En ce jour de Noël, voici l’histoire du célèbre cantique « Minuit chrétien » qui a connu bien des péripéties avant d’atteindre sa forme actuelle. Etant moi-même athée, je peux en parler avec le recul suffisant. C’est son aspect historique qui a attiré mon attention.
Le cantique .présente des paroles écrites à l’origine par un marchand de vins français athée, avec une musique composée par un Français juif. Les paroles ont ensuite été traduites en anglais par un abolitionniste américain. Il a été interdit pendant une certaine période en France avant de devenir un hymne anti-esclavagiste aux États-Unis dans les années 1850.
L’histoire commence en 1843 – ou 1847 selon les sources – à Roquemaure, une petite ville de la vallée du Rhône. Placide Cappeau, qui avait suivi son père dans le commerce du vin, était également connu pour les poèmes qu’il composait. Bien que critique de l’église catholique, Cappeau a été invité par le prêtre local à écrire quelques strophes pour célébrer l’orgue récemment rénové de la cathédrale de la ville. On dit qu’il a écrit les paroles de la chanson alors qu’il se rendait à Paris pour affaires, et que c’est l’Évangile de Luc qui lui a servi d’ inspiration. Sur les conseils du même ecclésiastique qui lui avait commandé les strophes, Cappeau apporta son œuvre achevée – alors intitulée « Minuit, Chrétiens – à Adolphe Adams, un compositeur de renom. Adams, qui était d’origine juive française, a arrangé la musique, et l’oeuvre a été récemment baptisée « Cantique de Noël ».
Le cantique a fait ses débuts à l’échelle mondiale avec la cantatrice Emily Laurey lors de la messe de minuit de la veille de Noël à l’église de Roquemaure.
Bien que le « Cantique de Noël » soit devenu très populaire, il a ensuite été dénoncé par l’église catholique française. Cela est dû au fait que Cappeau était athée et socialiste, mais aussi à la découverte qu’Adams était juif,. Un évêque aurait rejeté le cantique à cause d’un « manque de goût musical et une absence totale d’esprit de la religion ». L’Eglise française n’appréciait pas non plus les paroles ouvertement anti-esclavagistes de Cappeau dans le troisième couplet. L’interdiction révèle la position de l’Église catholique française en matière d’abolition de l’esclavage.
Il convient de rappeler ici qu’à cette époque, la France prélevait encore des Noirs en Afrique dans le cadre de la traite transatlantique des esclaves, même si elle a aboli définitivement la pratique en 1848. Avant cette date, environ 1,4 million d’êtres humains ont été capturés et conduits dans des lieux colonisés par la France comme la Guadeloupe, la Martinique et surtout Saint-Domingue où ils ont été réduits en esclavage dans des conditions cruelles et souvent mortelles.
Le « Cantique de Noël » a ensuite traversé l’Atlantique jusqu’à John Sullivan Dwight, un abolitionniste américain blanc, ministre unitarien, musicien et amateur de musique classique.
En 1855, Dwight traduisit les paroles de Cappeau, accordant une attention particulière au troisième couplet.
Dwight a donné à son texte traduit le titre «O Holy Night» qu’il a publié dans son périodique musical en 1855. Le cantique est devenu un succès aux États-Unis, en particulier parmi les abolitionnistes pendant la Guerre de Sécession. Même s’il était interdit dans son pays d’origine, le cantique devint un incontournable chant de Noël et de protestation, à des milliers de kilomètres de là, aux États-Unis.