La lave de l’éruption du Mauna Loa (Hawaii) en 2022 // Lava from the 2022 Mauna Loa eruption (Hawaii)

L’analyse de la lave émise peut aider à comprendre les mécanismes qui gèrent les éruptions volcaniques. Les échantillons de lave peuvent aider à « voir » ce qui se passe à l’intérieur d’un volcan. Ainsi, l’étude de la lave produite par l’éruption du Mauna Loa en 2022 a offert aux géologues du HVO, pour la première fois depuis près de 40 ans, une fenêtre sur le système d’alimentation du volcan.
Le Mauna Loa est entré en éruption le 27 novembre 2022, pour la première fois depuis 1984. L’éruption a commencé dans la caldeira sommitale. Puis une fissure de 500 mètres de long s’est propagée vers le sud-ouest, tout en restant majoritairement à l’intérieur du sommet. Au matin du 28 novembre, l’activité éruptive avait migré du sommet vers la zone de rift nord-est où quatre fissures se sont ouvertes pour finalement donner naissance à une bouche éruptive sur la Fissure 3 le 2 décembre. Un réseau de chenaux a alimenté des coulées de lave ‘a‘ā qui ont parcouru le flanc nord du volcan sur une vingtaine de kilomètres. L’éruption s’est terminée le 10 décembre 2022.

Le réseau de surveillance mis en place par le Hawaiian Volcano Observatory (HVO) a collecté des données qui ont été analysées en temps réel afin de mieux comprendre l’éruption. Des observations directes et des mesures ont également été effectuées sur le terrain. Elles ont permis d’évaluer la vitesse de progression des coulées de lave et les dangers associés. Les géologues du HVO ont collecté des échantillons de lave dans des coulées actives et solidifiées presque tous les jours pour procéder à une analyse en laboratoire en temps quasi réel.
Depuis l’éruption du Mauna Loa en 1984, les domaines de la pétrologie et de la géochimie ont fait de grands progrès. De nouveaux instruments et de nouvelles techniques sont maintenant disponibles. Ils ont permis d’obtenir rapidement plus d’informations qu’en 1984.
Des analyses de fluorescence X à dispersion d’énergie ((EDXRF) effectuées en temps quasi réel avec la collaboration de l’Université d’Hawaii à Hilo ont révélé la composition du magma ainsi que son origine. Ces analyses, effectuées dans les 24 heures suivant le prélèvement de l’échantillon, ont été suivies d’une micro-analyse électronique secondaire et d’une micro-analyse par sonde électronique. Cela a permis de mesurer des compositions de minéraux et de verre à de très petites échelles (quelques microns). Ce type d’analyse rapide n’était pas possible en 1984.
Les géologues du HVO ont ainsi appris que les laves émises par l’éruption de 2022 étaient semblables à d’autres éruptions du Mauna Loa depuis 1843. La teneur moyenne en MgO (oxyde de magnésium) des échantillons de lave était de 6,2 % en poids, donc légèrement inférieure aux autres éruptions du Mauna Loa au cours des 200 dernières années. Ces données peuvent être utilisées pour calculer la température des laves émises. Elle a été estimée à environ 1 155 degrés Celsius.
Les échantillons prélevés au niveau de la bouche éruptive ne montrent pas de cristaux visibles à l’œil nu, bien que les minéraux comme le plagioclase, le clinopyroxène, l’olivine et les oxydes (tous rencontrés habituellement sur le Mauna Loa) deviennent plus abondants et plus gros en s’éloignant de la bouche éruptive, au fur et à mesure que les coulées de lave se refroidissent et se cristallisent.
Toute la lave produite pendant l’éruption de 2022 a présenté la même composition sur une distance de 17 kilomètres, que ce soit au sommet ou sur la partie supérieure du rift nord-est. Cela montre que toute l’éruption a été alimentée par un magma homogène. La lave émise par cette éruption ne présente pratiquement pas de cristaux et elle a une faible teneur en MgO. Elle n’a donc pas été influencée par le magma résiduel laissé par l’éruption de 1984. On a une situation différente de l’éruption du Kilauea en 2018, qui a initialement produit des laves mélangées à du magma refroidi stocké dans la Lower East Rift Zone. Au lieu de cela, la composition de la lave de l’éruption du Mauna Loa en 2022 révèle une nouvelle intrusion magmatique qui va de pair avec l’activité sismique que le HVO a observée 2 à 4 km sous le sommet dans les mois qui ont précédé l’éruption.
Source : USGS/HVO.

