Fonte du Glacier du Rhône et réchauffement du Lac Léman // Melting of the Rhône Glacier and warming of Lake Geneva

J’ai alerté à plusieurs reprises sur la fonte du Glacier du Rhône qui recule à vue d’oeil, à tel point que la grotte qui a été creusée dans la glace est en passe de ne plus exister. En 2020, sa visite à 2029 mètres d’altitude donnait envie de pleurer tellement la fonte était spectaculaire. En juillet 2023, il se disait que la grotte du glacier du Rhône vivait peut-être sa dernière saison, après 150 ans d’exploitation. La presse helvétique nous apprend aujourd’hui que la grotte s’est visiblement effondrée. On ne sait pas si la construction d’une nouvelle grotte de glace pour la prochaine saison estivale 2024 sera encore possible. La Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage critique le projet de création, sans permis, d’une nouvelle grotte sur le glacier, ainsi que l’utilisation de bâches destinées à retarder la fonte de la glace. En effet, ces dernières causent une pollution aux microplastiques.

 

S’agissant du Glacier du Rhône, au train où vont les choses, on peut se demander si dans quelques décennies – peut-être même avant – la source du Rhône existera encore. J’ai vu le Glacier du Rhône reculer au fil des ans. Dans les années 1980, sont front dominait encore la route du col de la Furka.

 

Le Glacier du Rhône en 1981….

Aujourd’hui, on ne voit plus le glacier depuis la route. Il faut emprunter un long sentier pour atteindre son front qui se termine en pente douce dans un petit lac d’où s’échappe le Rhône à son extrémité.

…..et en 2020 !

….avec le front en pente douce

Naissance du Rhône (Photos: C. Grandpey)

En une année, la langue du glacier où se trouvait la grotte a perdu 10 mètres d’épaisseur. Selon les modèles réalisés par l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, il devrait avoir disparu d’ici la fin du siècle.

Après sa naissance dans le canton suisse du Valais, le Rhône fait un brin de toilette dans le Lac Léman avant d’arriver en France et de poursuivre sa course vers la Mer Méditerranée.

 

Image satellite (Sentinel-2) du Lac Léman

A l’image des océans, la température du Lac Léman, d’une superficie de 580,1 km2, ne cesse d’augmenter. Cette surface étant moins importante que celle des océans, la température s’élève plus vite. La première réserve d’eau douce d’Europe occidentale se réchauffe quatre à cinq fois plus vite que les océans. C’est l’alerte que vient de lancer la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL) dans son dernier rapport publié le 12 février 2024.

La température moyenne annuelle des eaux de surface du Léman atteignait 13,6°C en 2022, ce qui constitue un record depuis 1990. Cette élévation de la température de l’eau est due à la multiplication des hivers doux qui empêchent les eaux de surface de se mélanger avec celles du fond.

La CIPEL prévient que la tendance n’est pas près de s’arrêter. En effet, les Alpes se réchauffent deux fois plus vite que le reste de la planète. Si la hausse atteint 4°C, ce qui est prévu dans le pire des scénarios, il n’y aura pas d’adaptation possible. Le réchauffement des eaux du Léman aura des conséquences majeures pour les écosystèmes, avec une faune qui manquera de nourriture. Des espèces de poissons, comme la féra, n’arriveront plus à se reproduire ; des bactéries prolifèreront, rendant le traitement de l’eau du lac plus coûteux pour le million de Français et de Suisses qui la boivent.

Source : France Info.

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I have warned on several occasions about the melting of the Rhône Glacier which is retreating, to the point that the cave which was dug in the ice is on the verge of no longer existing. In 2020, a visit to 2029 meters above sea level made you want to cry because the melting was so dramatic. In July 2023, it was said that the Rhône glacier cave was perhaps experiencing its last season, after 150 years of exploitation. The Swiss press tells us today that the old cave has visibly collapsed. It is not known whether the construction of a new ice cave for the next summer season 2024 will still be possible. The Swiss Foundation for Landscape Protection and Planning criticizes the plan to create, without a permit, a new cave on the glacier, as well as the use of tarpaulins intended to considerably delay the melting of the ice. In fact, they cause microplastic pollution.

