Éruptions volcaniques et Peste Noire // Volcanic eruptions and Black Death

Bien que son parcours à travers l’Asie centrale demeure incertain, deux chercheurs allemands pensent avoir découvert comment – et pourquoi – la Peste Noire est parvenue en Europe médiévale. Une catastrophe climatique ayant entraîné une refonte des routes commerciales serait probablement à l’origine de l’introduction de la maladie en Europe au 14ème siècle.
La Peste Noire, l’une des pandémies les plus meurtrières de l’histoire de l’humanité, a ravagé l’Europe entre 1347 et 1353, causant la mort de 25 à 50 millions de personnes. Elle est provoquée par la bactérie Yersinia pestis. La morsure d’un animal infecté par cette bactérie, comme une puce ou un rongeur, provoque l’apparition de bubons (gonflement des ganglions lymphatiques) et parfois de la fièvre, de la fatigue, des vomissements, nausées et courbatures. Si les poumons sont atteints, la peste bubonique devient la peste pulmonaire, une forme plus rapide et toujours mortelle. Heureusement, la mise au point d’antibiotiques a permis d’éradiquer en grande partie cette maladie qui persiste dans certaines régions du monde, notamment à Madagascar, en République démocratique du Congo et au Pérou. Des cas continuent d’être signalés dans l’ouest des États-Unis, dans certaines parties du Brésil et de la Bolivie, ainsi qu’en Asie du Sud et en Asie centrale.
Les historiens ignoraient jusqu’alors pourquoi la Peste Noire avait débuté précisément à cette période, où, pourquoi elle avait causé autant de décès et comment elle s’était propagée si rapidement.
Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université de Cambridge au Royaume-Uni et de l’Institut Leibniz (GWZO) en Allemagne a permis de mieux comprendre les circonstances qui ont conduit à l’arrivée de la peste bubonique en Europe. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Communications Earth & Environment.
S’appuyant sur un ensemble de données climatiques et de documents comme l’analyse des cernes des arbres, l’étude conclut qu’une éruption volcanique – ou une série d’éruptions – survenue vers 1345 a entraîné une baisse des températures pendant plusieurs années consécutives, à cause de la brume de cendres et de gaz volcaniques générée par cette – ou ces – éruptions.
Ce phénomène a provoqué de mauvaises récoltes dans toute la région méditerranéenne. Pour éviter les émeutes et la famine, les cités-États italiennes ont exploité leurs relations commerciales avec les producteurs de céréales de la Horde d’Or qui dominait alors l’Asie centrale. Cette méthode leur a permis d’éviter la famine, mais a également introduit la Peste Noire par le biais des navires étrangers.
Les auteurs de l’étude ont analysé les cernes de croissance des arbres des Pyrénées espagnoles et découvert des cernes bleus consécutifs révélant des étés exceptionnellement froids et humides en 1345, 1346 et 1347 dans une grande partie de l’Europe du Sud. Ils ont également trouvé des preuves, datant de la même période, d’une nébulosité inhabituelle et d’éclipses lunaires sombres, signes d’une activité volcanique.
Un historien du GWZO, spécialiste du climat et de l’épidémiologie médiévale, a collaboré avec l’équipe scientifique pour reconstituer le tableau le plus complet à ce jour de la conjonction de facteurs qui a conduit la peste jusqu’aux ports européens. Il explique que, pendant plus d’un siècle, les puissantes cités-États italiennes avaient établi des routes commerciales sur de longues distances à travers la Méditerranée et la mer Noire, ce qui leur a permis de mettre en place un système très efficace pour prévenir la famine. Mais au final, ces facteurs ont involontairement conduit à une catastrophe bien plus grave : l’apparition et la diffusion de la Peste Noire.
En 2022, une autre équipe de chercheurs allemands et britanniques a réussi à identifier l’origine de la souche originelle de la bactérie Yersinia pestis. Ils ont établi un lien entre les preuves de la maladie qui a ravagé l’Europe et les épidémies survenues dans les montagnes du Tian Shan, à la frontière du Kirghizistan actuel, en 1338. Il est probable que, par le biais du commerce et des migrations humaines, des rongeurs et des insectes porteurs de la maladie aient été transportés sur de longues distances jusqu’en Eurasie occidentale et en Europe, propageant ainsi la peste.
Les auteurs de la dernière étude ajoutent que leurs recherches sont « particulièrement pertinentes » dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Selon eux,« bien que la conjonction de facteurs ayant contribué à la Peste Noire semble rare, la probabilité que des zoonoses (maladies infectieuses se transmettant de l’animal à l’homme) émergent sous l’effet du réchauffement climatique et se transforment en pandémies est susceptible d’augmenter dans un monde globalisé.»
Source : Médias britanniques et allemands.