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The analysis of emitted lavas can help understand volcanic eruptions. The lava samples can help “see” inside a volcano. In this way, the analysis of the lava produced by the 2022 eruption of Mauna Loa gave HVO geologists a window into the volcano’s plumbing system for the first time in almost 40 years.

Mauna Loa began erupting on November 27th, 2022, for the first time since 1984. The eruption began within the summit caldera. Then a 500-mrter-long fissure propagated towards the southwest but remained mostly within the summit. In the morning of the following day, eruptive activity had migrated from the summit into the Northeast Rift Zone where four fissures opened and finally gave birth to one vent on December 2nd. A network of lava channels fed ‘a‘ā flows that extended about 20 km down the volcano’s north flank. The eruption ended on December 10th.

The Hawaiian Volcano Observatory (HVO)’s network of monitoring instruments collected data that were analyzed in real-time to better understand the eruption. Direct observations and measurements were also performed on the field. They allowed to that aided in assess lava flow advance rates and the accompanying hazards. HVO geologists collected molten and solidified lava samples almost every day for near-real-time lab analysis.

Since Mauna Loa’s eruption in 1984, the fields of petrology and geochemistry have made great advances. New instruments and techniques are available now. They allowed to learn more and faster about the last eruption than in 1984.

Energy-dispersive X-ray fluorescence analyses done in near-real-time with the collaboration of the University of Hawai‘i at Hilo revealed the composition of the erupting magma and where it was coming from. These analyses, done within 24 hours of sample collection, were later followed by secondary electron micro-analysis and electron probe micro-analysis. This allowed to measure compositions of minerals and glass on very small scales (a few microns). This type of rapid analysis was not possible in 1984.

HVO geologists learned that the 2022 erupted lavas were similar to other Mauna Loa compositions since 1843. The average MgO (magnesium oxide) content of the lava samples was 6.2 wt% (weight percent), slightly lower than any other Mauna Loa eruption over the past 200 years. This data can be used to calculate the temperature at which the lavas erupted and was estimated at about 1,155 degrees Celsius.

Samples collected at the vent(s) have no crystals visible to the naked eye, although minerals like plagioclase, clinopyroxene, olivine and oxides (all common at Mauna Loa) increase in abundance and size with distance from the vent as lava flows cooled and crystallized downslope.

All of the lava produced over the duration of the 2022 eruption and from all vents spanning 17 kilometers across the summit and upper Northeast Rift Zone have the same composition. This shows that the entire eruption was fed by a homogenous magma, and that this nearly crystal-free, low-MgO eruption was not influenced by rift-stored magma left over from 1984. This is different from the Kīiauea 2018 eruption, which initially produced lavas mixed with cooler stored magma from the Lower East Rift Zone. Instead, the composition of the 2022 Mauna Loa eruption reflects a new intrusion of magma, consistent with earthquake activity that the observatory monitored 2 to 4 km beneath the summit in the months prior to eruption.

Source : USGS / HVO.

Les échantillons de lave collectés près de la bouche éruptive de la Fissure 3 sont vitreux et contiennent des bulles et de très petits minéraux (200 microns de long) comme le plagioclase et le pyroxène, comme le montre l’image au microscope à échelle de gris en médaillon. (Source : USGS)

Lava samples collected near Fissure 3 vent are glassy and contain bubbles and some very small (200 microns long) minerals like plagioclase and pyroxene, as shown in the grey-scale microscope image inset. (Source: USGS)

Nouvelles données sur le volcanisme lunaire // New data on lunar volcanism

Une analyse d’échantillons lunaires fournis par la mission lunaire chinoise Chang’e 5 apporte peut-être une nouvelle réponse au volcanisme récent sur la Lune.
Les échantillons obtenus grâce aux missions Apollo et Luna ont tous été datés à environ 3 milliards d’années, mais les échantillons rapportés par la mission Chang’e 5 fin 2020 montrent que les roches de la région où le vaisseau spatial s’est posé étaient relativement jeunes, âgées de seulement 2 milliards d’années.
La mission Chang’e 5 a permis de collecter 1,73 kilogrammes de poussière et de roches lunaires dans une région appelée Oceanus Procellarum sur la face la plus proche de la lune en décembre 2020. Les scientifiques chinois avaient ciblé cette zone d’alunissage en raison de la densité apparente plus faible de cratères. Cela laissait supposer que la zone était nettement plus jeune que les zones échantillonnées par les missions Apollo américaine et Luna soviétique.

