Le risque sismique à la Martinique

Les récentes images des séismes dévastateurs (plus de 50 000 victimes) de Turquie et de Syrie ont incité certaines régions de France métropolitaine et d’outre-mer exposées au risque sismique à se poser des questions. En France, l’aléa sismique est évalué de faible à fort selon les régions considérées.

En France métropolitaine, la sismicité est principalement due au processus de collision continentale entre la plaque eurasienne et la plaque africaine. Les derniers gros séismes datent de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle, avec notamment celui de Provence en 1909, d’une magnitude de M 6,2, qui a fait 46 morts et 250 blessés et causé des dommages économiques estimés à 700 millions d’euros. Le 19 août 1967, le séisme d’Arette (Pyrénées-Atlantiques), d’une magnitude de M 5,8, a tué une personne et blessé 12 autres. 80 % du village ont été détruits.

Aux Antilles, la sismicité correspond à la subduction de la plaque américaine sous la plaque caraïbe. Le dernier puissant séisme (M 7,4) à la Martinique a eu lieu le 29 novembre 2007. L’hypocentre a été localisé à 143 kilomètres de profondeur, avec un épicentre au Nord-Ouest de Saint-Pierre.

Quand les très fortes secousses ont secoué la Turquie et la Syrie, on a attiré l’attention sur le manque de constructions parasismiques dans les régions qui bordent la faille anatolienne. A la Martinique, les experts du BTP estiment que près de 1800 logements conformes aux normes parasismiques sortent de terre chaque année.

Le doute concerne les constructions d’avant les années 2000. Dans le centre de Fort-de-France, par exemple, toute une série de constructions datent du siècle dernier, avec des structures qui ne sauraient offrir de résistance en cas de séisme.

Selon les experts, le plus urgent à la Martinique est de renforcer l’existant. Les autorités ont d’ailleurs classé le bâti en 4 catégories selon le degré de vulnérabilité aux séismes. La catégorie IV concerne les bâtiments qui doivent continuer de fonctionner en cas de catastrophe (écoles, casernes, hôpitaux, Préfecture…)

Les travaux de renforcement ont débuté. Le Plan Séisme 3, d’ici à 2027, prévoit 350 millions d’euros pour des interventions dans 90 écoles, du primaire au lycée.

Si le parasismique est une réalité depuis les années 2010 pour les nouvelles constructions, un vaste programme de renforcement est également en cours pour les logements plus anciens. Plus largement, les experts estiment qu’une enveloppe de 2,5 à 3 milliards d’euros serait nécessaire pour sécuriser l’ensemble du bâti martiniquais.

Source : Bureau Central Sismologique Français, Martinique la 1ère.

Certains quartiers de Fort-de-France sont exposés au risque sismique et aux glissements de terrain qui peuvent être déclenchés par les secousses (Photo: C. Grandpey)

Turquie : une catastrophe annoncée // Turkey : a foretold disaster

Le séisme de M 7,8 qui a secoué la Turquie et la Syrie, suivi d’une réplique de M 7,5, a rasé des quartiers entiers, avec un bilan provisoire de 35 000 morts en Turquie, un nombre qui, selon les Nations Unies, pourrait doubler.
Les experts disent que la grande majorité de ces décès étaient évitable, et ils pointent du doigt l’administration du président turc Erdogan. Plutôt que de mettre en vigueur les normes de construction définies après le séisme de 1999, le gouvernement Erdogan a laissé proliférer des structures bon marché et de mauvaise qualité à travers le pays. Il a même accordé aux promoteurs une série d’amnisties, dont la plus récente remonte à 2018.
Les zones de Turquie les plus vulnérables aux tremblements de terre sont bien connues et les bâtiments conçus selon les dernières normes parasismiques auraient dû résister à des secousses de cette ampleur. Ces normes précisent que les structures doivent incorporer des colonnes et des poutres en béton armé et bien réparties. L’effondrement de nombreux bâtiments sous l’effet des dernières secousses a démontré à quel point ces normes ont été ignorées.
Alors que des millions de bâtiments ont été déclarés salubres rétrospectivement, d’autres ont été approuvés par les autorités même lorsqu’ils ne répondaient pas aux normes modernes. D’autres encore ont été réalisés avec des techniques de construction défectueuses qui n’auraient pas dû être validées.
La politique de la Turquie face aux séismes contraste fortement avec celle du Japon, qui a très tôt adopté des réglementations strictes en matière de construction parasismique, avec des méthodes de conception innovantes. Aujourd’hui, de nombreux citadins au Japon ne sont pas inquiets quand se produit un tremblement de terre.
La région de Turquie qui a été touchée par les deux séismes abrite environ 13,5 millions de personnes, parmi lesquelles quelque 2 millions de réfugiés, pour la plupart syriens. On estime à environ un million le nombre de personnes qui se seraient retrouvées sans abri. Les parcs publics sont remplis de tentes où les ONG et les services d’urgence ont distribué de la nourriture et des fournitures aux survivants. De nombreux camps de fortune manquent de toilettes et d’accès à l’eau potable.
Après avoir visité une partie de la zone sinistrée la semaine dernière, Erdogan a promis d’attribuer 10 000 lires (500 euros) à chaque famille sinistrée et de lancer une politique de construction d’urgence qui abritera tous les survivants d’ici un an. Mais les experts disent que la reconstruction en Turquie suite aux séismes pourrait prendre jusqu’à 25 ans, sans aucune garantie que ce qui est construit répondra aux dernières normes parasismiques.
Source : Yahoo News, The Telegraph.

