Le Gulf Stream s’arrêtera-t-il ? Pas si sûr ! // Will the Gulf Stream stop ? Not so sure !

Dans ma note précédente intitulée « Et si le Gulf Stream s’arrêtait ? », j’ai expliqué que les scientifiques craignent que le réchauffement climatique puisse stopper la circulation méridionale de retournement de l’Atlantique (AMOC), cruciale pour transporter la chaleur des tropiques vers les latitudes septentrionales. Un tel arrêt aurait inévitablement de graves conséquences. La circulation atlantique s’est déjà considérablement ralentie dans un passé lointain. Durant les périodes glaciaires, lorsque les calottes qui recouvraient une grande partie de la planète fondaient, l’apport en eau douce ralentissait déjà la circulation atlantique, déclenchant d’énormes fluctuations climatiques. Aujourd’hui, personne ne sait si ni quand la circulation atlantique atteindra un point de non-retour. Les observations ne remontent pas assez loin dans le temps pour fournir un résultat clair.
Une nouvelle étude, publiée dans la revue Science, explique que même si le Groenland perd effectivement d’énormes et inquiétantes quantités de glace à l’heure actuelle, cela ne continuera probablement pas assez longtemps pour affecter, voire stopper, l’AMOC.
L’étude nous rappelle que l’AMOC distribue la chaleur et les nutriments, de la même façon que le système circulatoire humain distribue la chaleur et les nutriments dans tout le corps. L’eau chaude des tropiques circule vers le nord le long de la côte atlantique des États-Unis avant de traverser l’océan. À mesure qu’une partie de l’eau chaude s’évapore et que l’eau de surface se refroidit, elle devient plus salée et plus dense. Cette eau plus dense s’enfonce. Plus froide et plus dense, elle circule vers le sud en profondeur. Les variations de chaleur et de salinité alimentent le tapis roulant que représente le système. Si le système de circulation atlantique s’affaiblissait, cela pourrait conduire à un chaos climatique dans le monde.
Les calottes glaciaires sont constituées d’eau douce, de sorte que le vêlage rapide des icebergs dans l’océan Atlantique est susceptible de réduire la salinité de ce dernier et ralentir le fonctionnement du système. Si les eaux de surface ne parviennent plus à s’enfoncer profondément et que la circulation s’arrête, un refroidissement catastrophique se produira inévitablement en Europe et en Amérique du Nord. La forêt tropicale amazonienne et la région africaine du Sahel deviendront plus sèches ; le réchauffement et la fonte de l’Antarctique s’accéléreront, le tout en quelques années, voire quelques décennies.
Aujourd’hui, la calotte glaciaire du Groenland fond rapidement et certains scientifiques craignent que l’AMOC se dirige vers un point de non-retour climatique au cours de ce siècle. Cette inquiétude est-elle justifiée ?
Pour répondre à la question, les auteurs de la nouvelle étude sont remontés aux années 1980. À cette époque, un jeune scientifique nommé Hartmut Heinrich et ses collègues ont extrait des carottes de sédiments des fonds marins pour savoir si les déchets nucléaires pourraient être enfouis en toute sécurité dans les profondeurs de l’Atlantique Nord. Heinrich a observé dans les carottes plusieurs couches contenant de nombreux grains et fragments de roche provenant du substrat rocheux.
Les grains étaient trop gros pour avoir été transportés au milieu de l’océan par le seul vent ou les courants océaniques. Heinrich s’est rendu compte qu’ils avaient été probablement amenés là par des icebergs suite à leur frottement sur le substrat rocheux au moment où ils étaient encore des glaciers terrestres. Les couches contenant le plus de roches et de débris remontent probablement à une époque où les icebergs étaient particulièrement nombreux, suite à un affaiblissement du système de courants atlantiques. Ces périodes sont aujourd’hui connues sous le nom d’« événements Heinrich. » En mesurant les isotopes de l’uranium dans les sédiments, les paléoclimatologues ont pu déterminer la quantité de dépôts sédimentaires laissés derrière eux par les icebergs. Cette quantité de débris leur a permis d’estimer la quantité d’eau douce que ces icebergs ont ajoutée à l’océan et de la comparer avec celle d’aujourd’hui pour essayer de savoir si l’histoire pourrait se répéter dans un avenir proche. La conclusion de l’étude est que cela est peu probable dans les décennies à venir. En effet, même si le Groenland perd actuellement d’énormes volumes de glace, cette perte ne se poursuivra probablement pas pendant assez longtemps pour arrêter l’AMOC.
Les icebergs sont beaucoup plus susceptibles de perturber l’AMOC que l’eau de fonte provenant des glaciers terrestres, essentiellement parce qu’ils peuvent transporter de l’eau douce directement vers les endroits où le courant s’enfonce dans les profondeurs. Cependant, le réchauffement des prochaines années fera reculer et éloignera trop la calotte glaciaire du Groenland de la côte pour que les icebergs puissent fournir suffisamment d’eau douce.
La force de l’AMOC devrait diminuer de 24 % à 39 % d’ici 2100. À ce moment-là, la formation d’icebergs au Groenland s’approchera des « événements Heinrich » les plus faibles du passé.
Plus que les icebergs, ce sont les eaux de fonte qui se déversent dans l’Atlantique en bordure du Groenland qui devraient devenir la principale cause de l’amincissement de l’île. L’eau de fonte envoie toujours de l’eau douce dans l’océan, mais elle se mélange à l’eau de mer et a tendance à se déplacer le long de la côte. Elle ne refroidit donc pas directement l’océan comme le font les icebergs. L’AMOC pourrait certes être en danger, mais l’histoire montre que le risque n’est pas aussi imminent que certains le craignent.
Source  : The Conversation via Yahoo Actualités.

