Réchauffement climatique et stations de ski (suite)

En lisant la presse américaine le 2 novembre 2024, j’apprenais que la station de ski iséroise de l’Alpe du Grand Serre, à 1370 mètres d’altitude, cessait son activité et serait donc fermée l’hiver prochain. Or, en vérifiant cette information (il faut toujours vérifier ses sources) dans la presse régionale, j’ai appris que cette fermeture était repoussée d’un an. Elle devrait intervenir en septembre 2025. Située à La Morte, la station va donc pouvoir ouvrir une année supplémentaire, suite à un vote des élus locaux le 28 octobre.

La décision de fermer la station avait été prise le 4 octobre 2024. Elle subissait le même sort que d’autres telles que le Grand-Puy (Alpes-de-Haute-Provence) et Notre-Dame-du-Pré (Savoie). Ces fermetures sont dues au faible enneigement provoqué par le réchauffement climatique. Il a un impact négatif sur l’économie et menace l’existence même de ces stations. L’exploitation de la station de l’Alpe du Grand Serre affiche un déficit de 350 000 euros pour la dernière saison.

C’est grâce à une nouvelle étude du bilan financier de cette station, au soutien financier annoncé de l’État (merci Monsieur Barnier!) et de la commune de La Morte, ainsi que de plusieurs acteurs du ski, que la station pourra rester temporairement ouverte. A cela s’ajoute une cagnotte citoyenne qui a récolté près de 200 000 euros.

L’avenir s’annonce très sombre en matière d’enneigement pour les stations alpines. C’est ce qu’a confirmé il y a quelques jours le Premier Ministre à l’occasion d’une visite dans le Rhône. On le savait déjà, mais Michel Barnier a averti que les glaciers alpins auront disparu en 2100.

Les stations de ski d’aujourd’hui ont donc tout intérêt à diversifier rapidement leurs activités si elles veulent survivre. Les gestionnaires de la station de l’Alpe du Grand Serre semblent avoir compris le danger. Ils ont déclaré qu’il fallait mettre en place un plan pour la moyenne montagne afin de sortir de la dépendance à la neige. Un projet, chiffré à 24 millions d’euros, est en cours de définition pour tourner la station vers le quatre-saisons. Une nouvelle, mais coûteuse, remontée mécanique devrait permettre le développement du VTT en été.

Il faut espérer que de tels projets permettront d’enrayer la crise qui menace les stations alpines de basse et moyenne altitude. Celles situées en haute altitude s’en tirent mieux, mais pour combien de temps ?

Source: Yahoo News, France 3 Régions.

 

À 45 minutes de Grenoble, au pied du massif du Taillefer et du Grand Serre, dans un cadre boisé et naturel, la station de l’Alpe du Grand Serre se veut « un petit village de montagne à l’ambiance chaleureuse ». Elle fait partie des stations de moyenne altitude dont les jours sont comptés à cause du faible enneigement. Faute de diversification de leurs activités, elles dont vouées à une mort certaine.

Le ski dans la tourmente

La saison de compétition de ski chez les professionnels s’est terminée à Saalbach en Autriche, le 24 mars 2024, comme elle avait commencé à Sölden, en octobre 2023, avec des annulations de courses. Cette saison, 16 courses majeures ont été annulées, cinq autres ont été reportées, dans tous les massifs d’Europe mais aussi en Amérique du Nord. Le nombre d’annulations a doublé par rapport à la saison 2022-2023, qui était déjà une saison record en la matière. Comme l’a déclaré le champion français Cyprien Sarrazin : « Ça a été compliqué cette année. Il faudra qu’on s’adapte et qu’on évolue. On ne peut pas continuer comme ça. Je n’ai pas les solutions. »

Pourtant, les stations ont tout essayé : stockage de neige de l’année précédente sous la sciure comme à Bessans ou au Grand Bornand, transport par camion, canons à neige, ou encore injection d’eau dans la piste. Cette situation a de quoi faire réfléchir les diffuseurs et les sponsors qui cautionnent et investissent des millions d’euros dans un sport que le réchauffement climatique met en sursis. La candidature de la France à l’organisation des Jeux d’Hiver de 2030 a de quoi faire réfléchir… Il va être urgent que les Alpes sortent de leur déni du réchauffement climatique.

Stockage de neige à Bessans (Savoie) [Photo: C. Grandpey]

S’agissant du ski de loisir, la situation n’est guère plus brillante, avec un déficit observé depuis le début de la saison, notamment dans les Pyrénées. Les difficultés deviennent de plus en plus fréquentes avec le réchauffement climatique, et un manque d’enneigement inquiétant pour les ressources en eau dans le Sud-Ouest. Toute la Catalogne voisine est en alerte hydrique depuis plusieurs mois.