Voir vidéo de l’alunissage de Chang’e 5:

https://youtu.be/VS9zr6MrCiM

Image agrandie d’un échantillon de roche lunaire collecté lors de la mission chinoise Chang’e 5 en décembre 2020. (Source : CNSA/GRAS/NAOC)

Plusieurs équipes scientifiques ont essayé de savoir ce que les roches peuvent nous apprendre sur la Lune et l’histoire de notre système solaire.

Des chercheurs avaient précédemment émis l’hypothèse qu’une teneur en eau relativement élevée ou la présence d’éléments radioactifs producteurs de chaleur à l’intérieur de la Lune était susceptible de provoquer du volcanisme à un stade avancé de la vie de la Lune, dans certaines régions. Cependant, de nouvelles données fournies par la mission Chang’e-5 et publiées dans la revue Nature semblent écarter cette hypothèse.
Des chercheurs de l’Institut de géologie et de géophysique de l’Académie chinoise des sciences ont découvert qu’un point de fusion plus bas de certaines parties du manteau lunaire pourrait être dû à la présence de composants fusibles donnant naissance à un jeune volcanisme lunaire. L’étude a été publiée dans la revue
Science Advances le 21 octobre 2022.
Un des scientifiques auteurs de l’étude a expliqué que « la fusion récente du manteau lunaire peut être obtenue soit en augmentant la température, soit en abaissant le point de fusion. Pour mieux comprendre ce problème, nous devons évaluer la température et la pression dans lesquelles le jeune volcanisme a été créé ».
Les chercheurs ont mené une série de simulations de cristallisation fractionnée et de fusion du manteau lunaire afin de comparer 27 échantillons de clastes de basalte issus de la mission Chang’e 5 avec des basaltes fournis par les missions Apollo. Ils ont découvert que le jeune magma collecté par Chang’e 5 avait des teneurs en oxyde de calcium et en dioxyde de titane plus élevées que les magmas Apollo plus anciens. Ce sont des cumulats océaniques de magma lunaire de stade tardif, riches en calcium et en titane, qui fondent plus facilement que les cumulats plus anciens.
L’étude présente des preuves du premier mécanisme viable susceptible d’expliquer le jeune volcanisme sur la Lune, compatible avec les derniers échantillons rapportés par la mission Chang’e 5. Cela pourrait aider à comprendre l’évolution thermique et magmatique de la Lune.
Source : space.com.

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An analysis of lunar samples returned by China’s Chang’e 5 moon mission has produced a new possible answer for recent volcanism in the moon’s history.

Lunar samples returned by the Apollo and Luna missions are all older than about 3 billion years, but samples returned by Chang’e 5 in late 2020 showed that rocks in the area were relatively young, at only 2 billion years old.

China’s Chang’e 5 spacecraft collected 1.73 kilograms of lunar dust and rocks (see sample above) from a region called Oceanus Procellarum on the near side of the moon in December 2020. The mission team targeted this landing area because of its apparent lower density of craters, suggesting it was significantly younger than areas sampled by the Apollo and Soviet Luna missions.

See video of Chang’e 5’s landing:

https://youtu.be/VS9zr6MrCiM

Various teams of scientists have been working to learn what the rocks can tell us about the moon and the history of our solar system. The researchers previously speculated that either a relatively high water content or the presence of radioactive, heat-producing elements in the lunar interior might have driven volcanism in a late stage of the moon’s life in some areas. However, new Chang’e-5 data published in the journal Nature appears to have ruled out these hypotheses.

Researchers from the Institute of Geology and Geophysics at the Chinese Academy of Sciences found that a lower melting point for portions of the lunar mantle could be due to the presence of fusible components, leading to young lunar volcanism. The study was published in the journal Science Advances on October 21st, 2022.

One of the sientists explained that « recent melting of the lunar mantle can be achieved by either raising the temperature or lowering the melting point. To better understand this problem, we should estimate the temperature and pressure in which the young volcanism was created. »

The researchers conducted a series of fractional crystallization and lunar mantle melting simulations to compare 27 samples of Chang’e 5 basalt clasts with Apollo basalts. They found that the young magma collected by Chang’e 5 had higher calcium oxide and titanium dioxide contents than older Apollo magmas. These are calcium-titanium-rich late-stage lunar magma ocean cumulates are more easily melted than early cumulates.

