Les sargasses envahissent toujours la Martinique

Suite à plusieurs visite sur l’île antillaise, j’ai expliqué dans plusieurs notes sur ce blog que depuis 2011 la Martinique est confrontée à des échouements massifs et répétés d’algues sargasses le long de ses côtes, majoritairement le long de la côte Atlantique, mais la côte caraïbe a également été impactée ces dernières semaines. Les communes de Bellefontaine et Saint-Pierre sont particulièrement touchées, avec une accumulation importante sur leurs fronts de mer. Cette situation affecte considérablement les activités des professionnels de la mer.

Actuellement, 12 communes sont régulièrement touchées, affectant près de 120 000 habitants, soit près d’un tiers de la population de l’île. Malgré les efforts pour limiter l’accumulation, tels que la collecte en mer et le nettoyage des plages, les échouements continuent d’augmenter, entraînant des conséquences écologiques, économiques et sanitaires préoccupantes. Les moyens mis en place ne permettent pas d’apporter une prise en charge suffisante à la population exposée, notamment en ce qui concerne les personnes vulnérables (jeunes enfants, personnes âgées, femmes enceintes), ou personnes à mobilité réduite. En effet, la toxicité aiguë liée à la décomposition de ces algues, notamment les émissions d’hydrogène sulfuré (H2S) et d’ammoniaque (NH3), est bien connue.

D’un point de vue sanitaire, c’est la commune du Robert qui est la plus sévèrement impactée. Depuis 2015, la communauté scolaire du collège Robert 3 (Pontalery) est impactée par les échouements sargasses, avec plusieurs fermetures et délocalisations de l’établissement lors d’épisodes intenses du phénomène. Le jeudi 10 avril 2025, le collège Robert 3 a de nouveau fermé ses portes suite à un nouvel épisode d’échouement massif d’algues sargasses sur le rivage à Pontalery, non loin de l’établissement. L’odeur insupportable des algues brunes en décomposition, la détérioration de l’état de santé de certains membres de la communauté scolaire (élèves et enseignants) et le débrayage (droit de retrait) du personnel enseignant le 9 avril 2025 ont mené à cette fermeture. Une pétition en ligne a été lancée par la communauté scolaire le 9 avril 2025, afin d’exprimer au rectorat et à la mairie, les préoccupations croissantes face à la prolifération et l’invasion de sargasses. Depuis le 9 avril 2025, et malgré le déploiement d’un nouveau barrage bloquant « anti-sargasses » au niveau de Pontalery, le collège Robert 3 reste fermé. Le 15 juin 2025, afin de protéger les enfants, le maire du Robert a pris la décision en accord avec le rectorat, de fermer les écoles suivantes : élémentaire « Edgard LABOURG » de Four à Chaux, maternelle « LES CORAUX » de Cité La Croix, élémentaire « Emile CAPGRAS » de Pointe Lynch à compter de mardi 17 juin 2025. Le maire justifie ce choix par le manque de solutions « face aux arrivages de plus en plus intenses d’algues sargasses ». En effet, « un échouage encore plus volumineux des algues sargasses sur le littoral a été constaté le dimanche 15 juin ».

Dans ce contexte d’envahissement des littoraux martiniquais par les algues sargasses, un Comité Indépendant d’Experts a été instauré le 28 avril 2025, sous la coordination scientifique et médicale du Pr Dabor RESIERE (toxicologue et réanimateur, CHU Martinique) et constitué de 20 membres experts de disciplines diverses. Ce Comité Indépendant a été mis en place sur initiative du Directeur Général de l’ARS de Martinique et du Président du Conseil Exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM). Dans un premier temps, sur la base de son expertise médicale et scientifique, la mission prioritaire du Comité était de contribuer à la prise de décision éclairée des différents acteurs du territoire, face à plusieurs enjeux prioritaires identifiés, notamment concernant le collège Robert 3 et les autres établissements impactés de la commune du Robert.

On vient de le voir avec les établissements scolaires du Robert, des décisions ont effectivement été prises, mais le problème – sanitaire en particulier – des sargasses est loin d’être résolu. Comme je l’ai rappelé pour Mayotte, la Martinique est un département français au même titre que les Alpes-Maritimes. Je me demande comment réagiraient les autorités métropolitaines si des bancs de sargasses apparaissaient le long du littoral de la Côte d’Azur à la veille de la saison touristique… En fait, je connais déjà la réponse !

