La fonte des glaciers et son impact sur la religion// Glacier melting has an impact on religion

Avec le réchauffement climatique et la hausse des températures, les glaciers fondent partout dans le monde. J’ai expliqué à plusieurs reprises les conséquences de la fonte des glaciers, notamment en ce qui concerne l’alimentation en eau de certaines régions de la planète. La fonte des glaciers peut également avoir un impact sur les pratiques religieuses dans l’Himalaya ou dans les Andes. On peut donner l’exemple du festival annuel Qoyllur Rit’i – Neige et Etoiles – au Pérou qui a lieu chaque année depuis 1783. Il attire des dizaines de milliers de pèlerins andins et de régions plus lointaines qui viennent célébrer le lien de l’Homme avec la Nature. Selon la tradition, ceux qui participent au Qoyllur Rit’i entrent dans un monde différent d’où ils ressortent transformés. Ils sont purifiés et ont l’impression de renaître.
Dans le passé, les croyants entamaient le voyage de nuit et se laissaient guider par le reflet de la lune sur les sommets enneigés, avant d’atteindre le glacier sacré de Colque Punku. Aujourd’hui, les pèlerins partent à l’aube. Lorsque le soleil se lève sur les montagnes andines, on peut voir une longue file de danseurs vêtus de costumes colorés qui serpente à travers le paysage. Mais ce paysage est en train de changer rapidement, et certains accès à ce monde naturel ne sont plus possibles. Les rituels du festival se déroulaient autrefois sur les glaciers, considérés comme sacrés par les habitants. Des blocs de glace censés avoir des propriétés curatives étaient découpés dans le glacier et descendus dans les villages. Aujourd’hui, avec la hausse des températures liée au réchauffement climatique, la glace sacrée se fait rare. En 2004, les organisateurs ont interdit la découpe des blocs de glace à partager avec la communauté. On a dit aux pèlerins que la glace devait être protégée à tout prix. Les autorités péruviennes avertissent que d’ici 40 ans, tous les glaciers du pays pourraient avoir disparu. Leur taille a diminué d’environ 30 % ces dernières années. J’ai insisté dans des notes précédentes sur les conséquences de cette disparition des glaciers pour les populations andines et les inévitables migrations vers les villes, notamment Lima, la capitale, dont l’eau dépend largement des glaciers andins.
Le festival Qoyllur Rit’i annonce les prochaines récoltes ; c’est un événement saisonnier célébré depuis des milliers d’années. Depuis le 18ème siècle, les religions se mélangent, christianisme et paganisme, pour créer cet événement coloré de trois jours. Le clou du du pèlerinage est un sanctuaire au pied de la montagne où un rocher présente une image de Jésus-Christ connu sous le nom de Seigneur de Qoyllur Rit’i. Les croyants dansent et prient jusque tard dans la nuit, recherchant santé, paix et prospérité.
Le festival est entré sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en 2011. Pourtant, avec la fonte des glaciers andins, les peuples autochtones risquent bientôt de perdre l’accès à une partie sacrée de leur culture. Il feront, eux aussi, partie de ceux qui souffrent de la destruction. causé par le réchauffement climatique. Un participant au festival a déclaré qu’il était triste de savoir que la fonte des glaciers signifie que les générations futures ne connaîtront pas le même nettoyage de l’esprit par la neige, comme il a eu la chance de le connaître en grandissant. « Si le glacier devait disparaître, je ne perdrais pas ma foi en ne pouvant plus aller au Qoyllur Rit’i, mais j’aurais le cœur brisé. Une partie de moi disparaîtrait. »
Source : médias d’information sud-américains.

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With global warming and rising temperatures, glaciers are melting around the world. I have insisted several times on the consequences of glacier melting, especially as far as the water supply of some regions is concerned. Glacier melting can also have an impact on religious practices in the Himalayas or in the Andes. There is the example of the annual Qoyllur Rit’i – or Snow and Star – festival in Peru which has occurred every year since 1783. It draws tens of thousands of indigenous pilgrims from the Andes and beyond who come to celebrate mankind’s connection with nature. It is said that when you go to Qoyllur Rit’i, you are in a different space ; you rare transformed. Then you return purified ; up there, you are reborn.

