Pont sur le détroit de Messine : Piqûre de rappel en Sicile

Alors que projet de construction d’un pont pour enjamber le détroit de Messine entre la Calabre et la Sicile est de plus en plus à l’ordre du jour, des voix se font régulièrement entendre pour rappeler que la région est exposée aux séismes. Les concepteurs de ce qui serait la plus long pont suspendu au monde (3666 mètres) rétorquent que la structure est capable d’encaisser une secousse de M7,1, comme celle qui a dévasté Messine en 1908.

Maquette du Ponte sullo Stretto

La construction du pont est censée débuter début 2026, mais dans les faits, la situation s’avère bien plus complexe, avec en particulier un refus de la Cour des Comptes de valider le projet. L’un des enjeux les plus cruciaux concerne le respect des réglementations environnementales et parasismiques. Plusieurs experts ont souligné ces lacunes, insistant sur le caractère non durable du projet et les risques associés. Il convient de rappeler que la zone concernée par la construction du pont a été le théâtre de l’un des pires séismes de l’histoire en Europe : le 28 décembre 1908, une violente secousse de magnitude M7,1, suivie d’un tsunami, a détruit les villes de Messine et de Reggio de Calabre. Cette catastrophe a coûté la vie à environ 80 000 personnes. Il ne faudrait pas oublier, non plus, qu’il y avait eu auparavant un séisme en Calabre méridionale en 1783, mais pour lequel aucune valeur de magnitude fiable n’a pu être obtenue.

 Image du séisme de 1908 à Messine

Aujourd’hui, certains experts redoutent que le pont s’effondre en cas de séisme d’une magnitude supérieure à M7,1 et estiment qu’il faudrait retenir l’hypothèse d’une secousse de M7,8, estimée par certains sismologues. Ces derniers font remarquer que pour un ouvrage stratégique comme le pont, il est essentiel de prévoir des marges de sécurité adéquates et ils rappellent que l’échelle de magnitude est logarithmique.
Le pont enjambant le détroit de Messine ne serait pas le premier construit en zone sismique. Au Japon, un ouvrage semblable enjambe le détroit d’Akashi, avec une travée suspendue de près de 2 km de long. En Turquie, le pont qui enjambe le détroit des Dardanelles a été construit avec une travée unique de plus de 2 km.

Alors que le débat autour du pont sur le détroit de Messine anime toujours les conversations, un séisme de magnitude M3,6 a été enregistré le 2 décembre 2025 à 23h16 dans le nord-est de la Sicile, dans la région de Messine. Selon l’INGV, l’épicentre se situait à une profondeur de 49 kilomètres, près des communes d’Itala et de Rometta. Aucun dégât ni blessé n’a été signalé.

Cette secousse est là pour rappeler que cette partie de la Sicile est particulièrement sujette aux séismes et qu’il ne faudra pas se tromper pour définir les paramètres parasismiques qui encadreront la construction du pont….si elle se fait un jour !

 Il y a un énorme fossé entre la maquette et la réalité

Source: presse italienne.

Le pont sur le Détroit de Messine et le risque sismique

Le 6 août 2025, le gouvernement italien a donné son accord définitif à un projet de 13,5 milliards d’euros visant à construire le plus long pont suspendu au monde, reliant l’île de Sicile à la Calabre sur le continent. Le ministre des Transports et des Infrastructures, Matteo Salvini, a déclaré qu’un comité ministériel donnerait son feu vert au Ponte sullo Stretto financé par l’État qui enjambera le détroit de Messine, marquant ainsi une « page historique » après des décennies de planification.

                                                                                                                                                                                                                Le pont, d’une longueur totale de 3 666 mètres (avec une travée centrale de 3 300 mètres) comportera deux pylônes de 399 mètres de haut qui seront implantés sur les côtes calabraise et sicilienne. Le pont mesurera 72 mètres de haut pour permettre le passage des navires. Deux paires de câbles, de 1,26 mètre de diamètre chacune, sont constituées de 44 323 fils d’acier.. La capacité routière maximale du pont sera de 6 000 véhicules par heure, tandis que sa capacité ferroviaire maximale sera de 200 trains par jour. Le projet de pont comprend 40 kilomètres de liaisons routières et ferroviaires.

Source: ministère des Transports

Prévu pour être achevé d’ici 2032, le gouvernement affirme qu’il s’agit d’une prouesse technique, capable de résister aux vents violents et aux tremblements de terre dans une région fortement sismique. Et pour cause : le détroit de Messine doit son existence à deux grands ensembles de failles normales qui se font face, formant un graben envahi par la mer. Sicile et Italie sont donc situées sur deux blocs qui se déplacent l’un par rapport à l’autre en produisant fréquemment de puissants séismes.

