La cartographie géologique : une science et un art // Geological mapping: a science and an art

L’un des derniers épisodes de la série « Volcano Watch » publié par l’Observatoire Volcanologique d’Hawaï (HVO) est consacré à la cartographie géologique, qui est à la fois une science et un art.

La cartographie géologique était l’une des principales fonctions dévolues à l’U.S. Geological Survey (USGS) lors de sa création par le Congrès américain en 1879. L’agence était tenue d’ « établir une classifications des terres publiques et d’examiner la structure géologique, les ressources minérales et les produits à l’intérieur et à l’extérieur du domaine national ».
Les premières cartes géologiques étaient de taille uniforme ; elles contenaient toutes les informations disponibles sur la topographie et la géologie d’un site, avec un texte d’accompagnement décrivant la géologie cartographiée.
Les cartes modernes ont tendance à être plus polyvalentes et plus faciles à interpréter ; elles affichent les gisements géologiques et les caractéristiques présentant un intérêt particulier pour un projet ou une étude.
Dans le cas de la cartographie géologique du HVO sur l’île d’Hawaï, les principales caractéristiques intéressantes concernent le relief volcanique avec les fissures et les cônes de scories, ainsi que les coulées de lave et les dépôts de téphra associés ; ils sont répertoriés en fonction de l’âge.
Il est facile de faire apparaître ces caractéristiques pour les dernières éruptions. Les éruptions des dernières années sont cartographiées quelques heures ou quelques jours après le début de l’activité à l’aide d’un logiciel d’information géographique. Les techniques de télédétection utilisant l’imagerie aérienne et satellitaire rendent également cette opération beaucoup plus rapide.
Si certaines coulées de lave plus anciennes peuvent être cartographiées à l’aide de la télédétection, d’autres qui ont été exposées aux éléments pendant des centaines ou des milliers d’années sont parfois plus difficiles à distinguer. C’est pourquoi des critères de diagnostic sur le terrain ou en laboratoire sont généralement nécessaires pour déterminer leur étendue géographique.
Les géologues se rendent sur le terrain pour documenter les minéraux présents dans les coulées de lave et ils collectent des échantillons pour analyser la chimie, les âges radiométriques et le paléomagnétisme. En général, une combinaison de ces éléments est nécessaire pour faire apparaitre une image complète sur une carte.
Il existe un ensemble normalisé de symboles, de motifs et de couleurs pour les cartes géologiques publiées par l’USGS : c’est le schéma de carte géologique, ou GeMS.
Alors que les symboles et les lignes ont tendance à être objectifs sur une carte géologique, les couleurs utilisées peuvent être plus subjectives. Les cartes géologiques représentent souvent des terrains volcaniques avec de jeunes coulées de lave et des téphras en utilisant des couleurs «chaudes» telles que le rouge et l’orange, et ces couleurs deviennent progressivement plus «froides», passant au vert, au bleu et au violet, à mesure que les éléments représentés vieillissent.
Il est ainsi facile d’observer une carte géologique et d’avoir une idée rapide de l’âge relatif de l’activité volcanique.
Ces cartes géologiques de l’USGS sont généralement sur papier, mais toutes sont désormais également publiées sous forme numérique et disponibles gratuitement en téléchargement.
Source : USGS / HVO.

Cette carte géologique a été créée par le HVO le 17 septembre 2024, quelques heures après la télédétection (survol en hélicoptère) de l’éruption qui a eu lieu du 15 au 20 septembre dans la Middle East Rift Zone du Kilauea. Les différents âges des coulées de lave sont indiqués par des changements de couleur ; celles qui ont été émises entre 1790 et 2018 sont en violet (les coulées de lave plus anciennes sont grises) ; celles qui ont été émises le 15 septembre sont en rose et celles qui ont été émises les 16 et 17 septembre sont en rouge. La fissure active apparaît sous le forme d’une ligne jaune. Cette carte montre également les routes et la limite du Parc national des volcans d’Hawaï. (Source : HVO)

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One of the last « Volcano Watch » episodes by the Hawaiian Volcano Observatory (HVO) was dedicated to geological mapping which is both a science and an art.

Geological mapping has been one of the most fundamental mandates of the U.S. Geological Survey since its establishment by Congress in 1879. The aim of the agency was to “classify the public lands and examine the geological structure, mineral resources and products within and outside the national domain.”

The first geological maps were uniform in size and contained all available information on topography and geology, with accompanying text describing mapped geology.

Modern maps tend to be more versatile, displaying geologic deposits and features of special interest for a project or investigation.