Regarding the Rhône Glacier, at the rate things are going, we can wonder if in a few decades – perhaps even sooner – the source of the Rhône River will still exist. I have seen the Rhône Glacier retreat over the years. In the 1980s, its front still dominated the Furka Pass road.
Today, you have to take a long footpath to reach the front of the glacier which ends gently in a small lake from which the Rhône River escapes at its end.
In one year, the tongue of the glacier where the cave was located lost 10 meters in thickness. According to models produced by the Swiss Federal Institute of Technology in Zurich, it will probably have disappeared by the end of the century.
After its birth in the Swiss canton of Valais, the Rhône takes a quick bath in Lake Geneva before arriving in France and continuing its course towards the Mediterranean Sea.

Like the oceans, the temperature of Lake Geneva, with an area of 580.1 km2, continues to increase. A this surface area is smaller than that of the oceans, the temperature rises more quickly. Western Europe’s largest freshwater reserve is warming four to five times faster than the oceans. This is the alert that the International Commission for the Protection of the Waters of Lake Geneva (CIPEL) has just issued in its latest report published on February 12th, 2024.
The average annual temperature of Lake Geneva’s surface waters reached 13.6°C in 2022, which is a record since 1990. This rise in water temperature is due to the increase in mild winters which prevent surface waters from mix with those at the bottom.
CIPEL warns that the trend is not about to stop. In fact, the Alps are warming twice as fast as the rest of the planet. If the rise reaches 4°C, which is expected in the worst-case scenario, there will be no adaptation possible. The warming of the waters of Lake Geneva will have major consequences for ecosystems, with fauna that will lack food : species of fish, such as the féra, will no longer be able to reproduce; bacteria will proliferate, making water treatment more expensive for the million French and Swiss who drink lake water.
Source: France Info.

 

Inquiétude en Islande devant le risque d’une nouvelle éruption // Anxiety in Iceland with the risk of a new eruption

Comme je l’ai écrit dans une note précédente, on sentait que le Met Office islandais et la Protection Civile n’étaient pas vraiment d’accord avec la décision d’autoriser les habitants de Grindavik à rentrer chez eux. Aujourd’hui, l’inquiétude s’ajoute à ce désaccord. Si l’accumulation de magma se poursuit au même rythme qu’actuellement dans la région de Svartsengi, sa quantité atteindra cette semaine le seuil jugé nécessaire pour déclencher la prochaine intrusion, voire une nouvelle éruption. Le Met Office prévient également qu’une éruption pourrait se déclencher avec très peu de préavis, moins de 30 minutes.
De son côté, la Protection Civile fait remarquer qu’il sera difficile d’évacuer des endroits comme Grindavik ou le Blue Lagoon car une éruption peut démarrer très vite et personne ne peut dire exactement où elle aura lieu. Des sirènes ont été installées et alerteront la population si nécessaire.
Une réunion d’information pour les habitants de Grindavík est prévue aujourd’hui 26 février ; ils recevront des informations sur l’état des infrastructures de la ville.
Source  : Iceland Monitor.

Le Met Office décrit trois scénarios possibles :
1) Une éruption semblable à celles du 8 février et du 18 décembre, avec des séismes soudains et intenses suivis d’une éruption entre Sýlingarfell et Stóra-Skógfell. Le préavis serait de trente minutes, voire moins.

2) Le deuxième scénario serait semblable à l’éruption du 14 janvier à Hagafell, avec une coulée de lave atteignant en une heure les digues de terre autour de Grindavík. Le préavis serait d’environ une à trois heures.

3) Le troisième scénario serait le pire des cas pour Grindavík. Une éruption se produirait au sein même de la ville. Il y aurait un préavis d’une à cinq heures entre les premiers séismes et le début de l’éruption.

Ces scénarios sont basés sur les interprétations des dernières données et sur l’évolution observée lors des événements précédents dans la zone de la chaîne de cratères de Sundhnúkur. Le Met Office répète que le processus de chaque éruption est très difficile à prévoir avec une parfaite précision.

Personne ne sait si, quand et où se produira une nouvelle éruption. Grindavik n’est pas à l’abri d’un tel événement (Crédit photo: Iceland Review)

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As I put it in a previous post, one could feel that the Icelandic Met Office and the Civil Protection did not fully agree with the decision to allow Grindavik residents to go back home. Today, anxietu adds to this disagreement. If the accumulation of magma continues at the same rate as now in the Svartsengi area, the amount of magma will reach this week the threshold that is believed to be needed to start the next intrusion, or even a volcanic eruption. The Met Office also warns that an eruption could start with very little notice, less than 30 minutes.