———————————————

The M 7.8 earthquake that shook Turkey and Syria, followed by an M 7.5 aftershock, levelled entire neighbourhoods and is so far estimated to have caused around 35,000 deaths in Turkey, a number the United Nations says could still double.

Experts say the vast majority of these deaths were preventable, and they are pointing the finger at the administration of Turkish president Erdogan. Rather than enforce building rules that were put in place after 1999, Erdogan’s government has turned a blind eye and allowed cheap, poor quality structures to proliferate across Turkey, even granting developers a series of amnesties, the most recent of which was in 2018.

The areas of Turkey most vulnerable to earthquakes are well-known, and buildings designed to the specifications in updated regulations should have been able to withstand tremors of this magnitude. The rules specify that structures should incorporate steel-reinforced concrete and well-distributed columns and beams. Yet the collapse of many buildings following the latest shocks has demonstrated how widely these edicts were seemingly ignored.

While millions of buildings have been retrospectively granted amnesty, others were approved by local authorities even when they did not meet modern standards, while still more used defective building techniques that should have been eschewed..

Turkey’s response to past earthquakes stands in stark contrast to that of Japan, which has pioneered stringent building regulations and innovative design methods. Today, many city dwellers in Japan don’t worry when earthquakes strike.

The Turkish region affected by the two quakes is home to an estimated 13.5 million people, including up to 2 million refugees, mostly Syrian, with around a million people thought to have been left homeless. Public parks are filled with tents where aid workers or emergency services distributed food and supplies to survivors. Many of the makeshift camps lacked toilets and access to fresh water.

After touring some of the wreckage last week, Erdogan promised to provide 10,000 liras (500 euros) to each affected family and launch a building blitz that will home all survivors within a year. But experts say the full reconstruction effort in Turkey may take as long as 25 years to complete, with no guarantee that what is built will meet the correct standards this time either.

Source : Yahoo News, The Telegraph.

 

A la Martinique, le Centre de Découverte des Sciences de la Terre a été construit selon des normes parasismiques (Photos : C. Grandpey)

Le parasismique en Turquie // Anti-seismic measures in Turkey

Le séisme survenu dans la nuit du 5 au 6 février 2023 en Turquie et en Syrie a fait des milliers de victimes. C’est le plus important en Turquie depuis le tremblement de terre du 17 août 1999, qui avait causé la mort de 17.000 personnes, dont un millier à Istanbul. Le séisme turc le plus meurtrier remonte au 27 décembre 1939. Il avait fait 45.000 morts dans l’est du pays.

Comme je l’ai indiqué précédemment, la Turquie est située sur la faille anatolienne qui traverse le territoire d’est en ouest. Le séisme du 6 février s’est produit sur la partie sud-ouest de cette faille qui est liée à la plaque anatolienne, elle-même coincée entre trois plaques tectoniques : eurasiatique, africaine et arabique.