In the case of Hawaiian Volcano Observatory geological mapping on the Island of Hawaii, the primary features of interest are volcanic vents, such as fissures and scoria cones, and their associated lava flows and tephra deposits divided by age.

It is easy to make these determinations for young eruptions that have been witnessed, with eruptions during the past few years being mapped within hours or days of activity starting using geographic information systems software.

Remote sensing techniques using aerial and satellite imagery have also made this much quicker.

While some older lava flows can be mapped using remote sensing, others exposed to the elements for hundreds or thousands of years can be harder to tell apart. Therefore, diagnostic criteria from the field or lab is usually required to distinguish their geographic extents.

Geologists make field excursions to document minerals present in the lava flows and their abundances, and collect samples to analyze chemistry, radiometric ages and paleomagnetism. Usually, a combination of these is needed to put together a full picture on a map sheet.

There is a standardized set of symbols, patterns and colors that are used for geologic maps published by the USGS : the Geologic Map Schema, or GeMS for short.

Whereas symbols and lines tend to be objective on a geologic map, colors used for geological map units can be more subjective. It is common for geological maps that portray volcanic terrains with young lava flows and tephras to have the “hottest” colors, such as reds and oranges, and those colors gradually get “cooler,” shifting to greens, blues and purples, as the map units get older.

This makes it easy to glance at a geological map and get a quick sense of the relative age of volcanic activity.

These USGS geological maps are generally printed, but all are now also published as geographic information systems digital databases and freely available to be downloaded.

Source : USGS / HVO.

Yellowstone : la Morning Glory Pool et le tourisme de masse // The Morning Yellow Pool and mass tourism

En lisant la presse américaine ces derniers temps, on apprend que l’un des sites les plus emblématiques du Parc national de Yellowstone a été profondément et définitivement modifié par les touristes. La Morning Glory Pool, une source thermale autrefois d’un bleu éclatant, située dans l’Upper Geyser Basin, pas très loin du Vieux Fidèle, a été transformée au fil des ans par les visiteurs qui y ont jeté des objets.
Il paraît que la Morning Glory Pool fascinait les premiers visiteurs du parc avec ses eaux bleues cristallines. Tirant son nom de la Morning Glory, autrement dit l’ipomée bleue dont les fleurs s’ouvrent le matin, puis évoluent en couleur tout au long de la journée avant de se fermer ou de se faner le soir, elle attirait les foules pendant les premières années du Parc de Yellowstone. Beaucoup la décrivaient comme une source sans fond et d’une beauté époustouflante.

Une source d’un bleu éclatant (Crédit photo: Wikipedia

Avec l’arrivée du tourisme de masse, la situation de la Morning Glory Pool s’est vite dégradée. Les visiteurs ont commencé à y jeter des objets. Des pièces de monnaie, des déchets et toutes sortes de débris ont commencé à s’accumuler dans le bassin. À l’époque (Yellowstone est devenu le premier parc national le 1er mars 1872), les parcs nationaux n’étaient pas encore reconnus comme des zones de conservation et de nombreux touristes considéraient la Morning Glory Pool comme un puits à souhaits. La tradition qui consistait à jeter des pièces de monnaie dans les plans d’eau a eu un impact catastrophique sur l’écosystème de la source.
En 1991, les rangers ont participé à un projet de nettoyage de la Morning Glory Pool. Ils ont retiré avec précaution des centaines d’objets étrangers afin de lui redonner sa beauté d’origine. Une fois le niveau de l’eau abaissé, un ouvrier, attaché par un harnais d’escalade, a soigneusement récupéré les objets à l’aide d’un filet à long manche. C’est ainsi qu’ont été collectés des milliers de pièces de monnaie ainsi que des objets métalliques ressemblant à des pièces détachées pour voitures. Les rangers ont également trouvé de nombreuses pierres qui n’appartenaient pas à ce site, et des chapeaux probablement emportés par le vent avant d’atterrir dans la source.

La Morning Glory Pool en 2004 (Crédit photo: Wikipedia)

