A l’issue de plusieurs voyages à la Martinique, j’ai attiré l’attention sur la prolifération des sargasses dans la Caraïbe. Ces algues brunes dont les échouements sont de plus en plus fréquents se propagent rapidement à la surface de l’océan dont la température augmente à cause du réchauffement climatique. Au départ observées uniquement sur la façade atlantique, les sargasses ont atteint le côté caraïbe. Elles entraînent des problèmes économiques et sanitaires. J’ai expliqué que l’hydrogène sulfuré attaque les peintures à l’intérieur des maisons et incommode fortement la population qui souffre de maux de tête, picotements de gorge, larmoiements et évanouissements dans les cas les plus extrêmes. Des médecins du CHUM (Centre Hospitalier Universitaire de Martinique) viennent de mener une étude auprès de certains habitants d’un quartier du François afin de connaître l’impact des sargasses sur la santé des personnes. Toujours au François, l’une des zones les plus impactées, les sargasses perturbent le marché immobilier. Il est difficile de vendre un bien dans un secteur victime d’une pollution visuelle et olfactive.
Les algues venues s’échouer sur le rivage sont évacuées de temps en temps, mais lors de mon dernier voyage avant la crise sanitaire personne n’a su me dire où elles étaient entreposées. Un habitant m’a fait remarquer qu’on devait pouvoir les traiter et en faire des engrais. L’idée me semblait effectivement intéressante.
Aujourd’hui les sargasses sont au coeur d’un projet de recherche et de valorisation, le Save C. Alors que dans le Nord de l’Europe ou au Mexique, elles sont déjà traitées et utilisées comme biomatériaux, en France l’industrie de transformation est presque inexistante.
La valorisation des sargasses est prouvée scientifiquement. Elles peuvent entrer dans la construction des maisons, dans des systèmes d’isolation de bâtiments ou encore des panneaux solaires capables de capturer le dioxyde de carbone. La composition de ces algues marines permet de les transformer en fibres, un éco-matériau déjà utilisé dans certains pays du Nord de l’Europe qui se servent des sargasses échouées pour la fabrication de maisons ou de toits de bâtiment. De manière presque paradoxale, la Hollande va créer une culture de sargasses.
Le projet Save C aux Antilles vise essentiellement deux secteurs de valorisation des sargasses, la production de biomatériaux et l’agriculture où ces algues peuvent être utilisées comme biostimulants. En Martinique, un centre funéraire se prépare à exploiter les sargasses pour la fabrication de cercueils en bio-carton.
La transformation industrielle de ces algues brunes demande d’importants financements et l’identification de secteurs qui peuvent utiliser de la matière sargasse. C’est l’autre mission du projet Save C.
Source: Martinique la 1ère.
Photo: C. Grandpey