Le graben de Grindavik et la construction des digues // The graben in Grindavik and the building of barriers

Ces jours-ci, les bulletins du Met Office islandais à propos de la situation à Grindavik font état d’une « formation en graben. » Ce mot d’origine allemande, qui se traduit par fossé, est utilisé en géologie. Il est à relier aux contraintes tectoniques qui affectent la surface terrestre et conduisent au développement de nombreuses failles. Un graben est un fossé tectonique d’effondrement entre des failles normales. Le compartiment surélevé par rapport au graben est appelé  horst.

 

Source: Wikipedia

A Grindavik, on se trouve dans un contexte de failles autorisant la remontée du magma des profondeurs. Cela crée une tension au niveau de la surface de la lithosphère. Cette tension se traduit par un bombement de la croûte qui induit un effondrement du relief, d’où l’apparition du graben mentionné par le Met office. Ce fossé d’effondrement, identifié le 12 novembre grâce aux images satellitaires, présente jusqu’à 1 mètre de déplacement vertical du sol dans la partie ouest de Grindavík. Il est toujours actif, comme le montre la sismicité dans la région.

Les autorités islandaises ont annoncé que le Blue Lagoon resterait fermé au moins jusqu’au 30 novembre 2023, date à laquelle la situation sera réévaluée. Dans le même temps, les travaux sur les digues de protection de Svartsengi ont commencé et se poursuivent jour et nuit. Un ingénieur a expliqué que les travaux devraient prendre plusieurs semaines.

 

Carte montrant les trois zones où des travaux sont en cours pour l’édification des protections à l’est du mont Þorbjörn (Source: Iceland Monitor).

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Voici quelques informations supplémentaires fournies par le Met Office islandais le 15 novembre 2023 aux alentours de midi.
La sismicité reste élevée sur la péninsule de Reykjanes, mais elle est moins intense que ces derniers temps et elle a tendance à se stabiliser depuis le 11 novembre. Quelque 800 séismes ont été enregistrés depuis le 15 novembre 2023 à minuit, la plupart au milieu de l’intrusion magmatique à Sundhnúk, à une profondeur d’environ 3 à 5 km.
Les instruments montrent une déformation continue du sol. Cela s’explique par l’écoulement du magma dans le dyke. Une partie du dyke semble se solidifier, en particulier sur les bords, mais pas au niveau de sa zone d’alimentation ,qui se situe probablement près de Sundhnúk.
Les émissions de SO2 semblent montrer des fluctuations, mais des mesures supplémentaires sont nécessaires pour le confirmer.

Le câble à fibre optique de HS Orka, qui relie Svartsengi (à l’ouest du Þorbjörn) à Arfadalsvík, est utilisé comme ligne de mesure sismique continue à haute sensibilité. Il s’agit d’une nouvelle technologie développée ces dernières années et qui est désormais utilisée comme mesure supplémentaire de la sismicité.
Selon le Met Office, la probabilité d’une éruption reste bien présente. Si une éruption devait se produire, ce serait probablement au niveau du dyke magmatique.

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These days, theIcelandic Met Office’s updates about the situation in Grindavik report a “graben formation. » This word of German origin, which translates as ditch, is used in geology. It is linked to tectonic constraints which affect the earth’s surface and lead to the development of numerous faults. A graben is a tectonic collapse gap between normal faults. The compartment raised above the graben is called a  horst (see image above).

In the Grindavik area, there are faults allowing the rise of magma from the depths. This creates tension on the surface of the lithosphere. This tension results in a bulging of the crust which induces a collapse of the relief, hence the appearance of the graben mentioned by the Met office. It was identified on November 12th using satellite imagety, and shows up to 1 meter of vertical ground displacement in the western part of Grindavík. It is still active, as confirmed by seismicity in the area.

Icelandic authorities announced that the Bue Lagoon will remained closed at least until November 30th, 2023 when the situation will be reassessed.. In the meantime, work on the barriers at Svartsengi has begun and is being done day and night (see map above). An engineer in the area has explained it can take several weeks.