The Cicil Protection says it will be difficult to evacuate places like Grindavik or the Blue Lagoon as the warning can be very short and no one can say exactly where the eruption will occur. There are warning sirens in place that will be blown if necessary.

An information meeting for the residents of Grindavík is planned for today February 26th ; residents will receive information about the state of the town’s infrastructure.

Source : Iceland Monitor.

The Met Office outlines three possible scenarios:

1) An eruption similar to those of February 8th and December 18th, with sudden and intense earthquakes followed by an eruption between the mountains of Sýlingarfell and Stóra-Skógfell. The warning time would be thirty minutes or even less.

2) The second scenario would be similar to the January 14th eruption which took place by Hagafell with a lava flow reaching the barriers around Grindavík within an hour. This would give a warning time of approximately one to three hours.

3) The third scenario would be the worst case scenario for Grindavík. An eruption would occur within the town itself. There would be a warning time of one to five hours from the first earthquakes to the start of the eruption.

These scenarios are based on interpretations of the latest data and the observed development of the previous events at the Sundhnúkur crater row area. The Met Office repeats that every aspect of an eruption is very difficult to predict with perfect accuracy.

Le glacier Perito Moreno (Argentine) et le réchauffement climatique // Perito Moreno (Argentina) and global warming

En Argentine, le glacier Perito Moreno est situé dans le Parc national Los Glaciares, à 78 kilomètres d’El Calafate, en Patagonie. Son front, long de 5 000 mètres et haut de 60 mètres, s’étend jusqu’au Lago Argentino. Il a une superficie de 250 km2 et une longueur de 30 kilomètres ; c’est l’un des 48 glaciers alimentés par le champ de glace du sud de la Patagonie que l’Argentine partage avec le Chili.

 

Crédit photo: Wikipedia

Il y a quelques années encore, le glacier Perito Moreno était l’un des trois seuls glaciers de Patagonie à ne pas reculer. Son front avançait d’environ deux mètres par jour, soit environ 700 mètres par an. Par endroits, son épaisseur atteint 700 mètres.

Source: NASA

Le champ de glace du Perito Moreno a résisté au changement climatique pendant des décennies, sans croître ni reculer malgré la hausse des températures, mais aujourd’hui il subit l’impact du réchauffement climatique. Des morceaux de glace pesant plusieurs tonnes se détachent du front du glacier avec une fréquence inquiétante, et déclenchent d’impressionnantes gerbes d’eau qui véhiculent des morceaux de glace, comme on peut le voir sur la vidéo insérée dans cet article de presse :
https://us.yahoo.com/news/hear-spectacular-ice-calving-argentinas-144022506.html

En plus de la plus grande fréquence des effondrements, un phénomène est particulièrement inquiétant : l’apparition de mares d’eau à la belle couleur bleue à la surface du glacier. Elles sont dues à l’intense rayonnement solaire pendant l’été. Tout comme pour les lacs de fonte observés à la surface de la glace arctique, au Groenland par exemple, l’eau de ces mares s’infiltre dans la glace jusqu’à atteindre le substrat rocheux où elle agit comme lubrifiant et accélère la progression du glacier. C’est ce qui explique la récente accélération du Perito Moreno. La hausse des températures a augmenté à la fois le volume et le nombre de ces pièces d’eau. La température dans la région du Perito Moreno a augmenté de 0,2°C par décennie entre 1996 et 2020, donc plus que les décennies précédentes au 20ème siècle.

