Hawaï : beaucoup de brume volcanique // Hawaii : quite a lot of ‘vog’

L’éruption du Kilauea a fait une pause le 3 janvier 2025, mais les bouches actives dans le cratère de l’Halema’uma’u émettent beaucoup de gaz, provoquant un brouillard volcanique – appelé localement « vog » (contraction de volcanic smog) – dans certaines parties de la Grande Île. Le « vog » comprend principalement de la vapeur d’eau (H2O), du dioxyde de carbone (CO2) et du dioxyde de soufre (SO2). La qualité de l’air est mauvaise dans certains secteurs de l’île. Le HVO indique que les dernières mesures ont révélé environ 30 000 tonnes de SO2 par jour le 2 janvier quand les fontaines de lave étaient encore actives. Les émissions de SO2 restent élevées aujourd’hui, mais sont inférieures à celles enregistrées pendant l’activité éruptive. Le SO2 réagit dans l’atmosphère avec l’oxygène, la lumière du soleil, l’humidité et d’autres gaz et particules. En quelques heures ou quelques jours, ce mélange se transforme en fines particules qui dispersent la lumière du soleil, provoquant la brume observée sous le vent autour du Kīlauea. Les alizés ne sont pas très forts en ce moment, comme souvent pendant les mois d’hiver, de sorte que le vog était bien présent ces derniers jours, mais ils devraient bientôt reprendre, ce qui apportera une meilleure qualité de l’air sur l’île. Il est à noter qu’une incandescence est à nouveau visible la nuit au-dessus de la bouche active dans la partie sud-ouest du cratère. Cela montre que le magma est proche de la surface et que l’éruption est susceptible de reprendre à court terme. La dernière mise à jour du HVO précise que « l’activité éruptive pourrait cesser complètement ou augmenter à tout moment. » On ne se mouille pas à l’Observatoire…

Image webcam du cratère de l’Halema’uma’u le 7 janvier 2025

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The eruption of Kilauea paused on January 3rd, 2025, but the active vents are emitting quite a lot of gases, causing a volcanic smog – or “vog” – in parts of the Big Island. “Vog” mainly includes water vapor (H2O), carbon dioxide (CO2) and sulfur dioxide (SO2). Air quality is poor in some communities. HVO indicates that the last SO2 emission rate measured was ~30,000 tonnes per day on January 2nd during fountaining. Emissions of SO2 remain elevated, but are lower than those recorded during eruptive activity. SO2 reacts in the atmosphere with oxygen, sunlight, moisture and other gases and particles. Within hours to days, the mixture converts to fine particles, which scatter sunlight, causing the visible haze that is observed downwind of Kīlauea. Weak trade winds, common for the winter months, were keeping the vog around in the past days but they are expected to pick up soon, bringing better air quality to the island. It should be noted that some glow can be seen at night above the active vent in the SW part of the crater. This shows that magma is close to the surface and that the eruption is likely to start again in the short term. The HVO’s latest update specifies that « eruptive activity could cease completely or increase at any time. »

Volcans, vents et réchauffement climatique // Volcanoes,winds and global warming

drapeau francaisL’information a été diffusée par de nombreux medias à travers le monde au moment où je mettais en ligne ma note intitulée « Parenthèse arctique »: Après deux décennies d’augmentation rapide des températures de la planète, on assisterait à une pause surprenante (pompeusement appelée « hiatus » par certains) depuis une douzaine d’années. C’est du moins le point de vue d’une équipe scientifique sous la férule du Massachusetts Institute of Technology (MIT), bien connu pour ses réserves à propos du réchauffement climatique, attitude qui s’explique probablement par les liens étroits qui unissent l’Institut et les grosses groupes industriels nord-américains

Dans un rapport mis en ligne le 9 février via la revue Nature Climate Change, des chercheurs affirment que l’augmentation du CO2 ne modifierait pas le climat autant que le laissent supposer les modélisations climatiques diffusées jusqu’à présent. Ils reconnaissent toutefois qu’une ou deux décennies de températures stables ou en baisse ne vont pas à l’encontre du réchauffement global que l’on observe sur la planète.

D’après l’équipe scientifique, les volcans seraient la cause principale du « hiatus ». Selon une climatologue du MIT, « si l’on observe les éruptions volcaniques de la dernière décennie, on est forcé de reconnaître qu’elles ont été significatives ».

Les vents seraient une autre cause du « hiatus ». D’après le rapport, au cours des 20 dernières années, les alizés (vents qui soufflent de l’est vers l’ouest) se sont intensifiés comme jamais auparavant et ont fait se déplacer les eaux de surface chaudes vers l’ouest où elles convergent et s’accumulent à des profondeurs de plus en plus grandes. Dans le Pacifique Est, les eaux de surface chaudes sont remplacées par des eaux froides qui remontent des profondeurs et se propagent vers l’ouest, vers le Pacifique Central, ainsi que le long des côtes d’Amérique du Nord et du Sud. Les scientifiques estiment qu’au cours des 20 dernières années ce processus a suffisamment refroidi le climat pour expliquer la moitié de la différence observée entre les températures globales de surface mesurées et celles modélisées.