In the past, the believers would start at night and use the reflection from the moon that cascaded atop snow-capped peaks as a guide to make their way up the sacred Colque Punku glacier. Today, they leave at dawn. As the sun rises over the Andean mountains, a chain of dancers wrapped in colorful costumes snakes across the landscape. But this landscape is changing rapidly, with no more access to some parts of the natural world. Indeed, the festival rituals once took place on the mountain glaciers, which are seen as sacred by locals. Ice blocks believed to hold healing properties were carved out and carried back down the slope. Today, increasing temperatures linked to global warming mean the sacred ice is now scarce. In 2004, festival organizers banned the practice of cutting blocks of ice to share with the community, believing the melted water had healing powers. They said the ice was in urgent need of protection. Peruvian authorities warn that within 40 years, all the glaciers in Peru may have disappeared. They have decreased in size by about 30 percent in recent years. I have insisted in previous posts on the conszquences of this disappearance for the populations in the Andes ansd inevitable migrations toward the cities, especially Lima, the capital, whose water summply largely depends on Andean glaciers.

The Qoyllur Rit’i festival marks the upcoming harvest, a seasonal event that has been celebrated for thousands of years. Since the 18th century, a medley of faiths, including Christianity and paganism, have blended to create the unique and colorful three-day event. A central part of the pilgrimage is a sanctuary at the base of the mountain where a boulder features an image of Jesus Christ known as the Lord of Qoyllur Rit’i. Believers dance and pray long into the night, seeking health, peace and prosperity.

The festival was added to the UNESCO Intangible Cultural Heritage Lists in 2011. Yet the loss of Andean ice caps means that the indigenous people are soon likely to lose access to a sacred part of their culture, making them yet another group to suffer from the destruction caused by global warming. One participant in the festival said he was saddened by the knowledge that the melting ice means future generations will not experience the same kind of cleansing from the snow he was blessed with growing up.“If the glacier were to disappear, I wouldn’t lose my faith if I couldn’t go to Qoyllur Rit’i, but I would be heartbroken. A part of me would disappear.”

Source : South American news media.

 

Image du festival Qoyllur Rit’i au pied du glacier Colque Punku (Crédit photo : Wikipedia)

Bali, île des dieux…et du Mont Agung // Bali, island of the gods….and Mt Agung !

Bien que l’Indonésie ait plus de Musulmans que n’importe quelle autre nation dans le monde, l’île de Bali est principalement hindoue et pratique une forme d’hindouisme qui intègre des éléments du bouddhisme et de l’animisme. Les Hindous balinais considèrent que les quatre montagnes volcaniques qui forment l’épine dorsale de leur île sont sacrées. Ils sont persuadés que l’Agung, le Batur, l’Abang et le Batukaru abritent des dieux et que le Mont Agung, la plus haute des quatre montagnes, est aussi la plus sacrée. C’est aussi celle qui pourrait entrer en éruption à tout moment.
Le Mont Agung (« La Grande Montagne ») est censé être la demeure de Mahadeva, la manifestation suprême de la divinité Shiva. La légende raconte que la montagne s’est formée lorsque le dieu hindou Pashupati a scindé le Mont Meru, l’axe hindou de l’univers, et a créé le Mont Agung à partir d’un de ses fragments.
Bali compte plus de 10 000 temples. Pura Besakih est considéré comme le plus important. C’est un complexe de 23 temples situé à plus de 900 mètres d’altitude sur les pentes de l’Agung. Sa création remonte probablement au 10ème siècle et est consacré depuis cette époque à Naga Besukianm ou «Serpent de Shiva», le dieu dragon qui habite le Mont Agung.
Les habitants ont établi un lien fort entre Pura Besakih et le volcan qui se manifeste par trois trous sacrés dont l’un serait relié directement au cratère de l’Agung. Selon les prêtres, c’est grâce à ces trois trous que la pression de l’éruption peut se dissiper de sorte que le volcan ne va pas entrer en éruption violemment, mais lentement et avec une faible pression. Il y a quelques jours, plusieurs prêtres ont grimpé au sommet de l’Agung pour y déposer des offrandes. Ils ont également pris des photos intéressantes montrant des panaches de vapeur et de gaz qui s’échappent du cratère
Pendant les dernières éruptions de l’Agung au début des années 1960 – avec quelque 1500 victimes – les coulées de lave se sont arrêtées à quelques mètres de Pura Besakih. Beaucoup de Balinais ont considéré cet événement comme une preuve de la miséricorde des dieux qui ont voulu montrer leur pouvoir mais sans détruire les lieux de culte les plus saints de Bali.
Bien que Pura Besakih se trouve dans la zone d’évacuation de 12 kilomètres mise en place autour du volcan par le gouvernement indonésien, quelques prêtres continuent encore à y pratiquer des cérémonies de prière et font des offrandes dans le complexe de temples. Selon l’un des prêtres: « Si les Balinais prient sincèrement en suivant leur rituel, alors le Mont Agung n’aura pas d’éruption terrible ; elle se fera seulement avec une légère pression. Mais si les Balinais ignorent les lois de la nature, alors le Mont Agung sera furieux et pourra déclencher une terrible catastrophe. »
Source: Religion News Service.

