Harvey et Irma: Mêmes causes et mêmes conséquences // Same causes and consequences

Après l’ouragan Harvey et ses effets dévastateurs au Texas, c’est Irma qui vient de frapper de plein fouet l’arc antillais. Les deux phénomènes ont été classés en catégorie 5, le niveau maximum. L’adjectif « exceptionnel » a été utilisé en abondance par les médias pour faire référence à la puissance de ces deux ouragans. Une double question revient régulièrement: Pourquoi Harvey et Irma ont-ils montré une telle force? Le réchauffement climatique est-il responsable?

La première cause réside dans les températures de l’océan qui sont en ce moment supérieures aux normales de saison. On est également en présence de conditions météo propices aux tempêtes à répétition avec des conditions de vent homogènes favorables à la formation de gros cumulonimbus. Il est de plus en plus fréquent d’avoir une eau océanique à 29 °C. Cela correspond aux températures record autour du globe relevées en particulier en 2016 et 2017. Cela confirme aussi les propos tenus par les scientifiques depuis plusieurs années : le changement climatique va susciter une hausse progressive des ouragans puissants. Il n’y en aura pas plus, mais ils vont être de plus en plus violents. Les ouragans comme Harvey et Irma se nourrissent de l’énergie dégagée par les océans. Plus la température de l’eau et le taux d’humidité sont élevés, plus le cyclone peut prendre de l’intensité. On considère qu’il y a 7% d’humidité en plus dans l’atmosphère par degré de réchauffement.

L’augmentation du niveau des océans est l’un des marqueurs du réchauffement de la planète. La hausse, variable selon les régions du globe, a été en moyenne de 20 cm au 20ème siècle et pourrait atteindre jusqu’à près d’un mètre à l’horizon 2100. Or, les cyclones produisent aussi une houle qui génère des « marées de tempête ». Les deux effets conjugués contribueront à exposer davantage constructions et populations côtières. Selon Météo France, des études montrent que « la latitude à laquelle les cyclones ont atteint leur intensité maximale a migré vers les pôles au cours des 35 dernières années dans les deux hémisphères ». Cela pourrait être lié à l’expansion de la ceinture tropicale, c’est-à-dire des zones de part et d’autre de l’Equateur où règne un climat chaud et humide. Selon la NOAA, des endroits qui sont plus habitués et mieux préparés aux cyclones pourraient être moins exposés, tandis que d’autres, moins bien préparés, pourraient l’être davantage.

NB: A titre indicatif, le terme cyclone est réservé à l’océan Indien et au Pacifique sud. On parle d’ouragan en Atlantique nord et dans le Pacifique nord-est, et de typhon dans le Pacifique nord-ouest.

Sources : NOAA, Météo France.

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After Hurricane Harvey and its devastating effects in Texas, Irma has just struck the Caribbeans. The two phenomena were classified in category 5, the maximum level. The adjective « exceptional » has been used abundantly by the media to refer to the power of these two hurricanes. A double question comes up regularly: Why did Harvey and Irma show such strength? Is global warming responsible?

The first cause lies with the ocean temperatures that are currently above normal for the season. There are also weather conditions conducive to repeated storms with homogeneous wind conditions favorable to the formation of large cumulonimbus. It is increasingly common to have oceanic water at 29°C. This corresponds to the record temperatures around the globe noted in particular in 2016 and 2017. This confirms what scientists have said for several years: climate change will cause a steady rise of powerful hurricanes. They will not be more numerous, but they will be more and more violent. Hurricanes like Harvey and Irma feed on the energy released by the oceans. The higher the temperature of the water and the higher the humidity, the more the cyclone can become intense. It is assumed that there is 7% more moisture in the atmosphere per degree of warming.

The increase in the level of the oceans is one of the markers of global warming. The rise, which varies according to the regions of the globe, averaged 20 cm in the 20th century and could reach up to nearly one metre by 2100. Cyclones also produce a swell that generates « storm tides ». The two combined effects will contribute to expose more coastal constructions and populations. Studies show, according to Météo France, that « the latitude at which the cyclones reached their maximum intensity has migrated toward the poles over the last 35 years in both hemispheres. » This could be linked to the expansion of the tropical belt, ie zones on both sides of the equator where a warm and humid climate prevails. According to NOAA, areas that are more accustomed and better prepared for cyclones may be less exposed, while others may be less well prepared.