 

Enterrement de victimes de la peste noire à Tournai, dans les Annales de Gilles Le Muisit (1272-1352), Bibliothèque royale de Belgique. (Source : Wikipedia)

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Though its route through Central Asia remains elusive, two German researchers believe they have discovered how — and why — the Black Death made it to Medieval Europe. A climate catastrophe that forced a rethink in trade routes was probably responsible for causing the Black Death in the 14th century.

The Black Death, one of the most fatal pandemics in human history, ravaged Europe between 1347 and 1353, and killed an estimated 25 to 50 million people. It is caused by Yersinia pestis bacteria. If bitten by an animal, such as a flea or a rodent, that is infected with the bacteria, a person would develop symptoms of swollen lymph nodes — called « buboes » — and potentially a mix of fever, fatigue, vomiting, nausea, and aches. If the lungs were infected, the bubonic plague became pneumonic plague, a type that spread faster and was always fatal. Fortunately, the development of bacteria-killing antibiotics has largely consigned plague to the past. But it still exists as a problem in some parts of the world, especially Madagascar, DR Congo and Peru. Cases continue to occur in the western United States, parts of Brazil and Bolivia, South and Central Asia.

Historians had not previously understood why the Black Death began precisely when it did, where it started, why it was so deadly, and how it spread so quickly.

A new study by researchers at the University of Cambridge in the UK and the Leibniz Institute (GWZO) in Germany has shed light on the circumstances that led to the bubonic plague coming to Europe. Their research was published in the journal Communications Earth & Environment,

Using a combination of climate data and documentary evidence, including analysing tree rings, the study suggests that a volcanic eruption – or cluster of eruptions – around 1345 caused annual temperatures to drop for consecutive years due to the haze from volcanic ash and gases.

This, in turn, caused crops to fail across the Mediterranean region. To avoid riots or starvation, Italian city states used their connections to trade with grain producers of the Golden Hord, which dominated Central Asia at the time. This method helped them avoid famine, but introduced the Black Death through foreign ships.

The authors of the study analysed tree rings from the Spanish Pyrenees, discovering consecutive Blue Rings, which suggest unusually cold and wet summers in 1345, 1346 and 1347 across much of southern Europe. They found evidence from the same period that documented unusual cloudiness and dark lunar eclipses, which also suggest volcanic activity.

A historian of medieval climate and epidemiology from the GWZO, worked with the scientific team to piece together “the most complete picture to date” of the “perfect storm” that led the plague to Europe’s ports. He explains that for more than a century, the powerful Italian city states had established long-distance trade routes across the Mediterranean and the Black Sea, allowing them to activate a highly efficient system to prevent starvation. But ultimately, these inadvertently led to a far bigger catastrophe.

In 2022, another group of researchers from Germany and the UK were able to pinpoint the origin of the so-called « source strain » of Yersinia pestis. They connected evidence of the disease that tore through Europe to outbreaks in the Tian Shan mountains, which border modern day Kyrgyzstan, in 1338. It’s likely that through trade and human movement, disease-carrying rodents and insects were transported the long distances into western Eurasia and Europe — bringing the plague with them.

The authors of the latest study add that the research is “especially relevant” following the Covid-19 pandemic. “Although the coincidence of factors that contributed to the Black Death seems rare, the probability of zoonotic diseases emerging under climate change and translating into pandemics is likely to increase in a globalised world.”

Source : British and German news media.

Fonte du permafrost : Ruée vers l’ivoire des mammouths // Permafrost melting: Mammoth ivory rush

Comme je l’ai indiqué précédemment, certains pays comme la Russie et les Etats-Unis voient d’un bon œil la fonte de la glace de mer dans l’Arctique car elle permettra l’ouverture de nouvelles voies maritimes et l’accès à des richesses minérales jusqu’alors cachées sous la banquise.

De même que la fonte de la glace en mer, la fonte du permafrost dans la toundra va présenter de nombreux avantages pour certains. Alors que les scientifiques redoutent une accélération des émissions de méthane et de gaz carbonique qui contribueront à accélérer l’effet de serre, d’autres espèrent tirer profit de la fonte du pergélisol qui dévoile d’innombrables carcasses de mammouths. Autrefois prisonnières du sol gelé en permanence, ces carcasses sont désormais faciles à dépouiller de leurs défenses.

