Mayotte : Le mystère demeure ! // Still a mystery !

Le 16 mars 2019, à l’occasion du Salon du Livre de Paris, j’ai rencontré des habitants de Mayotte qui m’ont dit que la terre continuait de trembler sur leur île, même si les secousses sont aujourd’hui moins fortes qu’en mai 2018, lorsque l’essaim sismique a commencé. Il ne faudrait pas oublier que le 11 novembre 2018, un « grondement » a été enregistré par les sismomètres du monde entier. Un nouveau document explique qu’il a pu être provoqué par « le plus grand événement volcanique en mer jamais observé dans les temps historiques. »
Avec sa source à 48 kilomètres à l’est de l’île de Mayotte, le signal sismique a immédiatement attiré l’attention des scientifiques. Il faisait partie d’une séquence sismique qui avait débuté dans la région en mai 2018, mais la très basse fréquence enregistrée en novembre était très différente d’une séquence sismique habituelle et sa cause n’était pas immédiatement évidente. Les scientifiques ont tous été d’accord pour dire qu’il ne pouvait s’agir que d’un événement volcanique impliquant le déplacement d’un vaste volume de magma sous le plancher océanique, avec pour conséquence une déflation significative de ce même plancher. Aujourd’hui, un nouveau document émanant de chercheurs français a été téléchargé sur le serveur public EarthArXiv. Bien que beaucoup de questions restent en suspens, il semble que le volume de magma impliqué soit si important qu’il s’agisse certainement de l’un des plus importants événements volcaniques en mer jamais repérés par l’instrumentation scientifique moderne.
La difficulté à apporter des réponses à cet événement majeur est due au manque cruel de d’équipement de surveillance des profondeurs océaniques dans le monde. En conséquence, beaucoup d’événements ont probablement eu lieu en mer depuis le début des observations, mais n’ont pas pu être détectés par les scientifiques. Comme je l’ai écrit très souvent, nous connaissons mieux la surface de Mars et de la Lune que les profondeurs de nos propres océans.
Les mouvements du sol à Mayotte révèlent que les fonds marins au large de l’île s’affaissent à raison d’environ un centimètre par mois. Dans le même temps, l’île de Mayotte elle-même se déplace vers l’est à raison de 1,6 cm par mois. Ces deux phénomènes indiquent que quelque chose d’énorme est en mouvement dans les profondeurs et provoque une déflation significative.
La nature des événements sismiques laisse supposer que la source magmatique se trouve à une profondeur de 25 kilomètres sous le plancher océanique. On pense qu’au cours des six premiers mois de la séquence sismique, au moins un kilomètre cube de magma s’est déplacé, ce qui équivaut à environ 385 grandes pyramides de Gizeh.
Cependant, certains scientifiques pensent qu’une éruption n’a pas forcément eu lieu près de Mayotte. Il se peut que la lave n’ait pas atteint la surface. Au lieu de cela, le magma a pu s’être injecté dans les sédiments épais qui tapissent le fond de l’océan et y avoir séjourné. Cela a déjà été observé ailleurs, lorsque le magma est plus dense que les sédiments environnants.
Bien que le volume global de magma impliqué au large de Mayotte soit comparable à celui de l’éruption du Havre (Iles Kermadec) en 2012, il est probable que les deux événements sont assez différents. L’éruption du Havre impliquait certainement beaucoup de matériel éruptif, comme l’a démontré l’immense banc de pierre ponce aperçu depuis un avion. Dans le même temps, de grands dômes volcaniques se sont formés sur le plancher océanique du Havre. Dans le cas de Mayotte, si une éruption a effectivement eu lieu, il s’agit plutôt d’un épanchement fissural mettant en jeu de la lave plus fluide.
Quelle qu’en soit la cause, le signal sismique du 11 novembre laisse les scientifiques extrêmement perplexes. En particulier, les épisodes haute fréquence à répétition, qui sont semblables à (mais ne sont pas liées à) ceux générés par une activité industrielle, sont difficiles à expliquer.
Une explication possible serait que les événements haute fréquence sont liés à l’effondrement de l’encaissant rocheux entourant la chambre magmatique. Cela a pu perturber le réservoir magmatique en le faisant osciller ou « bourdonner ». Parallèlement, les ondes, en rebondissant, ont pu frapper les parois de la chambre magmatique et provoquer d’autres effondrements, ce qui a généré d’autres événements haute fréquence. Tout cela aurait synchronisé les événements basse et haute fréquence et donné naissance au signal si particulier du 11 novembre.
Le cadre géologique est également assez étrange. L’événement volcanique majeur se serait produit à l’extrémité Est de la chaîne d’îles, ce qui ne semble pas logique étant donné que les îles volcaniques les plus jeunes se trouvent à l’Ouest.

On ignore également quelle est la cause première du volcanisme dans la région. Il peut être dû à un processus en bordure de plaque tectonique, à un panache mantellique à très haute température, ou même à une extension du rift est-africain, événement tectonique majeur qui déchire lentement le continent.
Il y a aussi un élément écologique qui reste inexpliqué : la découverte de nombreux poissons morts au large de Mayotte. Il se peut que l’activité magmatique les ait effrayés et les ait fait remonter vers la surface où ils n’ont pas supporté les faibles pressions auxquelles ils ne sont pas habitués.