Le risque sismique a souvent été au cœur de débats houleux lorsque la construction d’un pont sur le Détroit de Messine a été envisagée. Selon Carlo Doglioni, ancien président de l’INGV, des séismes plus violents que ceux prévus par la conception du pont sont possibles dans le détroit de Messine. Selon lui, la conception est basée sur une accélération du sol en cas de séisme conforme à la loi, mais inférieure à celle enregistrée mors des événements de L’Aquila ou Amatrice. Le pont, tel que conçu actuellement, pourrait ne pas résister à un séisme similaire à ceux de L’Aquila en 2009 ou Amatrice en 2016. Bien que la magnitude des deux séismes ait été respectivement de M6,3 et M6,0, bien inférieure à la magnitude de M7,1 qui a probablement caractérisé le séisme de Messine de 1908 et qui a servi de référence pour le pont, ce dernier pourrait être trop faible pour y résister. En effet, la conception a sous-estimé une valeur qui, plus encore que la magnitude, permet de prédire si une structure résistera à une secousse ou à un effondrement. La valeur en question correspond à l’accélération maximale du sol au moment d’un séisme. À L’Aquila et à Amatrice, des valeurs proches de l’accélération de la pesanteur (9,806 65 m/s2) ont été atteintes. La conception actuelle du pont exige que les pylônes et les ancrages des câbles résistent à une valeur ne représentant que 58 % de l’accélération de la pesanteur. Elle est inférieure à ce que l’on a mesuré lors de nombreux séismes récents en Italie et dans le monde. Il faut donc croiser les doigts pour que le pont ne se fasse pas piéger parce type d’accélération du sol.

Source: INGV

Le gouvernement espère que le Ponte sullo Stretto apportera croissance économique et emplois à deux régions italiennes pauvres, la Sicile et la Calabre. Matteo Salvini promet que le projet créera des dizaines de milliers d’emplois. Il a cependant été très long çà se mettre en œuvre ; il a suscité des protestations locales, en raison de son impact environnemental et de son prix, cet argent pouvant être, selon les détracteurs, mieux utilisé ailleurs.

Source : presse italienne.

Les Islandais vont-ils faire le pont ? // Will Icelanders build a bridge ?

Alors que l’on craignait que l’éruption dans la Geldingadalur prenne fin, un ingénieur islandais a suggéré un moyen de mettre la route côtière – Suðurstrandarvegur – à l’abri de l’éruption. Avec d’autres ingénieurs, il a soumis, dans la cadre de la protection civile, un projet de pont sur Suðurstrandarvegur (voir schéma ci-dessous).

Le projet serait simple et facile à mettre en œuvre. La construction de ce pont permettrait à la lave de s’écouler au-dessus de la route et de prendre la direction de la mer. De plus, des rampes de guidage le long de la route côtière canaliseraient la lave vers le pont pour qu’elle passe au-dessus de la route.

Le projet présenterait de nombreux avantages. A supposer que l’éruption dure plusieurs années, Suðurstrandarvegur pourrait rester ouverte. Les conduites d’eau, l’électricité et les câbles à fibres optiques, que l’on craignait voir disparaître, seraient épargnés par la lave. Par ailleurs, les ingénieurs précisent qu’il est peu probable que la pression exercée par la lave emporte le pont.

Source : Reykjavik Grapevine.

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While it was feared the eruption in Geldingadalur might come to an end, an Icelandic engineer suggested a way to save the costal road – Suðurstrandarvegur – from the eruption. Together with other engineers, he submitted a proposal on the basis of civil protection, for a bridge to be built over Suðurstrandarvegur (see below).

The plan would be simple and easy to implement. With the construction of this bridge, the structure would allow for a passage of flowing lava over the road and towards the sea. Additionally, there would be guidance ramps alongside the coastal road channeling the lava towards the bridge and over the road.

There would be many benefits with the plan. Even if the eruption is lasted for years, Suðurstrandarvegur could stay open. It would also provide a safe area for water pipes, electricity, and the fiber optic cables that have been of concern. Moreover, the engineers explain that it is unlikely that the lava would take the bridge with it.

Source : Reykjavik Grapevine.

Le schéma proposé comporte – du bas vers le haut – une structure en béton et en acier sur laquelle repose la lave plus ancienne (en jaune) et, au dessus, l’épaisseur possible de nouvelle lave (en rouge) [Source : Visir]

Un pont sur le détroit de Messine ? Attention aux séismes !

Suite à ma note évoquant le Pont qui joue l’arlésienne sur le détroit de Messine, certains visiteurs de mon blog m’ont fait remarquer qu’un tel ouvrage serait exposé aux séismes qui secouent périodiquement cette région de l’Italie. Cette remarque est tout à fait exacte et la sismicité est l’un des facteurs qui ont entravé la réalisation du projet.

Par sa situation tectonique, le sud de la Sicile est souvent secoué par des tremblements de terre. L’île se situe sur la zone de subduction où la plaque africaine plonge sous la plaque eurasiatique. Cette zone de subduction est par ailleurs responsable de la formation de l’Etna.