The research presents evidence for the first viable mechanism to account for young volcanism on the Moon that is compatible with the newly returned Chang’e 5 samples and could help understand the Moon’s thermal and magmatic evolution.

Source : space.com.

Le volcan de Mayotte (suite) // The Mayotte volcano (continued)

Au mois de juin 2020, j’indiquais qu’un un très bon documentaire intitulé Mayotte, naissance d’un volcan avait été réalisé sur l’activité sismique et volcanique dans cette île de l’archipel des Comores. Le film montre l’île entre la première crise sismique enregistrée le 10 mai 2018 et la dernière expédition scientifique à bord du Marion Dufresne.

https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte/emissions/mayotte-naissance-volcan

Le Journal de Mayotte nous apprend que la mission MAYOBS 15 vient de s’achever, et les opérations de dragage à 3,5 km sous la mer ont permis de remonter à la surface de nombreux échantillons de magma solidifié (voir photo ci-dessous). La mission a livré ses premières découvertes, notamment à propos des nouvelles coulées de lave aux abords du volcan sous-marin. Les échantillons de lave remontés à la surface seront analysés par le REVOSIMA, le réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte. Ils permettront de mieux comprendre le volcan, sa composition, sa formation et l’origine du magma.

Les scientifiques ont symboliquement remis au Musée de Mayotte (MuMa) plusieurs de ces fragments volcaniques afin de les présenter à l’ensemble de la population. Ils sont les seules preuves matérielles de la naissance de ce volcan encore invisible à l’œil nu.

De nombreux événements organisés par la préfecture et le rectorat ont permis de présenter aux Mahorais l’état des connaissances sur le volcan, dont plusieurs sensibilisations dans les écoles, la rencontre entre les scientifiques et les 160 professeurs de SVT de l’île. Ce fut aussi l’occasion d’organiser le premier colloque scientifique de l’histoire de Mayotte, diffusé en direct sur les réseaux sociaux. Il était prévu de baptiser le volcan sous-marin ; une dizaine de noms ont été proposés, mais aucun consensus ne s’est dégagé et il faudra donc relancer un nouveau processus de consultation…

Source : Le Journal de Mayotte.

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In June 2020, I indicated that a very good documentary entitled Mayotte, naissance d’un volcan, had been made on seismic and volcanic activity in this island in the Comoros archipelago. The film shows the island between the first seismic crisis recorded on May 10th, 2018 and the last scientific expedition aboard the Marion Dufresne.
https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte/emissions/mayotte-naissance-volcan

The Journal de Mayotte tells us that the MAYOBS 15 mission has just ended, and the dredging operations 3.5 km under the sea have brought many samples of solidified magma to the surface (see photo below). The mission delivered its first discoveries, in particular about the new lava flows near the submarine volcano. The samples of lava brought to the surface will be analyzed by REVOSIMA, the volcanological and seismological monitoring network of Mayotte. They will provide a better understanding of the volcano, its composition, its formation and the origin of the magma.
The scientists symbolically handed over several of these volcanic fragments to the Mayotte Museum (MuMa) in order to present them to the general population. They are the only material evidence of the birth of this volcano still invisible to the naked eye.
Numerous events organized by the prefecture and the rectorate made it possible to present to the Mahorais the state of knowledge on the volcano, including several sensitizations in schools, the meeting between scientists and the 160 ES teachers. It was also an opportunity to organize the first scientific conference about the history of Mayotte, with a live broadcast on social networks. It was planned to name the submarine volcano; about ten names were proposed, but no consensus emerged and a new consultation process will therefore have to be relaunched …

Au mois de juin 2020, j’indiquais qu’un un très bon documentaire intitulé Mayotte, naissance d’un volcan avait été réalisé sur l’activité sismique et volcanique dans cette île de l’archipel des Comores. Le film montre l’île entre la première crise sismique enregistrée le 10 mai 2018 et la dernière expédition scientifique à bord du Marion Dufresne.

https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte/emissions/mayotte-naissance-volcan

Echantillon remonté par la dernière mission scientifique

Source: Le Journal de Mayotte.