1914: Dix mineurs périssent à White Island (Nouvelle Zélande) // Ten miners died at White Island (New Zealand)

  Quand j’ai mis le pied sur White Island en 2009, j’ai été fasciné par ce lieu désertique où les seuls bruits que l’on perçoit sont les glougloutements des mares de boue et le sifflement des jets de vapeur qui s’échappement des évents dans les falaises, signes évidents que le volcan ne dort que d’un oeil.

Dans la partie sud de l’île on peut encore voir les restes d’une structure d’exploitation du soufre abandonnée en 1934, mais qui nous rappelle que vingt années auparavant, dix mineurs ont perdu la vie en ces lieux et que leurs corps n’ont jamais été retrouvés.

Le 7 septembre 1914, dix hommes débarquent sur l’île où ils doivent séjourner plusieurs semaines afin d’exploiter les dépôts de soufre. Albert Mokomoko, le pilote du bateau qui est parti d’Opotiki avec les ouvriers à son bord, promet de revenir la semaine suivante en apportant des vivres et le courrier.

Le 10 septembre, les habitants sur la côte de la Bay of Plenty aperçoivent des nuages noirs qui montent dans le ciel au-dessus de White Island tandis que le vent du large apporte une odeur de soufre inhabituelle.

Le 15 septembre, comme promis, Albert Mokomoko quitte le petit port d’Opotiki et navigue en direction de White Island. La mer est mauvaise et il ne lui est pas possible d’accoster sur l’île. Personne ne répond aux appels qu’il lance en direction du site d’exploitation du soufre.

De retour à Opotiki, il fait par de son inquiétude à ses proches. Les jours suivants, la mer est encore trop forte pour retourner à White Island. Ce n’est que le 19 septembre qu’il peut y débarquer et il se rend compte immédiatement qu’un drame s’est produit. Une large portion de la falaise littorale s’est effondrée et a enseveli l’embarcadère, interdisant tout accostage. Il n’y a aucun signe de vie. Albert Mokomoko rentre en hâte vers Opotiki pour chercher du secours.

L’angoisse s’est emparée de la population mais il reste l’espoir que les mineurs ont eu le temps de fuir par la mer comme l’avaient fait les ouvriers qui travaillaient sur l’île dans les années 1880.

Quand des sauveteurs débarquent finalement sur White Island, ils comprennent tout de suite ce qui s’est passé. Peut-être à cause d’un petit séisme, toute une partie du cône volcanique, minée par les fumerolles,  s’est effondrée dans le lac acide d’eau bouillante à l’intérieur du cratère. L’eau du lac s’est alors transformée en une rivière de boue très chaude qui s’est dirigée vers la mer, emportant tout sur son passage. Les infrastructures de la mine de soufre sont totalement détruites. Les mineurs ont probablement été ensevelis sous plusieurs mètres de débris ou ont été emportés  par la rivière de boue et projetés dans la mer qui se trouve cinquante mètres en dessous de Troops Head. Le seul survivant de la catastrophe est le chat – Peter the Great – que l’on retrouve trois semaines plus tard, indemne mais affamé.

On pense que l’effondrement de la falaise a eu lieu pendant la nuit et que les mineurs ont été surpris pendant leur sommeil, leur interdisant toute fuite.

Source: « Killer Volcanoes » – Claude Grandpey (CéGé Editions), aujourd’hui épuisé.

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Dernière minute: Les autorités néo-zélandaises indiquent qu’une opération de recherche aura lieu le vendredi 13 décembre dès l’aube pour tenter de retrouver les corps des 8 personnes portées disparues à White Island. Le niveau d’alerte volcanique a été abaissé à 2, sur une échelle de 5.

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20 heures (heures française) : L’opération de police visant à retrouver les huit corps victimes de l’éruption de White Island est en cours. Elle a commencé dès l’aube. Il fait suite à des journées de grande frustration de la part des familles en deuil qui ont dû attendre plusieurs jours avant que cette délicate mission puisse avoir lieu.

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22h30: Six corps sont en cours d’évacuation vers le continent.