Bouleversement de l’AMOC si un ralentissement de la circulation thermoaline se produisait (Source : GIEC)

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In my previous post entitled « What if the Gulf Stream stopped ? », I explained that scientists fear that global warming may shut down the Atlantic Meridional Overturning Circulation (AMOC) which is crucial for carrying heat from the tropics to the northern latitudes. Such a shutdown would inevitably have severe consequences. The Atlantic circulation already slowed significantly in the distant past. During glacial periods when ice sheets that covered large parts of the planet were melting, the influx of fresh water slowed the Atlantic circulation, triggering huge climate fluctuations. Today, nobody knows if, or when the Atlantic circulation will reach a tipping point. Observations don’t go back far enough to provide a clear result.

Anew research, published in the journal Science, suggests that while Greenland is indeed losing huge and worrisome volumes of ice right now, that might not continue for long enough to shut down the AMOC.

The study reminds us that the Atlantic current system distributes heat and nutrients on a global scale, much like the human circulatory system distributes heat and nutrients around the body. Warm water from the tropics circulates northward along the U.S. Atlantic coast before crossing the Atlantic. As some of the warm water evaporates and the surface water cools, it becomes saltier and denser. Denser water sinks, and this colder, denser water circulates back south at depth. The variations in heat and salinity fuel the pumping heart of the system. If the Atlantic circulation system weakened, it could lead to a world of climate chaos.

Ice sheets are made of fresh water, so the rapid release of icebergs into the Atlantic Ocean can lower the ocean’s salinity and slow the pumping heart. If the surface water is no longer able to sink deep and the circulation collapses, dramatic cooling would likely occur across Europe and North America. Both the Amazon rain forest and Africa’s Sahel region would become dryer, and Antarctica’s warming and melting would accelerate, all in a matter of years to decades.

Today, the Greenland ice sheet is melting rapidly, and some scientists worry that the Atlantic current system may be headed for a climate tipping point this century. But is that worry warranted?

To answer the question, the new study goes back to the 1980s. By that time, a junior scientist named Hartmut Heinrich and his colleagues extracted a series of deep-sea sediment cores from the ocean floor to study whether nuclear waste could be safely buried in the deep North Atlantic. Heinrich found several layers with lots of mineral grains and rock fragments from land.

The sediment grains were too large to have been carried to the middle of the ocean by the wind or ocean currents alone. Heinrich realized they must have been brought there by icebergs, which had picked up the rock and mineral when the icebergs were still part of glaciers on land. The layers with the most rock and mineral debris probably dated back to a time when the icebergs came out in force, coincided with severe weakening of the Atlantic current system. Those periods are now known as Heinrich events. By measuring uranium isotopes in the sediments, paleoclimate scientists were able to determine the deposition rate of sediments dropped by icebergs. The amount of debris allowed them to estimate how much fresh water those icebergs added to the ocean and compare it with today to assess whether history might repeat itself in the near future.The conclusion of the study is that it is unlikely in the coming decades. Indeed, while Greenland is losing huge volumes of ice right now the ice loss will likely not continue for long enough to shut down the current on its own.

Icebergs are much more effective at disrupting the current than meltwater from land, in part because they can carry fresh water directly out to the locations where the current sinks. Future warming, however, will force the Greenland ice sheet to recede away from the coast too soon to deliver enough fresh water by iceberg.

