Symboles de l’île de Pâques – Rapa Nui – située à 3 500 kilomètres au large des côtes chiliennes, les statues moaï sont aujourd’hui gravement menacées et leur préservation est devenue une course contre la montre.
Les moaï ont été créés et érigés par les premières communautés polynésiennes en hommage à leurs ancêtres qui auraient accosté sur l’île en canoë depuis une île de Polynésie orientale. Ces monolithes étaient souvent placés sur des plateformes cérémonielles appelées ahu. Entre la fin du 18ème siècle et le début du19ème siècle, pour une raison encore inconnue, toutes les statues ont été renversées. Cette destruction, aussi incertaine soit elle, marque le début d’un lent effritement.
Sculptés dans le tuf volcanique, les moaï sont plus fragiles qu’on pourrait le penser. Cette fragilité commence dès la taille et le transport, périodes pendant lesquelles elle subissent des contraintes mécaniques telles que l’abrasions par les cordes et d’autres dommages durant leur descente depuis la carrière de Rano Raraku.
Une fois les moaï dressés, les éléments ont poursuivi le travail d’érosion. Outre le vent, le soleil et la pluie, les variations de température et surtout l’humidité salée ont progressivement rongé la pierre. En cristallisant dans les pores du tuf, le sel ouvre des fissures et provoque effritement et cavités. Des lichens se développent également sur leur surface. Sans oublier les chevaux et bovins qui viennent se gratter sur les monolithes. Le guano déposé par tandis les oiseaux s’enfonce lui aussi dans le tuf et érode encore davantage le matériau.
Depuis quelques décennies, cette détérioration s’accélère. Les effets grandissants du réchauffement climatique sont en cause. Les précipitations sont désormais plus rares mais plus violentes, provoquant une érosion brutale. En octobre 2022, un incendie attisé par la sécheresse a ravagé le site de Rano Raraku, détruisant ou fissurant quelque 80 moaï (voir mes notes du 8 octobre et du 24 décembre 2022). Par ailleurs, l’élévation du niveau de la mer et la multiplication des vagues extrêmes fragilisent les côtes. Or, plus de 90 % des moaï encore debout sont situés en bordure littorale. Il existe donc un risque d’effondrement des plateformes et d’un engloutissement progressif.
La restauration des moaï a commencé dans les années 1970 et a duré pendant plus de deux décennies. Cela a permis de redresser plusieurs statues et de reconstituer des ahu. Dans les années 1990, le site de Tongariki, détruit par un tsunami, a été restauré grâce à des archéologues locaux. En 2003, un projet Unesco financé par le Japon a permis de renforcer le tuf des statues avec un produit imperméabilisant. Mais ce traitement coûteux doit être réappliqué régulièrement.
La préservation des moaï est bien sûr essentielle car elles sont les témoins d’une civilisation. Aujourd’hui, pour veiller à leur préservation, les efforts se modernisent. Des drones et scanners 3D sont utilisés par la communauté indigène Ma’u Henua qui gère le parc national de Rapa Nui, avec le soutien de l’ONG américaine CyArk. Des modèles numériques de tous les ahu et moaï permettent de suivre l’évolution des sites, de mesurer l’érosion et de planifier des restaurations sans excavation invasive. En 2023, l’Unesco a débloqué 97 000 dollars pour réparer les dommages causés par l’incendie de 2022. Cinq moaï gravement touchés ont été sélectionnés pour tester des solutions, établir des protocoles de restauration, et les appliquer à d’autres statues.
Toujours dans un but de protection des moaï, des auvents ont été installés pour les protéger de la pluie. Les suies de l’incendie sont nettoyées grâce à une solution chimique développée par l’Université de Florence. D’autres produits (fongicides, hydrofuges et consolidants) sont également utilisés pour renforcer les statues et stopper l’érosion. Mais leur coût freine leur diffusion.
La question de l’avenir des moaï divise les Rapa Nui. Faut-il les préserver les à tout prix, quitte à les éloigner de leur terre d’origine, ou accepter que ces statues monumentales disparaissent peu à peu ?
Source : Futura Sciences.

Crédit photo: Wikipedia
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Symbols of Easter Island – Rapa Nui – located 3,500 kilometers off the Chilean coast, the moai statues are now seriously threatened, and their preservation has become a race against time.
The moai were created and erected by the first Polynesian communities in homage to their ancestors, who are said to have arrived on the island by canoe from an eastern Polynesian island. These monoliths were often placed on ceremonial platforms called ahu. Between the late 18th and early 19th centuries, for reasons still unknown, all the statues were toppled. This destruction, however uncertain, marks the beginning of a slow process of erosion.
Carved from volcanic tuff, the moai are more fragile than one might think. This fragility began during carving and transportation, periods during which they underwent mechanical stress such as abrasion from ropes and other damage during their descent from the Rano Raraku quarry.
Once the moai were erected, the elements continued their erosion. In addition to wind, sun, and rain, temperature variations, and especially salty humidity, gradually eroded the stone. By crystallizing in the pores of the tuff, the salt opens cracks and causes crumbling and cavities. Lichens also grow on their surface. Not to mention the horses and cattle that scratch on the monoliths. The guano deposited by birds also sinks into the tuff and further erodes the material.
In recent decades, this deterioration has accelerated. The growing effects of global warming are to blame. Rainfall is now rarer but more violent, causing sudden erosion. In October 2022, a fire fueled by drought ravaged the Rano Raraku site, destroying or cracking some 80 moai (see my posts of October 8 and December 24, 2022). Furthermore, rising sea levels and the increase in extreme waves are weakening the coasts. More than 90% of the moai still standing are located along the coastline. There is therefore a risk of the platforms collapsing and gradually sinking.
The restoration of the moai began in the 1970s and lasted for more than two decades. This resulted in the uprighting of several statues and the reconstruction of ahu. In the 1990s, the Tongariki site, destroyed by a tsunami, was restored with the help of local archaeologists. In 2003, a UNESCO project funded by Japan reinforced the tufa of the statues with a waterproofing product. But this costly treatment must be reapplied regularly.
Preserving the moai is, of course, essential because they are witnesses to a civilization. Today, efforts are being modernized to ensure their preservation. Drones and 3D scanners are used by the Ma’u Henua indigenous community, which manages Rapa Nui National Park, with support from the American NGO CyArk. Digital models of all the ahu and moai make it possible to monitor the evolution of the sites, measure erosion, and plan restorations without invasive excavation. In 2023, UNESCO allocated $97,000 to repair the damage caused by the 2022 fire. Five moaï that were severely damaged by the fire were selected to test solutions, establish restoration protocols, and apply them to other statues.
Also with the goal of protecting the moai, canopies have been installed to shield them from the rain. The soot from the fire is being cleaned off with a chemical solution developed by the University of Florence. Other products (fungicides, water repellents, and consolidants) are also used to strengthen the statues and stop erosion. However, their cost is hampering their distribution.
The question of the future of the moai divides the Rapa Nui. Should they be preserved at all costs, even if it means removing them from their original homeland, or should we accept their gradual disappearance?
Source: Futura Sciences.