Réchauffement climatique : l’importance géostratégique grandissante du Svalbard (1ère partie) // Global warming : the growing geostrategic importance of Svalbard (Part 1)

Dans mes notes sur le réchauffement climatique, il m’arrive de faire référence au Svalbard où, comme ailleurs dans l’Arctique, la hausse des températures se fait fortement sentir. C’est dans un cimetière du Svalbard que des chercheurs américains ont découvert que le virus de la Grippe Espagnole était toujours actif sur des prélèvements d’organes de mineurs norvégiens enterrés dans l’archipel en 1918. Aujourd’hui, la fonte des glaces ouvre la voie à de nouvelles routes maritimes dans le Grand Nord, avec l’accès aux ressources naturelles. Toutes les puissances tentent de se positionner pour obtenir une part du gâteau.

Le Svalbard constitue la terre la plus septentrionale de la Norvège et l’un de ses territoires. C’est l’endroit habité le plus proche du pôle Nord, et souvent considéré comme le point zéro du réchauffement climatique. Ces dernières années, la région est devenue un élément clé de la géopolitique dans un contexte de confrontation entre l’Occident et la Russie. Les relations entre Longyearbyen, la localité la plus importante du Svalbard, et Barentsburg, la principale colonie russe locale, sont gelées depuis l’invasion de l’Ukraine.

Avec la fonte des glaces sous l’effet du réchauffement climatique, l’Arctique est devenu un élément clé de la géostratégie mondiale. L’archipel norvégien y joue un rôle de plus en plus important car il constitue l’accès le plus facile à l’Arctique. La Russie a des points d’accès, mais ils sont tous militaires. Or, le traité du Svalbard, qui date de 1920, établit que les pays signataires peuvent s’installer sur le territoire et exploiter ses ressources sur un pied d’égalité, mais sous le régime de la loi norvégienne. L’article 9 du traité stipule clairement que l’archipel ne peut être utilisé à des fins militaires ou militarisées. La Russie est donc bloquée à ce niveau. Jusqu’à quand ? D’autres pays, comme la Chine, veulent consolider leur présence. Pékin a même tenté d’acheter les derniers terrains privés de l’archipel, mais le gouvernement norvégien a stoppé l’opération.

En 1920, le traité du Svalbard a accordé la souveraineté sur l’archipel à la Norvège qui, depuis lors, a réussi à maintenir la stabilité et la paix. L’accord a déjà été signé par près de 50 pays, dont la plupart des pays de l’Union européenne et de l’OTAN, ainsi que la Russie, la Chine et la Corée du Nord.

Désormais, chacun de ces pays se positionne en attendant le partage des trésors qui ne manqueront pas d’émerger lorsque la glace disparaîtra et que de nouvelles routes maritimes s’ouvriront. Des ressources telles que le pétrole, le gaz, les terres rares ou les minéraux précieux seront alors accessibles. Ces dernières années, la route maritime du Nord est devenue une voie de transport de plus en plus utilisée. En effet, les routes maritimes arctiques sont 30 à 50 % plus courtes que celles qui empruntent les canaux de Suez et de Panama.

La science est un outil politique pour pénétrer dans l’Arctique. C’est pourquoi les nations qui n’ont pas de masse continentale dans la région construisent de puissants brise-glaces et des navires scientifiques. Ils prétendent ainsi avoir une partie de l’Arctique. C’est également le cas de la Chine qui, en 2010, a revendiqué son statut d’État proche de l’Arctique, tout en étant très éloignée de cette partie du monde.

Source : France Info.

