Le Laki contre l’Holuhraun ! // Laki vs. Holuhraun!

drapeau francaisAlors que l’éruption dans l’Holuhraun se poursuit sans montrer de signes de faiblesse (voir mes notes précédentes), des voix se font entendre pour établir une comparaison avec l’éruption du Laki en 1783. Toutefois, pour le moment, l’éruption de l’Holuhraun paraît bien petite à côté de celle de son homologue du 18ème siècle.
L’éruption du Laki s’est étendue sur une période de huit mois, entre le 8 juin 1783, et 7 février 1784. Elle a commencé le long d’une fissure où se sont ouverts 130 cratères avec des explosions phréatomagmatiques. Cet événement se situe au niveau 6 (sur 8) sur l’Indice d’Explosivité Volcanique (VEI). A titre de comparaison, l’éruption de l’Eyjafjallajökull en 2010 a été évaluée à 3 sur le VEI.
L’éruption du Laki a généré quelque 14 km3 de lave, et le volume total de téphras s’élève à 0,91 km3. On estime que les fontaines de lave ont atteint des hauteurs entre 800 et 1400 mètres.
Les gaz émis – dont 8 millions de tonnes de fluorure d’hydrogène et 120 millions de tonnes de dioxyde de soufre – ont causé la mort de plus de 50 pour cent du cheptel islandais et entraîné une famine qui a tué environ le quart de la population islandaise. L’éruption du Laki a provoqué une chute des températures, en particulier dans l’hémisphère Nord, avec d’énormes pertes de récoltes en Europe. Elle a peut-être été l’une des causes de la Révolution française de 1789.

Comme je l’ai écrit plus haut, l’éruption de l’Holuhraun paraît minuscule en comparaison, au moins pour le moment. (Rappelez-vous que H. Sigurdsson a prédit que l’éruption se terminerait le 4 mars 2015!).
Après une augmentation de l’activité sismique au niveau du Bárðarbunga et la formation d’un dyke intrusif, l’éruption a commencé le long d’une fissure déjà existante dans l’Holuhraun le 29 août 2014 et n’a pas cessé depuis ce jour-là. L’éruption a ouvert trois bouches le long de la fissure, ce qui est bien peu à côté des 130 cratères du Laki. Aucune activité explosive n’a été observée, ce qui est bien différent de l’activité explosive de VEI 6 du Laki. De plus, l’éruption de l’Holuhraun a émis très peu de cendre et de téphras alors que le Laki en avait éjecté un volume de 0,9 km3 en 1783 et l’Eyjafjallajökull 0,1 km3 en 2010.
Alors que les fontaines de lave du Laki ont probablement atteint une hauteur de 1400 mètres, celles de l’Holuhraun se sont contentées d’une centaine de mètres.
En outre, pendant les huit mois de l’éruption du Laki, on estime que 120 millions de tonnes de SO2 ont été émises, soit 15 millions de tonnes par mois en moyenne. Au cours du premier mois de l’éruption de l’Holuhraun, la moyenne des émissions de SO2 par jour a atteint 20 000 tonnes, soit l’équivalent de 600 000 tonnes pour un mois.
La lave qui s’est épanchée dans l’Holuhraun représente actuellement un volume d’environ un kilomètre cube, ce qui en fait la plus grande éruption en Islande depuis l’éruption du Laki. Ce volume est cinq à six fois supérieur à celui de l’Eyjafjallajökull en 2010. Cependant, l’éruption du Laki est très loin devant avec 14 km3, soit 14 fois l’éruption de l’Holuhraun!
Source: Iceland Review.

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drapeau anglaisAs the Holuhraun eruption is continuing without abating (see my previous notes), voices are heard making a comparison with the Laki eruption in 1783. However, for the time being, the eruption in Holuhraun looks tiny compared with the one that occurred in the 18th century.

The Laki eruption took place over an eight-month period between June 8th, 1783, and February 7th, 1784. It began along a fissure with 130 craters that opened with phreatomagmatic explosions. This event is rated as 6 (out of 8) on the Volcanic Explosivity Index (VEI).  For comparison, the 2001 eruption of Eyjafjallajökull is rated as 3 on VEI.

The Laki eruption produced an estimated 14 km3 of lava, and the total volume of tephra emitted was 0.91 km3. Lava fountains were estimated to have reached heights of 800 to 1,400 metres.

