Arctique : nouveau volcan et manque de brise-glaces américains // Arctic : new volcano and lack of American icebreakers

J’ai écrit à plusieurs reprises sur ce blog que nous connaissons mieux la surface de la planète Mars que les profondeurs de nos océans. En voici un nouvel exemple.
Au large des côtes de l’ouest et du nord de l’Alaska, des scientifiques à bord du Healy, le navire des garde-côtes américains, cartographiaient au mois de novembre 2024 les fonds marins de l’océan Arctique dans une zone encore inexplorée des mers des Tchouktches et de Beaufort. Long de 138 mètres, le Healy est le seul brise-glace de la garde côtière prévu pour des missions scientifiques.
Au cours de cette mission, les scientifiques ont découvert une nouvelle formation volcanique au fond des eaux océaniques. La structure se trouve à plus de 1 600 mètres sous la surface. Elle est donc trop profonde pour constituer un danger pour les personnes sur terre. Cependant, les chercheurs ont détecté un possible panache de gaz s’élevant de la structure et qui atteignait presque la surface. Le nouvel édifice volcanique et son panache de gaz ne devraient pas, non plus, présenter de risque pour les navires opérant dans la zone.
La mission du Healy s’intégrait dans un projet plus vaste visant à étudier les voies d’accès aux ports de la côte arctique de l’Alaska. Le projet est censé évaluer la nécessité d’établir des mesures d’acheminement des navires.
Source : The Independent.

 

Image de la structure volcanique découverte dans l’océan au large de l’Alaska (Source : US Coast Guard)

Avec le réchauffement climatique, l’Arctique devient de plus en plus stratégique. La fonte des glaces ouvre de nouvelles voies de navigation commerciales et militaires, notamment pour la Russie et la Chine. Il faudra absolument que les États-Unis et leurs partenaires soient prêts à affronter cette nouvelle situation. Pour le moment, ils ne le sont pas et ils sont très en retard par rapport à la Russie. En effet, à l’heure actuelle, les États Unis ne disposent que de deux deux brise-glaces polaires qui ne sauraient rivaliser avec la flotte de plus de 40 brise-glaces russes.
La garde côtière américaine est la seule à posséder deux brise-glace polaires depuis 1965. Selon une analyse réalisée en 2023, elle aurait besoin d’au moins quatre brise-glaces lourds et d’un nombre identique de brise-glaces de taille moyenne pour mener à bien ses missions dans l’Arctique et l’Antarctique.
Comme je viens de l’écrire, la garde côtière n’exploite que deux brise-glaces polaires : le Healy de classe moyenne (utilisé pour la mission ci-dessus) et le Polar Star, le seul brise-glace lourd de la flotte. Plusieurs brise-glaces plus petits viennent en aide au trafic sur les Grands Lacs et le long de la côte Est, mais ils ne sont pas conçus pour opérer dans les régions polaires. Le directeur du Polar Institute a déclaré : « Nous vivons une crise en ce moment, mais elle mijote depuis des décennies. Nous sommes arrivés à un point où les États-Unis ont moins de brise-glaces que la Chine. »
La situation est d’autant plus inquiétante que le Healy et le Polar Star sont actuellement hors service. Le 25 juillet 2024, le Healy a passé environ un mois dans l’Arctique (avec la découverte de l’édifice volcanique sus-mentionné) lorsqu’un incendie s’est déclaré dans le compartiment technique. L’incendie a été rapidement maîtrisé mais le Healy a dû retourner très prudemment à Seattle, son port d’attache. Le Polar Star, mis en service dans les années 1970, subit une maintenance majeure dans une cale sèche en Californie.
Les responsables de la Garde côtière américaine font également remarquer que dans l’Arctique, les ressources de sauvetage sont rares et que les eaux couvertes de glace rendent les missions de sauvetage périlleuses. Les équipages opérant dans les eaux polaires doivent donc être bien formés aux interventions d’urgence. L’exploitation responsable d’un navire comprend la réparation des systèmes avant de poursuivre la navigation dans les hautes latitudes. La Garde côtière a certes besoin de plus de brise-glaces, mais elle doit aussi se doter d’équipes capables d’assurer leur fonctionnement et leur maintenance.
Source : The Washington Times.