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When I set foot on White Island in 2009, I was fascinated by this desert place where the only noises that we perceive are the gurgling mud pools and the hissing steam jets that escape from the vents in the cliffs, obvious signs that the volcano only sleeps with one eye.
In the southern part of the island we can still see the remains of a structure of exploitation of sulfur abandoned in 1934, but which reminds us that twenty years ago, ten miners lost their lives in this place and that their bodies have never been found.
On 7 September 1914, ten men landed on the island where they were expected to stay for several weeks to exploit the sulfur deposits. Albert Mokomoko, the pilot of the boat that left Opotiki with the workers on board, promised to return the next week to bring food and mail.
On September 10, people on the Bay of Plenty’s coastline saw black clouds rising in the sky above White Island while the offshore wind brought an unusual smell of sulfur.
On September 15, as promised, Albert Mokomoko left the small port of Opotiki and sailed for White Island. The sea was rough and it was not possible to land on the island. Nobody answered his calls to the sulfur mining site.
Back in Opotiki, he said to his relatives that he was worried. The following days, the sea was still too rough to return to White Island. It was only September 19 that he could disembark and he immediately realized that a tragedy had occurred. A large portion of the coastal cliff had collapsed and buried the pier, prohibiting any berthing. There was no sign of life. Albert Mokomoko hurried back to Opotiki for help.
Anguish had taken hold of the population, but there was still hope that the miners had had time to flee by the sea, as did the workers who worked on the island in the 1880s.

When rescuers finally landed on White Island, they immediately understood what had happened. Perhaps because of a small earthquake, a whole part of the volcanic cone, mined by fumaroles, had collapsed in the acid lake of boiling water inside the crater. The lake water then turned into a very hot muddy river that headed towards the sea, taking everything in its path. The infrastructure of the sulfur mine was totally destroyed. The miners were probably buried under several meters of debris or were washed away by the muddy river and thrown into the sea, which is fifty meters below Troops Head. The only survivor of the disaster was the cat – Peter the Great – which was found three weeks later, unhurt but hungry.
It is believed that the collapse of the cliff occurred during the night and that the miners were surprised during their sleep, so that they had no time to flee.
Source: « Killer Volcanoes » – Claude Grandpey (CéGé Editions), now out of print.

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Last minute: New Zealand officials say they’ll begin Friday, December 13th  to try and recover 8 victims’ bodies believed to remain on White Island. The alert level has been lowered to 2, on a scale of 5.

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20:00 (French time): The police operation to retrieve the eight bodies on White Island is under way. The retrieval operation began at first light. It follows days of growing frustration from grieving families who had to wait several days before the hazardous mission could take place.

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22:30: Six bodies are being airlifted to the continent.

Photo: C. Grandpey

Lassen Peak (Californie)

drapeau-francaisErik Klemetti, professeur de Sciences de la terre à l’Université Denison a mis en ligne sur son blog le film de l’un des épisodes éruptifs du Mont Lassen (ou Lassen Peak) en Californie, entre 1914 et 1917. Comme le fait remarquer Erik , il s’agit de l’une des premières éruptions jamais filmées. Vous verrez la vidéo en cliquant sur ce lien.
https://youtu.be/nZD9K4q55jk
Aujourd’hui, le Lassen Peak est calme et on peut grimper jusqu’au sommet du volcan. L’ascension n’a rien de technique. Une bonne préparation physique préalable suffit pour atteindre le sommet. On découvre alors le cratère qui a été le siège de la dernière éruption. Le paysage est superbe car il embrasse toute la caldeira. Il y a plusieurs sites dignes d’intérêt dans les environs de Lassen Peak, comme Bumpass Hell, Boiling Springs Lake ou Devil’s Kitechen qui présentent des sources chaudes aux belles couleurs.

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drapeau anglaisErik Klemetti, an assistant professor of Geosciences at Denison University has released on his blog a film of one of the eruptive episodes of Mount Lassen (or Lassen Peak) in California from 1914 through 1917. As Erik puts it, it is « one of the first eruptions ever filmed. You can see the video at this address:
https://youtu.be/nZD9K4q55jk
Today, Lassen Peak is quiet and you can climb to the top of the volcano. The climbing is a bit long but not technical. One at the very top, you discover the crater that was the seat of the last eruption. The view is great as it embraces the whole caldeira.
There are more sites to vositin the immediate surroundings of LassenPaek, likr Bumpass Hess, Boiling Springs Lake or Devil’s Kitchen.

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Voici une vue de l’éruption de 1914 (Crédit photo: B.F. Loomis) :

Lassen Peak Peak 1914 (B.F. Loomis)

 Voici le Lassen Peak à l’heure actuelle (Photos: C. Grandpey) :

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Le cratère de Lassen Peak (Photo: C. Grandpey) :

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Le point culminant (3187 m) avec les instruments de l’USGS (Photo: C. Grandpey) :

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Bumpass Hell (Photos: C. Grandpey) :

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Boiling Springs Lake (Photos: C. Grandpey) :

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Devil’s Kitchen (Photos: C. Grandpey) :