The gases emitted, including an estimated 8 million tons of hydrogen fluoride and 120 million tons of sulphur dioxide, caused the death of over 50 percent of Iceland’s livestock, leading to a famine killing approximately 25 percent of the country’s inhabitants. The Laki eruption caused a drop in global temperatures over the Northern Hemisphere, with huge crop failures in Europe. It may have been one of the causes of the French Revolution in 1789.

As I put it before, the Holuhraun eruption looks tiny in comparison, at least for the moment. (Remember that H. Sigurdsson has predicted it would come to an end on March 4th 2015!).

Following increased seismic activity in Bárðarbunga volcano and the formation of an intrusive dike, the eruption began in an already-existing fissure in Holuhraun on August 29th, 2014 and has not stopped since that day. The eruption began in three craters along a fissure, compared to the 130 craters of Laki, with no explosive activity, compared to the VEI 6 explosion of Laki. Hardly any tephra, or ash, has been emitted in the Holuhraun eruption, compared to the 0.9 km3 ejecta volume of Laki in 1783 and 0.1 km3 ejecta volume of Eyjafjallajökull in 2010..

While the highest lava fountains in Laki are estimated to have reached a height of 1,400 metres, lava fountains in Holuhraun have reached approximately 100 metres.

Besides, during the eight months of the Laki eruption, an estimated 120 million tons of SO2 were emitted, or 15 million tons per month on average. In the first month of the Holuhraun eruption, the average daily SO2 emission was20,000 tons,  which is the equivalent of 600,000 tons in one month.

The lava ejected in Holuhraunhas a current volume of one cubic kilometre,  which makes it the largest eruption in Iceland since the Laki eruption and five to six times bigger than the 2010 Eyjafjallajökull eruption in terms of volume of lava. However, the Laki eruption is still 14 times bigger than the Holuhraun eruption, as it ejected an estimated 14 km3 of lava !

Source: Iceland Review.

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Le Laki a mis la barre très haut et il est peu probable que l’éruption dans l’Holuhraun déverse un volume de lave aussi considérable qu’en 1783-1784.  (Photo:  C.  Grandpey)

L’Islande est-elle une menace pour le monde ? // Is Iceland a threat to the world?

drapeau francaisActuellement, l’activité volcanique mondiale est relativement réduite. Comme souvent pendant ces périodes calmes, la presse – anglo-saxonne surtout – se met à délirer et à écrire des articles catastrophe susceptibles de faire vendre les journaux. Tel le monstre du Loch Ness, Yellowstone, le Krakatau ou le Tambora font régulièrement surface et les journalistes rivalisent d’imagination pour attirer l’attention de leurs lecteurs.

Le Daily Star et le Sunday Herald viennent de s’en donner à cœur joie avec les volcans islandais. Le premier nommé nous indique que les gaz toxiques en provenance d’un volcan islandais pourraient tuer des millions de gens, tandis que son concurrent affirme que «l’éruption d’un super volcan en Islande représenterait pour le Royaume-Uni la même menace qu’un acte de terrorisme nucléaire ».

Les journalistes font référence à l’éruption du Laki en 1783 avec son cortège de récoltes dévastées et les 23 000 décès britanniques censées être imputables à cet événement. Le Daily Star rappelle les effets sur le climat avec des étés brûlants et des hivers extrêmement froids. Afin de bien sensibiliser les lecteurs, les journalistes en remettent une deuxième couche et rappellent que l’Islande a en réserve une trentaine de systèmes volcaniques du même acabit. Il aurait été demandé au Bureau du Premier Ministre de considérer la menace avec le même sérieux que le terrorisme nucléaire. L’Office Météorologique du Royaume Unis doit fournir en juin un rapport expliquant les conséquences d’une éruption comme celle du Laki en 1783 avec, en particulier, une modélisation de la trajectoire qu’emprunteraient les gaz volcaniques.

Il y a bien sûr une part de vérité dans ces articles. On sait que des volcans comme le Laki ou le Katla peuvent produire des panaches de cendres capables de perturber la vie à grande échelle. Le problème, c’est que l’on ne sait absolument quand ces volcans se réveilleront, à supposer qu’ils se réveillent. On a pu constater ces derniers mois que les volcanologues islandais se sont plantés en annonçant une éruption imminente de l’Hekla.

S’il est louable de prendre en compte l’éventualité d’une éruption majeure en Islande, il est inutile d’ameuter les foules et de faire du catastrophisme à tout-va, passe-temps favori de la presse de nos jours.