D’ici 2050, selon certaines estimations, de nombreuses stations de ski situées à moins de 1 200 mètres d’altitude devront s’en remettre entièrement aux enneigeurs si elles ne veulent pas se retrouver en faillite. Depuis les années 1970, les relevés montrent que le manteau neigeux des Alpes diminue globalement de 5,6 % par décennie et l’épaisseur de la couche de neige de plus de 8,4 %. L’enneigement n’est plus la panacée que l’on croyait autrefois.

Enneigeur dans la station des Angles (Pyrénées Orientales) [Photo: C. Grandpey]

S’agissant de l’écologie souvent vantée par les stations, il faut savoir que les canons à neige représentent 25 % des émissions de carbone d’une station et ne peuvent pas fonctionner dans certaines conditions climatiques, à partir de 1 °C ou plus ou encore lorsque le temps est humide. Leurs besoins en énergie et en eau sont si importants que des chercheurs de l’université de Bâle, en Suisse, ont averti que l’augmentation potentielle de 79 % de la demande en eau dans les stations situées à moins de 1 800 mètres d’altitude pourrait entraîner des conflits avec les communautés locales.

Les dameuses sont encore plus polluantes que les enneigeurs. Jusqu’à 60 % des émissions de carbone d’une station proviennent des engins de damage des pistes. Pour y remédier, les stations font désormais la course pour convertir ces véhicules à l’huile végétale hydrotraitée (HVO) afin de réduire les émissions.

Avec la hausse des températures dans les montagnes, tous ces équipements et infrastructures de haute technologie sont vulnérables à un plus grand nombre d’avalanches de neige humide et lourde engendrées par les hivers plus chauds, les températures fluctuantes et les vents plus forts.

Adaptabilité et diversification des activités seront essentielles à la survie des stations pendant la saison de ski. Il est donc urgent de trouver de nouvelles stratégies pour l’hiver car des milliers de familles en dépendent et seul le tourisme permet aux gens de vivre de manière stable dans les vallées alpines.

Source: France Info, Sud-Ouest, National Geographic.

L’avenir sombre du ski

Dans mes notes sur le réchauffement climatique dans l’Arctique, je fais souvent référence à l’albédo, autrement dit la part de rayonnement solaire renvoyée vers l’atmosphère. L’albédo est une valeur comprise entre 0 et 1. Ainsi, un corps noir parfait, qui absorberait toutes les longueurs d’onde sans en réfléchir aucune, aurait un albédo nul. En revanche, un miroir parfait, qui réfléchirait toutes les longueurs d’onde, sans en absorber une seule, aurait un albédo égal à 1.

Pas sa capacité à réfléchir la lumière du soleil, la glace pourrait réduire l’impact du réchauffement climatique. La glace de mer est malheureusement en train de régresser, accordant plus de place aux eaux libres de l’océan. Ces dernières, plus sombres, absorbent la lumière du soleil, favorisant le réchauffement de notre planète.

L’albédo doit également être pris en compte sur les terres autres que l’Arctique et l’Antarctique. Ainsi, dans les Alpes, la réduction de la surface couverte de glace et de neige atténue considérablement l’albédo, favorisant, là aussi, l’accélération du réchauffement climatique.

Au cours de l’hiver 2022-2023, la neige s’est fait attendre dans les Alpes. Les vacances de Noël ont vu la mise à l’arrêt des remontées mécaniques. La neige est enfin arrivée en janvier, mais la douceur printanière qui s’est installée en février laisse supposer que la saison de ski sera courte. Les études sont formelles : s’il y a des années où il y a beaucoup de neige et d’autres où il y en a moins, la tendance générale est à la baisse. Par exemple, le CNRS nous apprend qu’au Col de Porte dans les Alpes, à 1325 m d’altitude, l’épaisseur du manteau neigeux a diminué de 40% entre la période 1960-1990 et la période 1990-2017.

La durée de l’enneigement diminue aussi : chaque degré de réchauffement au niveau mondial tend à conduire à une perte d’un mois d’enneigement en moyenne. On peut raisonnablement se demander quel sera l’avenir des stations de sport d’hiver. Pas de neige = pas de ski ! A cela s’ajoute la hausse des coûts de l’énergie, ce qui, au final, a un effet direct sur la fréquentation touristique. Avec la hausse des tarifs, les gens réfléchissent à deux fois avant d’aller skier.

Certains diront que la neige de culture comblera le vide créé par la neige naturelle, mais c’est loin d’être gagné. La neige artificielle est très consommatrice d’eau et d’énergie et les enneigeurs demandent des températures négatives pour fonctionner, ce qui n’est pas dans l’air du temps. On sait d’ores et déjà que d’ici 2030-2050 la quasi-totalité des stations de ski dans les Pyrénées ainsi qu’une grosse partie de celles à basse et moyenne altitude dans les Alpes ne seront plus rentables.

