Bilan très inquiétant du glacier Blanc (Parc National des Ecrins) pour l’année 2022

Comme je l’ai indiqué précédemment, les précipitations neigeuses ont été insuffisantes au cours de l’hiver 2021-2022 et la zone d’accumulation des glaciers alpins n’a donc pas pu se régénérer. Si l’on ajoute les canicules à répétition qui ont ponctué l’été 2022, on comprend pourquoi la situation glaciaire dans les Alpes est catastrophique.

Ainsi, dans le massif des Ecrins, l’année 2022 constitue un triple record pour le glacier Blanc depuis 23 ans. 1) On enregistre le plus faible enneigement hivernal; 2) la plus forte fonte estivale la plus rapide et3) le bilan annuel le plus déficitaire. Au final, la situation est encore pire qu’en 2003, ce qui n’est pas peu dire.

Les relevés réalisés entre début juin et début août 2022 par les équipes du Parc national des Ecrins et l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE) ont révélé sur le glacier Blanc une fonte moyenne de glace de 8 cm/jour à 2 900 m d’altitude, soit presque 5 mètres d’épaisseur en 2 mois! Sur l’ensemble de la saison estivale, la fonte est presque 2 fois plus importante que la moyenne calculée sur la période d’observation 2000-2022.

Cette fonte très spectaculaire de la glace est due, comme indiqué précédemment, à la perte très rapide de la couverture de neige de l’hiver, dès le début du mois de juin. Cela a décuplé l’effet des températures élevées, atteintes elles aussi précocement, dès le début du printemps.

Le bilan annuel pour le glacier Blanc, établi le 20 septembre 2022 s’avère particulièrement déficitaire. Le glacier a perdu 4 fois plus de masse que la moyenne des 23 dernières années d’observation. 17 millions de mètres cubes de glace qui ont été déstockés et ont alimenté la Durance. C’est l’équivalent de 60 cm de niveau d’eau dans le lac de Serre-Ponçon. Le glacier Blanc a ainsi perdu en une seule année environ 3 à 4% de son épaisseur moyenne (entre 100 et 130 mètres). Au train où vont les choses, il est quasiment certain qu’il disparaîtra en une trentaine d’années…

A côté de cette perte d’épaisseur considérable, et à la faveur d’une topographie favorable dans la zone du front, le glacier Blanc n’a reculé que de 30 mètres entre 2021 et 2022.

Le constat glaciaire à l’issue de l’été 2022 est le même partout dans les Alpes. J’ai écrit une note à propos de la Suisse où les glaciers ont perdu en moyenne 5 à 6% d’épaisseur cette année.

Source: Parc National des Ecrins.

En escaladant le sentier qui conduit au glacier Blanc depuis le Pré de Madame Carle, on aperçoit à main gauche le glacier Noir qui est en grande partie recouvert par une épaisse couche de débris provenant des effondrements de son encaissant. Seul le front du glacier est visible. Cette couverture de matériaux est une chance pour le glacier qui fond moins vite grâce à cette protection. De plus, il est mis à labri des rayons du soleil par les montagnes environnantes, alors que le glacier Blanc est beaucoup plus exposé.

Evolution du bilan de masse du glacier Blanc

Fonte du glacier Blanc au fil des ans  (Source: Parc National des Ecrins)

Glacier Blanc

Glacier Noir (Photos: C Grandpey)

Pyrénées : glaciers en grand péril

Dans une note rédigée le 24 juillet 2019, je faisais part du décès du glacier Okjökull dans l’ouest de l’Islande, tué par le réchauffement climatique. Une plaque commémorative en lettres d’or, titrée en islandais et en anglais, a été inaugurée le 18 août 2019 sur le site du glacier. On peut y lire un texte à l’attention des générations futures : « Une lettre pour l’avenir » – OK (l’Okjökull) est le premier glacier islandais à perdre son statut de glacier. Au cours des 200 prochaines années tous nos glaciers devraient connaître le même sort. Ce monument atteste que nous savons ce qui se passe et ce qui doit être fait. Vous seuls saurez si nous l’avons fait.»

Quelques semaines plus tard, les élus écologistes pyrénéens ont déposé le 23 octobre 2019 une plaque « à la mémoire du glacier Arriel » qui a définitivement fondu dans les Pyrénées béarnaises, victime du réchauffement climatique. Le glacier d’Arriel, à proximité du lac d’Arrémoulit, dans le département des Pyrénées-Atlantiques, connaissait donc le même sort que celui de 50% des glaciers pyrénéens. Le 4 novembre 2019, j’écrivais qu’ « ils disparaîtront probablement tous d’ici 2040. Comme pour le glacier islandais, on peut lire sur la plaque : « Cette plaque atteste que nous savons ce qu’il se passe et que nous savons ce qu’il faut faire. Vous seul-e-s saurez si nous l’avons fait »

La disparition d’un glacier, même de petite taille dans les Pyrénées ou sur les autres massif, n’est pas anodine. Il est utile de rappeler que les glaciers forment des réserves d’eau douce capitales, tant pour les activités humaines que pour les écosystèmes de l’ensemble du Sud-Ouest : agriculture, tourisme, production hydroélectrique…

On peut lire en novembre 2022 dans la presse pyrénéenne que l’été caniculaire 2022 a eu raison des glaciers de Boum et du Portillon dans les Pyrénées luchonnises. Ces glaciers, qui mesuraient 3 hectares en 2020, ne font plus partie de l’inventaire des glaciers des Pyrénées.

En cette fin d’année 2022, il ne reste donc plus qu’une vingtaine de glaciers pour une superficie de 200 hectares, dans l’ensemble du massif pyrénéen, alors que l’on en recensait 44 sur toutes les Pyrénées en 2000. Il est malheureusement probable que tous ces glaciers auront disparu en 2050.

L’association Moraine qui effectue des relevés réguliers sur les glaciers pyrénéens a constaté en 2022 une fonte record du glacier d’Ossoue situé à 3 100 mètres dans le massif du Vignemale (Hautes-Pyrénées). Il a perdu cette année 4,54 mètres d’épaisseur, soit deux fois plus que les précédentes moyennes annuelles qui se situaient entre 1,80 m et 1,90 m.

Source: Wikipedia

Les scientifiques s’attendaient à une perte de glace importante après un hiver déficitaire en neige et les canicules estivales, sans oublier les épisodes de pluie saharienne qui ont réduit l’albédo. Ils ne s’attendaient toutefois pas à une fonte du glacier dans d’aussi importantes proportions.

Le glacier d’Ossoue possède encore une épaisseur d’environ 35 mètres. Toutefois, depuis de début de son suivi il y a plus de vingt ans, il a perdu près de 40 mètres de glace. Même si le réchauffement climatique était stoppé d’un coup, il est donc voué à la disparition. Le glacier continuera de fondre car il n’est plus en équilibre avec les conditions climatiques actuelles.

Source : presse régionale.

Et toujours, pour s’informer sur la fonte des glaciers :