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Here is some more information provided by the Icelandic Met Office on November 15th, 2023 around midday.

Seismicity is still elevated on the Reykjanes Peninsula, but it is less intense than during the past days and it has become stable since November 11th. Since midnight on November 15th, 2023, about 800 earthquakes have been measured, most of them in the middle of the magma dyke at Sundhnúk at a depth of about 3-5 km.
Instruments show continued deformation in the area. This is consistent with magma still flowing into the dyke. Part of the magma dyke seems to be solidifying, especially at the edges, but not at the magma inflow area, which is believed to be near Sundhnúk.
SO2 emissions seem to show fluctuations, but further measurements are needed for confirmation.

The fiber optic cable of HS Orka, that runs from Svartsengi west of Þorbjörn to Arfadalsvík is being used as a continuous seismic measuring line with high sensitivity. This is a new technology that has been developed in recent years and is now used as additional measurements.

According to the Met Office, the probability of an eruption is still considered high. In the event of an eruption, the most likely location would be at the magma dyke.

Islande : ne pas oublier l’éruption du Laki….

En ce moment la forte sismicité et la déformation du sol bien visibles à Grindavik inquiètent les autorités islandaises. Grâce aux instruments terrestres et aux données satellitaires dont ils disposent, les scientifiques ont détecté une importante intrusion magmatique dans le sous-sol du sud-ouest de l’Islande. Ce dyke couvre une longueur d’une quinzaine de kilomètres et le magma se rapproche par endroit dangereusement de la surface, flirtant avec elle à moins de 1 kilomètre de profondeur. Ce sont des constations précieuses, mais les volcanologues islandais sont incapables de dire comment se comportera l’intrusion magmatique dans les prochains jours. Se soldera-t-elle par une éruption ? La bourgade de Grindavik et la centrale électrique de Svartsengi seront-elles menacées ? Y aura-t-il une éruption sous-marine au large de la péninsule de Reykjanes ? Le magma se solidifiera-t-il sous terre sans émerger à la surface ? Ce sont autant de questions auxquelles personne ne peut répondre. A Hawaii, on dirait que seule Madame Pélé connaît la suite des événements.

En constatant la longueur de l’intrusion magmatique, il me vient à l’esprit l’éruption du Laki, dans le sud-est de l’Islande, en 1783 . Il ne faudrait pas que le magma adopte un tel comportement en 2023 car les conséquences prendraient une autre ampleur que la situation actuelle

Le 8 juin 1783, une fissure de 27 kilomètres de long déchire le paysage islandais. C’est le point de départ d’une éruption qui durera jusqu’au 7 février 1784. Elle a produit 14,7 kilomètres cubes de lave qui ont recouvert une superficie de 599 kilomètres carrés. La fissure est ponctuée de quelque 140 cratères, évents et cônes orientés dans une direction SO-NE, celle du rift qui tranche l’Islande dans son ensemble.

Cette lave a menacé de nombreux Islandais, leurs animaux et leurs biens. L’éruption a produit de grandes quantités de gaz et de cendres. Ces dernières, très riches en fluor, ont empoisonné les champs, les prairies et les étangs. 50 % des bovins, 79 % des ovins et 76 % des chevaux ont péri entre 1783 et 1785.

L’éruption a également profondément affecté la vie de la population, avec la famine de la brume, ou Móðuharðindin. Le régime alimentaire islandais de l’époque était principalement basé sur la viande et le poisson, de sorte que les retombées de cette éruption ont été catastrophiques. En 1785, environ 20 % de la population islandaise était morte de faim, de malnutrition ou de maladie.

Cette éruption est remarquable par ses impacts bien au-delà de l’Islande. Les gaz – surtout le dioxyde de soufre (SO2) – ont été transportés en Europe par le jet-stream et le SO2 est apparu sous la forme d’un brouillard sec à odeur de soufre. Les populations en Europe ignoraient qu’une éruption volcanique s’était produite en Islande au même moment et que c’était cet événement qui causait ce brouillard sec inhabituel. Une autre caractéristique de l’été 1783 a été la coloration  rouge sang du ciel au coucher et au lever du soleil.