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Quand la presse se déchaîne… // When the press gets mad…

drapeau-francaisComme je l’ai indiqué en temps utile, le Sakurajima a connu une séquence éruptive spectaculaire le 5 février, avec un panache de cendre zébré d’éclairs et des retombées de matériaux pyroclastiques sur le sommet du cratère Showa qui a été le siège de l’événement.
La presse s’est emparée de l’éruption avec des titres plus impressionnants les uns que les autres. En fait, elle n’a duré que quelques dizaines de secondes comme l’a montré la vidéo largement diffusée sur Internet. Le niveau d’alerte du volcan a été élevé de 2 à 3, mais l’événement a été qualifié de «modérément fort» par les volcanologues japonais.
On a beaucoup lu sur le fait que le volcan se trouve à quelques dizaines de kilomètres de la centrale nucléaire de Sendai (voir carte ci-dessous). En fait, une éruption comme celle du 5 février ne présente pas de risque réel pour la centrale. Il faut tout de même savoir que le Sakurajima est capable de beaucoup mieux faire, comme ce fut le cas en janvier 1914. L’éruption a alors tué plusieurs dizaines de personnes et provoqué des évacuations. Le volcan a cessé d’être une île car les matériaux émis on comblé le bras de mer qui le séparait du reste de Kyushu.
D’agissant des centrales nucléaires, je suis beaucoup plus inquiet en constatant que le Japon est un pays régulièrement soumis à de puissants séismes et qui comptait 54 réacteurs nucléaires au moment de la catastrophe de Fukushima !

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drapeau anglaisAs I indicated in due time, Sakurajima went through a dramatic eruptive sequence on February 5th, with an ash plume streaked with lightning and incandescent pyroclastic material that fell on the top of the Showa crater that was the seat of the event.
The press told about the eruption with impressive headlines. In fact, it lasted only a few tens of seconds as shown on the video released on the Internet. The volcanic alert level was raised from 2 to 3 but the event was said to be « moderately strong » by Japanese volcanologists.
A lot has been said about the fact that the volcano is a few dozen kilometres from the nuclear plant in Sendai (see map below). In fact, an eruption like that of February 5th presents no real risk to the plant. Sakurajima is capable of much better, as was the case in January 1914. By that time, the eruption killed dozens of people and caused evacuations. The volcano ceased to be an island because the materials it ejected filled the sea that separated it from the rest of Kyushu.
As far as nuclear power plants are concerned, I am much more concerned when seeing that Japan is a country regularly shaken by strong earthquakes, with 54 nuclear reactors on the eve of the Fukushima disaster!

Sendai 2

Sakurajima (Japon): L’éruption de 1914 // The 1914 eruption

drapeau francaisLes derniers bulletins de la Japan Meteorological Agency et le passage du Sakurajima en alerte de niveau 4 (sur une échelle de 5) montrent que la situation doit être prise au sérieux. De plus, la recrudescence d’activité du Sakurajima intervient au moment du redémarrage du réacteur de la centrale nucléaire de Sendai, située à une cinquantaine de kilomètres du volcan. Beaucoup évoquent l’éruption de 1914 qui reste l’une des plus violentes dans l’histoire du volcan.

Voici un extrait du chapitre de mon livre « Killer Volcanoes » (aujourd’hui épuisé) consacré à l’éruption de 1914.

Lorsqu’une éruption commence en janvier 1914, le Sakurajima est endormi depuis un siècle. Elle est annoncée, comme souvent, par une crise sismique qui débute le 11 de ce mois et inquiète les autorités qui prennent tout de suite conscience de la gravité de la situation. Dans la ville de Kagoshima, on enregistre 417 secousses telluriques dans les trente heures précédant l’éruption. 

Dès que la terre se met à trembler le 11 janvier, les 22 000 habitants de l’île où trône à cette époque le Sakurajima, pêcheurs et fermiers pour la plupart, sont évacués en toute hâte à l’aide de tous les bateaux disponibles auxquels viennent se joindre ceux de la marine nationale le lendemain. Une partie de la population de Kagoshima est évacuée elle aussi car elle risque d’être exposée aux fureurs du volcan.  

Les émissions de gaz sont toujours visibles le 12 janvier au matin lorsque cinq bouches au moins s’ouvrent à 10h10 sur le flanc est du volcan. De puissantes explosions font naître d’énormes panaches de cendre d’une dizaine de kilomètres de hauteur. La colonne éruptive s’effondre par moments en déclenchant des coulées pyroclastiques. Les retombées de cendre sont intenses et la couche atteint un mètre d’épaisseur à vingt kilomètres de distance. Plus que l’éruption elle-même, c’est l’effondrement des toitures des maisons – surtout à Kagoshima – qui est responsable des trente-cinq victimes de l’événement. D’autres personnes périssent également – une dizaine semble-t-il – quand se produisent des glissements de terrain provoqués par un violent séisme de magnitude 6,7 à 18h29 le 12 janvier. Il est suivi d’un petit tsunami qui cause des dégâts aux bateaux dans le port.