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En réponse au rapport du MIT, voici des graphiques publiés par le Mauna Loa Observatory, centre de recherche de premier plan qui mesure et rassemble des données sur les modifications atmosphériques depuis les années 1950.

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Le premier graphique montre les effets des dernières éruptions sur l’absorption d’énergie solaire. La première chose qui saute aux yeux, c’est qu’il n’y a pas eu d’éruption majeure depuis l’an 2000. La dernière en date est celle du Pinatubo en 1991. Contrairement à ce que prétend la scientifique du MIT, je ne suis pas certain que les effets cumulés des dernières éruptions, mineures dans leur ensemble, aient eu un effet significatif sur le climat de la planète ! On connaît les capacités d’absorption de l’atmosphère et le graphique montre que les effets de l’éruption du Pinatubo n’ont été que de courte durée.

Les autres graphiques montrent l’évolution des températures au cours des dernières années sur le Mauna Loa d’une part et dans la basse troposphère d’autre part, à la fois au niveau du Mauna Loa et de l’ensemble de l’hémisphère nord (NH).

Si l’on regarde ces graphiques, en particulier ceux concernant la troposphère, on n’observe pas vraiment une tendance au refroidissement. De toute façon, s’il y avait eu refroidissement, la calotte glaciaire et les glaciers auraient inévitablement réagi, ce qui n’est pas le cas.

S’agissant de l’influence des alizés, je ne suis pas suffisamment compétent pour faire des commentaires. Toutefois, ce qui est écrit me rappelle la théorie de Sénèque qui pensait que les vents provenaient de cavités à l’intérieur de la Terre.

Je suis prêt à admettre que le réchauffement climatique connaît des fluctuations, mais les mots ‘pause’ ou ‘hiatus’ me semblent exagérés !

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drapeau anglaisThe piece of news was widely spread by the media around the world at the moment when I released my note entitled “Arctic digression”: After two decades of rapid increases in the earth’s temperatures, an unexpected pause (pompously called “hiatus”) is supposed to have occurred during the past 12 years. At least, this is the opinion of a team of scientists led by the Massachusetts Institue of Technology (MIT) which has always negated the idea of global warming. Its links with US industries clearly accounts for this attitude.

In a report published on February 9th via the online edition of Nature Climate Change, the researchers argue that the climate may not be as easily altered by rising CO2 levels as climate models suggest. However, they concede that one or two decades of relatively stable, or even cooling, surface temperatures don’t represent the long-term trends over which global warming is occurring.

According to the team, the first cause of the so-called “hiatus” lies with the volcanoes. Said one MIT climate scientist: “Looking at the past decade’s volcanic eruptions, I don’t think they can be left out as not being significant. »

Another cause could be the trade winds. According to the report, over the past 20 years, the westward-blowing trade winds have intensified to unprecedented levels and have carried warm surface waters west, where they converge and accumulate at ever-deeper depths. In the eastern Pacific, the warm surface waters are replaced with cold water welling up from the deep ocean and spreading west into the central Pacific as well as along the coasts of South and North America. The team estimates that over the past 20 years this process has cooled the climate sufficiently to account for about half of the difference between global surface temperatures as measured and as modelled.

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As an answer to the MIT report, there are graphs (see above) released by the Mauna Loa Observatory, a premier atmospheric research facility which has been continuously monitoring and collecting data related to atmospheric changes since the 1950s.

The first graph shows the effects of past eruptions on the solar energy absorption. The first thing to be noticed is that there have not been any major eruptions since 2000. The last major event was the eruption of Mount Pinatubo in 1991. Contrary to what the above-mentioned scientist said, I’m not sure that the cumulated effects of all the most recent minor eruptions had a significant effect on the world’s climate! We know the absorption capabilities of the atmosphere and the graph clear shows that a major eruption like Mount Pinatubo’s only had short-lived effects.

The other graphs show the evolution of temperatures at the Mauna Loa Observatory and in the lower troposphere, both on Mauna Loa and in the Northern Hemisphere (NH), in recent years.

Looking at the graphs, especially those related to the troposphere, there does not seem to be any significant cooling trend. Should there be any cooling, the icefield and the glaciers would have responded, but I’m afraid they didn’t.

Concerning the influence of the trade winds, I am not qualified enough to comment it. However, it reminds me of Sénèque’s theory about the winds which were supposed to come from cavities within the Earth’s interior…

I agree that there may be some fluctuation in the global warming tendency but speaking of a pause or hiatus is certainly exaggerated.

