Stations de ski : on vous avait prévenus !

Je l’ai toujours dit : il faudra qu’il n’y ait plus de neige en montagne et que les gens ne puissent plus skier pour qu’ils découvrent les effets du réchauffement climatique. A l’approche des vacances d’hiver, la situation n’est pas brillante dans les stations de basse et moyenne altitude. Les Pyrénées, le Jura, le Massif Central sont à la peine. Sans les canons à neige, il n’y aurait pas de blanc sur la montagne. À hautes altitude, les Alpes sont un peu mieux loties, mais pour combien de temps ? On est en droit de se demander si c’est une bonne idée de prévoir l’organisation des Jeux d’Hiver en 2030 dans notre pays.

À plusieurs reprises, on m’a quasiment ri au nez dans les Alpes quand je répétais que le ski vivait ses dernières années. C’est fou comme le déni du réchauffement climatique est vivant dans certaines stations ! J’ai prévenu que, faute de diversification, la situation allait devenir critique. On m’a rétorqué qu’avec les canons il y aurait toujours de la neige. Pas si sûr ! Pour que les enneigeurs fonctionnent, il faut des températures négatives. On m’a fait remarquer que les enneigeurs nouvelle génération peuvent se mettre en route avec des températures plus élevées qu’auparavant. On ne m’a bien sût pas dit que ces nouvelles machines sont très coûteuses et qu’elles sont très gourmandes en énergie. Bonjour l’empreinte carbone… !

A quelques jours des vacances d’hiver, la presse française dresse un bilan de l’enneigement et rappelle les annulations en série. Il y a quelques jours, j’ai signalé l’annulation d’épreuves de Coupe du Monde à Chamonix. Dans le Jura, la Transjurassienne 2024 n’aura pas lieu. Prévue les 10 et 11 février prochain, la plus importante course de ski de fond française a été annulée, faute de neige. Tous les participants ont été automatiquement réinscrits pour l’édition 2025… en espérant qu’il y aura de la neige.

Les prévisions à moyen et à long terme de Météo France ne sont guère favorables à la pratique du ski. semaine du 29 janvier 4 février : grande douceur et quelques faibles pluies au nord ; semaine du 5 février au 11 février : temps plus perturbé et un peu moins doux ; semaine du 12 au 18 février : un temps redevant de saison, mais toujours très sec au sud ; semaine du 19 au 25 février : l’anticyclone d’hiver persiste et signe. La conclusion de Météo France est sans appel : « Deux périodes distinctes ressortent de cette tendance. La douceur s’imposera les deux premières semaines, alors que les températures rejoindront les normales de saison mi-février. Quoi qu’il en soit, la tendance est sèche et le manque de neige se fera cruellement sentir sur tous les massifs, bien qu’un peu moins dans les Alpes. »

La station du Mont Dore (Auvergne) il y a quelques jours (image webcam)

 

Réchauffement climatique : canons à neige en péril // Global warming : snow cannons at risk

