2025, Année des Glaciers : ne pas l’oublier ! // 2025, Year of the Glaciers : Don’t forget it!

L’être humain souffre d’un très grave défaut : il oublie. Aujourd’hui, chaque fois que survient une catastrophe, c’est toujours la même rengaine : « Du jamais vu ! » Les gens oublient que c’est la Nature qui commande et qu’elle fait payer très cher les erreurs du passé.

Les gens se souviennent-ils aujourd’hui que le 21 mars 2025 a été déclaré Journée Mondiale des Glaciers, et que 2025 a été nommée l’Année des Glaciers afin de rappeler que leur présence est essentielle à l’équilibre de la vie sur notre planète ? Malheureusement, on a vraiment l’impression que la majorité de la population se désintéresse du sujet et s’attarde sur des choses beaucoup plus frivoles.

 

Glacier d’Aletsch (Photo: C. Grandpey)

Les scientifiques nous avertissent pourtant sans cesse que les glaciers, dans de nombreuses régions du monde, ne survivront pas au 21ème siècle s’ils continuent de fondre au rythme actuel. Si une telle catastrophe se produisait, elle mettrait en péril des centaines de millions de personnes qui dépendent de l’eau de ces glaciers.
Avec les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, les glaciers représentent environ 70 % des réserves d’eau douce sur la planète. Ils sont des indicateurs du réchauffement climatique. En effet, leur taille ne varie généralement pas dans un climat stable, mais ils fondent sous l’effet de la hausse des températures provoquée par le réchauffement climatique d’origine anthropique.

Source: OMM

En 2024, les glaciers de Scandinavie, de l’archipel norvégien du Svalbard et d’Asie du Nord ont connu la plus forte perte annuelle de masse jamais enregistrée. Le long de la chaîne de montagnes de l’Hindou Kouch, longue de 800 kilomètres dans l’ouest de l’Himalaya, les moyens de subsistance de plus de 120 millions d’agriculteurs sont menacés par la fonte des glaciers.

Source : International Centre for Integrated Mountain Development (ICIMOD)

Bien que les réserves d’eau douce que représentent les glaciers semblent immenses, il est peut-être déjà trop tard pour les préserver pour les générations futures. D’importantes masses de glace pérenne disparaissent rapidement. Cinq des six dernières années ont connu le recul le plus rapide jamais enregistré. La période 2022-2024 a également connu la plus forte perte jamais observée sur trois ans. On estime que les glaciers, sans compter les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, ont perdu plus de 9 000 milliards de tonnes de masse depuis 1975. La planète a perdu 273 milliards de tonnes de glace en moyenne chaque année depuis 2000. À titre de comparaison, ces 273 milliards de tonnes de glace correspondent à peu près à la consommation d’eau de la population mondiale pendant 30 ans. Si la situation se poursuit au rythme actuel, les glaciers des Alpes ne survivront pas à ce siècle.

Glacier du Rhône (Photo: C. Grandpey)

Si les émissions de gaz à effet de serre ne ralentissent pas et que les températures augmentent au rythme actuel, d’ici fin 2100, nous perdrons 80 % des petits glaciers d’Europe, d’Afrique de l’Est, d’Indonésie et d’ailleurs.
La fonte des glaciers a des répercussions immédiates et à grande échelle sur l’économie, les écosystèmes et les zones habitées. Selon le Service mondial de surveillance des glaciers (WGMS), 25 à 30 % de l’élévation du niveau de la mer est due à la fonte des glaciers. La fonte des calottes de neige entraîne une élévation du niveau de la mer d’environ un millimètre par an, un chiffre qui peut paraître insignifiant, mais chaque millimètre inonde 200 000 à 300 000 personnes supplémentaires chaque année. Les inondations peuvent affecter les moyens de subsistance des populations et les contraindre à partir.

Photo: C. Grandpey

La Journée Mondiale des Glaciers, le 21 mars 2025, visait à sensibiliser le public au rôle crucial que jouent ces immenses fleuves de glace dans le système climatique. Le message a-t-il été reçu? Pas si sûr.
Source : Nations Unies.

NB: Certains visiteurs ont des difficultés à diffuser leurs commentaires sur ce blog. Voici ce que m’écrit en privé ce matin un Pyrénéen, fidèle lecteur de mes notes :

« Coïncidence, je copie actuellement mes souvenirs familiaux de VHS-C vers DVD puis encodage en fichier avi.
Il y a de cela 25 ans, films à l’appui (!) il était courant de trouver des névés résistants au dessus de 2000 mètres (brèche de Roland, massif du Néouvielle, et autres lieux).
Mes dernières balades depuis 2020 sont sans appel : la neige manque, les névés ont disparu, les glaciers ou ce qui en reste sont faméliques. Rappel : la cascade de Gavarnie à SEC il y a quelques mois…..
L’avenir s’annonce dur, le Ricard se boira sans eau. »

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Human beings suffer from a very serious flaw: they forget. Today, each time a disaster occurs, it’s always the same old refrain: « This has never been seen before! » People forget that Nature is leading the world and that it makes us pay dearly for the mistakes of the past.
Do people remember today that March 21, 2025, was declared World Glacier Day, and that 2025 was named the Year of the Glaciers to remind them that their presence is essential to the balance of life on our planet? Unfortunately, we really get the impression that the majority of the population is ot interested in the subject and focuses on much more frivolous matters.