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drapeau anglaisGlobal volcanic activity is currently quite low. As often during these quiet periods, the press – especially Anglo-Saxon – becomes delirious with articles relating disasters likely to sell newspapers. Like the Loch Ness monster, Yellowstone, Krakatau or Tambora regularly make the headlines and journalists compete with their imagination to attract the attention of their readers.
The Daily Star and the Sunday Herald are playing this game with Icelandic volcanoes. The former indicates that the toxic gases from an Icelandic volcano could kill millions of people, while the latter states that « the eruption of a super volcano in Iceland might represent for the United Kingdom the same threat as an act of nuclear terrorism. »
Both journalists refer to the eruption of Laki in 1783 with its devastated crops and 23,000 British deaths believed to be caused by that event. The Daily Star recalls the effects on the climate with hot summers and extremely cold winters. To really convince their readers, the journalists remind them that Iceland has in store about thirty volcanic systems of the same ilk. It is said the Cabinet Office has been advised to consider the threat with the same seriousness as nuclear terrorism. The UK Met Office aims to deliver a report in June on the consequences of a future Laki-style eruption. In particular, the Office has been asked to model where the gases from such an eruption might travel.
There is of course some truth in these articles. We know that Laki and Katla can produce ash plumes able to disrupt life on a large scale. The problem is that no one knows when these volcanoes will wake up, assuming they do. One should remember that in recent months Icelandic volcanologists were wrong when they announced an imminent eruption of Hekla.
While it is commendable to take into account the possibility of a major eruption in Iceland, there is no need to alarm the crowds and resort to large-scale catastrophism, a favorite of the press nowadays.

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Fracture éruptive du Laki, source de l’éruption de 1783  (Photo:  C. Grandpey)

L’éruption du Laki a-t-elle eu un impact sur l’hémisphère sud?

L’éruption du Laki (1783) a-t-elle eu un impact sur l’hémisphère sud?

C’est la question à laquelle ont essayé de répondre R. Trigo, J.M. Vaquero et R.B. Stothers dans un article publié dans la revue Climatic Change In Climatic Change, Vol. 99, No. 3-4. (2010), pp. 535-546.

 

Les effets catastrophiques de l’éruption du Laki sur l’Islande et l’hémisphère nord en 1783 sont bien connus. La lave émise il y a 230 ans par la très longue fracture éruptive a recouvert les pâturages d’une cendre riche en fluor et donc très nocive pour les animaux. Une importante partie du cheptel islandais est morte d’intoxication. Au niveau de la population, l’éruption a provoqué une famine sévère qui entraîna la mort de près de 10 000 personnes ainsi qu’un important exode. A l’échelle européenne, les conséquences de l’éruption sont évidentes, avec de profondes modifications climatiques et un brouillard volcanique qui affecta de nombreux pays.

L’impact météorologique de l’éruption du Laki se fit également sentir les années suivantes avec plusieurs hivers très rigoureux en Europe et d’autres dérèglements climatiques qui contribuèrent à la pauvreté et la famine, facteurs qui, selon de nombreux historiens, ont provoqué la Révolution Française de 1789.

 

Si les effets de l’éruption du Laki sur l’hémisphère nord ont largement été étudiés, on ne trouvait jusqu’à présent aucune description concernant l’hémisphère sud. C’est un vide qu’ont essayé de combler les auteurs de l’article mentionné ci-dessus. Pour ce faire, ils se sont inspirés des observations de Bento Sanches Dorta, un astronome portugais qui a fait une description précise des effets anormaux de plusieurs journée de brume et de brouillard sec entre 1784 et 1786 à Rio de Janeiro au Brésil. Si l’on observe les relevés mensuels moyens de jours de brouillard entre 1781 et 1788, on remarque un pic significatif entre septembre et novembre 1784 qui pourrait bien être lié à l’éruption du Laki.

La plupart des observations et des modélisations réalisées à ce jour vont à l’encontre d’une telle hypothèse. Pourtant, de récentes études sur l’impact des éruptions majeures survenues dans les hautes latitudes font état d’anomalies climatiques de grande ampleur dans la région tropicale de l’hémisphère sud et en particulier de l’apparition d’une couverture nuageuse supérieure à la normale au-dessus de la partie centrale du Brésil.

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Aperçu de la fracture éruptive du Laki  (Photo:  C. Grandpey)