Belle activité éruptive sur l’Etna (Sicile) // Nice eruptive activity on Mount Etna (Sicily)

Dans son dernier bulletin diffusé vers 20h45 (heure locale) le 27 décembre 2025, l’INGV indique que ce même jour à 18h48, une série de fortes explosions a débuté au cratère Nord-Est de l’Etna, avec projection de matériaux pyroclastiques sur l’ensemble du cône et bien au-delà de sa base. Des explosions stromboliennes sporadiques se produisaient au moment de la publication du bulletin.
Parallèlement, l’activité s’est intensifiée au niveau de la bouche située sur le flanc supérieur de la Voragine. Elle est le siège d’une fontaine de lave continue de plusieurs dizaines de mètres de hauteur. La coulée de lave émise par une bouche à la base est de la Voragine continue d’être alimentée. Elle a parcouru environ 1,8 km vers l’est, en direction de la Valle del Bove.

L’amplitude moyenne du tremor éruptif s’est stabilisée, bien qu’à des valeurs élevées.

L’analyse des données de déformation du sol ne révèle aucun changement significatif.

Source : INGV.

Image webcam de l’Etna ce matin

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In its latest bulletin, issued around 8:45 PM (local time) on December 27, 2025, the INGV reported that earlier that day, at 6:48 PM, a series of powerful explosions began at Mount Etna’s Northeast Crater, ejecting pyroclastic material over the entire cone and well beyond its base. Sporadic Strombolian explosions were occurring at the time the bulletin was published.
Concurrently, activity intensified at the vent on the upper flank of the Voragine. A continuous lava fountain, several tens of meters high, is erupting there. The lava flow from a vent at the eastern base of the Voragine continues to be well fed. It has traveled approximately 1.8 km eastward, toward the Valle del Bove.

The average amplitude of the eruptive tremor has stabilized, although at high levels. Analysis of ground deformation data reveals no significant changes.
Source: INGV.

Nouvelle méthode d’alerte précoce des éruptions volcaniques // New early warning method for volcanic eruptions

En volcanologie, l’expérience m’a appris à me méfier des annonces tonitruantes qui, au final, font Pschitt ! et ne font pas avancer la science. C’est pourquoi je reçois avec la même prudence l’annonce par l’Institut Physique du Globe de Paris (IPGP) d’une nouvelle méthode – baptisée « Jerk » – qui permettrait d’accélérer l’alerte précoce des éruptions volcaniques.

Force est d’admettre qu’aujourd’hui nous ne savons pas prévoir les éruptions volcaniques les plus dangereuses, celles produites par les volcans explosifs de la Ceinture de Feu du Pacifique. La plupart du temps, les populations sont évacuées après le déclenchement des éruptions. S’agissant des volcans effusifs comme le Kilauea, l’urgence est beaucoup moins grande car il suffit de se déplacer pour éviter les coulées de lave lorsqu’elles apparaissent. J’ai tendance à appeler le Kilauea ou le Piton de la Fournaise des volcans d’opérette avec des éruptions pour touristes.

La prévision éruptive ne prend son sens que si les scientifiques sont en mesure d’alerter les autorités et les populations. Dans une étude publiée dans le journal Nature Communications, des chercheurs et ingénieurs de l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) et du GFZ Helmholtz Centre for Geosciences proposent une nouvelle méthode de détection, baptisée « Jerk » (en français «secousse » ou « saccade », même si ce terme peut avoir un sens plus péjoratif), capable d’identifier en temps réel des signaux précurseurs très précoces des éruptions volcaniques à partir d’un seul instrument sismologique.

L’IPGP nous explique que la méthode « Jerk » permet de détecter en temps réel des mouvements extrêmement subtils du sol liés aux injections de magma en profondeur. Ces signaux, appelés signaux Jerk, se manifestent sous la forme de transitoires à très basse fréquence observés dans les mouvements horizontaux du sol, à la fois en accélération et en inclinaison. Les auteurs montrent qu’ils sont probablement générés par les processus de fracturation dynamique de la roche précédant une éruption. D’une amplitude de l’ordre de quelques nanomètres par seconde cube (nm/s³), ces signaux peuvent être détectés à l’aide d’un seul sismomètre à très large bande, moyennant un traitement spécifique intégrant notamment la correction des marées terrestres.

En avril 2014, l’outil a été implémenté à l’Observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise (OVPF) comme un module entièrement automatisé du système WebObs, en exploitant les données d’une station sismologique du réseau mondial Geoscope située à 8 km du sommet du volcan (Rivière de l’Est).

Dès le 20 juin 2014, une première alerte a été envoyée 1 heure et 2 minutes avant le début de l’éruption. Durant plus de 10 années, ce système de détection et d’analyse des signaux Jerk a fonctionné en continu 24h/24, permettant d’émettre des alertes automatiques pour 92 % des 24 éruptions qui se sont produites entre 2014 et 2023. Les délais d’alerte varient de quelques minutes à 8,5 heures avant que le magma n’atteigne la surface. La méthode a également été testée sur les données de 24 anciennes éruptions entre 1998 et 2010, montrant que l’alerte Jerk fonctionne de façon systématique. Le système a cependant fait quelques erreurs en émettant des alertes claires mais non suivies d’éruptions.