NB: As an indication, the term cyclone is reserved for the Indian Ocean and the South Pacific. It is called a hurricane in the North Atlantic and the Northeast Pacific, and a typhoon in the Pacific Northwest.

Sources: NOAA, Météo France.

L’ouragan Irma vu depuis l’espace (Source: NOAA)

 

Le déficit de glace de mer en Antarctique // The loss of sea ice in Antarctica

drapeau-francaisComme je l’ai écrit à plusieurs reprises, la glace de mer autour du continent antarctique s’est réduite comme peau de chagrin ces derniers mois, atteignant un niveau de baisse record quelques années seulement après avoir atteint un niveau de hausse record.
En 38 ans d’observations depuis1979, les scientifiques n’ont jamais vu un niveau de glace de mer aussi bas à la fin du mois de février, période de l’année où la glace dans l’Antarctique est à son minimum annuel. Qui plus est, la zone recouverte de glace de mer semble ne pas avoir fini de se rétrécir. Le 28 février, elle n’était que de 2,131 millions de kilomètres carrés, selon des données en temps réel fournies par le National Snow and Ice Data Center. C’est beaucoup moins que le minimum précédent de 2,29 millions de kilomètres carrés le 27 février 1997. La différence – environ 159 000 kilomètres carrés – équivaut environ à la superficie de la Floride.
Les courbes ci-dessous comparent 2017 (la ligne bleu clair) aux quatre autres années où la glace de mer était au plus bas (1984, 1993, 1997 et 2011), d’après les données fournies par le National Snow and Ice Data Center.
Selon l’article du Washington Post, il est difficile de trouver la cause du déficit actuel en glace de mer. Comme mentionné précédemment, avant cette année, la glace de mer en Antarctique avait atteint une surface record en octobre 2014. C’est une des raisons pour lesquelles les climato-sceptiques faisaient référence à l’Antarctique pour justifier leur rejet du changement climatique.
Un climatologue explique qu’il faut prendre en compte les mois de septembre et octobre 2016 pour comprendre le comportement de la glace de mer en Antarctique cette année. A cette époque, le niveau de glace était relativement normal, avant de chuter brusquement en Novembre et Décembre. En deux mois, le continent est passé de conditions normales à une baisse record. On pense que la cause est une arrivée d’air chaud, en provenance du nord, dans de nombreuses parties de l’Antarctique. Toutefois, on ne sait pas ce qui a provoqué cette arrivée d’air chaud.
Des chercheurs du National Center for Atmospheric Research pensent qu’il faut regarder du côté des changements intervenus dans l’Océan Pacifique pour expliquer l’expansion inattendue de la glace de mer en Antarctique entre 2000 et 2014, une tendance qui était contraire aux prévisions des modèles climatiques. Ces scientifiques pensent que l’expansion de la glace a trouvé sa cause  dans la variabilité naturelle du Pacifique, un phénomène qui modifie l’atmosphère et affecte les vents qui se dirigent vers l’Antarctique. Cependant, il convient de noter que la variabilité en question – l’oscillation (multi)décennale du Pacifique – s’étale sur des décennies et il est donc difficile de savoir si une modification de ce cycle est responsable de la réduction de la glace de mer en Antarctique.
Nulle part dans l’article ne sont mentionnées les expressions « changement climatique » et « réchauffement climatique » ! Jusqu’à présent, il était rare que le changement climatique soit tenu pour responsable de la fonte des pôles et des glaciers par la presse outre-Atlantique. Il y a de fortes chances pour qu’il soit encore moins mentionné avec la nouvelle politique environnementale du gouvernement américain!

Source : The Washington Post.

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drapeau-anglaisAs I put it several times before, the sea ice ringing the Antarctic continent has fallen precipitously — reaching a record low just a few years after it reached a record high.

