Pour clôturer mon périple en Alaska et au Yukon, j’aimerais vous raconter une histoire vraie assez extraordinaire. Elle se passe à l’automne 1968, époque des amours chez les cervidés, les élans en particulier. Comme toujours dans ce cas, les mâles s’affrontent pour obtenir les faveurs des femelles. Les combats sont parfois extrêmement violents.
Au cours de l’automne 1968, un pilote d’hélicoptère survolait en compagnie d’un ami Lake Creek, petite rivière du Yukon, au sud de Stewart Crossing, sur la route du Klondike. Après quelques dizaines de minutes de vol, les deux hommes aperçurent deux élans en train de se battre. C’est du moins la première impression qu’ils eurent en contemplant la scène en dessous de l’appareil. En y regardant mieux, ils s’aperçurent que les deux élans ne bougeaient pas! Très étrange pour des animaux censés se battre! En fait, l’affrontement avait été si sévère que leurs bois s’étaient entremêlés et bloqués et qu’il leur avait été impossible de se séparer. Paralysés dans cette position, ils étaient voués à une mort certaine car ils ne pouvaient plus toucher le sol avec leurs museaux. Il ne pouvaient donc ni manger, ni boire. De plus, ils n’avaient plus aucun moyen de se défendre mis à part leurs sabots. Les loups et les ours étant nombreux dans la région, leur sort était scellé d’avance.
Le jour de la découverte de la scène, le pilote d’hélicoptère et son ami n’eurent pas le temps de se poser pour accéder au lieu du drame. Ils repérèrent l’endroit avec précision, se promettant de revenir prochainement. Malheureusement, l’hiver, la neige et le froid arrivèrent trop vite et ils durent attendre le printemps de l’année suivante pour effectuer leur visite. Là où les deux élans étaient immobilisés dans la position de combat, ils ne découvrirent que quelques os et les bois des deux cervidés, toujours entremêlés. Ils les transportèrent soigneusement jusqu’à Whitehorse, la capitale du Yukon, où ils sont aujourd’hui exposés dans le hall du Riverside Hotel. Leur poids est estimé à une trentaine de kilos chacun, en sachant qu’ils étaient plus lourds du vivant des élans car ils se sont desséchés par la suite. Leur envergure est d’environ 1,60 mètre.
Les bois emmêlés des deux élans au Riverside Hotel de Whitehorse
Il n’est pas rare d’observer des élans femelles en Alaska et dans le Yukon. Les mâles sont beaucoup plus difficiles à approcher. Par crainte des chasseurs, ils se cachent dans des lieux reculés.
(Photos: C. Grandpey)