Réchauffement climatique : risque de propagation de maladies // Global warming : risk of spreading diseases

J’ai expliqué dans plusieurs notes sur ce blog que le dégel du pergélisol peut avoir des conséquences désastreuses pour les populations qui vivent dans la toundra, avec un risque de contamination par de nouvelles maladies. Selon l’Agence de protection de l’environnement (EPA), les températures du pergélisol en Alaska ont augmenté en moyenne de 0,3 °C par décennie entre 1978 et 2023. Le dégel du permafrost peut avoir des répercussions à l’échelle mondiale. Lorsque des microbes ne sont plus emprisonnés dans leur gangue de glace, ils commencent à consommer de la matière organique et générer des gaz comme le méthane et le dioxyde de carbone. Plus ces gaz – qui contribuent au réchauffement climatique – sont libérés dans notre atmosphère, plus ils risquent d’accentuer la hausse des températures et contribuer ainsi, à la fonte des glaces.
Une étude publiée dans la revue Science of the Total Environment en décembre 2024 prévient qu’avec l’accélération du réchauffement climatique dans la région, l’Arctique pourrait devenir un lieu de transmission de maladies de l’animal à l’homme. Les auteurs de l’étude expliquent qu’avec la fonte des glaces davantage de zoonoses seront amenés à se propager. Les zoonoses sont des maladies infectieuses transmissibles des animaux aux humains. Les chercheurs soulignent plusieurs facteurs qui font de l’Arctique une zone préoccupante en matière de zoonoses. La hausse des températures à l’échelle de la planète pourrait les lier les uns aux autres et les amplifier.
Avec la disparition des calottes glaciaires, les humains et la faune sauvage sont confrontés à des problèmes tels que l’élévation du niveau de la mer et les effets connexes de la perte d’habitat et de biodiversité. Ainsi, lorsque les espèces qui ont besoin de glace solide pour vivre, se reproduire et chasser perdent leurs territoires à cause de la fonte, leurs populations déclinent, ce qui a également des répercussions en aval de la chaîne alimentaire.
La perte d’habitat et de biodiversité peut également favoriser la propagation de maladies en augmentant les interactions entre les animaux et les humains. De plus, les scientifiques pensent que la perte de biodiversité peut signifier que les espèces restantes sont les plus résistantes et, par conséquent, celles qui sont le plus susceptibles de transmettre les maladies infectieuses.
Nous savons déjà que les effets de la fonte des glaces de l’Arctique se font sentir à l’échelle mondiale. Elle peut avoir un impact au niveau du climat, avec le potentiel de provoquer des phénomènes météorologiques extrêmes partout dans le monde. Les auteurs de l’étude ont écrit que « les habitants de l’Arctique sont souvent en contact étroit avec la faune sauvage et en dépendent pour leur subsistance ». Au final, les ressources alimentaires pourraient constituer une autre voie de transmission d’agents pathogènes, déjà favorisée par la perte d’habitat, la perte de biodiversité et le dégel du pergélisol.
L’étude souligne également que les maladies originaires de la région « ont un potentiel de propagation globale plus important que jamais ». Cela signifie que le monde entier pourrait être touché par une pandémie.
En conclusion, l’étude appelle à une intensification de la surveillance et de la protection de l’Arctique. Elle souligne l’importance d’intégrer les savoirs traditionnels autochtones. Les auteurs insistent également sur l’importance des campagnes de santé publique et de l’amélioration des infrastructures pour informer et soutenir les personnes susceptibles d’être touchées en premier.
Source : Science of The Total Environment, Volume 957, 20 décembre 2024, 176869.
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969724070268?via%3Dihub

 

Voies potentielles de transmission du parasite zoonotique Toxoplasma gondii dans l’Arctique, en mettant l’accent sur les espèces sauvages en liberté et l’environnement partagé (document issu de l’étude)

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I have explained in several posts that the thawing of the permafrost can have disastrous consequences for the populations that live in the tundra, with the risk of contamination by new diseases. According to the Environmental Protection Agency, permafrost temperatures in Alaska have increased at an average rate of 0.6°F (.3°C) per decade from 1978 to 2023. Thawing permafrost can affect the whole world more globally. When microbes newly unlocked from their deep freeze begin to consume organic matter, they can produce gases like methane and carbon dioxide. The more this heat-trapping pollution is released into our atmosphere, the more we are likely yo be confronted with the rising temperatures that cause ice melt in the first place.

