent la présence d’un amas de lave incandescente qui occupe moins de la moitié du gouffre. Certains volcanologues locaux pensent que le cratère pourrait se remplir et atteindre le point de débordement à la mi décembre. Les données satellitaires révèlent une anomalie thermique sur le volcan, ce qui semble tout compte fait assez normal. Il serait intéressant d’avoir les informations fourniess par l’interférométrie radar mais, à ma connaissance, rien n’a été diffusé à ce sujet. Les émissions de SO2 n’atteignent pas les sommets.

Nous sommes donc dans une situation d’attente. Les autorités indonésiennes ont appliqué le principe de précaution et mis à l’abri les populations vivant à moins de 10 km du cratère. C’est une sage décision, même s’il n’est pas facile de garder pendant des semaines des dizaines de milliers de personnes dans des centres d’hébergement provisoires. Il faut tout de même savoir, comme je l’ai fait remarquer précédemment, que la zone d’exclusion présente des failles et qu’un grand nombre de paysans continuent à s’occuper de leurs lopins de terre et de leur bétail sur les pentes de l’Agung. Gare à eux si le volcan se réveille brutalement !

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In the 2000s, I attended a lecture given at the University of Lyon by the late François Le Guern, a geochemist and former member of the Tazieff team. He began his remarks with these words: « I cannot, we cannot, predict a volcanic eruption ». This sentence keeps coming back to me as I look at the uncertainties that currently surround the eruption of Mt Agung. More than forecasts, Indonesian and foreign scientists are engaged in a game of betting. The big question is to know whether the planned eruption – if it takes place – will look like the one in 1963, which remains the only real landmark. Indeed, we know very little, if anything, about the eruptive history of Mt Agung. If one looks at the Smithsonian Institution’s database, one quickly realizes that there is a dearth of information about the eruptions of 1808 and 1843, the only events listed before that of 1963. Information about the last eruption relies heavily on the testimonies of people who witnessed the volcano’s wrath.
From a scientific point of view, no parameter indicates with certainty what will happen next. The seismographs are reacting from time to time and clearly show that juvenile magma appeared in the bowels of the volcano. There was some inflation of the edifice in September before the volcano becale active again, but the trend has since stabilized. Observations of the crater reveal the presence of a heap of incandescent lava that occupies less than half of the vent. Some local volcanologists believe that the crater could fill up and reach the overflow point by mid-December. Satellite data reveal a thermal anomaly on the volcano, which seems quite normal. It would be interesting to have more information provided by radar interferometry but, to my knowledge, nothing has been teleased in this domain. SO2 emissions are not that big.
We are therefore in a situation of waiting. The Indonesian authorities have applied the precautionary principle and sheltered populations living within 10 km of the crater. This is a wise decision, even if it is not easy to keep tens of thousands of people in temporary shelters for weeks. It is important to know, as I pointed out earlier, that the exclusion zone is flawed and that a large number of peasants continue to tend their plots of land and livestock on the slopes. of Mt Agung. They might be in trouble if the volcano wakes up suddenly!

En ce moment, l’Agung se contente d’émettre quelques panaches de vapeur…

Agung (Bali / Indonésie): Vers un remplissage du cratère? // Will the crater fill up with lava?

L’activité sismique reste élevée sur l’Agung et montre que le magma continue à s’accumuler sous l’édifice volcanique. Comme je l’ai écrit précédemment, on estime que la quantité de lave active (qui produit une lueur la nuit) occupe entre un tiers et la moitié du cratère. Selon le VSI, le volume du cratère est estimé à environ 60 millions de mètres cubes et, actuellement, le volume de lave dans le cratère est estimé à moins de 50%, soit environ 20 millions de mètres cubes. Le VSI pense qu’il faudrait une dizaine de jours pour que le magma remplisse complètement le cratère. Cela signifie qu’il serait plein vers le 15 décembre 2017. Attendons de voir si la prévision est correcte. Un volcanologue du VSI a fait remarquer qu’il existait une forte relation entre l’activité volcanique de l’Agung et l’activité tectonique observée dans le village d’Abang, avec un séisme de M 3,5 il y a quelque temps.

Beaucoup de personnes âgées qui ont assisté à l’éruption de 1963 comparent l’augmentation d’activité de l’Agung ces derniers avec la situation de 1963.

Source : Presse indonésienne.

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Seismic activity is still high on Mt Agung and shows that magma is still rising within the volcanic edifice. As I put it before, the amount of active lava (which produces a glow at night) is estimated to occupy between one third and one half of the crater. Accordint to VSI, the crater volume is estimated about 60,000,000 cubic meters and currently the volume of lava in the crater is estimated to be less than 50 percent or 20,000,000 cubic meters. VSI predicts that it would take about 10 days for magma to fully fill Mount Agung’s crater. This means that the crater should be full by about December15th 2017. We’ll see if the prediction is true.

A VSI expert said that there is a strong relation between the volcanic activity of Mount Agung with tectonic activity that previously occurred in Abang Village resulting in an M 3.5 earthquake some time ago.

Many elderly who could see the 1963 eruption compared the recent months of escalating danger signs from Agung with 1963.

Source: Presse indonésienne.

Activité sismique actuelle sur l’Agung