Péninsule de Reykjanes (Islande) : dernières nouvelles de l’éruption // Reykjanes Peninsula (Iceland) : latest news of the eruption

Voici quelques informations supplémentaires sur l’éruption en cours sur la péninsule de Reykjanes.
Un survol effectué le 20 mars a permis de récolter des données sur l’événement. On estime que le débit moyen au niveau des bouches actives le long de la fissure éruptive du 17 au 20 mars était d’environ 14,5 mètres cubes par seconde, dont semblable à celui mesuré lors des éruptions du Fagradalsfjall entre 2021 et 2023. Le débit était toutefois beaucoup plus élevé au cours des premières 24 heures de l’éruption, dans la soirée du 16 mars.

Image webcam de l’éruption le 22 mars 2024 à 18 heures. De toute évidence, il y a un petit lac de lave dans la bouche la plus active sur la fracture éruptive.

La surface couverte par la lave est estimée à 5,58 km2 et son volume est d’environ 20,9 millions de mètres cubes. La lave a une épaisseur de plus de 16 mètres à proximité des bouches actives.
De petites déformations sont encore enregistrées dans la région de Svartsengi mais les mouvements du sol sont si faibles qu’aucun changement significatif n’est vraiment observé d’un jour à l’autre. Il faudra quelques jours de mesures pour évaluer si le soulèvement est toujours présent à Svartsengi. Cependant, il est clair que le magma qui s’était accumulé jusqu’à présent sous Svartsengi s’écoule désormais directement vers la surface et alimente l’éruption.

  Vue aérienne du champ de lave (Source : Iceland Monitor)

Carte montrant les contours du champ de lave le 17 mars 2024 (Source : Met Office)

Comme l’éruption dure plus longtemps que les précédentes (personne ne sait combien de temps elle durera), la lave commence à exercer une pression sur les digues de terre autour de Grindavík et elle a commencé à se répandre dans le secteur de Melhólsnáma, au nord de la ville, où se trouve une carrière d’où sont extraits des matériaux de construction. Des efforts sont faits pour renforcer et surélever ces remparts de terre. Comme le débit de lave est plutôt faible à la source, le long de la fissure éruptive, il est possible de contrôler la lave grâce à ces barrières.

L’éruption sur la péninsule de Reykjanes a attiré l’attention du service Copernicus (CAMS) en raison des volumes importants de dioxyde de soufre (SO2) rejetés dans l’atmosphère. Les panaches ont traversé l’Atlantique Nord jusqu’en Irlande et au Royaume-Uni, pour atteindre ensuite la Scandinavie le 20 mars, puis les États baltes, la Pologne et le nord-ouest de la Russie le 22 mars. Cependant, les gaz émis jusqu’à présent ne sont pas encore suffisamment denses pour avoir un impact sur la qualité de l’air ou sur le climat.

Le 20 mars 2024, le panache de SO2 se dirigeait vers la Scandinavie (Source : Copernicus)

Source : Met Office, RUV.is, médias d’information locaux.

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Here is some more information about the current eruption on the Reykjanes Peninsula.

An overflight performed on March 20th allowed to collect data about the event. It is estimated that the average lava output from the active vents along the eruptive fissure from March 17th to 20th was around 14.5 cubic meters per second, similar to the lava flow that was measured in the volcanic eruptions at Fagradalsfjall 2021 – 2023. However, the lava output was much higher during the first 24 hours of the eruption, which began on the evening of March 16th.

The area covered by the lava is now 5.58 km2 and its volume is about 20.9 million cubic meters. The lava is over 16 meters thick close to the eruptive vents.

Small deformation is still measured in the Svartsengi area but movements are so small that no significant changes can be seen between days. It will therefore take a few days of measurements to assess whether uplift is still present at Svartsengi. However, it is clear that the magma that previously accumulated under Svartsengi is now mostly flowing directly to the surface and feeding the eruption.

This event has caught the attention of the Copernicus Atmosphere Monitoring Service (CAMS) due to the large volumes of sulfur dioxide (SO2) released into the atmosphere. The plumes are moving across the North Atlantic to Ireland and the UK, reaching Scandinavia on March 20th, and then traveling across the Baltic and reaching the Baltic States, Poland, and northwestern Russia on March 22nd. However, the gases emitted so far by the current eruption have not yet been severe enough to have an impact on surface air quality or climate.

With the eruption lasting longer than the previous ones (nobody knows how long it will last), lava has begun pressing against the Grindavík protective barrierss and has begun to flow into Melhólsnáma, north of Grindavík, which includes a « mine » used to produce material for construction projects. Efforts are being made to reinforce and raise these earthen dikes. As the lava output is rather low along the eruptive fissure, it is possible to control the eruption with these barriers.