Malheureusement, les dégâts causés à la Morning Glory Pool étaient irréversibles. Au fil des ans, les débris accumulés ont bloqué l’alimentation naturelle de la source, ce qui a fait baisser la température de l’eau et favorisé le développement de bactéries. Selon le scientifique en charge de l’Observatoire Volcanologique de Yellowstone, le changement de température a fait pâlir la couleur bleue emblématique de la source. En effet, les bassins hydrothermaux les plus chauds ont tendance à être d’un bleu éclatant tandis que les plus froids sont en général plus colorées, car les bactéries peuvent s’y développer. C’est ce qui explique la couleur de la Morning Glory Pool aujourd’hui. Elle n’a plus l’eau bleue et cristalline d’autrefois. Sa partie la plus profonde est verte et vire au jaune sur les bords. La source ne ressemble plus à ce qu’elle était dans les années 1880. Malgré cela, elle continue d’attirer des foules de visiteurs. Ceux qui, comme moi, ne l’ont pas connue dans les années 1880 la trouvent tout de même très belle au 21ème siècle.
Aujourd’hui, les rangers font remarquer que le comportement du public dans le Parc National de Yellowstone s’est considérablement amélioré. Très peu de visiteurs jettent des pièces de monnaie dans les sources hydrothermales. Globalement, les gens sont beaucoup plus respectueux de cette merveille de la Nature.
Source : Différents organes de presse américains.

La Morning Glory Pool aujourd’hui (Photo: C. Grandpey)

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When reading the American press these days, we learn that one of Yellowstone National Park’s most iconic attractions has been permanently changed by tourists. The Morning Glory Pool, a once-pristine, brilliant blue thermal feature in the park’s Upper Geyser Basin has been transformed over the years as visitors have thrown things into its waters.

Historically, Morning Glory Pool dazzled early park visitors with its crystal-clear blue waters. Named after the vibrant Morning Glory flower, it was a key attraction in Yellowstone’s early days, described by many as bottomless and stunningly beautiful.

However, with the arrival of mass tourism, visitors began throwing objects into it. Coins, trash and random debris began accumulating in the pool. At the time, national parks were not widely recognized as conservation areas, and many tourists treated Morning Glory like a wishing well. The tradition of tossing coins into bodies of water, while often seen as harmless, had a damaging impact on the pool’s ecosystem.

Park rangers participated in a rare project to clean the Morning Glory Pool in 1991. They painstakingly removed hundreds of foreign objects from its depths in an effort to restore its original beauty. A worker, secured in a climbing harness, carefully retrieved items with a long-handled net, a meticulous process aimed at protecting both the fragile geothermal structure and the people involved.

The rangers found thousands of coins together with metal parts that looked like car parts chucked into the bottom of the pool. There were also a lot of rocks that didn’t belong to the pool, and some hats that probably had blown off people’s heads and landed in the pool.

Unfortunately, the damage to the Morning Glory Pool was already done. Over the years, the accumulated debris blocked its natural thermal flow, reducing the water temperature and allowing bacterial growth to flourish. According to the scientist in charge of the Yellowstone Volcano Observatory, the temperature shift caused the pool’s iconic blue color to fade. Hotter pools tend to be a brilliant blue, and cooler pools can be more colorful since bacteria can grow there.

Today, the Morning Glory Pool no longer resembles the clear, blue marvel it once was. Its deepest parts are green, transitioning to yellow around the edges,a stark contrast to the deep blue recorded in the 1880s.

Despite stricter conservation measures and increased public awareness, the effects of early vandalism still linger. Still, public behaviour in the park has improved significantly. Very few visitors throw coins in Yellowstone’s thermal pools today. It looks as if people are much more respectful than they were in my early days.

Source : U.S. News media.

Les secrets de Petrified Forest (Etats Unis) // The secrets of Petrified Forest (United States)

En mai 2017, au cours de mon périple à travers l’ouest des États-Unis, j’ai fait une halte au Parc National de Petrified Forest, l’un des endroits les plus fantastiques pour voir des arbres pétrifiés. Cependant, on peut en observer ailleurs dans le monde, que ce soit en Nouvelle-Zélande, en Grèce ou en Argentine.