Scientists repeatedly warn us that glaciers in many regions will not survive the 21st century if they keep melting at the current rate, potentially jeopardising hundreds of millions of people living downstream,

Together with ice sheets in Greenland and Antarctica, glaciers lock up about 70 per cent of the world’s freshwater reserves. They are striking indicators of global warming as they typically remain about the same size in a stable climate. But, with rising temperatures and global warming triggered by humanactivities, they are melting at unprecedented speed.

In 2024, glaciers in Scandinavia, the Norwegian archipelago of Svalbard and North Asia experienced the largest annual loss of overall mass on record. In the 800-kilometer Hindu Kush mountain range, located in the western Himalayas, the livelihoods of more than 120 million farmers are under threat from glacial loss.

Despite these vast freshwater reserves, it may already be too late to save them for future generations. Large masses of perennial ice are disappearing quickly, with five out of the past six years seeing the most rapid glacier retreat on record. The period from 2022 to 2024 also experienced the largest-ever three-year loss. It is estimated that glaciers, which do not include the Greenland and Antarctica ice sheets, have lost more than 9,000 billion tonnes of mass since 1975. The world has lost 273 billion tonnes of ice on average every year since 2000. To put that into context, 273 billion tonnes of ice lost every year corresponds about to the water intake of the entire world population for 30 years. In central Europe, almost 40 per cent of the remaining ice has melted. If this continues at the current rate, glaciers will not survive this century in the Alps.

If emissions of greenhouse gases are not slowed and the temperatures are rising at the rate they are at the moment, by the end of 2100, we are going to lose 80 per cent of the small glaciers across Europe, East Africa, Indonesia and elsewhere.

Glacial melt has immediate, large-scale repercussions for the economy, ecosystems and communities. 25 to 30 per cent of sea level rise comes from glacier melt, according to the World Glacier Monitoring Service. Melting snowcaps are causing sea levels to rise about one millimetre higher every year, a figure that might seem insignificant, yet every millimetre will flood another 200,000 to 300,000 persons every year. Floods can affect people’s livelihoods and compel them to emigrate from one place to another.

The World Day for Glaciers on 21 March 2025 aimed to raise awareness about the critical role that these massive frozen rivers of snow and ice play in the climate system. Has the message been received? Not so sure.

Source : United Nations.

Alaska: Une catastrophe glaciaire (1) // A glacial disaster (1)

drapeau-francaisJe viens de passer trois semaines en Alaska. Laissant les volcans momentanément de côté, je me suis attardé sur la situation des glaciers. J’avais pris des photos au cours de mes trois séjours précédents et il m’a donc été facile d’établir des comparaisons. J’ai déjà montré le recul spectaculaire du Columbia Glacier qui vient vêler dans le Prince William Sound. Mes propres photos, étayées par les images satellitaires de la NASA constituaient une partie de l’exposition que j’ai présentée au Festival de Montier-en-Der en novembre 2015.

Au cours du mois de septembre 2016, j’ai été surpris de constater avec quelle vitesse les glaciers remontaient dans les zones sommitales des montagnes de l’Alaska. Beaucoup d’entre eux auront disparu avant la fin de notre décennie. En particulier, je n’ai pas reconnu les langues glaciaires qui descendaient il n’y a pas si longtemps des sommets le long du Thomson Pass que la route escalade avant d’atteindre Haines.

S’agissant des glaciers plus imposants qui viennent vomir des icebergs dans les fjords, la situation est tout aussi inquiétante. Beaucoup n’atteignent plus la mer. Le Sawyer Glacier vient terminer sa course en deux branches dans le Tracy Arm, au sud-est de Juneau, la capitale de l’Alaska. Le capitaine du petit bateau qui m’a conduit devant le glacier m’a expliqué que, si la branche ouest du glacier semblait être assez stable, son homologue sud reculait à vue d’oeil. Selon lui, elle s’est raccourcie de « trois huitièmes de mile » – soit six cents mètres – en trois mois entre juin et septembre 2016.

Le glacier Beloit à côté de Whittier est sur le point de ne plus vêler. On aperçoit la roche qui constitue son soubassement et il est fort à parier que dans très peu de temps le front n’aura plus la force d’atteindre la mer.