The strength of the AMOC, is projected to decline 24% to 39% by 2100. By then, Greenland’s iceberg formation will be closer to the weakest Heinrich events of the past.

Instead of icebergs, meltwater pouring into the Atlantic at the island’s edge is projected to become the leading cause of Greenland’s thinning. Meltwater still sends fresh water into the ocean, but it mixes with seawater and tends to move along the coast rather than directly freshening the open ocean as drifting icebergs do. The Earth’s pumping heart could still be at risk, but history suggests that the risk is not as imminent as some people fear.

Source : The Conversation via Yahoo News.

Icebergs

On parle beaucoup d’icebergs en ce moment, suite au récent vêlage de deux mastodontes en Antarctique. France 3 Limousin m’a demandé de donner quelques explications le 8 mars au cours du 12-13, mais le temps qui m’était imparti ne m’a pas permis de dire grand-chose. Voici donc quelques informations supplémentaires.

Il faut tout d’abord rappeler que la production – ou vêlage – d’icebergs n’est pas un fait nouveau. Depuis la nuit des temps, des milliers de blocs de glace quittent la banquise ou se détachent de glaciers venant finir leur course dans un lac ou dans la mer.

92% du volume d’un iceberg est situé sous la surface de l’eau. Ainsi, un grand iceberg tabulaire dépassant de 35 à 40 m au-dessus de la surface de l’océan a une partie immergée pouvant descendre jusqu’à plus de 300 m de profondeur.

La flottabilité de l’iceberg s’explique par la célèbre poussée d’Archimède, un principe que beaucoup d’entre nous ont appris par cœur sur les bancs de l’école : « Tout corps plongé dans un fluide subit une force verticale, dirigée de bas en haut et opposée au poids du volume de fluide déplacé. ». La pression étant plus forte sur la partie inférieure d’un objet immergé que sur sa partie supérieure, il en résulte une poussée globalement verticale orientée vers le haut.

Les icebergs sont classés en fonction de leur taille et de la forme de leur partie visible. Ils peuvent être tabulaires, trapus, biseautés, etc. Lors des grandes compétitions comme le Vendée Globe qui transitent par les mers du sud, les navigateurs redoutent les growlers, petits icebergs difficilement décelables par les radars et qui peuvent causer de gros dégâts aux bateaux. C’est pour cela qu’il y a interdiction de naviguer en dessous d’une certaine latitude.

Les icebergs arborent souvent des couleurs magnifiques qui vont du blanc au bleu profond. Certains présentent des zébrures de teinte foncée correspondant à des formations géologiques comme d’anciennes couches de cendre volcanique ou des inclusions de moraines.

L’approche du front des glaciers, là où se produisent des vêlages d’icebergs, doit se faire avec grande prudence, surtout si l’on se trouve à bord d’une embarcation légère comme un kayak. Certains effondrements déclenchent de très grosses vagues capables de renverser un bateau qui se serait approché trop près.

Les icebergs présentent un réel danger pour la navigation comme l’a montré le naufrage du Titanic, intervenu lors de la collision avec un iceberg le 14 avril 1912. Dans les années qui ont suivi, plusieurs organismes ont été créés pour l’étude et la surveillance des icebergs dans les deux hémisphères.

Les icebergs sont identifiables par leurs noms. La première lettre fait référence à leur région d’origine. Ainsi, un iceberg dont première lettre est A provient du 1er quadrant entre 0° et 90° de longitude ouest (mer de Bellingshausen et mer de Weddell). Le nombre qui suit la lettre est son classement dans l’ordre de vêlage. Par exemple, l’iceberg B-15, issu de la plateforme glaciaire de Ross, est le quinzième iceberg suivi par le National Ice Center qui contrôle la région. Par la suite, lorsqu’un iceberg géant se fragmente, chaque fragment est affecté du code de l’iceberg d’origine, suivi d’une lettre. Ainsi, l’A-68a (iceberg d’origine) a accouché de petits ayant pour appellation A-68 b, c, d, e, etc.

Certains icebergs sont de véritables géants. Le B-15 que je viens de mentionner avait une superficie de 11 000 km2 quand il s’est détaché de la plateforme de Ross en 2000. Il mesurait 295 km de long sur 37 km de large.

Quand l’A-68 s’est détache de la plateforme Larsen C le long de la Péninsule Antarctique en juillet 2017, il avait une superficie de 5800 km2, avec une longueur de 175 km et une largeur de 50 km.

