Nouvelles du Vésuve (Italie) // News of Vesuvius (Italy)

On a beaucoup parlé des Champs Phlégréens ces derniers temps, avec un essaim sismique qui a fait souffler un vent d’inquiétude sur la région. Au final, on s’est rendu compte que la sismicité enregistrée – un peu plus forte que d’habitude – fait partie des phénomènes observés dans cette partie de la Campanie, célèbre pour ses événements bradysismiques.

Pas très loin des Champs Phlégréens, le Vésuve pourrait devenir une autre source d’inquiétude s’il montrait des signes de réveil. Comme pour les Champs Phlégérens, la région est densément peuplée et son évacuation serait un sacré casse-tête pour les autorités. Il existe certes des plans d’évacuation, mais il y a un gouffre entre la théorie et la pratique !!

Le Vésuve, une menace pour Naples et ses environs (Photo: C. Grandpey)

Le Vésuve vu depuis l’ISS (Crédit photo: Luca Parmitano)

Pour le moment, pas d’inquiétude ; le Vésuve est calme, comme le montre le rapport de l’INGV pour le mois de septembre 2023.

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Une sismicité de fond persiste sur le Vésuve avec 66 événements d’une magnitude maximale de M 2,4 enregistrés au cours du mois de septembre 2023. Une cinquantaine a été localisée principalement dans une zone du cratère avec profondeur concentrée dans le premier kilomètre et ensuite jusqu’à environ 2 km. Plus globalement, les paramètres sismiques ne montrent pas d’évolution significative.

La sismicité sur le Vésuve au cours des 12 derniers mois (gauche) et du mois de septembre 2023 (droite)

D’après les données GNSS et les tiltmètres, aucune déformation majeure n’a été enregistrée sur le volcan. Les stations GNSS situées dans la partie supérieure de l’édifice volcanique montrent un affaissement important et des déplacements horizontaux cohérents avec une phase de contraction du Gran Cône, probablement dus aux effets gravitationnels et aux processus de compactage et/ou de glissement sur un terrain irrégulier et en forte pente.

Photo: C. Grandpey

S’agissant de la température, les données fournies par la caméra thermique montrent une tendance à une hausse légère des températures maximales de surface. Les mesures effectuées à l’aide d’une caméra thermique mobile montrent une tendance sensiblement stationnaire de la température maximale. On ne remarque pas de variations significatives dans la répartition spatiale du champ de fumerolles.

Photo: C. Grandpey

Il n’y a pas de variations significatives dans les paramètres géochimiques. Ils indiquent la poursuite de la tendance pluriannuelle à la baisse de l’activité hydrothermale à l’intérieur de la zone du cratère du Vésuve. Rien ne laisse entrevoir une évolution significative à court terme. Les légères variations observées sont à mettre en relation avec les variations saisonnières avec des événements météorologiques (pluie, vent fort, dépression, température atmosphérique, etc.)
Source : INGV.

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There has been a lot of talk about the Phlegraean Fields lately, with a seismic swarm triggering a wave of concern to the region. In the end, the recorded seismicity – a little stronger than usual – was one of the phenomena observed in this part of Campania, famous for its bradyseismic events.
Not far from the Phlegrean Fields, Vesuvius could become another source of concern if it showed signs of awakening. As with the Phlegerian Fields, the region is densely populated and its evacuation would be a major headache for the authorities. There are certainly evacuation plans, but there is a gulf between theory and practice!!
For now, don’t worry; Vesuvius is calm, as shown in the INGV report for the month of September 2023.

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Background seismicity persists on Vesuvius with 66 events with a maximum magnitude of M 2.4 recorded during the month of September 2023. Around fifty were located mainly in an area of the crater with depth concentrated in the first kilometer and then down to about 2 km. More generally, the seismic parameters do not show any significant change.

According to GNSS data and tiltmeters, no major deformation has been recorded on the volcano. GNSS stations located in the upper part of the volcanic edifice show a significant subsidence and horizontal displacements consistent with a contraction phase of the Gran Cone, probably due to gravitational effects and compaction processes and/or slipping on uneven and steeply sloping terrain.

Regarding temperature, the data provided by the thermal camera show a trend towards a slight increase in maximum surface temperatures. Measurements made using a mobile thermal camera show a substantially stationary trend in maximum temperature. One does not notice any significant variations in the spatial distribution of the fumarolic field.

