L’avenir sombre du ski

Dans mes notes sur le réchauffement climatique dans l’Arctique, je fais souvent référence à l’albédo, autrement dit la part de rayonnement solaire renvoyée vers l’atmosphère. L’albédo est une valeur comprise entre 0 et 1. Ainsi, un corps noir parfait, qui absorberait toutes les longueurs d’onde sans en réfléchir aucune, aurait un albédo nul. En revanche, un miroir parfait, qui réfléchirait toutes les longueurs d’onde, sans en absorber une seule, aurait un albédo égal à 1.

Pas sa capacité à réfléchir la lumière du soleil, la glace pourrait réduire l’impact du réchauffement climatique. La glace de mer est malheureusement en train de régresser, accordant plus de place aux eaux libres de l’océan. Ces dernières, plus sombres, absorbent la lumière du soleil, favorisant le réchauffement de notre planète.

L’albédo doit également être pris en compte sur les terres autres que l’Arctique et l’Antarctique. Ainsi, dans les Alpes, la réduction de la surface couverte de glace et de neige atténue considérablement l’albédo, favorisant, là aussi, l’accélération du réchauffement climatique.

Au cours de l’hiver 2022-2023, la neige s’est fait attendre dans les Alpes. Les vacances de Noël ont vu la mise à l’arrêt des remontées mécaniques. La neige est enfin arrivée en janvier, mais la douceur printanière qui s’est installée en février laisse supposer que la saison de ski sera courte. Les études sont formelles : s’il y a des années où il y a beaucoup de neige et d’autres où il y en a moins, la tendance générale est à la baisse. Par exemple, le CNRS nous apprend qu’au Col de Porte dans les Alpes, à 1325 m d’altitude, l’épaisseur du manteau neigeux a diminué de 40% entre la période 1960-1990 et la période 1990-2017.

La durée de l’enneigement diminue aussi : chaque degré de réchauffement au niveau mondial tend à conduire à une perte d’un mois d’enneigement en moyenne. On peut raisonnablement se demander quel sera l’avenir des stations de sport d’hiver. Pas de neige = pas de ski ! A cela s’ajoute la hausse des coûts de l’énergie, ce qui, au final, a un effet direct sur la fréquentation touristique. Avec la hausse des tarifs, les gens réfléchissent à deux fois avant d’aller skier.

Certains diront que la neige de culture comblera le vide créé par la neige naturelle, mais c’est loin d’être gagné. La neige artificielle est très consommatrice d’eau et d’énergie et les enneigeurs demandent des températures négatives pour fonctionner, ce qui n’est pas dans l’air du temps. On sait d’ores et déjà que d’ici 2030-2050 la quasi-totalité des stations de ski dans les Pyrénées ainsi qu’une grosse partie de celles à basse et moyenne altitude dans les Alpes ne seront plus rentables.

Je n’ai de cesse de le répéter : il faut que ces stations se diversifient si elles veulent survivre. Il est urgent qu’elles réfléchissent à une autre forme d’économie et à la mise en place de nouvelles activités.

De grands champions de ski vainqueurs de la Coupe du monde font partie des signataires d’une lettre adressée à la Fédération internationale de ski et de snowboard (FIS) exigeant une action rapide contre le réchauffement climatique.
La lettre a été rédigée à l’occasion des championnats du monde de ski et à l’issue de plusieurs mois pendant lesquels le temps chaud et le manque de neige ont entraîné l’annulation de près d’un mois de compétition au début de cette saison, avec un entraînement de pré-saison réduit à néant par la fonte des glaciers européens, eux mêmes en voie de disparition.
On peut lire dans la lettre : « Nous subissons les effets du changement climatique dans notre vie quotidienne et notre profession. L’opinion publique sur le ski évolue vers l’injustifiable. Nous avons besoin d’une action organisationnelle progressive.. Les efforts actuels de la FIS en matière de développement durable sont insuffisants. »
Côté ski alpin, les athlètes ont demandé à la fédération de décaler le début de saison de fin octobre à fin novembre et la fin de saison de mi-mars à fin avril. Les saisons ont changé et tous les champions disent qu’ils doivent s’adapter à ces nouvelles circonstances.
Les skieurs ont également demandé un calendrier de compétitions plus «géographiquement raisonnable» pour réduire le bilan carbone.
A ce jour, la FIS n’a pas répondu.

La douceur de la température n’a pas permis aux enneigeurs de fonctionner à la fin de l’année 2022 (Photo: C. Grandpey)

2 réflexions au sujet de « L’avenir sombre du ski »

  1. Bonjour Claude.
    Je fais suite à votre post. Hier mardi, nous avons fait une journée de détente en montant à Cauterets et pont d’Espagne.
    Premier constat : température douce, et surtout le gave de Cauterets fait grise mine, pas beaucoup d’eau malgré la fonte dûe à la douceur. Promenade pédibus dans 20 cm de neige dans le Marcadau.
    Deuxième constat fait avec un local accompagnateur en haute montagne : l’été dernier 2022 a été catastrophique avec sécheresse et température trop élevée, l’isotherme 0° pratiquement toujours supérieur à 4000…… Les glacier des Oulettes et d’Ossoue ont reculé sans précédent dans la mémoire de ce monsieur. Et ce ne sont pas les chutes de neige de cet hiver qui vont les recharger.
    Pour lui, avant 2030 il n’y aura plus de glacier. Il vit là haut et vois de visu la dégradation année après année.

    Consolation (si je puis dire), nous (vous et moi) aurons vu des merveilles.
    Hélas, nos générations futures n’auront pas cette joie.

    Bonne journée quand même !
    Frédéric

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    1. Bonjour Frédéric,

      Merci pour ce témoignage pyrénéen que je me suis permis de diffuser sur mon blog. Il va pile poil avec la note que j’ai publiée aujourd’hui sur la menace qui pèse sur le ski, et suite à une conférence que j’ai présentée hier à Périgueux.
      Très amicalement,
      Claude

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