In 38 years of records dating back to 1979, the sea ice lows seen as of the end of February 2017 – a time of year when ice in Antarctica is at its annual minimum – are unprecedented. What is more, the area of ocean covered by sea ice still appears to be shrinking. On February 28th, there were just 2.131 million square kilometres of floating ice surrounding Antarctica, according to real time data provided by the National Snow and Ice Data Center. This is much less than the previous low of 2.29 million square kilometres on February 27th, 1997. The difference – about 159,000 square kilometres – amounts to an area nearly as large as Florida.

The curves here below show what 2017 (the light blue line) looks like compared with the other four lowest years in the record (1984, 1993, 1997 and 2011), based on data provided by the National Snow and Ice Data Center:

According to the article from the Washington Post, it is difficult to pinpoint the cause of the current low ice extent. As mentioned earlier, before this most recent crash, Antarctic sea ice reached a record high in October 2014. This is one reason why, until recently, climate change skeptics loved to point to Antarctic sea ice behaviour to justify their rejection of climate change.

A climate scientist explains that the story for Antarctic ice this year can’t be understood unless we look back to September and October, when ice levels were relatively normal but suddenly plunged in November and December. The continent went from really typical conditions to record low in a two-month period. The cause at that time was an incursion of warm air from the north into multiple parts of the Antarctic. What drove down the warm air, though, is a mystery.

An idea developed by the National Center for Atmospheric Research targets changes in the Pacific Ocean to explain the unexpected expansion of Antarctic sea ice between 2000 and 2014, a trend that ran contrary to climate model projections. This study suggests the expansion was a fluke of natural variability in the world’s largest ocean, which changed the atmosphere in ways that affected winds all the way down in the Antarctica. However, it should be noted that the cycle in question, the Interdecadal Pacific Oscillation, plays out over decades, making it hard to be sure yet whether a turn in this cycle will correspond to Antarctic ice shrinkage.

Nowhere in the article are climate change and global warming mentioned. They were not often held responsible for the melting of the poles and glaciers around the world. The odds are that they will be even less mentioned with the new American government environment policy!

Source: The Washington Post.

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 La ligne noire fait référence à l’étendue moyenne de glace entre 1981 et 2010 (Source : National Snow and Ice Data Center).

La super éruption du Toba : Une affaire de cristaux de quartz ? // The Toba super eruption : A matter of quartz crystals ?

drapeau-francaisIl y a 73 000 ans, le Toba a connu une éruption cataclysmique. Le volcan appartient à la catégorie des « super volcans » dont les impacts sont si importants qu’ils peuvent provoquer un changement climatique à l’échelle de la planète. On estime que l’éruption du Toba a atteint le niveau 8 sur l’indice d’explosivité volcanique (VEI). Elle a expédié un volume de 2800 kilomètres cubes de cendre volcanique sur la région autour du volcan.
Un groupe de chercheurs de l’Université d’Uppsala et leurs collègues de différents pays ont peut-être trouvé ce qui déclenche les éruptions de ces super volcans ; c’es le contenu d’une nouvelle étude publiée dans la revue Scientific Reports.
La création et l’émission de quantités énormes de lave et autres matériaux au cours des super éruptions ont animé les débats entre les scientifiques pendant de longues années. Il est généralement admis que les volcans entrent en éruption quand se produisent des variations de densité et de pression, et qu’ils sont un moyen, pour la Terre, de libérer un excès de chaleur et de pression. Pourtant, le déclencheur précis des super éruptions reste un mystère.
Les chercheurs de l’Université d’Uppsala et leurs collègues ont peut-être apporté une réponse à cette question en étudiant des cristaux de quartz de taille millimétrique incrustés dans les cendres et roches volcaniques. Les cristaux de quartz se développent dans le magma et enregistrent les changements chimiques et thermodynamiques avant une éruption, de la même manière que les cernes des troncs d’arbres enregistrent le changement climatique. Le problème réside dans le fait que chaque cristal de quartz présente une taille millimétrique et il est donc extrêmement difficile de l’analyser en détail.
En étudiant les cristaux de quartz du Toba, les chercheurs ont constaté qu’il y avait une différence de composition et de poids entre la partie externe et la partie interne des cristaux. Sur leur partie externe, les cristaux sont plus lourds et contiennent une forme d’oxygène appelée 18O. À l’intérieur, cependant, il y a une forme plus légère appelée 16O. Selon les auteurs de l’étude, le ratio laisse supposer qu’une profonde modification s’est produite dans le système magmatique juste avant la grande éruption. Les chercheurs pensent que lorsque le magma a fondu, il a emporté avec lui un grand volume de roche à proximité contenant le même ratio. Ce type de roche contient aussi souvent beaucoup d’eau qui peut être libérée dans le magma en produisant de la vapeur et donc une pression accrue de gaz à l’intérieur de la chambre magmatique. Cette augmentation rapide de la pression gazeuse a permis finalement au magma de rompre la croûte qui le surmontait et le volcan a envoyé des milliers de kilomètres cubes de lave dans l’atmosphère.
Les chercheurs rappellent que l’éruption du Toba a été si colossale qu’elle a failli anéantir complètement l’humanité. En 1815, le volcan Tambora, sur l’île Sumbawa en Indonésie, a connu la plus grande éruption jamais observée dans les temps historiques, avec un VEI 7. Quelque 100 000 personnes ont péri des suites de l’éruption qui a provoqué un hiver volcanique sur la planète.
Si une éruption comme celle du Tambora se produisait aujourd’hui, elle provoquerait certainement de gros dégâts dans notre société. Je ne suis pas sûr que nous y soyons préparés quand je vois les perturbations que l’éruption que l’Eyjafjallajökull a causées au trafic aérien en 2010. L’éruption islandaise était une broutille comparée à celle du Tambora!
Source: Business Insider.