A study published in the journal Science of the Total Environment in December 2024 warns that with the acceleration of global warming in the region, the Arctic could increasingly become the site of animal-to-human disease transfer. As the ice melts, the authors of the study explain that more zoonoses may spread. Zoonoses are infectious diseases that can be transmitted from animals to humans The researchers outline several factors that make the Arctic an area of concern when it comes to zoonoses. Rising global temperatures have the potential to connect and amplify them all.

As ice sheets disappear, humans and wildlife face issues like rising sea levels and the related effects of habitat and biodiversity loss. For example, when species that require solid ice on which to live, reproduce, and hunt lose their grounds to melting, their populations decline, with impacts further down the food chain too.

Habitat and biodiversity loss can also favour the spread of disease by increasing animal-human interactions. Additionally, scientists think that biodiversity loss can mean] that the species that remain are the most competent ones and, as such, the ones that are really good at transmitting infectious diseases.

We already know that the impacts of Arctic ice melt are felt globally. Melting ice can influence shifts in weather patterns, with the potential to cause extreme weather events everywhere.

The co-authors wrote in the study that « Arctic inhabitants are often in close contact with, and dependent on, wildlife for sustenance. » Food supplies could be another route of transmission for pathogens already given a leg up by habitat loss, biodiversity loss, and permafrost melting.

The study also notes that diseases originating in the region « have more potential to spread globally than ever before. » This means the whole world could be affected at the pandemic level.

In its conclusion, the study calls for more monitoring and protection in the Arctic, highlighting the importance of integrating traditional Indigenous knowledge. The authors also note the importance of public health campaigns and improved infrastructure to inform and support those who might be impacted first.

Source : Science of The Total Environment, Volume 957, 20 December 2024, 176869.

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969724070268?via%3Dihub

Les populations après l’éruption du Toba (Indonésie) // Populations after the Toba eruption (Indonesia)

Il y a 75 000 ans, une super éruption a secoué le Mont Toba à Sumatra (Indonésie), sur le site occupé par le Lac Toba d’aujourd’hui. Ce fut l’une des plus puissantes éruptions sur Terre. Les chercheurs expliquent que cet événement a provoqué un hiver volcanique de six à dix ans à l’échelle de la planète et un probable épisode de refroidissement de 1000 ans.
Dans les années 1990, plusieurs scientifiques ont suggéré que l’éruption avait pu être suffisamment importante pour anéantir la majorité des premiers humains vivant à l’époque, ralentissant ainsi l’extension de l’humanité. En 1993, la journaliste scientifique Ann Gibbons a expliqué qu’un « goulot d’étranglement de la population » s’était produit dans l’évolution de l’espèce humaine il y a environ 70 000 ans, et elle a avancé l’hypothèse selon laquelle cela était dû à l’éruption. Un géologue de l’Université de New York et un volcanologue de l’Université d’Hawaï sont allés dans le sens de cette hypothèse. En 1998, la théorie du « goulot d’étranglement » a été confirmée par un anthropologue de l’Université de l’Illinois.

Selon une nouvelle étude qui vient d’être publiée dans la revue Nature Communications, il existe des preuves que des Homo sapiens migraient avant, pendant et après l’éruption.
Comme écrit précédemment, l’éruption explosive, que l’on estime 5000 fois plus puissante que celle du Mont Saint-Helens en 1980, aurait créé un hiver volcanique avec un impact sur la propagation l’espèce humaine à cette époque. Si tel était le cas, l’événement aurait anéanti les humains présents, leurs ancêtres et les populations animales à travers l’Asie. La nouvelle étude montre que la situation n’a peut-être pas été aussi désastreuse.
Des chercheurs qui ont travaillé sur le site de Dhaba dans la vallée de la rivière Middle Son, dans le centre de l’Inde, ont découvert des preuves que les humains occupaient le site de manière permanente depuis 80 000 ans. Les outils en pierre trouvés sur le site sont par ailleurs semblables à ceux associés aux êtres humains du Middle Stone Age* en Afrique et même en Australie, ce qui laisse supposer qu’ils ont tous été forgés pendant la migration d’Homo sapiens. La découverte des outils montre également que les Homo sapiens vivaient en Asie plus tôt qu’on le pensait. Le fait que ces ensembles d’outils n’aient pas disparu au moment de la super éruption du Toba, ou aient changé de façon spectaculaire peu de temps après cet événement, démontre que les populations ont survécu à la soi-disant catastrophe et ont continué à créer des outils pour modifier leur environnement.
La découverte des outils met en évidence la résistance et la ténacité des communautés de chasseurs-cueilleurs qui ont su s’adapter malgré les bouleversements subis par leur environnement après l’un des plus grands événements volcaniques des deux derniers millions d’années.
Cependant, cette situation n’a pas eu des effets à long terme. Ainsi, les humains qui ont survécu à l’éruption ne se sont pas suffisamment développés pour pouvoir contribuer au pool génétique actuel. Ils ont probablement été confrontés à d’autres défis et à la période glaciaire qui a suivi l’éruption.
Les résultats de la dernière étude apportent une nouvelle lumière sur l’arrivée des humains en Inde ; en effet, jusqu’à présent, aucun reste humain de cette période n’a été retrouvé dans la région.
Des études récentes indiquent que les humains tels que nous les connaissons auraient migré d’Afrique il y a entre 52 000 et 70 000 ans. Les fossiles et les outils en pierre commencent à nous montrer où et quand  ils se sont retrouvés, avec en particulier une présence humaine en Chine avant 80000 ans, en Asie du Sud-Est entre 63000 et 73000 ans, ainsi qu’en Australie il y a 65000 ans. L’Australie marque la fin de «l’arc sud» de la dispersion de la migration, ce qui – selon l’étude – signifie que l’Homo sapiens se trouvait auparavant en Asie du Sud. «La localité de Dhaba constitue un point de liaison important entre des régions avec une archéologie similaire à l’est et à l’ouest.»
Source: Presse scientifique américaine.

