N’importe quoi sur le Mont Blanc…

Un fait divers a fait la une de nombreux journaux ces derniers jours et a agacé de nombreuses personnes – dont je fais partie – qui refusent que les Alpes, le Mont Blanc en particulier, soient souillées par des imbéciles.

Epuisé par l’effort et l’altitude, contraint par la météo, un membre de l’armée britannique a abandonné son rameur à 4.362 mètres au Refuge Vallot, un abri de détresse inutilisé en temps normal. Quelques 26 kg de ferraille ont ainsi été laissés au beau milieu d’un site classé.

En apprenant cette nouvelle indélicatesse sur le massif du Mont Blanc, le maire de Saint Gervais a vu rouge. En juin, deux touristes suisses s’étaient déjà posés en avion à 4.450 mètres pour finir à pied vers le sommet, avant d’être interceptés par les gendarmes français et s’acquitter d’une amende de seulement 38 euros. Au même moment, un alpiniste allemand a monté «de force» et en pleine nuit son chien. L’animal est redescendu en vie mais les «pattes ensanglantées. A tout cela s’ajoutent les nombreux alpinistes qui escaladent chaque année le plus haut sommet d’Europe occidentale dans de mauvaises conditions de sécurité ou de préservation de l’environnement.

Le premier magistrat de St Gervais a fustigé ces délits successifs. Il a décidé de rendre publiques ces marques «d’irrespect» avec une lettre ouverte à Emmanuel Macron, dans laquelle il demande de «faire écrire et voter sans délai la réglementation qui permette dès 2020 de sanctionner sévèrement tous les hurluberlus qui y contreviendraient et restaurer ainsi la paix au Mont-Blanc». Si rien n’est fait, ce joyau des Alpes, déjà menacé par le réchauffement climatique, est en passe de devenir un «parc d’attraction national où chacun pourra admirer des otaries jonglant avec des ballons ou y tirer de beaux feux d’artifice», ce qui entraînerait le «déclassement de ce site classé». Il suffirait que Marcel Campion vienne installer sa Grande Roue au sommet du Mont Blanc pour que le spectacle soit complet !

Pour améliorer la situation, limiter la sur-fréquentation et les incivilités, les autorités locales ont pris fin mai un arrêté obligeant toutes les personnes entreprenant l’ascension par la voie dite «normale» à être en possession d’une réservation en bonne et due forme dans l’un des trois refuges officiels du parcours. C’est moins pire qu’avant, mais il reste beaucoup à faire pour que le Mont Blanc retrouve sa sérénité…

S’agissant du membre de l’armée britannique, il a essayé de se justifier et expliqué qu’il réalise ce type d’ « exploit » pour lever des fonds pour des associations de soutien aux vétérans. La fenêtre de beau temps semblant se refermer, il a pris la décision de « déposer le rameur dans l’abri » Vallot pour finir l’ascension et redescendre en sécurité. Il comptait bien remonter pour finir son projet et récupérer le rameur quand la polémique a commencé à prendre de l’ampleur. Il a démenti toute mauvaise intention et espérait encore pouvoir terminer son projet avant la fin de la saison. A ce stade, il a récolté près de 12.200 livres (environ 13.500 euros) pour ses associations partenaires.

Evaluant le coût de la descente du rameur à 1800 euros, la mairie de Saint Gervais promet d’envoyer la facture à l’Ambassade de Grande Bretagne.

Source : Synthèse d’articles parus dans la presse française.

Photo: C. Grandpey

Nouvelles mesures pour faire face à la fonte des Alpes

Il y a quelques années, les gens souriaient gentiment quand je leur expliquais que les glaciers d’Alaska fondaient à une vitesse incroyable et que ceux des Alpes allaient suivre la même voie. Aujourd’hui, leur réaction est différente. Une prise de conscience de la gravité de la situation glaciaire semble se faire jour et je suis de plus en plus sollicité pour présenter ma conférence « Glaciers en péril, les effets du réchauffement climatique ».

Il est vrai que les médias diffusent de plus en plus de reportages et que les publications scientifiques sont prises de plus en plus au sérieux. Par exemple, dans un nouvel article publié dans la revue La Météorologie, des scientifiques montrent que « pour un scénario climatique intermédiaire avec réduction des émissions de gaz à effet de serre avant la fin du 21ème siècle, les simulations indiquent que le glacier d’Argentière devrait disparaître vers la fin du 21ème siècle et la surface de la Mer de Glace pourrait diminuer de 80 % ». Les chercheurs ajoutent que « dans l’hypothèse la plus pessimiste d’une croissance ininterrompue des émissions de gaz à effet de serre, la Mer de Glace pourrait disparaître avant 2100 et le glacier d’Argentière une vingtaine d’années plus tôt ». Depuis le début du 20ème siècle, le glacier d’Argentière et la Mer de Glace ont déjà perdu respectivement 38 et 50 mètres d’épaisseur de glace en moyenne sur toute leur surface, ce qui représente respectivement 25 et 32 % de leurs épaisseurs moyennes.

Début août 2019, une autre étude sur les évolutions climatiques dans le massif du Mont-Blanc à horizon 2050 n’était pas plus optimiste. Les chercheurs rappellent que « les températures annuelles moyennes ont augmenté de +2 °C depuis la fin du 19ème siècle », surtout au printemps et en été, en particulier depuis la fin des années 1980, avec une fréquence et une intensité des journées caniculaires elle aussi à la hausse, surtout depuis le début des années 2000. Selon les auteurs de l’étude, « la conjonction de températures plus élevées et de précipitations réduites pendant la période estivale entraînera des canicules plus fréquentes et intenses ainsi qu’un risque de sécheresse plus important. Il est probable qu’à 2500 mètres d’altitude, on passe de quatre mois dans l’année avec des températures inférieures à 0° C à seulement trois, voire deux dans un scénario pessimiste.

Les glaciers français ne seront pas les seuls à subir les effets de la hausse des températures. En Suisse, le glacier d’Aletsch devrait perdre 90 % de sa masse d’ici 2100, comme le reste des glaciers suisses.

Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, le réchauffement des montagnes s’accompagne également de la dégradation du permafrost qui « cimente les montagnes », avec comme conséquence une déstabilisation accrue des parois. Partout au cours de l’été 2019 les montagnes se sont écroulées, que ce soit dans les Dolomites, les Écrins ou le massif du Mont-Blanc. Après la Meije, l’arête des Cosmiques ou le dôme des Écrins l’an dernier, ce sont cet été l’arête Hörnli, l’éperon Walker, la Tour Ronde ou le cirque Maudit qui s’effritent au fil des mois. À l’échelle du massif du Mont-Blanc, 80 écroulements ont été recensés depuis le début de l’été 2019. Si les accidents ne seront pas forcément plus fréquents dans les années à venir, les risques vont se multiplier dans le temps et dans l’espace.

Un « plan climat » vient d’être dévoilé par la Vallée de Chamonix Mont-Blanc pour faire face à la nouvelle situation créée dans les Alpes par le réchauffement climatique. Une série de 7 mesures est prévue d’ici 2021 pour concilier fréquentation touristique et préservation de l’environnement : rénovation des refuges, modification de l’ouverture des remontées mécaniques, surveillance d’équipements, sécurisation des itinéraires d’accès aux refuges, transformation du site du Montenvers, investissement dans la recherche et dans la sécurité. Au total, 32 millions d’euros sont prévus par la mairie de Chamonix pour les quatre prochaines années.

Source : Montagnes Magazine.

La Mer de Glace, le glacier d’Argentière et celui d’Aletsch sont sous la menace du réchauffement climatique (Photos: C. Grandpey)