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In my posts about global warming, I sometimes refer to Svalbard, where, as elsewhere in the Arctic, rising temperatures are being strongly felt. It was in a Svalbard cemetery that American researchers discovered that the Spanish Flu virus was still active on organ samples from Norwegian miners buried in the archipelago in 1918. Today, the melting ice is opening the way to new maritime routes in the Far North, with access to natural resources. All the powers are trying to position themselves to get a piece of the pie.
Svalbard is the northernmost land in Norway and one of its territories. It is the closest inhabited place to the North Pole, and is often considered to be ground zero for global warming. In recent years, the region has become a key element of geopolitics in the context of confrontation between the West and Russia. Relations between Longyearbyen, the main residential place on Svalbard, and Barentsburg, the main local Russian colony, have been frozen since the invasion of Ukraine.
With the melting of the ice due to global warming, the Arctic has become a key element of global geostrategy. The Norwegian archipelago plays an increasingly important role there because it is the easiest access to the Arctic. Russia has access points, but they are all military. However, the Svalbard Treaty, which dates back to 1920, establishes that the signatory countries can settle on the territory and exploit its resources on an equal footing, but under the regime of Norwegian law. Article 9 of the treaty clearly states that the archipelago cannot be used for military or militarized purposes. Russia is therefore blocked at this level. Until when? Other countries, such as China, want to consolidate their presence. Beijing even tried to buy the last private lands in the archipelago, but the Norwegian government stopped the operation.
In 1920, the Svalbard Treaty granted sovereignty over the archipelago to Norway, which has since managed to maintain stability and peace. The agreement has already been signed by nearly 50 countries, including most of the European Union and NATO countries, as well as Russia, China and North Korea.
Now, each of these countries is positioning itself in anticipation of sharing the treasures that will undoubtedly emerge when the ice disappears and new sea routes open up. Resources such as oil, gas, rare earths or precious minerals will then be accessible. In recent years, the Northern Sea Route has become an increasingly used transport route. Indeed, Arctic shipping routes are 30 to 50 percent shorter than those through the Suez and Panama Canals.
Science is a political tool to penetrate the Arctic. That is why nations that do not have a landmass in the region build powerful icebreakers and scientific vessels. They thus claim to have a part of the Arctic. This is also the case of China, which in 2010 claimed its status as a near-Arctic state, even though it is very far from this part of the world.

Source : France Info.

Comment l’éruption du Pinatubo a modifié la géopolitique en Mer de Chine méridionale // How the eruption of Mt Pinatubo altered geopolitics in the South China Sea

Le 15 juin 1991, le Pinatubo est entré violemment en éruption aux Philippines et a involontairement profondément modifié les données géopolitiques en Mer de Chine méridionale.
En plein sur la trajectoire de l’éruption, à seulement 14,5 km du volcan, se trouvait la Clark Air Base, base aérienne américaine qui était à l’époque la plus peuplée à l’étranger. Également à proximité du Pinatubo, à environ 30 kilomètres de distance, se trouvait la base navale de Subic Bay. Ces deux bases militaires regroupaient une population de plus de 30 000 personnes. Elles avaient permis aux États-Unis d’établir leur pouvoir dans la région. Leur seule présence dissuadait les ennemis potentiels d’une éventuelle agression.
Clark et Subic Bay ont subi des dégâts majeurs au moment de l’éruption du Pinatubo. Le volcan les a recouvert d’une couche de plus de 30 centimètres d’une boue lourde, grise et grasse. Il aurait fallu dépenser plus de 500 millions de dollars pour nettoyer les bases et, de toute façon, elles seraient restées inopérationnelles pendant des années. Fin 1992, les États-Unis ont décidé de les abandonner. C’était sans compter sur la Chine qui, depuis cette date, remplit lentement le vide stratégique laissé par ce retrait américain en Mer de Chine méridionale.
L’éruption n’a pas été le seul facteur à avoir entraîné la disparition des bases américaines. Il y a eu aussi l’échec des efforts des États-Unis pour mettre fin au nationalisme croissant chez les politiciens philippins. En effet, avec l’effondrement de l’URSS en 1991, on a assisté à une recrudescence des sentiments nationalistes aux Philippines et à un désir de plus en plus grand de voir disparaître les bases américaines. Ce changement d’attitude a conduit à l’expulsion des Américains de Subic Bay environ un an après leur déménagement de la Base de Clark, malgré l’espoir de certains responsables militaires de voir la base remise en état et de nouveau opérationnelle.
Pour la Chine, l’éruption du Pinatubo d’une part et la fermeture des bases américaines d’autre part ont été l’occasion de satisfaire des ambitions en Mer de Chine méridionale. En adoptant une politique qui se poursuit jusqu’à ce jour, la Chine a procédé par petites étapes pour obtenir une bonne position stratégique dans cette mer. En février 1992, la Chine a annoncé qu’elle considérait que la plus grande partie de la Mer de Chine méridionale lui appartenait, en s’appuyant sur sa «Loi sur les eaux territoriales et leurs zones contiguës». Peu de temps après, la Chine a commencé à construire des installations militaires sur le récif Mischief dans les Iles Spratleys, un archipel de petites îles coralliennes à quelque 250 km des côtes philippines. En janvier 1995, les pêcheurs philippins de la région ont été surpris d’observer un ensemble de structures et de plateformes dans les eaux peu profondes à l’arrière des récifs. Ils ont été encore plus surpris lorsque les forces chinoises les ont accusés d’intrusion dans les eaux chinoises, même si les îles se situaient bien dans la zone économique exclusive des Philippines.
La Chine a poursuivi sa stratégie « des petits pas », ne s’octroyant jamais une portion de territoire suffisamment grande pour provoquer une réaction de ses voisins ou des États-Unis. Il y a eu néanmoins un certain nombre de conflits locaux. Par exemple, en 2012, la Chine a mis la main sur le Récif de Scarborough, à seulement 200 km de Subic Bay, après un face à face avec les forces philippines. Quelque temps après, Rodrigo Duterte est devenu président des Philippines et a adopté une politique conciliatrice avec la Chine. Il était très intéressé par le financement que Beijing lui avait proposé pour de grands projets d’infrastructures dans son pays, même si certains craignent que les Philippines s’endettent fortement à cause de ces projets.
Les Chinois jouent la montre en Mer de Chine méridionale. Ils savent que les conflits locaux ne durent jamais, que l’attention des médias s’épuisera elle aussi et qu’il faut continuer à s’implanter quand une ouverture se présente…
Source: Quartz.