* L’expression Middle Stone Age désigne un ensemble d’industries lithiques préhistoriques trouvées en Afrique australe et orientale, plus ou moins contemporaines des industries du Paléolithique moyen identifiées en Afrique du Nord, en Europe, et en Asie.

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75,000 years ago, a super eruption shook Mount Toba in Sumatra (Indonesia), at the site of today’s Lake Toba. It was one of the Earth’s largest known eruptions. Researchers explained that rhe event caused a global volcanic winter of six to ten years and possibly a 1,000-year-long cooling episode.

In the 1990s, several scientists suspected the eruption had beenlarge enough to wipe out a majority of early humans living at the time, slowing down the spread of humanity. In 1993, science journalist Ann Gibbons explained that a population bottleneck occurred in human evolution about 70,000 years ago, and she suggested that this was caused by the eruption. A geologist of New York University and a volcanologist of the University of Hawaii supported her suggestion. In 1998, the bottleneck theory was further developed by an anthropologist of the University of Illinois.

According to a new study just published in the journal Nature Communications, there is evidence that Homo sapiens were migrating before, during and after the eruption.

As I put it before, the explosive event, which was estimated to be 5,000 times more massive than the 1980 Mount St. Helens eruption, is thought to have created a volcanic winter that impacted the spread of ancient humans. If true, this would have devastated humans, human ancestors and animal populations across Asia. However, the new study shows that the situation may not have been that dire.

Researchers investigating a site called Dhaba in Central India’s Middle Son River Valley uncovered evidence revealing that humans have occupied the site continuously for the last 80,000 years. Stone tools found at the site are also similar to those associated with Middle Stone Age* humans in Africa and even Australia, suggesting that they were all forged by migrating Homo sapiens. The discovery of the tools also suggests that Homo sapiens were living in Asia earlier than expected. The fact that these toolkits did not disappear at the time of the Toba super-eruption, or change dramatically soon after, indicates that human populations survived the so-called catastrophe and continued to create tools to modify their environments.

The discovery of the tools showcases the tenacity of hunter-gatherer communities who adapted despite changes in their environment after one of the largest volcanic events to occur during the last two million years.

However, this was not a lasting legacy. For example, the humans who survived this event did not thrive enough to the point that they contributed to the current gene pool. They likely suffered due to other challenges and the glacial period that followed the eruption.

The findings have a larger implication for the arrival of humans in India because so far no human remains from this time period have been recovered in the area.

Recent studies suggest that modern humans migrated from Africa between 52,000 to 70,000 years ago. Fossil and stone tool evidence is beginning to show where they ended up and when, including a human presence in China before 80,000 years ago, Southeast Asia between 63,000 and 73,000 years ago, as well as Australia by 65,000 years ago. Australia marks the end of the “southern arc” of the migration dispersal, meaning that Homo sapiens were in South Asia beforehand, according to the study. “The Dhaba locality serves as an important bridge linking regions with similar archeology to the east and west.”

Source: U.S. scientific press.

The Middle Stone Age was a period of African prehistory between the Early Stone Age and the Later Stone Age.  It is generally considered to have begun around 280,000 years ago and ended around 50–25,000 years ago.

