Je rentre d’un séjour de quelques jours dans les Alpes, histoire de me rendre compte de l’évolution de la situation glaciaire. Malheureusement, les nouvelles restent mauvaises. Il est vrai que les conditions estivales avec deux épisodes de canicule n’ont guère été favorables.
Le 12 septembre 2019 en haut de l’Aiguille du Midi, à 3842 mètres d’altitude, la température était très positive et le port d’un pull-over était tout à fait superflu. A noter que le thermomètre affichait jusqu’à 16°C à 3842 mètres d’altitude pendant la dernière canicule, avec l’isotherme 0°C à 5500 mètres, donc bien au-dessus du Mont Blanc.
Le temps était magnifique le 12 septembre et les paysages époustouflants. La montée au sommet de l’Aiguille depuis Chamonix est un peu onéreuse, mais ça vaut le coup de casser la tirelire une fois dans sa vie. Je dirai que j’ai payé l’excursion avec les paquets de cigarettes que je ne fume pas!
Du haut de l’Aiguille du Midi, la vue est parfaite, entre autres, sur les glaciers des Bossons et du Taconnaz. On a la confirmation que la célèbre « Jonction » entre les deux glaciers n’existe plus. Le Glacier des Bossons continue à perdre du volume et le Taconnaz n’existera plus dans quelques années.
A mes yeux, la fonte des glaciers alpins est indissociable de celle du permafrost de roche qui assure la stabilité des montagnes. Il occupe le double de la surface des glaciers alpins – soit 700 km2 – et 10% de la surface située à plus de 2000 mètres d’altitude. Contrairement aux glaciers il n’est pas directement observable et attire donc moins les regards. Sa fonte passe souvent inaperçue, et c’est bien là le danger. Avec le réchauffement climatique, ce ciment de glace fond avec les conséquences que l’on sait: Effondrements de parois et déclenchement de laves torrentielles. Depuis le sommet de l’Aiguille du Midi, on voit parfaitement l’endroit où une partie de l’Arête des Cosmiques est partie dans le vide. On notera que le Refuge des Cosmiques a déjà été conforté par bétonnage après un écroulement de 600 mètres cubes sous ses bases en 1998. Il devra sans doute être prochainement consolidé à nouveau. Le refuge du Goûter (3835 m) fait, lui aussi, partie des infrastructures à risques.
Le 12 septembre 2019, le quotidien régional Le Dauphiné a consacré une page entière aux dangers qui menacent désormais les installations d’altitude suite à la fonte du permafrost de roche. Construits entre 2600 mètres et 4300 mètres, les remontées mécaniques et refuges sont désormais sous haute surveillance. S’agissant de l’Aiguille du Midi, les géotechniciens sont à l’oeuvre en permanence et font consolider les bases des structures, si nécessaire. Il ne faudrait pas que la poule aux oeufs d’or de Chamonix tremble sur ses bases et prenne son envol!
Au cours de mon séjour alpin, j’ai également fait un saut en Suisse et je me suis rendu à Chamoson, un village du Valais à proximité de Martigny, qui a récemment reçu une lave torrentielle, pas forcément liée à la fonte du permafrost car les montagnes à l’origine de la coulée de boue ne culminent pas à de hautes altitudes. Toutefois, cet événement est la réplique de ce qui est déjà arrivé en Italie et affectera probablement dans les prochaines années les villages alpins situés à des altitudes élevées. Les dépôts de matériaux issus de la fonte du permafrost de roche risquent fort d’être emportés en aval lors des fortes pluies ou des orages. C’est qui s’est passé à Bondo, un village suisse des Grisons. J’ai écrit plusieurs articles sur ce phénomène, en particulier en août et septembre 2018. A Chamoson, les dépôts de matériaux ont été évacués par les pelleteuses et bulldozers, mais on relève encore les traces de la dernière coulée de boue dévastatrice. Les berges du torrent qui traverse la ville trahissent la violence de l’événement.
++++++++++
Je profite de cette note pour remercier Olivier Chapperon – chef de rédaction au journal Le Populaire du Centre – pour l’article qu’il m’a consacré le 15 septembre dernier. Les volcans sont mon terrain de jeu préféré. J’y ai effectué des mesures pour essayer de comprendre leur comportement, et rédigé des rapports d’observation. S’agissant des glaciers, plus qu’un glaciologue (je laisse cette appellation aux scientifiques de formation), je suis un lanceur d’alertes au vu des situations catastrophiques que j’observe depuis plusieurs années en Alaska et dans nos Alpes. Comme je ne cesse de le répéter au cours de mes interventions en public, la situation est urgente et si nos gouvernants ne se décident pas à prendre des mesures drastiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous allons droit dans le mur!
Vous trouverez l’article du Populaire du Centre en cliquant sur ce lien:
++++++++++
Ma prochaine conférence « Glaciers en péril, les effets du réchauffement climatique » aura lieu le jeudi 17 octobre 2019 à 20 heures à Aixe sur Vienne au Pôle Nature Limousin, ZA du Moulin Cheyroux.
++++++++++
Le Glacier des Bossons continue à perdre du volume…
La « Jonction » avec le Glacier de Taconnaz n’existe plus…
Le Taconnaz aura bientôt disparu….
L’Aiguille du Midi résistera-t-elle encore longtemps à la fonte du permafrost de roche?
L’Arête des Cosmiques présente des zones de fragilité
Dans la vallée, la lave torrentielle qui a surpris Chamoson (Suisse) est un exemple de la menace qui plane sur les villages de haute altitude
Au Grand Bornand (Haute-Savoie), on conserve la neige de l’hiver précédent sous une couche de sciure, au cas où, mais les canicules n’arrangent pas les choses….
Photos: C. Grandpey