Toujours avec les populations à l’esprit, c’est le délai d’alerte qui me semble le plus important. Si l’alerte ne se déclenche que quelques minutes avant la sortie de la lave, il est évident qu’elle ne sert à rien.

Lors de la dernière crise sismique au Piton de la Fournaise le 5 décembre 2025, associée à de faibles déformations et anomalies de gaz, un petit signal Jerk a été émis (seulement 0,1 nm/s3), confirmant qu’une intrusion de magma avait bien eu lieu. Bien, mais fin décembre, le magma n’a toujours pas percé la surface ! Heureusement, aucune population n’a été évacuée et mise à l’abri dans des centres d’hébergement provisoires. Car c’est là que se trouve l’intérêt d’une prévision éruptive digne de ce nom : savoir prévoir une éruption et évacuer des populations dans des délais raisonnables.

Comme le rappelle l’IPGP, le Piton de la Fournaise est un volcan laboratoire très instrumenté et surveillé,mais c’est un volcan inoffensif d’un point de vue humain. Il est urgent de tester la méthode Jerk sur d’autres volcans plus dangereux et peu instrumentés, avec des populations à risque. L’Etna pourrait servir de tremplin vers les volcans philippins ou indonésiens.

Source : IPGP.

Le Piton de la Fournaise est un excellent volcan laboratoire (Photo: C. Grandpey)

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In volcanology, experience has taught me to be wary of sensational announcements that ultimately fizzle out and don’t help science to progress. That’s why I receive with the same caution the announcement by the Paris Institute of Earth Physics (IPGP) of a new method—dubbed « Jerk »—that is supposed to accelerate the early warning of volcanic eruptions.
Xwe are forced to admit today that we are not able to predict the most dangerous volcanic eruptions, those produced by the explosive volcanoes of the Pacific Ring of Fire. Most of the time, populations are evacuated after eruptions begin. With effusive volcanoes like Kilauea, the urgency is much less significant because one just neeeds to move a few steps away to avoid the lava flows when they appear. I tend to call Kilauea or Piton de la Fournaise « opera-style volcanoes » with eruptions for tourists.
Eruptive prediction is only meaningful if scientists are able to alert authorities and the public. In a study published in the journal Nature Communications, researchers and engineers from the IPGP and the GFZ Helmholtz Centre for Geosciences propose a new detection method, called « Jerk », capable of identifying very early precursor signals of volcanic eruptions in real time using a single seismological instrument.
The IPGP explains that the « Jerk » method makes it possible to detect extremely subtle ground movements in real time, linked to deep magma injections. These signals, called Jerk signals, appear as very low-frequency transients observed in horizontal ground movements, both in acceleration and inclination. The authors show that these signals are likely generated by the dynamic fracturing processes of the rock preceding an eruption. With an amplitude on the order of a few nanometers per cubic second (nm/s³), these signals can be detected using a single very broadband seismometer, provided that specific processing is implemented, notably incorporating correction for Earth tides.
In April 2014, the tool was implemented at the Piton de la Fournaise Volcanological Observatory (OVPF) as a fully automated module of the WebObs system, using data from a seismological station of the Geoscope global network located 8 km from the summit of the volcano (Rivière de l’Est).
On June 20, 2014, an initial alert was sent 1 hour and 2 minutes before the start of the eruption. For over 10 years, this Jerk signal detection and analysis system operated continuously, 24/7, enabling automatic alerts for 92% of the 24 eruptions that occurred between 2014 and 2023. Alert times ranged from a few minutes to 8.5 hours before magma reached the surface. The method was also tested on data from 24 past eruptions between 1998 and 2010, demonstrating that the Jerk alert system works consistently. However, the system did make some errors, issuing clear alerts that were not followed by eruptions. Always keeping the population in mind, the alert time seems to me to be the most important factor. If the alert is triggered only a few minutes before the start of an eruption, it is clearly useless.
During the last seismic crisis at Piton de la Fournaise on December 5, 2025, associated with minor deformations and gas anomalies, a small jerk signal was emitted (only 0.1 nm/s³), confirming that a magma intrusion had indeed occurred. However, by the end of December, magma has still not pierced the surface! Fortunately, no population needs to be evacuated or sheltered in temporary accommodation centers. This is precisely where the value of a truly reliable eruption prediction lies: being able to predict an eruption and evacuate populations within a reasonable timeframe.
As the IPGP points out, Piton de la Fournaise is a highly instrumented and monitored laboratory volcano, but it is harmless from a human perspective. It is urgent to test the jerk method on other, more dangerous and less instrumented volcanoes with at-risk populations. Mount Etna could serve as a springboard to volcanoes in the Philippines or Indonesia.
Source: IPGP