D’un point de vue scientifique, la situation n’a pas changé de façon significative. La sismicité reste élevée mais n’a pas augmenté. Il semble que le Mont Agung ne soit pas encore prêt à entrer en éruption. Les centaines de milliers de personnes dans les camps vont devoir être patientes!

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Though Indonesia has more Muslims than any nation in the world, its island of Bali is mostly Hindu, practicing a form of Hinduism that incorporates elements of Buddhism and animism. Balinese Hindus hold sacred the four volcanic mountains that form the island’s backbone. They believe that Agung, Batur, Abang and Batukaru are home to the gods and that  Mount Agung, the highest of the four mountains, is the most sacred. It is also the one taht might erupt at any time.

Mount Agung (translated as “The Great Mountain”) is believed to be the home of Mahadeva, the supreme manifestation of the deity Shiva. Legend has it that the mountain was formed when the Hindu god Pashupati split Mount Meru, the Hindu axis of the universe, and created Mount Agung from a fragment.

Bali has more than 10,000 temples. Pura Besakih is considered the most important. It is a complex of 23 temples located more than 900 metres high on the slopes of Mount Agung. Believed to date back to the 10th century, it has been devoted from its founding to Naga Besukianm or “Shiva’s snake,” the dragon god inhabiting Mount Agung.

Locals see a strong bond between Pura Besakih and the volcano, manifested by three sacred holes, one of which is thought to be connected directly to the crater of Mount Agung. According to the priests, with the help of these three holes the pressure of the eruption can dissipate and the mountain will not erupt violently but slow and with a low pressure. A few days ago, several priests climbed to the top of the volcano in order to make offerings. They also took interesting photos showing plumes of steam and gas escaping from the crater

During Mount Agung’s last eruptions in the early 1960s – when 1,500 people died – the lava flows came within metres of Pura Besakih. Many Balinese understood this event as mercy from the gods who wanted to show their power but did not want to destroy the holiest of the Balinese worship places.

Although Pura Besakih is within the 12-kilometre evacuation zone set around the volcano by the Indonesian government, a few priests still carry on prayer ceremonies and make offerings in the temple complex. Said one of the priests: “If the Balinese sincerely pray in their ritual, then Mount Agung will not erupt terribly but with a mild pressure. But if the Balinese ignore the laws of nature, then Mount Agung will be furious and can erupt causing a terrible catastrophe.”

Source : Religion News Service.

From a scientific standpoint, the situation has not changed significantly. Seismicity is elevated but has not increased. It seems Mt Agung is not ready to erupt yet. The hundreds of thousands of people in the camps will need to be patient!

Temples de Besakih (Photo: C. Grandpey)

Activité sismique de l’Agung le 15 octobre 2017 (Source: CVGHM)

 

Agung mon amour // Mt Agung, we love you!

L’histoire est toujours la même lorsqu’une éruption se produit ou est sur le point de se produire en Indonésie. Les autorités indonésiennes en charge de la protection civile ont souvent du mal à convaincre les habitants de partir. Certains refusent obstinément de quitter la zone dangereuse parce qu’ils sont inquiets pour leur bétail. D’autres insistent farouchement pour rester dans leurs villages parce qu’ils veulent s’occuper de leurs plantations et ont peur que leurs maisons soient pillées pendant leur absence. Dans certains cas, l’échec de l’évacuation s’est avéré fatal. Par exemple, des dizaines de villageois ont été tués par l’éruption du Merapi sur l’île de Java en 2010 après avoir refusé de partir, à cause de leur bétail. Dans la culture indonésienne, les gens ont une relation très spéciale avec le bétail. En 2010, j’ai expliqué cette relation dans un article intitulé « Merapi mon amour ».
https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2010/10/31/merapi-mon-amour/