 

(Source: France Info)

Ce qui m’a le plus surpris en regardant les images du dernier séisme, c’est l’effondrement des immeubles multi-étages, structures qui me semblent totalement déconseillées dans une zone à fort risque sismique.. Un événement d’une magnitude de 7,8 dont l’hypocentre se trouve à seulement une vingtaine de kilomètres de profondeur est certain de faire s’écrouler de tels bâtiments comme des châteaux de cartes. C’est ce que l’on voit dans ce document :

https://www.tf1info.fr/international/video-seisme-en-turquie-et-en-syrie-les-images-siderantes-d-immeubles-s-effondrant-les-uns-apres-les-autres-2247389.html

En regardant les terribles images du séisme du 6 février 2023, je me suis demandé si des mesures parasismiques existaient en Turquie. J’ai trouvé sur Internet un article récent qui indique que ces dernières années, la protection des bâtiments contre les séismes est devenue un sujet important avant d’établir tout projet de logement en Turquie. Avant même d’acheter une propriété en Turquie, les investisseurs s’assurent qu’elle est antisismique. De plus, les complexes résidentiels doivent être construits conformément aux conditions et aux contrôles de protection contre les tremblements de terre.
L’assurance tremblement de terre est devenue obligatoire en Turquie. Parmi les villes turques situées sur la faille anatolienne figurent Istanbul, Yalova et la région de Marmara. Après le séisme de 1990 qui a frappé cette région, le gouvernement turc a pris de nombreuses mesures pour construire des bâtiments parasismiques.

A en juger par les images du dernier séismes, ces mesures ne sont pas suffisantes…

———————————————–

The earthquake that occurred on the night of February 5th – 6th, 2023 in Turkey and Syria claimed thousands of lives. It is the most important in Turkey since the earthquake of August 17th, 1999, which caused the death of 17,000 people, including a thousand in Istanbul. The deadliest Turkish earthquake dates back to December 27th, 1939. It killed 45,000 people in the east of the country.
As I mentioned earlier, Turkey is located on the Anatolian Fault which crosses the country from east to west. The February 6th earthquake occurred on the southwestern part of this fault which is linked to the Anatolian plate, itself wedged between three tectonic plates: Eurasian, African and Arabian.
Map
What surprised me the most when looking at the images of the last earthquake was the collapse of multi-storey buildings, structures which seem to me to be totally inadvisable in an area with high seismic risk. An M 7.8 event, whose hypocenter is only about twenty kilometers deep is certain to bring down such buildings as houses of cards. This is what we see in this document:

https://www.tf1info.fr/international/video-seisme-en-turquie-et-en-syrie-les-images-siderantes-d-immobiliers-s-effondrant-les-uns-apres-les-autres- 2247389.html

Looking at the terrible images of the earthquake of February 6th, 2023, I wondered if anti-seismic measures existed in Turkey. I found a recent article on the Internet which indicates that in recent years, the protection of buildings against earthquakes has become an important topic before establishing any housing project in Turkey. Even before buying a property in Turkey, investors ensure that it is earthquake-proof. In addition, residential complexes must be built in accordance with earthquake protection conditions and controls.
Earthquake insurance has become compulsory in Turkey. Among the Turkish cities located on the Anatolian Fault are Istanbul, Yalova and the Marmara region. After the 1990 earthquake that hit this region, the Turkish government took many measures to construct earthquake-resistant buildings.

Judging from the images of the last earthquake, these measures were not sufficient…

Les bras m’en tombent !

Souvenez vous : Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, combinant vents violents et forts coefficients de marée, la tempête Xynthia a fait 47 morts en France, avec 29 victimes dans la seule ville côtière de La Faute-sur-Mer (Vendée). Dans cette commune, des lotissements avaient été construits sur des zones jusque-là réputées inondables, y compris une cuvette située sous le niveau de la mer, où sont mortes une grande partie des victimes. En décembre 2014, le maire a été condamné à 4 ans de prison ferme, son adjointe à 2 ans fermes et 75.000 euros d’amende. Le jugement leur reprochait d’avoir caché le risque d’inondation pour ne pas se priver de la manne financière liée à l’urbanisation. Le fils de l’adjointe, agent immobilier et président de la commission de surveillance de la digue, a été condamné à 18 mois de prison ferme.