Source : Met Office, RUV.is, local news media.

Des digues de terre pour dévier la lave // Earth dykes to deflect lava

Avec les dernières éruptions du 18 décembre 2023 et du 14 janvier 2024 sur la péninsule de Reykjanes, au sud-ouest de leur pays, les Islandais ont compris que les coulées de lave pouvaient menacer, voire détruire les infrastructures essentielles et les zones habitées. C’est la raison pour laquelle ils travaillent 24 heures sur 24 pour construire d’impressionnantes digues de terre pour essayer de de protéger la centrale vitale de Svartsengi et le port de pêche de Grindavik, et les mettre ainsi à l’abri des coulées de lave.

Les scientifiques expliquent que les six systèmes volcaniques de la péninsule, restés en sommeil pendant près de 800 ans, pourraient être de nouveau actifs pendant trois siècles, faisant planer une menace réelle sur 30 000 personnes, soit près de 8 % de la population totale du pays. Cinq éruptions ont déjà eu lieu depuis 2021.
Face au risque d’une éventuelle nouvelle activité volcanique, les autorités ont commencé, en novembre 2023, à construire des remparts de terre autour de la centrale géothermique de Svartsengi. Près de 100 bulldozers, excavatrices et camions travaillent sans relâche autour de la centrale. Au total, quelque 560 000 mètres cubes de matériaux – graviers et lave solidifiée – seront utilisés pour protéger la structure.

Bulldozer à l’oeuvre près de la centrale de Svartsengi (Crédit photo : Iceland Review)

Le but des digues est de détourner la lave, non de l’arrêter, et de forcer la coulée à progresser le long de ces barrières de terre. Essayer d’arrêter la lave ne sert à rien ; certes, ça l’arrêtera momentanément, mais elle finira par franchir ces obstacles
La construction de remparts a également commencé autour de Grindavik où vivent près de 4 000 habitants, évacués le 10 novembre 2023, un mois avant l’éruption du 18 décembre. Lorsque la dernière éruption a débuté le 18 janvier 2024, la première barrière de terre s’est avérée efficace pour éloigner la lave de Grindavik. Toutefois, lorsque des fissures se sont ouvertes à la périphérie de la ville, au-delà des digues de terre, la lave a détruit trois maisons. .

 

Les digues de terre (au premier plan) n’ont rien pu faire contre l’ouverture d’une nouvelle fissure aux abords de Grindavik (image webcam)

Les plus grandes digues mesurent environ 40 mètres de large à la base, entre huit et dix mètres de hauteur et quatre mètres de large au sommet. Il faudra probablement six semaines pour terminer le demi-cercle de sept kilomètres autour de Grindavik. Cela nécessitera environ deux fois plus de matériaux que pour la centrale de Svartsengi.
Ce n’est pas la première fois que des digues de terre sont érigées dans des régions sous la menace de volcans actifs. Des digues ou des remparts similaires ont déjà été tentés en Italie, à Hawaï et en Islande pour se protéger de la lave, mais à plus petite échelle.

Lors de l’éruption de l’Etna (Sicile) de 1991 à 1994, une digue de terre de 234 mètres de long et 21 mètres de haut a été construite dans le Val Calanna pour tenter d’empêcher la lave de devenir une menace pour la ville de Zafferana Etnea. La lave a été retenue pendant environ un mois avant de finalement déborder de la structure. La leçon a été tirée par les Islandais qui construisent désormais les digues différemment.

Edification d’une digue de terre sur l’Etna en 1991 (Crédit photo : Salvatore Caffo)

Les Islandais ont tenté pour la première fois de freiner la lave sur l’île de Heimaey (îles Vestmann) lorsqu’en 1973 une éruption a détruit la ville de Vestmannaeyjar, obligeant toute sa population à partir.
Depuis cette époque, d’autres éruptions ont eu lieu en Islande, mais généralement loin des villes et des infrastructures critiques. Lorsque l’activité volcanique a commencé sur la péninsule de Reykjanes en 2021, les Islandais ont essayé de construire un rempart de terre afin d’essayer d’éloigner la coulée de lave qui semblait déjà menacer Grindavik. Heureusement, la lave s’est arrêtée avant d’atteindre la digue.

