Avril 1980, les jours d’avant.
Le 18 mai 2020 marquera le 40ème anniversaire de l’éruption cataclysmale du Mont St Helens en mai 1980. Dans un article récent, l’US Geological Survey (USGS) explique le travail effectué par les volcanologues américains pendant les jours qui ont précédé l’événement.
Il y a quarante ans, aucun scientifique de l’USGS n’était formé à la surveillance de tous les types de volcans actifs. Le travail se limitait à l’observation des éruptions du Kilauea et du Mauna Loa à Hawaï; et les volcanologues n’avaient jamais étudié sur le terrain les volcans composites qui s’alignent le long de la Chaîne des Cascades. De plus, les instruments n’étaient pas aussi performants que ceux utilisés aujourd’hui. Les ordinateurs n’étaient pas répandus et les observations par satellite se comptaient sur les doigts de la main.
Début avril, un renflement avait été observé sur le flanc nord du Mont St Helens ; les glaciers se fracturaient sous sa poussée et un cratère s’était formé à l’arrière de cette bosse qui gonflait en direction du nord. Le phénomène était inquiétant, mais les scientifiques ne savaient pas s’il s’agissait d’un événement superficiel ou le signe d’une déformation plus profonde et plus grande ampleur qui pourrait se développer au-delà du volcan.
Crédit photo: USGS
Pour répondre à cette question, le personnel de l’USGS sur le terrain au mois d’avril 1980 a utilisé le Spirit Lake, alors encore recouvert de glace au nord du volcan, comme inclinomètre à liquide. Les scientifiques ont cloué des repères en bois sur des souches d’arbres ou des embarcadères autour du lac. Grâce à des rotations d’hélicoptères, ils ont relevé les niveaux d’eau sur six sites pendant environ 20 minutes et calculé les différences. La répétition des mesures jusqu’à la fonte de la glace à la mi-avril n’a montré aucune variation significative de niveau.
Vue du Spirit Lake avec le Mont St Helens à l’arrière-plan (Photo: C. Grandpey)
Les scientifiques ont alors commencé à se concentrer les mesures de déformation sur le renflement apparu sur le versant nord du Mont St Helens. La surface plane du parking du terrain de camping Timberline, situé juste au nord-est du renflement, était parfaite pour mesurer l’inflation, en utilisant une méthode mise au point par le HVO à Hawaii. Des clous ont été enfoncés dans la chaussée aux extrémités d’un triangle d’environ 10 m de côté. Ils ont servi de points de repères pour déterminer les variations d’élévation relatives. Des mesures répétées, souvent pendant des tempêtes de neige, ont révélé les variations d’élévation du sol. Sept relevés entre le 30 mars et le 30 avril ont montré une inclinaison globale environ 2 microradians par jour à bonne distance du renflement. Cette petite variation d’inclinaison était une preuve supplémentaire que la déformation était concentrée sur le renflement proprement dit.
Mesure du tilt (inclinaison) au parking du camping de Timberline (Crédit photo: USGS)
D’importantes inclinaisons de plusieurs dizaines de microradians pendant seulement quelques minutes se superposaient à l’inclinaison globale. Le parking oscillait d’avant en arrière, probablement sous l’effet du mouvement saccadé du renflement sur le flanc du volcan. Pour fournir des données d’inclinaison en continu, des inclinomètres électroniques ont été installés fin avril. Cependant, des problèmes techniques et l’instabilité du sol à cause du dégel ont limité leur utilisation.
Il devenait évident qu’un télémètre électronique – Electronic Distance Meter (EDM) – était indispensable pour mesurer le renflement sur le flanc du volcan. Les EDM performants étaient coûteux et difficilement disponibles à cette époque. Un tel instrument était disponible à la Smithsonian Institution et un prêt a été conclu. Les mesures ont commencé le 20 avril 1980.
Les mesures EDM ne sont pas simples. Un EDM suppose l’installation d’une cible qui réfléchit un rayon laser vers l’instrument.
Normalement, des prismes en verre coûteux sont utilisés, mais tout ce qui devait être installé sur le renflement devait être bon marché. L’USGS a opté pour des réflecteurs routiers en plastique qui ont été vissés sur une planche qui a été ensuite boulonnée sur un panneau en acier enfoncé dans le sol à des emplacements situés sur et près du renflement, et accessibles par hélicoptère. A l’aide de ces cibles de fortune, de l’EDM et d’un théodolite optique à l’ancienne, les scientifiques de l’USGS ont pu mesurer la progression du renflement qui atteignait jusqu’à 1,5 m par jour. Ils ont pu aussi définir les limites du renflement et obtenir des données fiables.
Source: USGS.
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April 1980, the days before the event.
May 18th, 2020 will mark the 40th anniversary of the powerful Mt St Helens eruption in May 1980. In a recent article, the U.S. Geological Survey (USGS) explains the work they had to do during the days that preceded the event.
Forty years ago, no scientists in the USGS and academia were adept at monitoring all types of active volcanoes. Their expertise came from the observations of eruptions on Kilauea and Mauna Loa in Hawaii; they had never worked on the steep composite volcanoes that dominate the Cascade Range. Equipment was remedial by today’s standards, computers were not in general use, and satellite observations were limited.
By early April, a growing bulge had appeared high on the north flank of the volcano (see image above), cracking glaciers and leaving a crater behind as it moved northward. This phenomenon was alarming, but scientists did not know whether it was a shallow feature or only the tip of deeper, larger deformation that might reach beyond the volcano.
To answer this question, USGS staff in April used ice-covered Spirit Lake (see image above) north of the volcano as a large liquid tiltmeter. They nailed wooden yardsticks to tree stumps or dock piers around the lakeshore where open water was present. Using helicopter hops, they read water levels at six sites in about 20 minutes and calculated their differences. Repeat measurements until the ice melted in mid-April showed no change.
The scientists could thus focus deformation measurements on the bulge itself. The flat parking lot at Timberline campground just northeast of the bulge was perfect for measuring tilt, using a method developed at HVO (see photo above). They drove nails into the pavement at the tips of a triangle about 10 m on a side and leveling determined their relative elevations. Repeated leveling, often during snowstorms, found changes in elevation caused by tilting ground. Seven levelings (March 30th – April 30th) showed an overall tilt away from the bulge at about 2 microradians per day. This small tilt was further evidence that deformation was concentrated in the bulge itself.
Huge tilts of tens of microradians lasting only a few minutes were superimposed on the overall tilt. The parking lot was swaying back and forth, probably because of jerky movement of the bulge itself. To provide continuous tilt data, electronic platform tiltmeters were installed in nearby areas in late April. However, instrument problems and sites made unstable by thawing ground limited their use.
It became clear that there was the need for an electronic distance meter (EDM) to make measurements of the bulge itself. Powerful EDMs were expensive and not readily available. An instrument was located at the Smithsonian Institution and a loan was arranged. Measurements began on April 20th, 1980. EDM measurements were not straightforward. An EDM requires a target that reflects a laser back to the instrument (see principle above). Normally, costly glass prisms were used, but anything on the bulge had to be cheap. HVO opted for plastic highway reflectors that were screwed to a board which was bolted onto a steel signpost driven into the ground at helicopter-accessible sites on and near the bulge. These makeshift targets, the loaned EDM, and an old-fashioned optical theodolite allowed USGS scientists to measure bulge movement of up to 1.5 m per day, define the limits of the bulge, and otherwise obtain reliable data.
Source : USGS.