 

Le Healy et le Polar Star sont les deux seuls brise-glaces américains capables d’affronter l’Arctique (Crédit photo : U.S. Coast Guard)

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I have written several times on this blog that we know the surface of Mars better than the depths of our oceans. Here is another fact that proves it.

In November 2024, off the coast of western and northern Alaska, scientists aboard the Coast Guard Cutter Healy’s were in the area to conduct Artic Ocean seafloor mapping and survey uncharted waters of the Chukchi and Beaufort Seas. At 420 feet long, the Healy is the Coast Guard’s only icebreaker designed to support research.

Then, they found a new volcano-like formation deep in the ocean waters. The new structure sits more than 1,600 meters from the water’s surface. So, it is far too deep to pose a danger to those on land. However, the scientists detected a possible gas plume rising from the feature and the gas nearly reaches the surface.

The new mountain range or gas plume is also unlikely to pose any risk to vessels operating in the area.

The trip with the Healy was part of a larger project called the Alaskan Arctic Coast Port Access Route Study, which was enacted to evaluate the need for establishing vessel routing measures.

Source : The Independent.

The Arctic region is becoming increasingly strategic as melting ice opens new commercial and military transportation routes, including for Russia and China. Officials say the U.S. and its partners must be prepared. For the moment, they are not. Russia is ready for this mission while the U.S. is very late. The American two polar icebreakers cannot rival with Russia’s more than 40 icebreakers.

The U.S. Coast Guard has had the only U.S. polar icebreaking capability since 1965. According to a 2023 Coast Guard fleet analysis, it needs at least four heavy icebreakers and a similar number of medium icebreakers to carry out its Arctic and Antarctic missions.

The Coast Guard operates only two polar icebreakers: the medium-class Cutter Healy (mentioned in the above text) and the Polar Star, the sole heavy icebreaker in the fleet. Several smaller icebreakers support maritime traffic on the Great Lakes and along the East Coast, but they are not capable of operating in polar regions. Said the director of the Polar Institute : “It’s definitely a crisis right now, but it’s something that has been decades in the making. We’re at a point right now where the U.S. has fewer icebreakers than China.”

The Healy and the Polar Star are currently out of action. On July 25th, 2024, the Healy was about a month into its summer Arctic patrol when a fire broke out in the engineering compartment. The fire was quickly extinguished, but the Healy had to return to its home port of Seattle.The Polar Star, commissioned in the 1970s, is undergoing major maintenance at a dry dock in California.

Coast Guard officials aslo warn that in the Arctic, there are few rescue resources, and ice-covered waters make it difficult for rescue assets. Crews operating in polar waters must be well-trained for emergency response, and responsible operation includes addressing any system degradation on a vessel before continuing operations in the high latitudes. The Coast Guard needs more icebreakers, but it’s got to figure out how to crew them and operate them and maintain them.

Source : The Washington Times.

Le Mont McKinley est-il un volcan ? Non ! // Could Mt McKinley be a volcano ? No !

drapeau francaisLe Mont McKinley, aussi appelé Denali en langue locale athabascane, dresse ses 6194 mètres au dessus du niveau de la mer. C’est la plus haute montagne d’Amérique du Nord. Il se trouve à environ 100 km au-dessus de la région où la plaque Pacifique s’enfonce sous la plaque nord-américaine, au même titre que les volcans Iliamna, Redoubt et Augustine. Si on trace une ligne à partir des îles Aléoutiennes vers les édifices volcaniques de l’Intérieur de l’Alaska, cette courbe passe au-dessus du sommet du McKinley.
Comme les autres sommets de la Chaîne de l’Alaska (Alaska Range), le Denali ne montre aucun signe d’éruptions passées, mais les sismologues ont récemment enregistré une sismicité profonde qui  leur a semblé digne d’intérêt.