There are no significant variations in geochemical parameters. They indicate the continuation of the multi-year trend of decreasing hydrothermal activity inside the Vesuvius crater area. Nothing suggests any significant development in the short term. The slight variations observed are to be related to seasonal variations with meteorological events (rain, strong wind, depression, atmospheric temperature, etc.)
Source: INGV.

La géochimie de la lave du Kilauea // The geochemistry of Kilauea’s lava

En 2011, quand j’ai travaillé sur le processus de refroidissement de la lave (voir le résumé de mon étude sous l’entête de ce blog) dans le Parc National des Volcans d’Hawaii, en relation avec le HVO, Jim Kawaikawa, alors en charge de l’Observatoire, m’a expliqué l’importance de l’analyse chimique de la lave dans le contexte de la prévision éruptive. Il m’a d’ailleurs remercié d’avoir publié les résultats concernant les échantillons de lave que j’avais prélevés sur le terrain.  

Chaque nouvelle éruption du Kilauea donne un aperçu de ce qui se passe à l’intérieur du volcan et en particulier du ou des réservoirs magmatiques. La récente éruption sommitale, qui a débuté le 20 décembre 2020, offre au HVO une fenêtre à l’intérieur du volcan et permet de mieux connaître l’origine du magma qui alimente l’éruption.

Pour savoir à quel endroit est stocké le magma et comment il se comporte avant une éruption, les scientifiques analysent la chimie des matériaux émis (minéraux, gaz dissous ou bulles de gaz). Les analyses renseignent sur la température du magma dans la chambre magmatique, le temps pendant lequel il est resté à l’intérieur du volcan avant d’arriver à la surface, et comment différents magmas (anciens ou juvéniles, plus froids ou plus chauds) ont pu se mélanger avant que le volcan entre en éruption.

Un moyen simple de répondre à ces questions est d’examiner la quantité de magnésium (Mg) à l’intérieur de la lave. Les géochimistes utilisent le magnésium (exprimé en MgO, ou oxyde de magnésium) pour déterminer la chaleur d’un magma qui indique le laps de temps mis pour atteindre la surface depuis la source. Des teneurs élevées en MgO indiquent des magmas juvéniles à haute température qui sont arrivés dans le réservoir superficiel du Kilauea peu de temps avant l’éruption. En revanche, des teneurs plus faibles en MgO reflètent des magmas plus anciens et plus froids qui sont restés stockés à l’intérieur du volcan pendant de plus longues périodes.

Les 20 et 21 décembre 2020, donc peu de temps après le début de la dernière éruption, des scientifiques du HVO ont travaillé en collaboration avec le laboratoire de l’Université d’Hawaï à Manoa et sa microsonde électronique pour mesurer le MgO dans la lave nouvellement émise. Elle présente une teneur en MgO d’environ 7% de son poids, ce qui est très proche de la composition du lac de lave au sommet du Kilauea en 2018. [NDLR : L’analyse la lave que j’avais prélevée en 2011 reéléit un taux de MgO équivalant à 7.34%]. Les dernières analyses montrent que l’éruption actuelle n’a pas débuté avec un magma juvénile venant d’entrer dans le réservoir sommital peu profond du Kilauea. L’éruption actuelle a probablement mis e jeu du magma en provenance de la même source superficielle qui a alimenté le lac de lave entre 2008 et 2018.

Les cristaux d’olivine – souvent présents dans les laves hawaïennes – contiennent également beaucoup de magnésium. Dans l’olivine, la teneur en Mg est exprimée en fonction de la teneur en forstérite (Fo), rapport entre la quantité de Mg et la teneur en fer (Fe) [Mg / (Mg + Fe) x100]. [ NDLR : De composition Mg2SiO4, la forstérite est le pôle pur magnésien de l’olivine]. Comme pour les verres, une plus grande teneur en Mg dans l’olivine (par exemple, plus de Fo) signifie que les cristaux se sont développés à partir de magmas plus chauds et plus récents. En revanche, si la teneur en olivine Fo est faible, cela indique que les cristaux se sont développés dans un magma plus froid. Les premiers cristaux d’olivine apparus dans les magmas les plus récents – et donc les plus chauds – sous le Kilauea ont généralement des teneurs en Fo de 88–90.

Sur le Kilauea, les cristaux d’olivine les plus récents, d’un diamètre d’environ 0,5 mm en général, ont des valeurs de Fo relativement faibles, autour de 82. Cela signifie que les cristaux se sont développés dans des magmas relativement froids stockés à faible profondeur, à quelques kilomètres sous la surface. Les cristaux sont également chimiquement homogènes, ce qui signifie qu’il n’y a pas de variations de la teneur en Fo entre leur centre et leur surface. Cela montre que le mélange entre les magmas plus chauds (avec une teneur en MgO élevée) et les magmas plus froids (avec moins de MgO) n’a pas eu lieu récemment au sommet du Kilauea.