Un article récemment publié dans la presse italienne explique qu’investir dans des canons à neige devient de plus en plus risqué avec l’accélération du réchauffement climatique.
Les journaux donnent l’exemple de Monte Cimone, une station de ski populaire des Apennins. 5 millions d’euros ont été investis dans l’enneigement artificiel en 2022 avant la saison hivernale pour essayer de lutter contre les conséquences du réchauffement climatique, mais ce n’était pas une bonne idée. Les canons à neige se sont avérés inutiles car la température n’est jamais descendue en dessous de zéro jusqu’à la mi-janvier 2023. Les canons n’auraient projeté que des gouttelettes d’eau. Les remontées mécaniques sont restées à l’arrêt, les moniteurs de ski et les saisonniers ont été réduits au chômage et la station a perdu 40% de chiffre d’affaires sur l’ensemble de la saison. C’est la première fois en 40 ans que la station de Monte Cimone est restée fermée pour les vacances de Noël.
La hausse des températures menace l’industrie du ski dans le monde entier, mais l’Italie, avec ses nombreuses stations à relativement basse altitude dans les Apennins et dans les Alpes, est particulièrement touchée. Selon les données de l’association environnementale italienne Legambiente, environ 90 % des pistes italiennes dépendent de la neige artificielle, contre 70 % en Autriche, 50 % en Suisse et 39 % en France.
La hausse des températures en Europe a provoqué une sécheresse à grande échelle et l’Italie ne peut se permettre d’utiliser des millions de mètres cubes d’eau chaque année pour faire de la neige artificielle. Legambiente a calculé que la consommation annuelle d’eau à cet effet sur les pistes de ski dans les Alpes italiennes pourrait bientôt atteindre celle d’une ville d’un million d’habitants, comme Naples. L’énergie consommée par le nombre sans cesse croissant de canons à neige est également exorbitante. La puissance nécessaire pour fournir de la neige de culture à toutes les stations de ski dans les Alpes équivaut à la consommation annuelle de 130 000 familles de quatre personnes.
L’industrie du ski va devoir prendre une décision importante. Il va falloir choisir entre continuer à lutter contre le réchauffement climatique dans l’espoir que le progrès technologique permettra de surmonter l’effet de la hausse des températures, et rechercher d’autres sources de revenus touristiques. Alors que les climatologues et même la Banque d’Italie conseillent la deuxième solution, la plupart des stations de ski veulent faire de la résistance.
Il est vrai que les enjeux économiques sont importants. Le secteur italien du ski emploie directement ou indirectement 400 000 personnes et génère un chiffre d’affaires de 11 milliards d’euros, soit environ 0,5 % du produit national. L’Italie compte environ 220 stations de ski avec au moins cinq remontées mécaniques, ce qui la place au troisième rang mondial derrière les États-Unis et la France. Le pays accueille également le troisième plus grand nombre de touristes étrangers derrière l’Autriche et la France.
L’Italie a commencé à installer des enneigeurs vers 1990, après deux années presque sans neige dans les Alpes. C’est aujourd’hui un leader mondial de canons à neige. L’un de ses principaux fabricants, TechnoAlpin, a fourni en canons les Jeux olympiques d’hiver de 2022 à Pékin. La dernière innovation de TechnoAlpin peut produire de la neige à + 10°C. Des tests sont effectués sur les pistes de Bolbeno, la station de ski la plus basse d’Italie à seulement 600 mètres d’altitude. La neige produite par cette nouvelle technologie est soi-disant « merveilleuse » et reste au sol même par temps chaud.
L’Italie est loin d’être le seul pays à investir des sommes importantes pour préserver son ski d’hiver. En décembre, les responsables de la station suisse de Gstaad ont utilisé des hélicoptères pour déposer de la neige sur une piste stratégique reliant les domaines skiables de Zweisimmen et Saanenmoser, eux-mêmes alimentés en neige artificielle.
Les tentatives de préservation de l’industrie du ski font réagir les écologistes. En mars 2023, des militants armés de drapeaux et de banderoles se sont rassemblés à Pian del Poggio, dans les Apennins italiens, pour protester contre l’installation de canons à neige dans la station située à 1 300 mètres d’altitude. Cinq groupes écologistes espagnols font pression sur l’Union Européenne pour bloquer une subvention de 26 millions d’euros destinée à financer un projet de jonction de deux stations de ski dans les Pyrénées. La plupart des économistes et des climatologues affirment qu’essayer de maintenir les stations de ski à basse altitude est voué à l’échec et que la fabrication de neige artificielle ne fait que retarder l’inévitable.
Dans ce contexte, les stratégies d’adaptation basées sur la diversification des activités en montagne sont cruciales. En Europe, les Alpes vont probablement devenir de plus en plus fréquentées en été, car la chaleur sur les plages et dans les villes méditerranéennes va devenir insupportable. Les stations de montagne ont donc intérêt à attirer de nouveaux types de vacanciers.
Un nombre croissant de stations de montagne ont déjà suivi les conseils. Dans l’une d’elles, à 1 600 mètres d’altitude à 100 km au nord de Milan, les autorités ont démantelé les remontées mécaniques il y a 16 ans, tout en améliorant les infrastructures prévues pour l’alpinisme et la randonnée.
Source : Yahoo Actualités, médias d’information italiens.

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An article recently published in the Italian news papers, shows that investing in snow cannons can become more and more risky with the accelerating global warming.

The Italian press gives the example of Monte Cimone, a popular ski resort in Italy’s Apennine Mountains. It invested 5 million euros in artificial snowmaking in 2022 before the winter season in an attempt to stave off the impact of global warming. The money was largely wasted. The snow cannon proved useless because the water droplets they fire into the air need freezing weather for them to fall to the ground as snow, and until mid-January 2023 the temperature never fell below zero Celsius. The ski-lifts were closed, the ski instructors and seasonal workers had nothing to do and the ski resort lost 40% of revenue for the whole season. It was the first time in 40 years that Monte Cimone was closed for the Christmas holidays.

Rising temperatures threaten the skiing industry worldwide but Italy, with its many relatively low-altitude resorts in the Apennines as well as the Alps, is particularly badly affected. Some 90% of Italy’s pistes rely on artificial snow, compared with 70% in Austria, 50% in Switzerland and 39% in France, according to data from Italian Green lobby Legambiente.