Cet événement dramatique semble en passe d’être oublié et les mises en garde du GIEC sur la hausse du niveau des océans (un mètre d’ici 2100) ne sont visiblement pas prises au sérieux si l’on en juge par la situation sur l’île de Noirmoutier (Vendée). Pourtant un nouveau signal d’alerte a été émis en février 2020 par les tempêtes Ciara et Ines qui ont fait des dégâts sur les côtes. Des travaux d’urgence ont débuté le 17 février pour consolider des ouvrages de protection qui ont souffert sous les assauts répétés des vagues. Il va falloir faire vite car les grandes marées vont arriver début mars. Les habitants de Noirmoutier, impuissants, ne peuvent que constater les dégâts. À la Guérinière, certains endroits de la dune ont perdu plus de 10 mètres depuis novembre 2019.  Pour l’association Vivre l’île 12 sur 12, à long terme, la solution sera sûrement de relocaliser les maisons qui se trouvent en bord de mer. Elle déplore d’ailleurs que des permis de construire soient toujours délivrés pour des habitations en bord de mer, alors que « l’eau monte ».

Dans une rubrique sur l’Environnement, France Info explique que les deux tiers de  l’île de Noirmoutier (49 km²) se situent en dessous du niveau de la mer. Les risques de submersion sont donc présents et pourtant le plan de prévention des risques adopté en 2015 est moins contraint que sur le reste du littoral. Certaines zones rouges considérées comme non constructibles en 2012 sont devenues bleues donc constructibles en 2015 ! Comme le fait remarquer fort justement la chaîne de radio, c’est une erreur qui pourrait se payer cher à l’avenir.

Je n’ose pas en croire mes yeux quand je lis les explications fournies par la secrétaire générale de Vendée Environnement : « Ce qui s’est passé entre 2012 et 2015, c’est qu’il y a eu une grande résistance de la population, une grande difficulté à accepter le principe même du Plan de prévention des risques dans la mesure où ça a entraîné notamment plus qu’une gêne. Dans certains cas, ça pouvait même faire diminuer la valeur des biens. Cette préoccupation là a primé sur ce que cela recouvre en réalité, c’est à dire un risque« . Autrement dit le fric d’abord, les vies humaines après !

Aujourd’hui, avec la hausse du niveau des océans et les événements extrêmes qui se multiplient (voir les dernières tempêtes), les digues construites tout autour du littoral de Noirmoutier risquent de céder et inonder les constructions anciennes et nouvelles. Des travaux de restauration de ces digues sont réguliers, mais quand on connaît la force des éléments, on se demande jusqu’à quel point elles pourront résister aux assauts de l’océan. Près de 60 millions d’euros ont été investis dans le renforcement des ouvrages de défense contre la mer entre 1978 et 2015.

A Noirmoutier, avec le nouveau Plan de prévention des risques, on continue de construire. Les propriétaires peuvent diviser leurs parcelles et bâtir sur des surfaces anciennement non constructibles ! Le plan local d’urbanisme favorise la construction de logements principaux accessibles aux travailleurs locaux.
Le Plan de prévention des risques de l’île doit prochainement être révisé pour tenir compte de la hausse des océans prévue par le GIEC. Le responsable scientifique de l’Observatoire régional des risques côtiers tempère les mises en garde du GIEC « qu’il faut prendre à très long terme ». Il ajoute que l’ »on constate actuellement une petite accélération de cette remontée » [du niveau de la mer]. Selon lui, la Vendée présente des « zones basses », sensibles à la montée des eaux : Le Pouliguen, plus au nord, La Faute-sur-Mer, plus au sud. Mais le scénario à un mètre [du GIEC] « n’est pas une fatalité. En minimisant, par exemple, les gaz à effet de serre au niveau mondial, on pourrait minimiser cette remontée inéluctable du niveau de la mer. »

Que ne dirait-on pas pour protéger les intérêts locaux ? Rendez-vous dans quelques années pour une répétition à Noirmoutier de la catastrophe de La Faute-sur-Mer…

Croisons les doigts pour que les cabines de la Plage des Dames à Noirmoutier ne connaissent pas un jour le même sort que leurs homologues britanniques de St Leonards il y a quelques semaines. (Photos : C. Grandpey et BBC)