La mort des glaciers pyrénéens et le dégel des glaciers alpins

On le sait depuis plusieurs années : avec les réchauffement climatique, les glaciers des Pyrénées sont en sursis et la canicule de ces derniers jours aura forcément accéléré leur agonie. Tous les témoignages vont dans le même sens et arrivent à la même conclusion : il n’y aura plus de glace sur la chaîne d’ici 2040 ou 2050, peut-être même avant.

Plusieurs visiteurs de mon blog m’ont fait part de leurs observations à l’issue de randonnées dans le massif.

Le glacier de la Maladeta fait partie des victimes du réchauffement climatique. Voici deux photos prises depuis Vénasque.

 

Des photos du cirque des Crabioules montrent l’étendue des dégâts, même si le Maupas (3109 mètres) abrite encore un famélique névé… Au cours des années 1960, toute la zone grise des moraines était couverte de glaciers.

 

Un ami qui a randonné dans le secteur de Gavarnie m’explique qu’ « à part un petit névé juste en dessous de la brèche de Roland, il n’y a absolument plus de glacier et c’est à la fois un crève cœur et des difficultés supplémentaires pour accéder au site, tellement le sol rempli de pierres est glissant et instable. »

Même punition pour le glacier des Oulettes de Gaube à 2285 m d’altitude, dans le massif du Vignemale. L’immense masse de glace d’autrefois n’offre plus désormais qu’une mince étendue et ses jours sont comptés. Comme pour ses homologues pyrénéens, sa disparition bouleversera à tout jamais le paysage de la région. Il y a eu peu de neige sur le glacier cet hiver, 3 ou 4 mètres de neige au maximum alors qu’il y en avait 6 ou 7 mètres il y a quelques années. Avec la chaleur au printemps, tout a fondu et la zone d’accumulation ne s’est donc pas rechargée.

Depuis 1850, le glacier des Oulettes a perdu pratiquement 600 mètres de longueur, soit plus de la moitié de sa taille. Depuis 1980, sa diminution de longueur s’est accélérée en lien avec l’accélération du réchauffement climatique. On estime qu’il lui reste encore cinq ans à vivre. Cela correspond à une tendance globale : au cours des vingt dernières années, le nombre de glaciers dans les Pyrénées a été divisé par deux, ainsi que leur surface totale. Il y avait une centaine de glaciers dans le massif vers le milieu du 19ème siècle. Aujourd’hui, une vingtaine ont disparu, emportant avec eux une part de la biodiversité montagnarde.

À la disparition des glaciers dans les Pyrénées s’ajoute une autre mauvaise nouvelle. Selon les climatologues, dans 70 ans , il n’y aura plus de neige sur la chaîne. 70 ans, c’est demain, avant la fin du 21e siècle ! Les stations de ski pyrénéennes ont intérêt à diversifier leurs activités ; c’est urgent !

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De son côté, la police suisse mets en garde les alpinistes sur les risques des chutes de pierres et de glace occasionnés par la vague de chaleur qui s’est abattue sur le massif alpin. On recense de nombreux décès cette année, surtout parmi les étrangers.
Les températures élevées ont mis en péril le regel nocturne qui assure habituellement la cohésion de la roche gelée. Avec le dégel qui en résulte, des plaques et blocs de glace tels que les séracs, ainsi que des formations rocheuses maintenues ensemble par la glace, ppeuvent lâcher prise et constituer une menace pour les alpinistes.
Depuis le début de l’année 2023, 17 alpinistes ont perdu la vie à haute altitude dans les Alpes valaisannes. C’est plus que les bilans annuels enregistrés au cours de chacune des cinq années précédentes. Par ailleurs, six randonneurs sont morts cette année lors d’excursions à basse altitude dans le Valais.
Seules cinq de ces 23 victimes étaient suisses. Les autres sont des ressortissants autrichiens, belges, britanniques, néerlandais, français, allemands, italiens, roumains, taïwanais et ukrainiens.
Source : Associated Press.

Massif du Mont Rose au-dessus de Zermatt Photo: C. Grandpey

Pyrénées : glaciers en péril, marmottes en souffrance

Un cliché pris le 6 août 2020 et visible sur le site Météo Pyrénées montre que le glacier des Gourgs Blancs – dans le Luchonnais – a totalement disparu de la chaîne pyrénéenne, victime des dernières fortes chaleurs liées au réchauffement climatique. D’autres sont en passe de subir le même sort.

C’est un guide de montagne qui a pris le cliché. Le site est difficilement accessible, donc on ne peut pas dire si la disparition du glacier a eu lieu en 2022 ou en 2021, mais les faits sont là : il n’y a plus de glacier des Gourgs Blancs.

Comme ce glacier, de nombreux sites des Pyrénées sont directement touchés par le réchauffement climatique. J’ai récemment mentionné le glacier des Oulettes qui est en grande souffrance, lui aussi. Dans le Luchonnais, on surveille aussi le glacier du Seil de la Baque, dont il ne reste plus grand chose, alors que c’était l’un des plus grands du massif pyrénéen au 19ème siècle.

D’une manière générale, tous les glaciers sont en train de disparaître. Pas de pluie et des températures en hausse; tout est réuni pour que les glaciers fondent…

En haut le glacier des Gourgs Blancs au début du 20ème siècle. En bas une photo prise le 6 août 2022 (Source: Météo Pyrénées)

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Il n’y a pas que les glaciers qui souffrent de la chaleur dans les Pyrénées. La faune éprouve, elle aussi, des difficultés à s’adapter à la hausse rapide des températures. Les naturalistes ont en particulier remarqué que la population de marmottes commence à se réduire en raison du réchauffement climatique.

Dans la vallée d’Ossau, une équipe de naturalistes procède chaque année à un décompte et a constaté l’effet du changement climatique sur ces rongeurs. Un scientifique explique qu’en 2022, sur quinze terriers étudiés, seuls trois ont eu une reproduction effective, ce qui est assez faible.

Depuis 2016 le taux de reproduction des marmottes est en baisse dans les Pyrénées. D’une manière plus globale, on constate une tendance à la baisse des espèces de haute altitude, avec un impact inévitable sur toute la biodiversité.

Sur cinq espèces suivies dans la vallée d’Ossau, toutes sont déjà impactées par le réchauffement climatique. Selon les biologistes, dans les prochaines années la montagne va changer, des espèces vont apparaître, d’autres vont disparaître, là où certaines s’adapteront.

Photo: C. Grandpey