Le dernier gros iceberg – l’A-74 – s’est détaché de la plateforme antarctique de Brunt et est un peu moins volumineux que l’A-68. Il couvre quand même une surface de 1270 km2.

  Iceberg tabulaire (Crédit photo : Wikipedia)

Les icebergs ont parfois de superbes couleurs (Photo : C. Grandpey)

Icebergs de l’Antarctique // Antarctica’s icebergs

Souvenez-vous : en 2016, les télévisions du monde entier ont montré une image spectaculaire diffusée par la NASA. Il s’agissait d’une énorme fracture qui d’était ouverte dans la plate-forme glaciaire Larsen C en Antarctique occidental.

En juillet 2017, la plate-forme a fini de se fracturer et a libéré l’un des plus grands icebergs de l’histoire. Dénommé A68, on avait à l’époque, comparé sa taille à celle du département de la Lozère.

Les scientifiques du monde entier scrutent aujourd’hui ce colosse de glace qui dérive vers l’Océan Atlantique. Toutefois, les glaciologues se veulent rassurants. En effet, après avoir quitté la froideur de l’Antarctique, l’iceberg géant va se trouver confronté aux eaux océaniques plus chaudes qui devraient le faire fondre rapidement.

De plus, ce bloc de glace ne devrait pas faire monter le niveau des océans étant donné qu’il faisait partie d’une plate-forme glaciaire qui, elle-même, baigne dans l’eau de mer. On se trouve dans la configuration du glaçon qui fond lentement dans un verre.

Selon les spécialistes, A68 devrait subir le destin de l’iceberg B15, formé en 2000 dans la barrière de Ross – elle aussi en Antarctique – et qui détient le record du plus grand iceberg jamais mesuré, avec 11 000 km2. Aujourd’hui, le B15 n’a pas totalement disparu, mais il ne mesure plus que 200 km2. Il flotte près des îles Sandwich, dans l’Océan Atlantique.

En soi, l’A68 ne présente donc pas vraiment de danger. Ce que craignent les scientifiques, c’est qu’en se détachant, il ait encore davantage fragilisé la plate-forme glaciaire Larsen C qui retient actuellement les glaciers continentaux de tout l’Ouest Antarctique. Cette barrière de glace du nord-ouest de la mer de Weddell, s’étend le long de la côte orientale de la péninsule Antarctique. Elle présente une superficie de près de 50 000 km2 pour une épaisseur de glace d’environ 350 mètres. Cette protection littorale se fissure lentement depuis plusieurs années et le processus s’est brutalement accéléré depuis 2018. La fracture s’étend désormais sur 80 km et il ne reste plus que 20 km pour retenir l’étendue de glace qui se détache. En conséquence, Larsen C risque fort de perdre à très court terme une surface de plus 5 000 km²

Si un tel événement se produit – ce qui est fort probable – cela va changer fondamentalement l’aspect de la péninsule antarctique et risque de provoquer d’autres fracturations. Les scientifiques craignent que le recul de la banquise dû au réchauffement climatique ne provoque une accélération du glissement des glaciers vers la mer. Une telle situation se traduirait inévitablement par une élévation du niveau de l’eau à l’échelle mondiale.

Source : Presse scientifique internationale.

Vous pourrez lire plusieurs articles relatifs au détachement de l’iceberg A68 sur mon blog entre janvier 2017 et octobre 2018. Il vous suffit pour cela de taper A68 dans le petit moteur de recherche de la colonne de droite.