Digue de terre dans la Meradalir en 2022 (Photo: C. Grandpey)

Les premières tentatives ont permis aux Islandais de se rendre compte que les barrières de terre étaient efficaces. Ils ont pu acquérir une technique pour les construire. La Protection civile enterre également les canalisations d’eau chaude plus profondément sous terre et surélève les lignes électriques et de télécommunications pour les protéger. Des tentatives sont également faites pour isoler les tuyauteries et les câbles électriques afin de les protéger de la lave à haute température.
Les Islandais sont habitués à vivre avec les volcans qui ont façonné de magnifiques paysages dans leur pays. Les geysers et les sources d’eau chaude attirent des foules de touristes, mais les volcans peuvent devenir un problème lorsqu’ils entrent en éruption au mauvais endroit. Le ministre islandais des Infrastructures a déclaré : « Il ne faut pas oublier que notre énergie géothermique verte, nos superbes attractions touristiques et notre bien-être proviennent de la puissance des volcans. Parfois, c’est une bonne chose et les gens en profitent, mais parfois les volcans peuvent devenir une menace. »
Source  : Adapté d’un article paru dans Yahoo Actualités.

Dans une note publiée le 18 janvier 2024, j’ai abordé le sujet du détournement des coulées de lave, en expliquant que cette technique présentait des limites :

Le détournement des coulées de lave et ses limites // The diversion of lava flows and its limits

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With the past eruption of December 18th, 2023 and January 14th, 2024, Icelanders have understood yhat lava flows are able to threaten and even destry essential infrastructure and residential areas. This is the reason why they are working round-the-clock to build impressive dykes to protect the vital Svartsengi power plant and the fishing port of Grindavik from lava flows on Iceland’s southwestern Reykjanes Peninsula where volcanic activity had been dormant for nearly 800 years.

Scientists explain that the six volcanic systems on the peninsula might be active for up to three centuries, with a real threat to 30,000 people, nearly 8% of the country’s total population. Five eruptions have already occurred since 2021.

With the risk of possible new volcanic activity, authorities in November 2023 began building defence walls around the Svartsengi geothermal power plant. Since then, nearly 100 bulldozers, excavators and haul trucks have been working nonstop around the plant. In total, some 560,000 cubic meters of gravel and solidified lava rock will be used to protect the structure

The aim of the dykes is to divert the lava, not to stop it, and to force the flow to move forward beside the barriers. Trying to stop the lava is of no use ; it will stop it, the lava will eventually go over the barriers.

Construction of defence barriers has also started around Grindavik, home to nearly 4,000 residents who were evacuated on November 10th 2023, one moth before the December 18th eruption. When the last eruption started on January 18th, 2024, the first barrier proved effective in diverting lava away from Grindavik but when fissures opened on the outskirts of the town, beyond the barriers, lava destroyed three houses. .

The biggest barriers are about 40 metres wide, between eight and ten metres high, and four meters wide at the top. Finishing the seven-kilometre half circle around Grindavik is expected to take six weeks. It will take roughly twice as much material as was needed at Svartsengi.

This is not the first time earthen barriers have been erected in regions with active volcanoes. Similar dykes or embankments have already been attempted in Italy, Hawaii and Iceland to protect from lava but on a smaller scale. During the 1991-1994 eruption of Mount Etna (Sicily), a 234-metres long and 21-metres high barrier was constructed in Val Calanna to try and prevent lava from travelling farther downslope and become a threat to Zafferana Etnea. The lava was held back for approximately one month before it eventually flowed over the structure. The lesson was drawn by Icelander who are now building the dykes differently.

Icelanders first attempted building defence walls on the island of Heimaey (Vestmann Islands) when a 1973 eruption ravaged the town of Vestmannaeyjar, forcing its entire population to evacuate.

Other eruptions have struck Iceland since, but usually away from towns and critical infrastructure. When volcanic activity began on the Reykjanes peninsula in 2021, attempts at building a defence were made, in order to try to steer the lava flow away from one area that would eventually lead to Grindavik, Fortunately, the lava stopped before reaching the barrier.

The first attempts allowed Icelanders to realise that the barriers are working, so now they know more about how to build them and how to use them. The Department for Civil Protection is also digging hot water pipelines deeper underground and lifting power and telecom lines higher to protect them. Attempts are also being made to insulate overland pipelines and power cables from hot lava.

Icelanders are used to living with volcanoes which have shped wonderful landscapes in their country. Geysers and hot water springs draw crowds of tourists, but volcanes can become a problem when they erupt in the wrong places. Said Iceland’s Minister of Infrastructure : « We must remember that our green geothermal energy, amazing tourist attractions and well-being in Iceland come from the power of the volcanoes. Sometimes it is good and a benefit to the people, but sometimes it is threatening us. »

Source : Adapted from an article in Yahoo News.

In a post published on January 18th, 2024, I addressed the subject of diverting lava flows, explaining that this technique had limitations:

Le détournement des coulées de lave et ses limites // The diversion of lava flows and its limits