Il y a 225 millions d’années, le site de Petrified Forest était recouvert d’une forêt dense avec de nombreux conifères et d’une douzaine d’autres espèces d’arbres. Des entassements de troncs se sont produits à cette époque lointaine lorsque des arbres morts et d’autres éléments de végétation sont tombés dans les rivières qui traversaient le paysage. Toutes ces plantes ont ensuite été rapidement enfouies sous des sédiments et des cendres volcaniques riches en silice.
La transformation en bois pétrifié ne peut avoir lieu que dans certaines circonstances. Quand un organisme meurt, il se décompose habituellement et les micro-organismes attaquent la matière organique. De temps en temps, cependant, il se peut qu’un arbre mort se trouve rapidement enseveli sous la boue ou la cendre volcanique. En le recouvrant, ces matériaux protègent l’arbre mort mais le privent d’oxygène. Comme l’oxygène est le principal moteur du processus de décomposition, la plante se décompose beaucoup plus lentement qu’elle ne le ferait normalement. Dans le même temps, de l’eau et/ou de la boue s’infiltre dans les pores de l’arbre mort et d’autres ouvertures. Au fur et à mesure que la structure interne de la plante se dégrade, sa matière organique (dans le cas présent les fibres de bois) est remplacée par de la silice et d’autres minéraux. Sur une période de quelques millions d’années, ces minéraux vont se cristalliser. Le résultat final est une pierre qui prend la forme et la structure de l’arbre telles qu’elles étaient à l’origine.
Le niveau de détail observé sur certains spécimens est vraiment étonnant. Les troncs, les branches et les feuilles sont parfois parfaitement conservés. Dans certains segments de troncs pétrifiés, il est même possible de compter les cernes de croissance.
En parcourant les sentiers de Petrified Forest, j’ai été fasciné par la palette de couleurs vives offerte par certaines sections de troncs. Les différentes teintes sont dues à la présence de plusieurs minéraux. Par exemple, certains troncs pétrifiés arborent une teinte rouge ou rose à cause de la présence d’hématite. S’il y a une couleur verdâtre, cela signifie que du fer natif se trouve à l’intérieur du fossile. Les nuances de noir sont associées à la pyrite.
Il est strictement interdit de récolter du bois pétrifié dans le Parc National de Petrified Forest. Il y a quelques années, les gardes pesaient les véhicules à l’entrée et à la sortie pour s’assurer que les visiteurs n’emportaient pas de cailloux. On estime actuellement que les visiteurs du parc volent environ 900 kilogrammes de ces fossiles chaque mois. Pourtant, le bois volé a tendance à revenir dans le parc. En effet, les gens éprouvent souvent des remords après avoir dérobé les fossiles et les renvoient au parc. Le Rainbow Forest Museum a prévu une pièce entière baptisée Guilt Room – salle de culpabilité – où sont stockés les spécimens retournés avec des lettres d’excuses.
Ce genre de comportement empreint de remords est observé aussi à Hawaï. Certains visiteurs du Parc National des Volcans d’Hawaii renvoient les morceaux de lave qu’ils avaient prélevés en guise de souvenirs. Ils expliquent qu’ils ont été victimes de la malédiction de Pelé et ont dû faire face à des problèmes après leur retour à la maison.
Source: Howstuffworks.

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In May 2017, travelling across western USA, I made a stop at Petrified Forest National Park, one of the most fantastic places in the world to see petrified trees. However, caches of petrified wood can be found all over the world, from New Zealand to Greece to Argentina.

225 million years ago, Petrified Forest was the site of a dense forest loaded with conifers and about a dozen other tree species. Log jams were often created when deceased trees fell into the prehistoric rivers that ran across the landscape. Scores of these plants were then buried rapidly in sediment and silica-rich volcanic ash.

The transformation from real wood to petrified wood can only take place under the right set of circumstances. When an organism dies, it usually decomposes and microorganisms break down organic matter. Once in a while, though, a newly-deceased tree gets rapidly buried by mud, silt or volcanic ash. This blanketing material then shields the dead tree from oxygen. Because oxygen is the main driving force behind the decaying process, the smothered plant will begin to decompose far more slowly than it normally would. Meanwhile, mineral-laden water or mud seeps into the dead tree’s pores and other openings. As the plant’s internal structure gradually breaks down, its organic material (namely wood fibers) gets replaced by silica and other minerals. Over a period of a few million years, those minerals will crystalize. The end result is a rock that appropriates the shape and structure of the original tree.

The level of detail we find in some specimens is really astonishing. Petrified logs with well-preserved trunks, branches and leaves.  In certain petrified log segments, it is even possible to count the growth rings.

While visiting Petrified Forest, I was surprised at the coloration of the trunks’cross-sections. They often showcase a nice rainbow of colours. The different hues are produced by different minerals. For example, some petrified logs have a red or pink tint to them. Internal hematite is responsible for this hue. If there is a greenish colour, that means native iron is inside the fossil. Shades of black are associated with pyrite.

It is strictly forbidden to harvest petrified wood in Petrified Forest National Park. A few years ago, park rangers weighed the vehicles when they entered and left the park to make sure visiyors were not taking rocks away. Nevertheless, it is estimated that park visitors steal around 900 kilograms worh of these fossils per month. Yet, the kidnapped wood tends to find its way home. People often feel remorse after swiping the fossils and mail them back to the park. The on-site Rainbow Forest Museum has in fact dedicated an entire room — aptly named « the guilt room » — to specimens that were returned with letters of apology.

This kind of remorse also happens at Hawaii. Some visitors send back the pieces of lava thay have brought back home. They say they were the victims of Pele’s curse and had to face problems at home.

Source: Howstuffworks.

Photos: C. Grandpey