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Remember: in 2016, televisions around the world showed a spectacular NASA image with a huge fissure that had opened in the Larsen C ice shelf in Western Antarctica.
In July 2017, the ice shelf released one of the largest icebergs in history. Called A68, its size was compared at the time to that of the French department of Lozère.
Scientists around the world are now scrutinizing this huge block of ice that is drifting towards the Atlantic Ocean. However, glaciologists are reassuring. Indeed, after leaving the cold Antarctica, the giant iceberg will be confronted with warmer ocean waters which should make it melt quickly.
In addition, this block of ice should not raise the level of the oceans since it was part of an ice shelf which, itself, lies on sea water. It is like an icicle slowly melting in a glass of water.
Experts say A68’s fate will be similar to what happened to the B15 iceberg, formed in 2000 in the Ross Barrier – also in Antarctica – and which was the largest iceberg ever measured, with 11,000 square kilometres. Today, B15 has not completely disappeared, but it only measures 200 km2. It is floating near the Sandwich Islands in the Atlantic Ocean.
A68 is therefore not really dangerous. What scientists fear is that by detaching itself, it has further weakened the Larsen C ice shelf which currently holds continental glaciers all over West Antarctica. This northwestern barrier of the Weddell Sea extends along the eastern coast of the Antarctic Peninsula. It covers an area of ​​almost 50,000 km2 with an ice thickness of about 350 metres. This coastal protection has been slowly cracking for several years and the process has accelerated suddenly since 2018. The fissure now extends over 80 km and there is only a 20-km length left to retain the extent of ice that is coming off. As a result, Larsen C is likely to lose an area of ​​more than 5,000 km² in the very short term.
If such an event occurs – which is very likely – it will fundamentally change the morphology of the Antarctic Peninsula and may cause further fracturing. Scientists fear that the retreat of the ice shelf due to global warming will accelerate the slide of glaciers towards the sea. Such a situation would inevitably result in a rise in water levels worldwide.
Source: International scientific press.

You can read several articles related to the detachment of the A68 iceberg on my blog between January 2017 and October 2018. All you have to do is type A68 in the small search engine in the right-hand column.

Vue de la Péninsule antarctique et de la Barrière de Larsen (Source : Wikipedia)

Les fluctuations du glacier Jakobshavn (Groenland) // Jakobshavn Glacier’s fluctuations (Greenland)

Le projet Oceans Melting Greenland (OMG) de la NASA vient de révéler que le glacier Jakobshavn au Groenland a recommencé à grandir, au moins dans sa partie frontale. Dans une étude publiée dans Nature Geoscience, des chercheurs expliquent que depuis 2016, la glace du Jakobshavn s’est légèrement épaissie grâce aux eaux océaniques relativement froides à sa base; ce qui a provoqué un ralentissement de la fonte du glacier. On se trouve à l’inverse des 20 années écoulées pendant lesquelles le glacier s’était aminci et avait reculé. Toutefois, au vu de ce qui se passe ailleurs sur la banquise groenlandaise et des perspectives climatiques globales, ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle pour le niveau de la mer à l’échelle de la planète. En effet, malgré le fait que le Jakobshavn reprenne du volume, la calotte glaciaire du Groenland perd toujours beaucoup de glace. Le glacier ne représente qu’environ sept pour cent de cette calotte glaciaire. En conséquence, même si la croissance du glacier reprenait de plus belle, la perte de masse du reste de la calotte glaciaire l’emporterait sur sa légère expansion.
La situation actuelle du glacier Jakobshavn montre que les conséquences du changement climatique ne vont pas en ligne droite; la situation est complexe et peut comporter de fortes fluctuations. Il y a quelque temps, on pensait que, une fois que les glaciers avaient commencé à reculer, rien ne pourrait plus les arrêter, mais cela n’est plus vrai. D’autres glaciers arctiques connaissent probablement une croissance similaire. Cela suggère que le flux et le reflux des glaciers dans un monde en réchauffement est plus compliqué et plus difficile à prévoir qu’on le pensait auparavant.
Pour expliquer la croissance du glacier Jakobshavn, les scientifiques ont pris en compte une remontée récente d’eau exceptionnellement froide en provenance de l’Atlantique Nord. Le phénomène est particulièrement marqué dans la baie de Disko où, à une profondeur de 245 mètres, la température de l’eau a chuté de deux degrés Celsius depuis 2014. L’eau plus froide a permis au glacier de ralentir sa fonte et même de croître légèrement. Cettre arrivée d’eau froide n’est pas un événement isolé: grâce à l’oscillation nord-atlantique (NAO), un cycle naturel de l’Océan Atlantique qui alterne le chaud et le froid environ une fois tous les 20 ans, des eaux plus froides avancent très loin le long de la côte ouest du Groenland. Cependant, l’oscillation variera à nouveau à un moment donné et les eaux plus chaudes seront de retour.