Sources : CTM, CHU et ARS de la Martinique, Martinique la 1ère. (Photos: C. Grandpey)

Îles volcaniques : Antilles, Polynésie, Réunion

On a pu lire le 30 novembre 2024 sur le site Guadeloupe la 1ère un article consacré à la surveillance des volcans des Petites Antilles, de l’archipel de la Société en Polynésie ou de l’île de La Réunion. Au travers de leurs éruptions, ils ont influencé la géographie, l’histoire et l’identité de ces régions. Aujourd’hui, les scientifiques cherchent à anticiper les éventuels aléas déclenchés par ces géants. Nous ne savons pas prévoir mes éruptions, mais les instruments dont sont truffés ces volcans permettent de mieux comprendre, voire d’anticiper, leur comportement.

L’article rappelle que dans l’arc insulaire des Petites Antilles, émergé il y a plusieurs millions d’années grâce à la subduction de la plaque Amérique sous la plaque Caraïbe, tous les sommets sont d’origine volcanique. Près de vingt volcans sont considérés comme actifs dans les Petites Antilles.

On se souvient que l’île de Montserrat a été profondément affectée par le réveil du volcan Soufrière Hills en 1995, avec l’évacuation d’une partie de la population. En 1997, plusieurs éruptions ont ravagé l’aéroport. Plymouth, la capitale a été détruite et recouverte de cendres à 80%. Une grande partie de l’île est désormais une zone d’exclusion. En février 2010, une explosion a provoqué des nuées ardentes et un panache de cendres qui a atteint les îles voisines de la Guadeloupe et d’Antigua.

Crédit photo: Wikipedia

Une autre Soufrière domine la Guadeloupe. Le volcan a connu sa dernière activité importante en 1976-1977. En 1976, 70 000 personnes ont été déplacées à tort par ordre préfectoral, sur recommandation de Claude Allègre qui avait profité de l’absence d’Haroun Tazieff, alors en Équateur, pour interpréter faussement les résultats de l’équipe du volcanologue français. 25 000 avaient anticipé une possible catastrophe et trouvé refuge sur Grande-Terre. Beaucoup ne reviendront pas.

Crédit photo: Wikipedia

L’éruption la plus dramatique a été celle de la Montagne Pelée en 1902 à la Martinique. Ce réveil tragique a détruit Saint-Pierre et tué pas moins de 28 000 personnes. C’est l’éruption la plus meurtrière du 20ème siècle. À noter qu’elle a occulté une éruption du Santa Maria qui a eu lieu au même moment au Guatemala et qui a tué quelque 5 000 personnes. L’éruption de la Pelée a été remarquablement narrée par Alfred Lacroix dans son ouvrage Les éruptions de la Montagne Pelée. Il a été le premier à décrire avec précision le déroulement des coulées pyroclastiques. De nos jours, le volcan est surveillé par les scientifiques de l’Observatoire volcanologique et sismologique de la Martinique (OVSM).

Photo: C. Grandpey

La Dominique héberge neuf volcans actifs, dont le Morne aux Diables et le Morne Trois Pitons. L’activité volcanique a créé des sources chaudes. Le Boiling Lake est l’un des rares cratères bouillonnants au monde. Ravagée par d’autres catastrophes naturelles telles que les ouragans, « l’île nature des Caraïbes » se reconstruit. Les habitants acceptent avec fatalisme une prochaine catastrophe inéluctable.

Crédit photo: Geology Science

S’agissant de la Caraïbe, j’ajouterai Kick ’em Jenny, volcan sous-marin actif situé au fond de la mer des Caraïbes, à 8 km au nord de l’île de Grenade. L’édifice s’élève à 1 300 m au-dessus du fond de la mer. La première éruption historique ce volcan date de 1939 avec un nuage de vapeur et de débris et une série de tsunamis d’environ deux mètres de hauteur qui ont frappé les côtes du nord de la Grenade et du sud des Grenadines. Les habitants de la Caraïbe sont intrigués par ce volcan et m’ont posé plusieurs questions à l’issue de ma dernière conférence au CDST de Saint Pierre.

Source: Smithsonian Institution

L’île de La Réunion dans l’océan Indien et les îles de l’archipel de la Société en Polynésie française connaissent un autre contexte géologique. Elles sont situées sur des zones de points chauds où le magma remonte du manteau terrestre et perce la croûte océanique, créant ainsi des volcans qui émergent de l’océan et qui, peu à peu avec l’aide de l’érosion, disparaissent sous la surface de l’océan. Les récifs coralliens qui les entourent forment un anneau de corail créant un atoll.

Le Piton de la Fournaise entre régulièrement en éruption à La Réunion. C’est l’un des volcans les plus actifs de la planète. Les éruptions peuvent s’observer de loin – de trop loin selon beaucoup de gens – et elles attirent des foules de spectateurs fascinés par la beauté des colères de la Terre.