La plupart des séismes ont lieu le long de l’arc siculo-calabrais, une zone bien connue où les failles s’étirent sur environ 370 kilomètres en formant trois segments. Le segment calabrais est responsable de la série de séismes qui ont frappé la Calabre en 1783.

Côté sicilien, l’histoire révèle plusieurs séismes dévastateurs.

Un séisme particulièrement destructeur s’est produit le 4 février 1169 à 7 heures du matin à Catane, à la veille des célébrations de Sainte Agathe. Il a été suivi d’un tsunami. La magnitude de cet événement se situait probablement entre M 6,4 et M 7,3. Catane, Lentini et Modica sont les villes qui ont été les plus sérieusement touchées. Le séisme a causé la mort d’environ 15 000 personnes.

Le séisme du 11 janvier 1693 à 21 heures au Val di Noto dans le sud-est de la Sicile fut, lui aussi, suivi d’un tsunami, Avec une magnitude de M 7,4, il est considéré comme le plus puissant séisme dans l’histoire italienne. Il a entraîné la destruction d’environ 70 villes ou villages, provoqué des dégâts sur une zone de 5 600 km2 et causé la mort d’environ 60 000 personnes.

Le séisme du 28 décembre 1908 à 5h20 du matin à Messine a touché le nord-est de la Sicile.   et la pointe Sud-Ouest de la Calabre. Son épicentre se trouvait dans le détroit de Messine. La secousse d’une durée de 30 secondes a été suivie d’un tsunami qui a détruit les villes de Messine, Reggio de Calabre et Palmi. Les câbles téléphoniques et télégraphiques dans le détroit de Messine ont été rompus. La catastrophe a tué entre 75 000 à 200 000 morts, selon les estimations. Les victimes ont été plus nombreuses en Calabre qu’en Sicile. Les autorités italiennes font souvent référence à ce séisme majeur pour justifier leur peu d’empressement à édifier un pont au-dessus du détroit de Messine.

Le séisme de la nuit du 14 au 15 1968, connu aussi sous le terme italien Terremoto del Belice, a touché toute la vallée du Belice, une zone comprise entre les provinces de Palerme, Agrigente et Trapani. Plusieurs localités de cette zone ont été détruites. Le bilan est lourd : officiellement 370 morts, mais en réalité probablement plus de 400, un millier de blessés et plus de cent mille sans abris.

Le 13 décembre 1990, un séisme de magnitude M 5,8 a frappé la Sicile, entre Catane et Raguse, faisant 17 morts et 200 blessés et 2500 sans abris, avec de graves dommages matériels.

Plus près de nous une forte secousse a été enregistrée le 22 décembre 2020 à 21h27 à Raguse. Sa magnitude a été estimée à M 4,6, avec un hypocentre à 30 km de profondeur. L’épicentre a été localise en mer entre Santa Croce Camerina e Gela, dans la province de Raguse. L’événement n’a causé ni victimes, ni dégâts majeurs. .

La nuit du 31 décembre 2020 a été agitée dans la région de Catane! À partir de 20h59, un essaim sismique avec des événements d’intensité croissante a été ressenti par la population. L’épicentre de l’essaim a été localisé à 3 km au nord-est de Ragalna, dans la région de l’Etna. Les deux secousses les plus significatives avaient une magnitude de M 3,5 sur l’échelle de Richter, à une profondeur de 11 et 14 km. Aucun dégât matériel ou humain n’a été signalé. Dans le même temps, l’activité strombolienne se poursuivait au sommet de l’Etna, mais il ne semble pas y avoir de lien entre cette sismicité et l’activité volcanique.

Ces différents événements confirment que la Sicile et la Calabre sont des zones très sensibles d’un point de vue sismique et que la construction d’un pont – même répondant aux normes parasismiques – sur le détroit de Messine n’est pas sans risques.

On va me rétorquer que des ponts ont été construits dans d’autres régions sismiques du globe comme la Californie qui est exposée aux frasques de la Faille de San Andreas. Ainsi, le séisme du 17 octobre 1989 a secoué la San Francisco Bay Area. Il a tué 63 personnes et blessé 3800 autres, avec des dégâts estimés à l’époque à 6 milliards de dollars. Avec une magnitude de M 6,9, c’est le plus violent séisme enregistré en Californie depuis celui de 1906. C’est à San Francisco et Oakland que les dégâts les plus importants ont été observés. Dans cette dernière ville, le système de transports a beaucoup souffert, avec l’effondrement du

 Cypress Street Viaduct où de nombreuses personnes ont péri. Le San Francisco–Oakland Bay Bridge a également été endommagé quand le niveau supérieur de circulation s’est effondré. Suite à ce séisme, tous les ponts de la région ont été renforcés àfin de mieux faire face aux prochains séismes.

San Francisco–Oakland Bay Bridge en 1989

(Source : médias américains)