Le projet OMG de la NASA a commencé en 2016, avec pour but d’étudier le flux et le reflux saisonniers de la glace et de prévoir l’élévation du niveau de la mer ; il s’agit maintenant de déterminer si cette hypothèse est exacte. Les scientifiques déterminent l’épaisseur de la glace en survolant le glacier et en utilisant un cartographe topographique aéroporté qui utilise un radar pour scanner et mesurer la calotte glaciaire avec une précision d’environ 90 centimètres. Alors que de nombreuses recherches climatiques se concentrent sur l’air, le projet OMG étudie l’eau et les glaciers proprement dits. L’action des courants chauds sur les glaciers qui viennent vêler dans l’océan a déjà été observée en Antarctique où 10% des glaciers côtiers sont actuellement en recul. Entre 1991 et 2016, les océans se sont réchauffés en moyenne de 60% de plus par an que ne l’avait estimé le GIEC.
Les variations subies par la glace auront des répercussions significatives, que ce soit pour l’exploitation des minerais, les routes de navigation, la pêche et les revendications stratégiques de la Chine à la Russie. Une réduction des glaciers tels que le Jakobshavn peut signifier que des icebergs moins dangereux se dirigeront vers le sud de l’Atlantique, ou que le vêlage sous l’eau donnera naissance à davantage de blocs de glace. Chaque année, le Jakobshavn déverse dans la mer plus de 20 milliards de tonnes de glace, plus que partout ailleurs dans le monde mis à part l’Antarctique. Plus de 1 000 icebergs ont dérivé en dessous de 48 degrés de latitude nord en 2017. Ils présentent souvent une taille respectable, comme celui qui a coulé le Titanic en 1912.
L’étude de la NASA conclut en nous rappelant que, même si le glacier Jakobshavn prend du volume, il contribue toujours à la montée des océans dans le monde. Le processus ne s’est pas arrêté.
Source: NASA.

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NASA’s Oceans Melting Greenland (OMG) project has just revealed that Greenland’s Jakobshavn Glacier is actually growing, at least at its edge. In a study published in Nature Geoscience, researchers report that since 2016, Jakobshavn’s ice has thickened slightly, thanks to relatively cool ocean waters at its base; this has caused the glacier to slow down its melt. This reverses the glacier’s 20-year trend of thinning and retreating. But because of what is happening elsewhere on the ice sheet, and the overall climate outlook, this is not necessarily a good thing for global sea level. Indeed, despite the fact that this particular glacier is growing, the whole Greenland ice sheet is still losing lots of ice. Jakobshavn drains only about seven percent of the entire ice sheet, so even if it were growing robustly, mass loss from the rest of the ice sheet would outweigh its slight expansion.

The current situation of Jakobshavn Glacier shows that the reality of climate change is not a straight line; it is complex and may include sharp fluctuations. Some time ago, the thinking was that glaciers start retreating and nothing is stopping them, but that notion is no longer true. Other Arctic glaciers may be undergoing similar growth. That suggests the ebb and flow of glaciers in a warming world may be more complicated and harder to predict than previously thought.

To explain why Jakobshavn Glacier is growing, the scientists point to a recent influx of unusually cold water from the north Atlantic. This has been particularly marked in Disko Bay where, at a depth of 245 metres, temperatures have dropped two degrees Celsius since 2014. That colder water has helped the glacier slow its melt and even grow slightly. This influx of cold waters is not an isolated event: Thanks to the North Atlantic Oscillation (NAO), a natural cycle in the Atlantic Ocean that switches back and forth between warm and cold about once every 20 years, cooler waters are penetrating far up the western coast of Greenland. However, the phase will switch again at some point and warmer waters will return.

NASA’s OMG, which began in 2016 to track the ice’s seasonal ebb and flow to help predict global sea-level rise, now plans to determine if that hypothesis is accurate. One way scientists determine ice thickness is by flying above the glacier and using an airborne topographic mapper, which employs radar to scan and measure the ice cap at an accuracy of about 90 centimetres. While much climate research studies the air, OMG studies the water and the glaciers themselves. The interaction of warm currents eroding ocean-facing glaciers already impacts Antarctica; 10 percent of its coastal glaciers are currently in retreat. Between 1991 and 2016, oceans warmed an average of 60 percent more per year than the Intergovernmental Panel on Climate Change has estimated.

From mineral mining to shipping lanes, fishing and strategic claims ranging from China to Russia, the change in the ice has a myriad of ripples. A reduction of ice loss in glaciers like Jakobshavn could mean less dangerous icebergs travelling south into the Atlantic, or it could mean that all the underwater calving could create more ice floes. Twenty billion tons of ice dump into the sea from Jakobshavn annually, more than anywhere besides Antarctica. Over 1,000 icebergs drifted below 48 degrees N in 2017, and they are massive, like the one that sank the Titanic in 1912.

NASA’s study conclude by reminding us that although the Jakobshavn Glacier is growing, it is still contributing to global sea rise. The process has not stopped.

Source : NASA.

Recul du glacier Jakobshavn entre 1850 et 2006 (Source: NASA)