Je n’ai de cesse de le répéter : il faut que ces stations se diversifient si elles veulent survivre. Il est urgent qu’elles réfléchissent à une autre forme d’économie et à la mise en place de nouvelles activités.

De grands champions de ski vainqueurs de la Coupe du monde font partie des signataires d’une lettre adressée à la Fédération internationale de ski et de snowboard (FIS) exigeant une action rapide contre le réchauffement climatique.
La lettre a été rédigée à l’occasion des championnats du monde de ski et à l’issue de plusieurs mois pendant lesquels le temps chaud et le manque de neige ont entraîné l’annulation de près d’un mois de compétition au début de cette saison, avec un entraînement de pré-saison réduit à néant par la fonte des glaciers européens, eux mêmes en voie de disparition.
On peut lire dans la lettre : « Nous subissons les effets du changement climatique dans notre vie quotidienne et notre profession. L’opinion publique sur le ski évolue vers l’injustifiable. Nous avons besoin d’une action organisationnelle progressive.. Les efforts actuels de la FIS en matière de développement durable sont insuffisants. »
Côté ski alpin, les athlètes ont demandé à la fédération de décaler le début de saison de fin octobre à fin novembre et la fin de saison de mi-mars à fin avril. Les saisons ont changé et tous les champions disent qu’ils doivent s’adapter à ces nouvelles circonstances.
Les skieurs ont également demandé un calendrier de compétitions plus «géographiquement raisonnable» pour réduire le bilan carbone.
A ce jour, la FIS n’a pas répondu.

La douceur de la température n’a pas permis aux enneigeurs de fonctionner à la fin de l’année 2022 (Photo: C. Grandpey)

Le manque de neige, un casse-tête pour les stations de ski

Le manque de neige dans la plupart des stations de ski de basse et moyenne montagne au cours des vacances de Noël 2022-2023 a confirmé ce que l’on savait déjà, mais que certains refusent toujours d’admettre : avec le réchauffement climatique, la neige va se faire de plus en plus rare dans ces stations. Celles situées à des altitudes plus élevées connaîtront des problèmes, elles aussi, mais un peu plus tard, en sachant que le réchauffement climatique est souvent plus rapide que les prévisions.

La chaîne France Info a choisi de prendre comme exemple de la situation actuelle Gresse-en-Vercors, le plus haut village du Vercors. Devant le manque de neige récurrent, les autorités locales se demandent s’il faut poursuivre les activités de ski. Le village a été obligé de fermer sa station pendant une grande partie des vacances de Noël 2022, faute de neige.

Continuer ou s’arrêter ? C’est le dilemme pour de nombreux petits villages dans les massifs français. Malgré le manque de neige, les habitants de Gresse ont fait le choix il y a deux ans, par référendum, d’installer neuf nouveaux canons à neige. A mes yeux, c’est une erreur car, pour que les enneigeurs fonctionnent, il faut une température inférieure de plusieurs degrés à zéro et la tendance climatique actuelle ne semble guère favorable à une telle situation. Sans parler des effets néfastes des enneigeurs pour l’environnement.

Le maire de la localité, élu en 2020, était contre ce projet. Il n’envisage pas de fermer la station, mais souhaite la voir évoluer. Du côté des partisans du maintien du ski coûte que coûte, la joie a été de courte durée. Avec ou sans canon, la station a dû fermer, comme beaucoup d’autres, une partie des vacances de Noël à cause du manque de neige. Les neuf enneigeurs ont coûté 500 000 euros financés par la mairie avec l’aide de subventions de la région et du département.

Le maire précédent a soutenu le « oui » lors du référendum. Selon lui, il faut continuer à penser aux quatre saisons et à ne pas sacrifier l’hiver. L’équipe municipale actuelle ne croit plus à la neige. Le nouveau maire a déclaré : « On ne se fait pas d’illusions, on va être rattrapé par le réchauffement climatique. » Pour son prédécesseur, « l’idée, c’est de tenir 15 à 20 ans sans problème. » Au train où vont les choses, l’accélération du réchauffement climatique risque de le décevoir. Il y a de fortes chances pour que la neige ait disparu à l’échéance qu’il s’est donné.

La neige a signé son retour en janvier mais il va désormais falloir payer les factures pour faire fonctionner les canons. A Gresse comme ailleurs, la hausse du coût de l’énergie se fait sentir lourdement. On compte cette hausse en dizaine de milliers d’euros et le maire fait remarquer que les 50 canons à neige représentent à eux seuls 40 % des dépenses en énergie de la station.

Source : France Info.

Les enneigeurs ne sont probablement pas une solution d’avenir. (Photos: C. Grandpey)