Il y a environ un an, une station sismique installée à l’intérieur du Parc National du Denali a enregistré une séquence sismique avec un maximum de M 1,7, à une trentaine de kilomètres de profondeur. Elle a duré plus longtemps que les secousses habituellement enregistrées dans la région. L’événement ressemblait à ceux observés au niveau des volcans situés juste au-dessus de la zone de subduction.
Le Mont Spurr, de l’autre côté de Cook Inlet par rapport à Anchorage, est entré en éruption en 1992. Il est actif avec des séismes semblables à ceux enregistrés sous le Denali. Le volcan se trouve à l’extrémité sud de ce que les scientifiques appellent le Denali Gap, une partie de la Chaîne de l’Alaska longue de 430 km, qui – en théorie –  pourrait être parsemée  de volcans, mais ne semble pas en héberger.
À l’extrémité nord du Denali Gap, près de la bourgade de Healy (NDLR : avec un excellent Bed & Breakfast !), on peut voir deux étendues d’eau sombre. Les volcanologues expliquent que ce sont des maars qui ont été formés par des explosions il y a environ 3000 ans. Ces maars ont la même signature chimique que les volcans des Aléoutiennes.
La question se pose : Le Denali va-t-il entrer en éruption? La réponse est : Non! Si le Denali était un volcan, on observerait des roches volcaniques ainsi que des sources chaudes à sa surface, ce qui n’est pas le cas. Dans les zones volcaniques, il n’est pas forcément nécessaire d’avoir une montée de magma pour enregistrer des séismes. Ceux observés sur le Denali il y a un an ont probablement été déclenchés par le mouvement de fluides actifs lors de leur passage à travers des masses de roche. Ils ont vraisemblablement été causés par l’eau en provenance de la plaque Pacifique lors de son enfoncement sous la plaque nord-américaine sur laquelle se trouvent le Denali et la plus grande partie de l’Alaska. Au cours du processus, des fluides en provenance de cette plaque tectonique ont pu migrer à travers l’écorce terrestre.

Source: Alaska Dispatch News.

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drapeau anglaisMount McKinley, also called Denali in local Athabascan dialect, rises 6,194 metres above sea level. It is North America’s highest mountain. It sits about 100 kilometres above where the Pacific Plate slips beneath the North American Plate, as do the Iliamna, Redoubt and Augustine volcanoes. If you draw a line from the Aleutians to volcanic features in Interior Alaska, the curve goes over Denali’s summit.

Like its neighbours in the Alaska Range, the big mountain shows no signs of having erupted, but seismologists recently noticed deep seismicity that was intriguing enough to explore.

About one year ago, a seismic station in Denali National Park recorded an M 1.7 earthquake about 30 km deep that shook longer than most other events. It looked like the ones recorded under volcanoes right above the subduction area.

Mount Spurr, across Cook Inlet from Anchorage, erupted explosively in 1992. It is active with earthquakes like the ones recorded beneath Denali. Mount Spurr is on the southern end of what scientists call the Denali Gap, a 430-km part of the Alaska Range that could be pimpled with volcanoes but does not seem to be.

On the north end of the Denali Gap are two ponds filled with dark water near Healy and an excellent B&B!). Volcanologists recognize these as maars that were created by explosions about 3,000 years ago. These maars have the same chemical signature as the Aleutian volcanoes.

So, is Denali about to erupt? No! If Denali were a volcano, the mountain would show volcanic rocks on the surface as well as hot springs. As for the volcano-like earthquakes recorded one year ago, they don’t require the movement of magma, just active fluids passing through masses of rock. They were probably caused by water coming from the Pacific Plate diving beneath the North American Plate under Denali and most of Alaska. Fluids from the slab can migrate through the Earth’s crust.

Source: Alaska Dispatch News.

Denali-1

Denali-2

Photos:  C.  Grandpey