La pratique, en Russie, est légale pour toute personne disposant d’une licence officielle, en sachant qu’elle peut s’avérer très dangereuse, notamment quand les personnes qui chassent l’ivoire préhistorique cherchent leur butin dans des grottes sur le point de s’effondrer.

Malgré tout, pratiquée comme une activité principale ou en complément d’un travail plus traditionnel, la chasse au mammouth peut devenir une activité extrêmement lucrative. Par exemple, une défense prélevée sur un animal ayant vécu en Sibérie il y a 10 000 ans peut rapporter plusieurs dizaines de milliers d’euros à son découvreur. Certaines personnes sont devenues millionnaires, tandis que d’autres sont simplement sorties de la misère grâce au produit de leurs ventes.

La demande en ivoire de mammouth vient principalement de Chine et transite via Hong Kong. Officiellement, la Russie a exporté 72 tonnes d’ivoire de mammouth en 2017. Il faut néanmoins savoir que les complications réglementaires imposées par les autorités locales ont encouragé le commerce illégal qui est estimé à 50% de l’ensemble des échanges. Le marché est si important que les Chinois viennent se servir directement en Iakoutie.

En 2017, la Chine a interdit le commerce de l’ivoire d’éléphant pour essayer d’enrayer le braconnage. L’ivoire de mammouth est maintenant considéré comme un substitut appréciable pour fabriquer des objets décoratifs ou des bijoux qui se vendent à prix d’or. De plus, les réserves de défenses de mammouths sont considérables. Alors que la population d’éléphants est estimée à 350 000 têtes en Afrique, on pense que 10 millions de mammouths se cachent dans le permafrost de la toundra sibérienne. Des scientifiques de l’Université de Calgary au Canada indiquent que le commerce de l’ivoire de mammouth a fait baisser le nombre annuel d’éléphants braconnés de 55 000 à 34 000. Il est bien évident que l’interdiction de commerce des défenses de mammouth risquerait de faire grimper le cours de l’ivoire d’éléphant et donc le risque de braconnage.

Source : Presse internationale.

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As I mentioned earlier, some countries, such as Russia and the United States, welcome the melting of sea ice in the Arctic as it will open up new shipping routes and provide access to mineral wealth hitherto hidden under the pack ice.
Like the melting of sea ice, the melting of permafrost in the tundra will have many benefits for some. While some fear an acceleration of methane and carbon dioxide emissions, huge contributors to the greenhouse effect, others hope to take advantage of the melting permafrost that reveals innumerable carcasses of mammoths. Formerly prisoners of the permanently frozen ground, these carcasses are now easy to strip of their tusks.

The practice in Russia is legal for anyone with an official license, knowing that it can be very dangerous, especially when people who look for prehistoric ivory seek their loot in caves in danger of collapsing.
Nevertheless, practiced as a main activity or in addition to more traditional work, mammoth hunting can become an extremely lucrative activity. For example, a tusk taken from an animal that lived in Siberia 10,000 years ago can bring tens of thousands of dollars to its discoverer. Some people have become millionaires, while others are simply out of misery thanks to the proceeds of their sales.
Demand for mammoth ivory comes mainly from China and transits via Hong Kong. Officially, Russia exported 72 tonnes of mammoth ivory in 2017. It should be noted, however, that administrative complications imposed by local authorities have encouraged illegal trade which is estimated at 50% of all trade. The market is so widespread that the Chinese come to serve themselves directly in Yakutia.
In 2017, China banned the trade in elephant ivory to try to stop poaching. Mammoth ivory is now considered a valuable substitute for making decorative items or jewelry that sell for a premium price. In addition, mammoth tusk reserves are considerable. While the elephant population is estimated at 350,000 head in Africa, an estimated 10 million mammoths are hiding in the permafrost of the Siberian tundra. Scientists at the University of Calgary in Canada report that the mammoth ivory trade has reduced the annual number of poached elephants from 55,000 to 34,000. It is obvious that the ban on trade in mammoth tusks could increase the price of elephant ivory and thus the risk of poaching.
Source: International Press.

Image de la toundra automnale (Photo : C. Grandpey)

Royal BC Museum de Victoria (Canada)  [Photo : C. Grandpey]