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drapeau-anglais73,000 years ago, Toba Volcano produced a cataclysmic eruption. The volcano belongs to the category of super volcanoes whose impacts are so huge that they can cause global climate change. It has been estimated that the Toba eruption reached level 8 on the Volcanic Explosivity Index. It covered 2,800 cubic kilometres of the surrounding area in volcanic ash

A group of researchers at Uppsala University and their international colleagues may have worked out what triggers super volcanoes to erupt in a new study published in the journal Scientific Reports.

How exactly the huge amounts of magma emitted during super eruptions are created has been a cause of debate between scientists for a long time. It is admitted that volcanoes erupt because of density and pressure, and generally it is a way that Earth can release excess heat and pressure. Still, the precise trigger has remained a mystery.

The Uppsala University researchers and their colleagues may have found some answers lying in millimetre-sized quartz crystals embedded in the volcanic ash and rock. Quartz crystals grow in magma, and register chemical and thermodynamical changes before an eruption, which is similar to how tree rings record climate change. The problem is that each ‘tree ring’-analogue is millimetre-sized across, which is why they are extremely challenging to analyse in detail.

While studying the quartz from Toba, the researchers found that there was a difference in the composition and weight of the outer part of the crystals compared to the inside. Around the outside the crystals were heavier and contained a form of oxygen called 18O. On the inside, however, there was a lighter form called 16O. According to the study authors, the ratio suggests that something in the magmatic system had changed drastically just before the big eruption. The researchers think that when the magma melted, it took along with it a large volume of a nearby rock which contained the same ratio. This rock type also often contains a lot of water, which may be released into the magma, producing steam, and thereby an increased gas pressure inside the magma chamber. This rapidly increased gas pressure and eventually allowed the magma to rupture the overlying crust, and send thousands of cubic kilometres of magma into the atmosphere.

Researchers remind us that Toba’s eruption was so colossal that it came close to wiping out humanity entirely. In 1815, the Tambora volcano on Sumbawa Island in Indonesia erupted in what is considered the largest ever eruption in recorded history. It was a VEI 7 on the VEI scale, but an estimated 100,000 people died from the effects, and it caused a global volcanic winter.

Should a Tambora eruption occur today, it would certainly cause heavy damage to our society and I’m not sure we are prepared for it when I see the disruption of Eyjafjallajökull caused to air traffic in 2010. The Icelandic eruption was a trifle compared with a Tambora-like event!

Source: Business Insider.

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Simulation des températures et de l’albédo à surface de la Terre après l’éruption du Toba (Source : Goddard Institute for Space Studies).

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Caldeira sommitale du Tambora (Crédit photo : NASA)