Crédit photo : NASA

Admirer l’effondrement du front d’un glacier est, à mes yeux, aussi impressionnant qu’observer une éruption au sommet du Stromboli ou de l’Etna. J’ai eu la chance d’observer le phénomène à plusieurs reprises en Alaska et j’ai ressenti la même émotion que devant une éruption volcanique. Le bruit des effondrements et de la glace qui vient percuter la surface de l’eau parvient à vos oreilles quelques secondes après l’événement car il faut maintenir une bonne distance de sécurité. Les impressionnantes vagues déclenchées par l’effondrement pourraient constituer un danger pour le bateau où vous vous trouvez.
Voici une courte vidéo que j’ai réalisée lors de l’effondrement du glacier Sawyer en Alaska où les glaciers fondent à une vitesse incroyable :

https://www.youtube.com/watch?v=jZtvNMxoxdY

Glacier Sawyer (Photo: C. Grandpey)

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In Argentina, the Perito Moreno Glacier is located in the Los Glaciares National Park, 78 kilometers from El Calafate, in Patagonia. Its glacial front, 5,000 meters long and 60 meters high, extends into Lake Argentino. It has a surface area of 250 km2 and a length of 30 kilometers ; it is one of 48 glaciers fed by the Southern Patagonian Ice Field which Argentina shares with Chile.
Up to a few years ago, the Perito Moreno Glacier was one of only three glaciers in Patagonia that did not retreat. Its front advanced about two meters per day, or about 700 meters per year. In some places its thickness reaches 700 meters.

Although the Perito Moreno ice field defied climate change for decades, neither growing nor retreating despite rising global temperatures, it is now undergoing the impact of global warming. Slabs weighing many tons cascade from the glacier’s front with alarming frequency, leaving an eruption of ice and water in their wake, as can be seen on the video inserted in this article :

https://us.yahoo.com/news/hear-spectacular-ice-calving-argentinas-144022506.html

What is particularly worrying is the appearance of blue ponds of water at the surface of the glacier.They are caused by the intense summer solar radiation. Just like the ponds observed at the surface of glaciers in the Arctic, the water from these ponds seeps into the ice until iit reaches the bedrock where it acts as a lubricant and sepeeds up the glacier’s advance. This accounts for the recent acceleration of Perito Moreno. Rising temperatures have increased both the volume and number of these ponds. Perito Moreno’s temperature has increased by 0.2°C per decade between 1996 and 2020, slightly more than earlier decades in the 1900s.

Watching the collapse of a glacier’s front is as impressive as an eruption at the summit of Stromboli or Mount Etna. I could observe the phenomenon several times in Alaska and I felt the same kind of emotion as before a volcanic eruption. The noise of the crashes reach your ears a few seconds after the event because you have to stand far from the glacier as the waves triggred by the collapse could be a danger to the boat.

Here is a short video I shot during the collapse of the Sawyer Glacier in Alaska where glaciers are melting at an incredible pace :

https://www.youtube.com/watch?v=jZtvNMxoxdY

Dernières nouvelles d’Islande // Latest news from Iceland

Dans un rapport publié le 23 février 2024, le Met Office islandais indique que les modélisations montrent qu’environ 5 millions de mètres cubes de magma s’étaient accumulés dans le réservoir de Svartsengi le 22 février 2024. Compte tenu de la tendance observée avant les éruptions précédentes le long de la chaîne de cratères de Sundhnúkur, la probabilité d’une éruption sera très élevée une fois que le volume atteindra entre 8 et 13 millions de mètres cubes. D’après les calculs, cela pourrait se produire au début de la semaine prochaine si l’accumulation de magma se poursuit au rythme actuel.

Cependant, il convient de noter qu’il existe un certain degré d’incertitude dans cette interprétation et cela suppose que le comportement du magma sera identique à celui des éruptions passées. De plus, il est possible qu’une nouvelle intrusion avec formation d’un dike se produise dans cette région sans entraîner d’éruption volcanique.
Source : Met Office islandais.

Le Met Office prévoit une éruption à court terme, mais il existe une grande marge d’erreur quant au lieu et à la forme que prendra cet événement. Plusieurs scénarios sont envisageables.

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In a report released on February 23rd, 2024, the Icelandic Met Office indicates that model calculations show that approximately 5 million cubic meters of magma had recharged to the Svartsengi reservoir as of February 22nd, 2024. Considering the trend observed prior to previous eruptions in the Sundhnúkur crater row, the likelihood of an eruption will be very high once the volume reaches between 8-13 million cubic meters. Based on the results of the model calculations, this could occur early next week if magma accumulation continues at the current rate. However, it should be noted that there is a degree of uncertainty in this interpretation, and it cannot be assumed that the behaviour will be identical to the past eruptions. Additionally, there is a possibility a new dike intrusion occurs within this region without resulting in a volcanic eruption.

Source : Icelandic Met Office.