Rising temperatures in Europe are bringing drought and Italy can ill afford the millions of cubic metres of water it uses every year to make snow. Legambiente calculates that the annual water consumption of Italy’s Alpine pistes may soon be as much as a city of a million people, such as Naples. The energy consumed by an ever-growing battery of snow cannon is also exorbitant.The power required to provide artificial snow to all Europe’s Alpine resorts would equal the annual consumption of 130,000 families of four people.

The skiing industry faces a looming decision. It may battle on in the hope technological progress can overcome the effect of rising temperatures, or it can look for alternative sources of tourist revenue. While climatologists and even the Bank of Italy suggest the second course of action, most ski operators are defiant.

The economic stakes are high. Italy’s ski sector directly or indirectly employs 400,000 people and generates turnover of 11 billion euros, equal to about 0.5% of national output. Italy has around 220 ski resorts with at least five lifts, putting it third in the world behind the United States and France. It also receives the third highest number of foreign tourists behind Austria and France.

Italy started to develop artificial snow machines around 1990 after two almost snowless years in the Alps. It is now a world leader. One of its main producers, TechnoAlpin, supplied the 2022 Winter Olympic games in Beijing. TechnoAlpin’s latest machine can produce snow at 10° C. It is testing the device on nursery slopes at Bolbeno, Italy’s lowest resort at an altitude of just 600 metres. The snow the technology produces is said to be « wonderful » and remains on the ground even in warm temperatures.

Italy is far from alone in going to almost any lengths to preserve its winter skiing. In December authorities in the Swiss resort of Gstaad used helicopters to deposit snow onto a strategic but bare piste connecting the ski areas of Zweisimmen e Saanenmoser, which were themselves furnished with artificial snow from cannon.

The attempts to preserve the ski industry are drawing protests from environmentalists. In March 2023, activists with flags and banners gathered at Pian del Poggio, in Italy’s Apennines, to protest against the installation of snow cannon at the 1,300 metre high resort. Five Spanish environmentalist groups are lobbying the European Union to block the use of 26 million euros of EU money to fund a project to join two ski resorts in the Pyrenees. Some economists and climatologists argue that trying to keep low-altitude ski resorts in business is destined to fail, and snow-making merely delays the inevitable.

In this context adaptation strategies based on diversification of mountain activities and revenues are crucial. The European Alps are likely to become increasingly popular in summer as Mediterranean beaches and cities grow uncomfortably hot. So mountain resorts resorts should focus on attracting different kinds of holidaymakers.

A growing number of mountain communities have already followed the advice. In a 1,600 metre-high resort 100 km north of Milan, the authorities dismantled the ski-lifts 16 years ago while improving facilities for mountaineering and hiking.

Source : Yahoo News, Italian news media.

Photo: C. Grandpey

Le manque de neige, un casse-tête pour les stations de ski

Le manque de neige dans la plupart des stations de ski de basse et moyenne montagne au cours des vacances de Noël 2022-2023 a confirmé ce que l’on savait déjà, mais que certains refusent toujours d’admettre : avec le réchauffement climatique, la neige va se faire de plus en plus rare dans ces stations. Celles situées à des altitudes plus élevées connaîtront des problèmes, elles aussi, mais un peu plus tard, en sachant que le réchauffement climatique est souvent plus rapide que les prévisions.

La chaîne France Info a choisi de prendre comme exemple de la situation actuelle Gresse-en-Vercors, le plus haut village du Vercors. Devant le manque de neige récurrent, les autorités locales se demandent s’il faut poursuivre les activités de ski. Le village a été obligé de fermer sa station pendant une grande partie des vacances de Noël 2022, faute de neige.

Continuer ou s’arrêter ? C’est le dilemme pour de nombreux petits villages dans les massifs français. Malgré le manque de neige, les habitants de Gresse ont fait le choix il y a deux ans, par référendum, d’installer neuf nouveaux canons à neige. A mes yeux, c’est une erreur car, pour que les enneigeurs fonctionnent, il faut une température inférieure de plusieurs degrés à zéro et la tendance climatique actuelle ne semble guère favorable à une telle situation. Sans parler des effets néfastes des enneigeurs pour l’environnement.

Le maire de la localité, élu en 2020, était contre ce projet. Il n’envisage pas de fermer la station, mais souhaite la voir évoluer. Du côté des partisans du maintien du ski coûte que coûte, la joie a été de courte durée. Avec ou sans canon, la station a dû fermer, comme beaucoup d’autres, une partie des vacances de Noël à cause du manque de neige. Les neuf enneigeurs ont coûté 500 000 euros financés par la mairie avec l’aide de subventions de la région et du département.