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L’observatoire du Mauna Loa  (Photo:  C. Grandpey)

Kilauea, alizés et pollution… // Kilauea volcano, trade winds and pollution…

drapeau francaisOn peut lire sur le site West Hawaii Today un article très intéressant sur les effets que peut avoir sur le climat l’éruption actuelle du Kilauea
L’ouverture du pit crater de l’Halema’uma’u en 2008 a entraîné une augmentation de la pollution volcanique du Kilauea. L’émission accrue de gaz et de particules volcaniques a affecté l’agriculture ainsi que les milieux naturels et humains. Les pannes fréquentes d’alizés entre mars et mai 2013 ont causé des problèmes environnementaux aux habitants de l’est d’Hawaï mais aussi aux producteurs agricoles dont les cultures et le bétail ont subi les effets des panaches volcaniques.
Il est évident que le régime des alizés a changé au cours des 30 dernières années. Des chercheurs de l’Université de Hawaii ont récemment montré une diminution de fréquence des vents du nord-est qui ont pris une orientation plus à l’est. Même si les habitants d’Hawaï sont habitués à l’absence d’alizés, le véritable impact de ce subtil changement apparaîtra avec le temps. En plus des effets du climat et de la météo sur la répartition des émissions du Kilauea, il faut également tenir compte de leur impact potentiel sur les conditions météorologiques et le climat local et régional, ainsi que sur l’équilibre énergétique de la Terre.
Les aérosols tels que ceux associés aux émissions du Kilauea peuvent modifier directement la capacité de la Terre à réfléchir le rayonnement par absorption et diffusion du rayonnement solaire. Ils peuvent aussi affecter indirectement la quantité de rayonnement réfléchi vers l’espace en augmentant la quantité de nuages et leur capacité à réfléchir le rayonnement. Ces processus indirects, qui ne sont pas encore bien quantifiés, ont un effet important sur l’équilibre énergétique de la Terre.
Les éruptions du Kilauea servent actuellement de terrain d’étude sur l’impact des aérosols sur le climat de la Terre. De récentes études effectuées depuis l’espace sur les effets atmosphériques du panache du Kilauea ont montré que la répartition des cumulus générés par les alizés est très sensible à la présence d’aérosols. Il semble donc que les éruptions permanentes, comme celle du Kilauea, peuvent avoir un effet plus important sur le climat qu’on ne le pensait précédemment.
Ces nouvelles études ont des implications potentiellement considérables: elles peuvent nous aider à comprendre comment des volcans qui, comme Kilauea, dégazent continuellement, contribuent à façonner le climat régional et mondial, ; elles  permettent aussi d’obtenir de meilleurs modèles climatiques.

 

drapeau anglaisOne can read on the West Hawaii Today website a very interesting article about the effects on the climate of Kilauea volcano’s current eruption

The opening of Halema’uma’u pit crater in 2008 led to a rise in the amount of volcanic pollution from Kilauea. The increased emission of volcanic gases and particles has affected agriculture, as well as the natural and human environments. The frequent absence of trade winds during March through May 2013 caused environmental problems to East Hawaii residents and agricultural producers whose crops and livestock were impacted by volcanic plumes.

There is evidence the trade wind regime has changed in the last 30 years. Researchers from the University of Hawaii have recently shown a decrease in the frequency of the northeasterly trades, with a shift to more easterly winds. While Hawaii residents are familiar with the effects of absent trade winds, the full impact of this more subtle change will be revealed with time. In addition to considering the effects of climate and weather on the distribution of Kilauea’s emissions, it is also important to consider their potential impact on local and regional weather and climate, as well as on the Earth’s energy balance.

Aerosols such as those associated with Kilauea’s emissions, can directly modify the Earth’s ability to reflect radiation by absorbing and scattering incoming solar radiation. They can also indirectly affect the amount of incoming radiation reflected back into space by increasing the amount of clouds and their ability to reflect radiation. These indirect processes, while not well quantified, have an important effect on Earth’s energy balance.

Kilauea’s eruptions are currently serving as a natural experiment for exploring the impact of aerosols on the Earth’s climate. Recent space-based studies examining the atmospheric effects of Kilauea’s plume have shown that trade wind cumulus cloud patterns are very sensitive to the presence of aerosols; thus, continuous eruptions, such as Kilauea’s, may have a greater effect on climate than previously thought.

These new findings have potentially far-reaching implications: they can help shape our understanding of how continuously degassing volcanoes, such as Kilauea, contribute to regional and global climate and lead to improved climate models.

Kilauea-panache

Le panache de l’Halema’uma’u empoisonne l’atmosphère hawaiienne  (Photo:  C. Grandpey)