Dans la soirée du 13 janvier, sur le coup de 20 heures, la région du Sakurajima est secouée par un nouveau séisme. Il marque un profond changement dans le comportement du volcan. Au lieu d’être explosive, l’activité devient effusive et elle donne naissance à deux champs de lave pendant les vingt jours suivants.  

L’activité effusive cesse le 20 janvier sur le versant ouest du Sakurajima mais reste bien présente sur le flanc est où la lave s’échappe de trois ensembles de deux cratères chacun. L’une des bouches de chaque couple laisse échapper la lave qui dégaze bruyamment par l’intermédiaire de sa voisine. La vitesse de progression est estimé à trente mètres à l’heure, ce qui est fort rapide pour de l’andésite. Les coulées couvrent une distance d’environ trois kilomètres depuis leur source et s’étalent sur environ deux kilomètres. Sur les dix-huit villages qui se trouvent sur les flancs du Sakurajima, sept sont recouverts et on estime que 2500 bâtiments ont été détruits par l’éruption. .

Le 1er février, la lave a rempli le chenal large de quatre cents mètres et profond de soixante-douze mètres qui sépare le Sakurajima de la Péninsule d’Oosumi. Le volcan se trouve donc relié au continent !

Dans les mois qui suivent, l’activité continue, alternant les phénomènes explosifs et effusifs, avec une recrudescence de ces derniers sur le versant est le 22 mars 1914. L’éruption s’achève définitivement au début de l’année 1915.

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drapeau anglaisThe latest bulletins from the Japan Meteorological Agency and the elevationof Sakurajima’s alert level to 4 (on a scale of 5) show that the situation must be taken seriously. In addition, the activity increase comes at the time of the restart of the reactor at the Sendai nuclear plant, about fifty kilometers from the volcano. Many evoke the 1914 eruption which remains one of the most violent in the history of the volcano.
Here is a summary of the chapter of my book « Killer Volcanoes » (now out of print) dedicated to the 1914 eruption.

When an eruption began in January 1914, Sakurajima had been asleep for a century. It was preceded, as often, by a seismic crisis that began on January 11th. The authorities got concerned and became immediately aware of the seriousness of the situation. In the city of Kagoshima, 417 earthquakes were recorded within thirty hours before the eruption.
As soon as the earth shook on January 11th , the 22,000 inhabitants of the island under the threat of Sakurajima, fishermen and farmers for most of them, were evacuated on board all available boats, together with  those of the Navy the next day. Part of the population of Kagoshima was also evacuated because it might be exposed to the fury of the volcano.
Gas emissions were still visible on January 12th  in the morning when at least five vents opened at 10:10 on the eastern flank of the volcano. Powerful explosions generated huge plumes of ash ten kilometers high. The eruption column collapsed at times, triggering pyroclastic flows. The ashfall was intense and the ash layer was still a meter thick twenty kilometers away. More than the eruption itself, it was the collapse of the roofs of houses – especially in Kagoshima – which was responsible for the thirty-five victims of the event. Other people also perished –  maybe ten – when landslides were caused by a massive earthquake measuring M 6.7 at 6:29 p.m. on January 12th . It was followed by a small tsunami which caused damage to the boats in the harbor.
On the evening of  January 13th , at 20:00, the Sakurajima region was shaken by another earthquake. It marked a profound change in the behavior of the volcano. Instead of being explosive, activity becomes effusive and gave birth to two lava fields for the next twenty days.
The effusive activity ceased on January 20th on the western side of Sakurajima but remained on the eastern side where lava was coming out of three sets of two craters. One of the vents of each couple of craters released lava that degassed loudly through its neighbor. The speed of the lava was estimated at thirty meters per hour, which is very fast for andesite. Lava flows covered a distance of about three kilometers from their source and spread over a width of about two kilometers. Out of the eighteen villages located on the slopes of Sakurajima, seven were covered by lava and an estimated 2500 buildings were destroyed by the eruption. .
On February 1st, the lava filled the 400-hundred-metre-wide channel, seventy-two meters deep, between Sakurajima and the Oosumi Peninsula. The volcano was thus connected to the mainland!
In the following months, activity continued, alternating explosive and effusive phenomena, with a resurgence of these on the eastern slope on 22 March 1914. The eruption ended for good in early 1915.

Sakurajima-blog

Crédit photo: Wikipedia