La fonte des glaciers aura à court terme des conséquences sur la faune. Je connais une charmante rivière d’une trentaine de kilomètres de long dans le sud de l’Alaska qui prend sa source dans la montagne grâce à la fonte d’un glacier. Elle traverse ensuite un superbe lac quelques kilomètres après sa source, puis poursuit sa route en direction d’un fjord dans lequel elle vient se jeter. Jusqu’à très récemment, cette rivière regorgeait de saumons qui faisaient le bonheur des ours et des pygargues à tête blanche. Quand je me suis rendu auprès de ce cours d’eau en septembre 2016, j’ai tout de suite remarqué que la situation n’était plus la même. Suite à la fonte accélérée du glacier qui l’alimente, le débit de la rivière avait nettement baissé. L’eau n’étant plus aussi abondante, les saumons étaient aux abonnés absents et je ne les ai plus vu sauter au cours de leur remontée comme ils le faisaient précédemment. Suite  au manque de saumons, les ours se faisaient rares. Je n’ai observé que trois d’entre eux qui, astucieusement, s’étaient postés sur un poste de comptage de poissons pour trouver leur pitance. Au train où vont les choses, je pense que cette rivière va devenir rapidement un lit de galets où se faufileront quelques filets d’eau. Triste fin de vie!

Comme je l’ai écrit précédemment, les Américains ne se sentent pas vraiment responsables du réchauffement climatique. Ils semblent avoir été conditionnés (par leur gouvernement ?) à l’idée que le changement climatique est un processus naturel et seulement cela. Deux scientifiques avec lesquels j’avais rendez-vous m’ont confirmé cette impression et expliqué leurs difficultés à faire admettre la responsabilité des activités humaines dans le réchauffement global de notre planète.

Vous trouverez ci-dessous une première série de clichés montrant le triste état des glaciers sommitaux.

Ensuite, je présenterai une suite de photos montrant des glaciers qui n’ont plus la force d’atteindre l’océan.

Une troisième série montrera les glaciers qui, comme le Sawyer ou le Blackstone, viennent encore vêler (autrement dit, produire des icebergs). C’est un spectacle magnifique et impressionnant quand des effondrements se produisent sur le front du glacier. Il faut se dépêcher d’en profiter car le show glaciaire risque fort de ne pas être éternel.

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drapeau-anglaisI have just spent three weeks in Alaska. Leaving aside momentarily the world of volcanoes, I dwelt on the situation of glaciers. I had taken photos during my three previous visits and it was therefore easy to draw comparisons. I have already shown the dramatic retreat of Columbia Glacier which calves in Prince William Sound. My own photos, supported by satellite images from NASA, were a part of the exhibition that I presented at the Festival of Montier-en-Der in November 2015.
In September 2016, I was surprised to see how fast the glaciers were retreating in the summit areas of the mountains of Alaska. Many of them will be gone before the end of the decade. In particular, I did not recognize the glacial tongues that used to come down the summits along the Thomson Pass before reaching Haines.
Regarding the largest glaciers that produce icebergs in the fjords, the situation is equally worrying. Many of them no longer reach the sea. Sawyer Glacier ends up in two branches in Tracy Arm, southeast of Juneau, the capital of Alaska. The captain of the small boat that brought me to the glacier explained me that if the western branch of the glacier seemed to be fairly stable, its southern counterpart is visibly shrinking. He told me it had shortened by « three-eighths of a mile » – or six hundred meters – in the three months between June and September 2016.
Beloit glacier near Whittier is about to stop calving. One can see the rock that forms its base and it is likely that in a very short time the front of the glacier will not have the strength to reach the sea.
Melting glaciers will have short-term consequences for wildlife. I know a lovely river about thirty kilometers long in the south of Alaska, which has its source in the mountains through the melting of a glacier. It then crosses a beautiful lake a few kilometers after its source, and then moves on towards a fjord. Until very recently, the river was full of salmon that were the delight of bears and bald eagles. When I visited the river in September 2016, I immediately noticed that the situation was not the same. Due to the accelerated melting of the glacier that feeds the river, its flow had dropped significantly. Since water is not as plentiful, the salmon were no longer there and I did not see them jump during their ascent, as they did previously. Due to the lack of salmon, the bears were scarce. I observed only three of them, cleverly posted on a fish counting station to find their food. The way things are going, I think this river will quickly become a pebble bed with a few rivulets. The sad end of a life!
As I wrote earlier, Americans do not really feel responsible for global warming. They seem to have been conditioned (by their government?) to the idea that climate change is a natural process, nothing else. Two scientists I met have confirmed this impression and explained their difficulties to make people accept the responsibility of human activities in global warming.

Here is a first series of photos showing the sad situation of the summit glaciers.
Then I will present a series of photos showing glaciers that no longer have the strength to reach the ocean.
A third series will show the tidal glaciers, such as Blackstone and Sawyer, that are still calving (ie producing icebergs). This is a beautiful and impressive sight, especially when collapses occur on the glacier front. You need to hurry to enjoy it because the ice show may well not be eternal.

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Photos: C. Grandpey