Le maire précédent a soutenu le « oui » lors du référendum. Selon lui, il faut continuer à penser aux quatre saisons et à ne pas sacrifier l’hiver. L’équipe municipale actuelle ne croit plus à la neige. Le nouveau maire a déclaré : « On ne se fait pas d’illusions, on va être rattrapé par le réchauffement climatique. » Pour son prédécesseur, « l’idée, c’est de tenir 15 à 20 ans sans problème. » Au train où vont les choses, l’accélération du réchauffement climatique risque de le décevoir. Il y a de fortes chances pour que la neige ait disparu à l’échéance qu’il s’est donné.

La neige a signé son retour en janvier mais il va désormais falloir payer les factures pour faire fonctionner les canons. A Gresse comme ailleurs, la hausse du coût de l’énergie se fait sentir lourdement. On compte cette hausse en dizaine de milliers d’euros et le maire fait remarquer que les 50 canons à neige représentent à eux seuls 40 % des dépenses en énergie de la station.

Source : France Info.

Les enneigeurs ne sont probablement pas une solution d’avenir. (Photos: C. Grandpey)

La neige va-t-elle disparaître de nos montagnes ?

Nous sommes fin  décembre 2019 – début janvier 2020. L’hiver vient de débuter officiellement au calendrier et la saison de ski devrait commencer à battre son plein. Le problème, c’est que le réchauffement climatique est en train de brouiller les cartes et toutes les stations ne sont pas logées à la même enseigne. Si les stations alpines de haute altitude bénéficient de condition d’enneigement favorables, il n’en va pas de même de leurs homologues de moyenne et basse montagne. Celles du Jura et du Massif Central, en particulier, font grise mine. La situation n’est pas brillante non plus dans les Pyrénées où de nombreuses pistes restent fermées. La France connaît ces jours-ci un régime de hautes pressions et de nouvelles chutes de neige ne sont pas prévues à court terme par Météo France.

La neige est pourtant un enjeu économique. Avec 10 millions de touristes par an dans les stations, et 53 millions de forfaits journaliers, la France est numéro 3, derrière les États-Unis et l’Autriche. L’or blanc génère deux milliards d’euros de chiffre d’affaire et 120 000 emplois, mais la poule a peut-être pondu la plus grande quantité de ses œufs d’or ! Le GIEC prévoit un réchauffement climatique au-delà de 2,5°C 2100, et la neige aura probablement déserté une grande partie de nos montagnes d’ici là. Comme on peut le lire sur le site web de la radio France Info, « il faudra faire du ski dans la Cordillère des Andes ou dans l’Himalaya ! »
Certes, il y aura encore des périodes d’enneigement, mais une étude récente prévoit que les stations situées autour de 1500 mètres perdront dans quelques années 100 jours de neige par an, particulièrement en début et fin de saison. En conséquence, de plus en plus de stations s’équipent de canons à neige, en sachant que pour que ces enneigeurs fonctionnent il faut des températures suffisamment basses, ce qui n’est pas gagné ! En plus, ces canon à neige sont très gourmands : Pour un hectare à enneiger, il faut pulvériser 4 000 m3 d’eau, l’équivalent d’une piscine olympique. Pour l’ensemble des pistes les plus menacées, c’est 28 milliards de litres d’eau, c’est la consommation en eau potable de 540 000 habitants par an. On va me rétorquer que cette eau provient de réserves collinaires et ne tire donc pas sur le réseau d’alimentation domestique. C’est vrai, mais suffiront-elles toujours à produire la neige de culture ?
Un autre article de France Info donne l’exemple de la station de ski d’Auron (Alpes-Maritimes) qui a recours aux enneigeurs pour compenser l’absence de neige naturelle causée par le réchauffement climatique. Pour assurer une quantité suffisante, la station a investi 28 millions d’euros dans la neige de culture depuis 2002. 405 enneigeurs ont ainsi été installés. Leur production n’a cessé d’augmenter ces dernières années, mais le coût est considérable: un euro le mètre cube de neige fabriqué. Depuis le début de la saison, la station a ainsi dépensé 75 000 euros. De plus, la ressource en eau pose problème. Stockée dans une réserve collinaire, elle s’évapore en partie lors de la production de neige de culture. Pourtant, sans de tels équipements, l’avenir de la station serait compromis. Dans cette partie des Alpes, les scientifiques expliquent que l’enneigement hivernal moyen pourrait baisser de 10 à 40 % d’ici 2050.

Source : France Info.

Sans canons à neige, la saison de ski serait fortement compromise (Photo: C. Grandpey)