Terre de volcans et de glaciers, l’Islande est aussi terre de livres et de lecteurs. Les Islandais sont connus pour leur amour de la lecture et pendant les semaines qui précèdent Noël se produit la jólabókaflóð, autrement dit un véritable déluge de livres. Ils arrivent de partout. Il faut savoir que l’Islande publie plus de livres par habitant que n’importe quel autre pays du monde. Le pic des ventes de livres se produit au mois de décembre; c’est le moment où l’industrie de l’édition perçoit environ 80 pour cent de ses revenus annuels.
Selon de nouveaux chiffres publiés par le Centre de Littérature Islandaise, un tiers de la nation a lu cinq ou plus de cinq livres au cours du mois de novembre et 68% des Islandais ont offert un livre à quelqu’un au cours des 12 derniers mois. L’intérêt pour la littérature et la lecture reste très élevé, mais il y a aussi de plus en plus d’Islandais qui lisent « peu ou pas du tout ».
Le Centre de Littérature Islandaise a effectué son étude sur les habitudes de lecture des Islandais pour la cinquième année consécutive, en collaboration avec six autres organisations littéraires du pays. Comme en 2020, l’étude s’est également concentrée sur l’impact de la COVID-19 sur l’intérêt des habitants pour la littérature, mais la pandémie n’a pas modifié de manière significative les habitudes de lecture des Islandais.
Les résultats de l’étude montrent qu’en Islande les hommes ont moins lu en 2021 (1,5 livre/mois), tandis que les femmes ont lu autant qu’avant (3,1 livres/mois). En moyenne, les Islandais lisent 2,3 livres par mois. Les personnes âgées de 18 à 24 ans lisent nettement moins que les personnes plus âgées.
L’étude sur les habitudes de lecture a été menée du 22 au 31 octobre 2021. Pour plus de détails, il suffit de cliquer sur ce lien :
https://www.icelandreview.com/news/a-third-of-icelanders-read-five-or-more-books-in-the-past-month/
Cet amour de la lecture en Islande repose sur une vieille tradition qui consiste à offrir des livres comme cadeaux de Noël. Chaque Islandais trouve généralement au moins un livre sous le sapin chaque année. Après avoir ouvert les cadeaux, de nombreuses personnes se réjouissent à l’idée d’avoir quelque chose de nouveau à lire.
Les livres sont un sujet d’actualité en Islande pendant la période de Noël. Le catalogue annuel du livre, qui présente quelque 700 titres, arrive dans les boîtes aux lettres des Islandais fin novembre. Les médias consacrent alors beaucoup d’espace et de temps d’antenne aux critiques de livres, aux discussions, aux interviews, etc. Plus tard, après Noël, les gens aiment parler des livres qui leur ont été offerts.
Cet amour des Islandais pour la lecture s’explique probablement par le fait que l’écriture et la narration font partie intégrante de l’histoire de leur pays. Les sagas islandaises sont renommées et constituent la base des connaissances des Islandais sur la mythologie nordique, l’histoire des monarchies scandinaves, etc. Les sagas ont été écrites au 13ème siècle qui, dans l’esprit de beaucoup de gens, a été l’âge d’or de l’Islande. Au cours des siècles suivants, l’Islande a dû faire face à de grandes difficultés. C’est une époque où le pays était très pauvre; les gens étaient obligés de vivre dans de petites maisons en tourbe dans lesquelles ils s’entassaient pour se réchauffer. Comme les hivers étaient longs et rigoureux avec peu de lumière à l’extérieur, les gens étaient contraints de passer beaucoup de temps à l’intérieur. C’est ainsi que s’est développée la kvöldvaka – la veillée – une tradition qui consistait à passer les soirées ensemble. C’était un moment de narration qui permettait aux gens de rester éveillés et de se divertir tout en effectuant les travaux d’hiver: filer la laine, tricoter, fabriquer des outils, etc. Quelqu’un lisait un livre, les gens racontaient des histoires ou récitaient des poèmes. Pendant ces longues soirées d’hiver, la kvöldvaka était un élément essentiel pour garder les gens en vie spirituellement.
La kvöldvaka était aussi le moment où se faisait l’éducation des enfants. Ils apprenaient à lire et à écrire, ainsi que l’histoire et la géographie à travers les sagas et d’autres histoires. En conséquence, même si le pays était très pauvre, presque tout le monde savait lire et écrire. Ce sont probablement les raisons pour lesquelles, pour les Islandais, les livres sont bien plus qu’un simple divertissement. Ils font partie intégrante de leur identité nationale.
Sources : Iceland Review, Guide de l’Islande.
Et chez nous? Pouvons nous rivaliser avec les Islandais en matière de lecture? Pas vraiment, semble-t-il. Alors que les Islandais se ruent sur les livres, les Français semblent prendre le chemin inverse. Certes, oa pu voir des files d’attente devant les librairies lorsque le confinement a pris fin. Pourtant, en 2020, les Français ont moins eu le goût pour la lecture qu’à l’accoutumée. Selon un sondage Ipsos pour le Centre National du Livre effectué en avril 2021, 86% des personnes interrogées ont déclaré avoir lu au moins un livre en 2020, soit six points de moins que lors du précédent sondage, en 2019.
Ces chiffres sont encore plus importants chez les jeunes. En 2021, seuls 80% des 15-24 ans se perçoivent comme lecteurs, alors qu »ils étaient 92% à le penser en 2019. 91% des jeunes sondés ont lu au moins un genre littéraire cité dans l’enquête, une chute de sept points par rapport à 2019. Les jeunes lecteurs ont lu des ouvrages surtout qualifiés d’utilitaires (cuisine, décoration, voyages, jardinage, etc.), les livres sur l’histoire, suivis de la littérature classique française ou étrangère et enfin les dictionnaires et encyclopédies. Selon le sondage, il n’y a guère que la science-fiction qui se maintient à la deuxième place des ouvrages dont les jeunes sont friands, bien qu’elle perde tout de même dix points par rapport à 2019.
Source: France Culture.
Je conseille la lecture des sagas islandaises traduites par Régis Boyer.