D’une manière plus globale, la présence de verres à faible teneur en MgO et d’olivine homogène à faible teneur en Fo indique que du magma juvénile à haute température n’a pas été émis. Au lieu de cela, on a affaire à du magma plus ancien et plus froid. Il s’agit probablement d’un reste de magma de l’éruption de 2018 qui a maintenant atteint le sommet du Kilauea.

Source : USGS / HVO.

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In 2011, when I worked on the lava cooling process (see the summary of my study under the heading of this blog) in Hawaii Volcanoes National Park, in relation with HVO, Jim Kawaikawa, then in charge of the Observatory, explained to me the importance of the chemical analysis of the lava in the context of eruptive prediction. He also thanked me for posting the results of the lava samples I had collected in the field.

Each new eruption at Kilauea provides a glimpse into what is happening inside the volcano and its magma reservoirs. The recent summit eruption, which began on December 20th, 2020, provides HVO with a window  inside the volcano and allows to learn more about where the magma supplying the eruption is coming from.

To know about where magma is stored and how it moves prior to an eruption, geologists can measure the chemistry of erupted materials such as minerals, and dissolved gases or gas bubbles. The chemistry can tell them a lot about how hot the magma was at depth, how long it sat inside the volcano prior to arriving at the surface, and how different magmas (old vs. fresh, cooler vs. hotter) might have mixed together before erupting.

A simple way to start investigating is to look at how much magnesium (Mg) the lava contains.

Geochemists use Mg (expressed as MgO, or magnesium oxide) to determine how hot a magma is, which indicates how recently it arrived at Kilauea from its source. Higher MgO contents indicate “fresh” hot magmas entering Kilauea’s shallow reservoir shortly prior to eruption, whereas lower MgO contents reflect “older” and colder magmas that have been stored within the volcano for longer periods of time.

Shortly after the first tephra erupted on December 20th and 21st, 2020, HVO scientists worked with the electron microprobe lab housed at the University of Hawaii at Manoa to measure MgO in the new lavas. These have glass MgO contents of approximately 7 weight percent, which is very similar to the composition of Kilauea’s previous lava lake in 2018. This indicates that the current eruption did not begin with “fresh” hot magma entering Kilauea’s shallow summit reservoir. Instead, the eruption is likely drawing magma from the same shallow source that fed the 2008–2018 lava lake.

Olivine crystals – commonly found in Hawaiian lavas – also have a lot of Mg. In olivine, the abundance of Mg is expressed as the forsterite content (Fo), which is a ratio of how much Mg there is compared to the iron (Fe) content [Mg/(Mg+Fe)x100]. Similar to the glasses, higher Mg in olivine (for example, higher Fo) means that the crystals grew from hotter, fresher magmas. If the olivine Fo content is low, it tells scientists that the crystals grew in a cooler magma. The first olivine crystals to grow in the freshest, hottest magmas rising beneath Kilauea typically have Fo contents of 88–90.

Kilauea’s newest olivine crystals, which are typically about 0.5 mm in diameter, have relatively low Fo values of 82. This suggests that the crystals grew in relatively cool magmas stored at shallow depths, a few kilometres below the ground surface. The crystals are also chemically homogeneous, meaning that there are no changes in Fo content from the middle to the rim. This shows that mixing between hotter (higher MgO) and colder (lower MgO) magmas has not occurred recently at Kilauea’s summit.

Together, the low-MgO glasses and homogeneous, low-Fo olivine indicate that hot, fresh magma has not been erupted. Instead, these compositions reveal that older, “cooler” magma, possibly the left-over magma from 2018 eruption, is being emitted now at Kilauea’s summit.

Source: USGS / HVO.

Vue au microscope, le 26 décembre 2020, d’un échantillon de lave émise lors de la dernière éruption, avec cheveux et larmes de Pele.

Zoom sur l’image électronique de cette lave, où les niveaux de gris indiquent la teneur relative en fer. On aperçoit de très petits cristaux de clinopyroxène et de plagioclase à côté des vésicules.

Autre image électronique de la lave qui contient de petits cristaux d’olivine ainsi que des spinelles.

(Source : Université d’Hawaii à Manoa, USGS / HVO).