Site de l’éruption du Toba vu depuis l’espace (Source: NASA)

 

Des ours et des hommes // Of bears and men

drapeau francaisLors de la projection de mes documents sur les ours ou pendant les séances de dédicaces de l’ouvrage Dans les Pas de l’Ours, on me demande souvent si je me suis approché très près des plantigrades et si une rencontre avec un ours est dangereuse. J’ai eu effectivement l’occasion de m’approcher des ours (probablement un peu trop près certaines fois !) mais je me suis toujours efforcé d’appliquer les mesures de sécurité qui m’ont été enseignées par les rangers lorsque je suis allé dans le Katmai, région perdue au cœur de l’Alaska.

Chaque année, des gens se font tuer par les ours, que ce soit en Alaska ou dans les Montagnes Rocheuses canadiennes et américaines, y compris dans le Parc National de Yellowstone Les derniers chiffres semblent indiquer que les attaques d’ours sont en hausse, et la plupart des scientifiques conviennent que la cohabitation entre l’homme et l’ours va devenir de plus en plus difficile. Un article d’un journal du Wyoming écrit en septembre 2014 fait remarquer que le nombre d’attaques d’ours dans le Wyoming entre janvier et septembre 2014 était déjà à peu près égal au nombre d’accidents de ce type signalés pendant une année. En ce qui concerne les ours noirs, une étude a révélé que 86% des attaques mortelles enregistrées entre 1900 et 2009 se sont produites après 1960.
L’explication est simple: Il y a plus de gens, plus d’ours, et donc plus de personnes vivant dans le monde des ours. Les scientifiques fournissent une explication identique pour le nombre de plus en plus important d’attaques de requins.
Bien que les ours semblent assez bien s’adapter à la présence des humains, les scientifiques expliquent que les humains sont moins tolérants. Selon eux, la solution consiste à apprendre aux gens à cohabiter en toute sécurité avec les ours dans les régions où la population de plantigrades est importante ou grandissante. Ils ont constaté que les attaques contre les humains ont certes augmenté, mais elles restent des «événements extrêmement rares». C’est la couverture médiatique qui donne l’impression qu’elles sont devenues plus fréquentes, ce qui engendre une augmentation de la peur et des attitudes négatives envers les animaux. La responsabilité de l’homme a été engagée dans près de la moitié (47,6 pour cent) des attaques recensées. Dans l’ordre, les cinq comportements humains les plus courants conduisant à une attaque d’ours sont : (1) les enfants laissés sans surveillance parentale, (2) une promenade avec un chien non tenu en laisse, (3) la rencontre avec une charogne pendant une partie de chasse, (4) la participation à des activités de plein air au crépuscule ou pendant la nuit et (5) l’approche d’une ourse avec ses oursons.
Source: Alaska Dispatch News.

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drapeau anglaisWhen projecting my documents on the bears or during the signings of the book Dans les Pas de l’Ours, I am often asked if I had close encounters with the plantigrades and if getting close to a bear is dangerous. I actually had the opportunity to approach the bears (probably a little too close at times!) But I have always tried to apply safety measures that were taught to me by the rangers when I visited Katmai, a remote region in Alaska.

Each year, people get killed by the bears, whether in Alaska or in the Canadian or American Rocky Mountains, including Yellowstone National Park The recent numbers seem to suggest that bear attacks are on the rise, and most scientists agree that the tension between man and bear will continue to grow. An article from a Wyoming newspaper written in September 2014 already noted that the number of bear attacks in Wyoming between January and September 2014 was roughly equal to the average number of reported incidents in a year. With regard to black bears, one study found that 86% of all fatal recorded black bear attacks between 1900 and 2009 happened after 1960.

The explanation is simple: There are more people, more bears, and more people living in bear habitat. Experts provide a similar explanation for the rising number of shark attacks.

While bears seem to be adapting well to living near humans, scientists say that humans are less accommodating. For most experts, the solution is to educate the public in areas that have high or growing bear populations on how to safely coexist with the bears. They found that while attacks on humans by large carnivores were increasing, they remained « extremely rare events, » made to seem more common by hyped media coverage, « causing increased fear and negative attitudes towards coexisting with and conserving these species. Risk-enhancing human behaviour has been involved in nearly half of the well-documented attacks (47.6 percent). From highest to lowest, the five most common human behaviours occurring at the time of an attack were (a) parents leaving children unattended, (b) walking an unleashed dog, (c) searching for a wounded large carnivore during hunting, (d) engaging in outdoor activities at twilight/night and (e) approaching a female with young.

Source : Alaska Dispatch News.

Ourse-blog

Oursons Valdez_modifié-1

Photo réalisée depuis la route avec portière ouverte et moteur en marche. Je me trouvais à une quinzaine de mètres de l’ourse et ses trois oursons étaient à proximité. Il ne faut pas jouer avec le feu!

(Photos: C. Grandpey)