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On June 15th, 1991, Mount Pinatubo erupted violently in the Philippines and became an unlikely actor that profoundly shaped today’s South China Sea power contest.

Right in the line of fire of the volcanic eruption, just 14.5 km away, was Clark Air Base, then the most populated overseas US military installation in the world. Also nearby, about 30 kilometres distant, was the Subic Bay Naval Base. Together, these military bases, with a combined population exceeding 30,000, had allowed the US to project power in the region. Just by their presence, they made would-be enemies think twice before getting too aggressive.

Both bases suffered major damage from the eruption. They were covered in 30 centimetres and more of heavy, gray, and greasy mud. It would have taken over 500 million dollars to clean up the bases, and they would have been inoperable for years. By the end of 1992, the US abandoned them. Ever since, China has slowly been filling the power vacuum that withdrawal created in the South China Sea.

The eruption was not the only thing working against the bases. So were US efforts to cut spending and rising nationalism among Philippine politicians. Indeed, with the collapse of the USSR in 1991, there was an upsurge of nationalist sentiments, with leading legislators calling for an end to American bases in the Philippines. Such sentiments led to the Americans being kicked off Subic about a year after they left Clark, despite some US hopes that Subic might be spruced up and reoccupied.

For Beijing, the eruption and US base closings were good news for its South China Sea ambitions. In a behaviour pattern that has continued until this day, China began taking small, incremental steps to gain a better strategic position in the waterway. In February 1992, Beijing announced that it considered most of the South China Sea its own territory, putting forth its “Law on the Territorial Waters and Their Contiguous Areas.” Soon after it began to build military facilities atop Mischief Reef, a formation of reefs in the Spratlys some 250 km from a Philippine coast. In January 1995, local Philippine fishermen were surprised to come across huts and platforms arising from the shallows behind the reefs. They were even more surprised when Chinese forces apprehended them on charges of trespassing—even though they were well within the exclusive economic zone of the Philippines.

China has continued with its “salami slicing” strategy, never cutting off a piece big enough to provoke a reaction from its neighbours or the US. There have, though, been occasional flareups. For instance, in 2012 China took over Scarborough Shoal, just 200 km from Subic Bay, after a standoff with Philippine forces.  Some time later, Rodrigo Duterte became president of the Philippines and adopted a conciliatory policy with China. He was more interested in the financing Beijing had offered for big infrastructure projects, though some fear it will lead the Philippines into a debt trap.

Beijing is playing the long game in the South China Sea. It knows that flareups die down, that media attention is unlikely to blow away upon the sea breeze, and that you have to be ready to push forward when an unforeseen opening presents itself.

Source: Quartz.

Vue de l’éruption du Pinatubo (Source: Wikipedia)

Mer de Chine méridionale (Source: Wikipedia)