Photo: C. Grandpey

Réchauffement climatique : La Martinique manque d’eau !

Pendant que la métropole se lamente à cause d’une météo pourrie pendant ce mois de mai, la Martinique est confrontée à une sécheresse et une situation hydrique exceptionnelles. Pour la première fois de son histoire, l’île a été placée en situation de « crise sécheresse » par la préfecture le 17 mai 2024 et les prévisions ne permettent pas d’envisager d’amélioration à court terme.

Des mesures strictes ont été prises par les autorités. Un arrêté préfectoral interdit les lavages de voitures et de bateaux, y compris par des professionnels. Une réduction de 25% de la consommation d’eau est imposée aux entreprises consommant plus de 1 000 m³ par an.

Il faut savoir qu’à la Martinique le réseau d’eau est loin d’être performant, avec des coupures fréquentes en temps normal. La situation de sécheresse ne fait qu’aggraver la situation. Depuis début avril, les Martiniquais, en particulier dans le centre et le sud de l’île, doivent composer avec des coupures d’eau tournantes en raison de la baisse du débit des rivières. Une vingtaine d’écoles ont dû fermer, faute de pouvoir assurer les conditions sanitaires d’accueil des élèves.

Au manque de pluie s’ajoutent des records de chaleur avec des températures supérieures de 2°C aux moyennes connues sur les cinq premiers mois de l’année. 8 vagues de chaleur ont été enregistrées entre juillet et septembre 2023. Toute la Martinique est concernée, mais la chaleur a été ressentie particulièrement dans les plaines comme celle du Lamentin et celle de Ducos.

Les climatologues expliquent que quatre facteurs contribuent à cette vague de chaleur et de sécheresse. La période de juillet à septembre est réputée pour ses températures élevées. Les émissions des gaz à effet de serre n’ont pas diminué et donc encouragé l’accélération du réchauffement climatique. Le phénomène El Niño a contribué à la hausse des températures dans la Caraïbe. La saison cyclonique est également tenue pour responsable car elle a provoqué des pannes d’alizés et cette absence de vent a eu des conséquences sur la hausse des températures.

 

En bleu, les écarts de température minimales par rapport à la normale et en rouge les écarts de température maximales (Source : Météo France)

Source : France Info.

La Martinique bientôt au patrimoine mondial de l’UNESCO ?

Attente et angoisse commencent à monter à la Martinique. Du 10 au 25 septembre 2023 à Riyad en Arabie saoudite, la candidature de la Martinique sera examinée par le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette candidature concerne les « Volcans et forêts de la Montagne Pelée et pitons du nord de la Martinique« .

Plusieurs sites naturels de Martinique sont sélectionnés. Il s’agit du Mont Conil et de la Montagne Pelée, des Pitons du nord (ils sont au nombre de 13 avec ceux du Carbet), et du Morne Jacob. Avec le choix de ces sites, la Martinique met en avant sa biodiversité – avec les forêts – et sa géologie – la Montagne Pelée et l’éruption péléenne de 1902. La formation de la Montagne Pelé a aussi contribué à celle des pitons du Carbet / Morne Vert, une combinaison géologique unique au monde.

Selon les autorités locales, « si la candidature de la Martinique est retenue, les retombées attendues seront importantes. Les sites mentionnés ci-dessus auront une visibilité internationale prestigieuse comme celle du Mont Saint Michel, du Grand Canyon, de la grande muraille de Chine. »

Cette mise en avant internationale devrait provoquer une augmentation de la fréquentation touristique de 30 à 40%. Il ne faut toutefois pas s’emballer à ce sujet. Je n’ai pas l’impression touristique ait considérablement augmenté en Auvergne. Pour ce faire, il faudrait une campagne publicitaire digne de ce nom.

La 45ème session du Comité du patrimoine mondial aura à examiner 52 dossiers. Celui de la Martinique sera le 4ème à être scruté par le comité. La décision devrait être connue le 17 septembre à 1h du matin, heure de la Martinique.

Source : Martinique la 1ère.

NDLR : Je suis relativement optimiste quant au verdict du Comité. Avec la Montagne Pélée qui est une référence dans le monde de la volcanologie, la Martinique possède un sacré atout pour être élue. En métropole, la Chaîne des Puys et la Faille de la Limagne ont été inscrites au Patrimoine mondial de l’UNESCO, après plusieurs tentatives infructueuses, il est vrai. La Martinique mérite largement cet honneur !

Photo: C. Grandpey