Ce ne sont pour l’instant que des hypothèses. L’installation d’instruments dans la zone concernée est absolument nécessaire. Comme je l’ai écrit précédemment, le CNRS et le BRGM, ainsi que d’autres organismes, mettent en place actuellement des équipements à Mayotte, sur le site de l’activité et sur les Iles Glorieuses, à l’est. Des drones sous-marins et des systèmes de surveillance par des radars basés sur les navires seront nécessaires pour déterminer la quantité de lave qui a percé la surface, en supposant qu’elle ait percé la surface !. Des simulations numériques et des travaux de laboratoire peuvent aussi s’avérer nécessaires pour mieux comprendre ce qui se passe sous la surface.
Source: EarthArXiv.

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On March 16th, 2019, during the Salon du Livre of Paris, I met residents of mayotte who told me seismicity was going on on their island, even though it is less strong than in May 2018 when the swarm began. We should also remember that on November 11th, 2018, a deep rumble was recorded by seismometers around the world. A new pre-print paper about the event is now suggesting that it was caused by the largest offshore volcanic event in recorded history.

Originating 48 kilometres east of the island of Mayotte, the seismic signal immediately caught the attention of geoscientists. It was part of a prolonged seismic sequence that had started in the area back in May 2018, but the very low-frequency recorded in November stood out because it was not immediately obvious what caused it. The scientists agreed that it could only have originated from a volcanic event, one involving the movement of a vast volume of magma beneath the seafloor, causing the ground to significantly deflate.

Now, a new paper by French researchers has been uploaded to the public server EarthArXiv. Although there are plenty of unanswered questions, it appears that the volume of magma involved is so huge that this is certainly one of the largest offshore volcanic events ever spotted by modern scientific instrumentation.

There is a major caveat to all this, however. Compared to land-based monitoring, there is a huge lack of offshore monitoring happening around the world today, and there are likely plenty of offshore events that have taken place since modern records began that scientists have not picked up on. As I wrote it very often, we know the surface of Mars and the Moon better than the depths of the earth’s oceans.

The way the ground on Mayotte is moving implies that the seafloor off its eastern shoreline is sinking at a rate of about one centimetre per month. At the same time, Mayotte itself is shifting eastward at a rate of 1.6 centimetres per month. Both indicate something huge underground is on the move, causing some serious deflation.

The nature of the seismic events suggests that the magma source is centered at a depth of 25 kilometres beneath the seafloor. In the first six months of the sequence alone, at least one cubic kilometre of magma has shifted around, which is roughly equivalent to 385 Great Pyramids of Giza.

However, some other scientists think that what is happening near Mayotte is not necessarily an eruption.as there is currently no direct evidence of an eruption having taken place. There is a significant probability that no lava reached the surface. Failing to breach into the sea, the migrating magma might have injected itself into thick sediments in the seafloor and spread itself around. This has been observed elsewhere, when the magma is denser than the surrounding sediment.

Although the overall volume of magma involved is comparable to the 2012 Havre eruption (Kermadec Islands), the two are likely to be quite different events. The former definitely involved plenty of eruptive material, whose huge pumice raft was first spotted from a plane. At the same time, large volcanic domes formed on the seafloor. In Mayotte’s case, if an eruption did take place, it is more likely to be some sort of fissure effusion involving more fluid lava.

Whatever the cause, the November 11th signal’s individual elements still remain deeply puzzling. In particular, its repeated high-frequency bursts, which are similar (but are not related to) industrial activity, are difficult to explain.

One highly speculative explanation is that the high-frequency events are related to the collapse of the rocky walls surrounding the magma chamber. This disturbs the magma reservoir, causing it to oscillate or ‘hum.’ At the same time, waves bouncing back and forth hit other flanks and trigger more collapses, generating more high-frequency events. This all happens in a way that causes the low- and high-frequency events to synchronize, forming the November 11th signal.

The geological setting is also pretty weird. This major volcanic event is taking place on the eastern end of the island chain, whereas the youngest volcanic islands are to the west. So it appears to be happening in the ‘wrong’ place.

It’s also unclear what is responsible for the volcanism in the first place. It could be caused by action along a tectonic plate boundary, an upwelling plume of superheated mantle material, or even an extension of the East African Rift, a major tectonic event that is slowly tearing the continent apart.

There is even an ecological element to the story that is currently unexplained: the emergence of lots of dead fish offshore from Mayotte. It is thought that the magmatic activity might have scared them up to the surface, where they experienced low pressures that they couldn’t survive in.

Like much about the event, this remains speculative for now. Clearly more instrumentation is required. As I put it before, the French CNRS and BRGM and other authorities are now deploying equipment on Mayotte, at the site of the activity, and on the Glorioso Islands to the east. That still won’t solve all the enigmas. Underwater drones and ship-based radar surveys will be required to determine how much lava erupted at the surface, if any. Numerical simulations and laboratory work may be required to better comprehend what’s going on beneath the surface.

Source: EarthArXiv.

Situation géographique de Mayotte et de l’archipel des Comores (Google Maps)