À midi, le 26 septembre 2017, 75 673 personnes vivant dans la zone rouge autour de l’Agung avaient été évacuées*. Le nombre d’évacués diminue pendant la journée et augmente pendant la nuit. En effet, au cours de la journée, beaucoup retournent dans leurs villages pour nourrir leur bétail et s’occuper de leurs plantations. La nuit, ils reviennent dormir dans les abris temporaires.
Un villageois évacué explique que sa maison se trouve dans le village de Sebudi, à environ 6 km du cratère, donc à l’intérieur de la zone dangereuse. Malgré tout, il dit qu’il oublie sa peur de l’éruption pour le bien de sa famille, même si les séismes d’origine tectonique et volcanique deviennent plus fréquents chaque jour. Par mesure de sécurité, les villageois de Sebudi ont été les premiers à être évacués lorsque le niveau d’alerte de l’Agung a été élevé à son maximum.
Un autre villageois a refusé d’évacuer ses cinq petits-enfants. Il explique qu’ils ont des bicyclettes et quand l’Agung entrera en éruption, « ils pourront s’enfuir très vite et faire la course avec les coulées pyroclastiques ». (!)
Il y a aussi la conviction de certains que le volcan n’entrera pas en éruption dans un proche avenir. Un villageois a déclaré qu’ »il n’y a que des tremblements ; aucune fumée blanche et aucune flamme n’ont été vues comme en 1964. » Il a été témoin de la dernière éruption au cours de laquelle son père et ses trois neveux ont été tués par un lahar.
Un responsable de la Protection Civile a déclaré que pendant le processus d’évacuation, il avait été étonné par l’esprit de générosité manifesté par les villages en dehors de la zone dangereuse. Il a comparé ce comportement à celui des Japonais en cas de catastrophe naturelle. Les villageois ont prêté leurs pâturages pour le bétail des évacués et quelque 2000 vaches ont été accueillies, de sorte que les paysans n’ont pas besoin de risquer leur vie en revenant chez eux pour nourrir leur bétail. Certains ont ouvert leurs maisons pour accueillir les évacués et les ont nourris.
Pour la plupart des Balinais, le Mont Agung est la montagne sacrée qui leur donne la vie. Ils sont persuadés que le volcan n’entre pas en éruption sans raison valable. Après l’éruption, les gens qui vivent sur ses pentes reviennent chez eux où ils trouvent une terre encore plus fertile. Pour eux, quand quelqu’un est tué pendant l’éruption, c’est une sorte d’invitation des dieux à les suivre. C’est l’une des raisons pour lesquelles certains villageois préfèrent rester dans leur village, même si une éruption est imminente.
Source: Presse indonésienne.

*Le nombre de personnes évacuées atteint 134 200 le 28 septembre.

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The story is always the same when an eruption is occurring or about to occur in Indonesia. Convincing local residents to evacuate is a problem frequently faced by Indonesian disaster management authorities. Some residents stubbornly refuse to leave the danger zone because they are worried about their livestock. Others fiercely insist on staying in their villages because they want to take care of their plantations and worry that their houses might be looted. In some cases, failure to evacuate has proved fatal. For instance, scores of villagers were killed by the eruption of Mt.Merapi in Central Java in 2010 after refusing to evacuate over concerns for their cattle. In Indonesian culture, people have special relationship with their cattle. In 2010, I explained this relationship in a post entitled “Merapi mon amour”.

https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2010/10/31/merapi-mon-amour/

As of noon on September 26th, a total of 75,673 residents living within the red zone had been evacuated*. Uniquely, the number of evacuees declines in the daytime and goes up again at night. In the daytime, many return to their villages to feed their cattle and check their plantations. At night, they return to their temporary shelters.

One evacuee explains that his house is located in the village of Sebudi, only about 6 km from the crater, inside the danger zone. But he had to put aside his fears of possible eruption for the sake of his family’s assets, although tectonic and volcanic earthquakes are getting more frequent every day. Villagers in Sebudi were the first to be evacuated after Mt. Agung’s status was raised to top alert because it was the closest to the volcano.

Another villager refused to evacuate his five grandchildren. He explains that they have bicycles and when Mt. Agung erupts, “they can run away very fast, racing with the hot clouds.”

There is also some people’s conviction that the volcano will not erupt in the near future. One villager said that “only tremors occur and no white smoke or flame of fires has been seen like in 1964.” He witnessed the last eruption in which his father and three nephews were killed by being buried by a lahar.

A Civil Defence official said that during the process of evacuation, he was astonished by the spirit of generosity showed by unaffected villages outside the danger zone, likening what they did to what Japanese people are known to do in cases of natural disasters. They lent their land for the evacuees’ cattle with about 2,000 cows having been accommodated, so the latter don’t need to risk their lives, returning home to feed their cattle. Some opened their houses to accommodate evacuees and cooked food for them.

For most Balinese Hindus, Mt. Agung is the most sacred mountain that provides them life. They believe the volcano does not erupt without good reason and after it does, people living on its slopes return home to till their land which has become more fertile as a result. And when someone is killed during the eruption, it is a kind of sign from Gods to follow them. This is a reason why some villagers prefer to stay at their village even though an eruption is imminent.

Source: Indonesian press.

*The number of evacuees reached 134,200 on September 28th.

Crédit photo: Wikipedia