Par sa durée, le brouillard sec a pu avoir des effets négatifs sur la végétation et la santé humaine en Europe continentale. Plusieurs plantes se sont fanées, les feuilles ont changé de couleur et certains arbres ont perdu leurs feuilles. Le brouillard sec a frappé plus durement les personnes souffrant de problèmes respiratoires ou cardiaques préexistants. Dans plusieurs régions, les gens se sont plaints de douleurs aux yeux.

En parcourant les registres paroissiaux, les chercheurs ont établi un lien entre la concentration de S02 et de SO4 dans l’air et le pic de mortalité observé entre août et septembre 1783 puis janvier-Février 1784. Quant à dire que l’éruption du Laki, par ses conséquences sur l’agriculture et les famines qu’elle a générées, est l’une des causes de la Révolution Française de 1789, c’est une autre histoire…

Photo: C. Grandpey

Islande : des protections contre la lave // Iceland : barriers against the lava

L’édification de protections contre la lave autour de la centrale électrique de Svartsengi et du Blue Lagoon a commencé. La protection de la centrale est essentielle car elle fournit de l’eau et de l’électricité à toute la région de Suðurnes. Les protections visent à protéger les infrastructures importantes de la péninsule de Reykjanes en cas d’éruption, considérée comme probable dans les jours ou semaines à venir. Juste avant minuit le 13 novembre 2023, le Parlement islandais a approuvé un projet de loi autorisant la construction de ces protections qui sera financée par la hausse des impôts que j’ai mentionnée dans une précédente note le 13 novembre. Certains habitants ont fait valoir que la centrale électrique de Svartsengi et le Blue Lagoon sont des sites privés qui ont réalisé des bénéfices importants ces dernières années,. Ils devraient donc participer au financement des protections.
Une fois terminées, les protections mesureront 6 à 8 mètres de haut et leur édification devrait prendre 30 à 40 jours. Les graviers et la terre utilisés pour leur construction sproviennent de la montagne voisine de Stapafell. .
Outre l’édification de ces protections, le gouvernement a exprimé le désir d’aider Grindavík à réparer les dégâts subis par la ville et de venir en aide aux habitants qui ont été évacués de leurs maisons et qui pourraient également se retrouver au chômage.
Près de 200 entreprises employant environ 2 000 personnes sont situées dans la zone évacuée et ne savent pas si et quand elles pourront poursuivre leurs activités. Les employés concernés auront droit à des allocations chômage rétroactives à partir du 13 novembre.
Source  :Iceland Review.

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The construction of lava barriers around Svartsengi Power Plant and the Blue Lagoon has begun. Protecting the power plant is critical as it provides water and electricity to the entire Suðurnes region. The barriers are meant to protect important infrastructure on the Reykjanes peninsula in case of an eruption, which is still considered likely in the coming days or weeks. Iceland’s Parliament approved a bill just before midnight on November 13th, 2023 to enable the building of lava barriers, which will be financed through the tax hike I mentuioned in a previous post on November 13th. Some locals have argued that the privately-owned Svartsengi Power Plant and Blue Lagoon, which have made significant profits in recent years, should partake in financing the barriers.

The barriers will be 6-8 metres high and are expected to take 30-40 days to complete. The gravel and soil used to build them are being mined from nearby Stapafell mountain. .

Beside the barriers, the government has expressed desire for assisting Grindavík in repairing the damage the town has sustained, and for supporting its residents who have been evacuated from their homes and who may also face unemployment.

Nearly 200 companies with around 2,000 employees operate within the evacuated area, and face uncertainty as to whether and when they may continue operations. Affected workers will be eligible for retroactive unemployment benefits from November 13th.

Source : Iceland Review.

L’édification de digues en terre contre la lave a déjà été eu lieu lors de l’éruption de 2021 (Photo: C. Grandpey)