Les médias français semblent avoir enfin pris conscience de la gravité de la situation glaciaire dans les Alpes et de plus en plus de reportages sont consacrés à ce sujet. Ainsi, BFMTV explique que le réchauffement climatique a un effet dévastateur et que les glaciers fondent à vue d’oeil, avec jusqu’à cinq centimètres d’épaisseur perdus par jour., et des conséquences parfois irréversibles.
La fonte glaciaire dans les Alpes dépasse les prévisions les plus optimistes des scientifiques. On pense maintenant qu’ils pourraient connaître leur plus forte perte de masse depuis au moins 60 ans, autrement dit depuis que les relevés sont effectués dans le massif.
Comme je l’ai rappelé à plusieurs reprises, pour avoir une idée de la santé d’un glacier, il faut observer sa zone d’accumulation – là où il prend naissance – et le débit de l’eau de fonte à son front. Un équilibre doit exister entre les deux zones, or ce n’est plus le cas. En observant la différence entre la quantité de neige tombée en hiver et la quantité de glace qui fond en été, les scientifiques s’aperçoivent que le glacier rejette un volume d’eau plus important que celui correspondant à la neige de l’amont.
Les chaleurs extrêmes et les nombreux épisodes caniculaires ont affaibli les glaciers des Alpes. L’hiver dernier a apporté relativement peu de neige sur le massif qui a ensuite subi deux grandes vagues de chaleur en début d’été 2022. Le thermomètre a frôlé les 30 degrés dans certaines zones montagneuses. En juillet, l’isotherme zéro degré s’est calé à 5184 mètres d’altitude, alors que le niveau habituel se situe entre 3000 et 3500 mètres. C’est presque 500 mètres plus haut que le Mont Blanc!
Les glaciers des Alpes sont petits, comparés à ceux des zones arctiques ou himalayennes. Ils sont donc plus vulnérables au changement climatique. Les températures dans les Alpes se réchauffent d’environ 0,3°C par décennie, soit environ deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Les conséquences sont terribles. D’ici 2100, les glaciers des Alpes devraient perdre plus de 80% de leur masse actuelle et il est trop tard pour faire machine arrière. Rien n’est fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et, en supposant que des mesures soient prises, la fonte se poursuivra encore pendant des décennies.
Exemple de la fonte glaciaire ultra rapide dans les Alpes, le glacier suisse de Morteratsch s’est aminci de 200 mètres et a reculé à certains endroits de trois kilomètres. Le glacier voisin et parallèle Pers a aujourd’hui tellement reculé qu’une bande de sable le sépare de Morteratsch.
Beaucoup de glaciers ne sont plus recouverts de leur couche de neige protectrice et subissent donc de plein fouet les rayons de soleil et les températures douces. Les données montrent que le Morteratsch perd actuellement environ cinq centimètres par jour. La couverture des glaciers à l’aide de bâches blanches est une solution très provisoire. C’est mettre un emplâtre sur une jambe de bois.
Outre l’inquiétude environnementale, la disparition de glaciers révèle aussi des craintes économiques et patrimoniales pour les habitants des Alpes. Des conflits territoriaux ont commencé à voir le jour. L’accès à certains villages pourrait devenir trop dangereux et instable, alors que des stations de ski dépendent des glaciers.
C’est anecdotique et, en soi, quelque peu amusant : le refuge des Guides du Cervin, construit en Italie à 3480 mètres d’altitude, se trouve désormais en grande partie sur le territoire suisse en raison de la fonte du glacier de Théodule! Le glacier a perdu près d’un quart de sa masse entre 1973 et 2010, et laissé place à de la roche. C’est cette fonte qui a forcé la Suisse et l’Italie à revoir leur frontière, normalement définie par la ligne de séparation des eaux, dont l’écoulement vers le nord marque le territoire suisse, et celui vers le sud, l’Italie.
Avec la fonte du glacier de Théodule, les deux tiers du refuge se trouvent désormais du côté suisse. La position stratégique de la bâtisse attise les convoitises car elle est située à la jonction de Zermatt-Cervinia, une des plus grandes stations de ski au monde.
Le refuge a donc fait l’objet d’intenses négociations diplomatiques pendant plus de trois ans, jusqu’à ce qu’un compromis soit trouvé en 2021, mais les clauses du nouveau contrat n’ont pas été révélées. Ces années de négociation ont retardé la rénovation du refuge, aucun des villages des deux côtés de la frontière n’étant en mesure de délivrer le permis de construire. Les travaux ne seront pas terminés pour l’ouverture d’un nouveau téléphérique qui devrait permettre, fin 2023, d’accéder au Petit Cervin, un des plus hauts sommets skiables d’Europe (3883 m) depuis l’Italie.
Source: BFMTV.
Le glacier supérieur de Théodule (à gauche) et le glacier inférieur de Théodule (à droite) depuis le téléphérique du Petit Cervin (Source: Wikipedia)